ACTE V Le décor représente une ville et une porte d'entrée, avec dans le lointain un effet de perspective. L'acte...
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ACTE V
Le décor représente une ville et une porte d'entrée, avec
dans le lointain un effet de perspective.
L'acte V déborde l'unité de· temps; le IVe acte en effet,
qui s'est achevé à l'heure du souper, a mis fin à une journée
bien remplie.
Maintenant, nous sommes au lendemain, pour
des raisons évidentes : la statue du Commandeur rend son
invitation à Don Juan vingt-quatre heures après.
De plus, il
était nécessaire de laisser à Don Juan un temps de réflexion
entre les avertissements successifs et le châtiment.
Quant
à l'unité de lieu, elle est encore moins respectée puisque cha
que acte s'accompagne d'un changement de décor.
Don
Juan, après avoir erré de lieux clos (!,IV) en lieux ouverts
(11,111), se trouve ici dans un lieu de passage, la porte d'une
ville, ce qui justifie les diverses rencontres qu'il va faire.
Ce dernier acte, dont l'unité est problématique, est d'une
extrême rapidité.
L'acte IV semblait avoir épuisé toutes les
combinaisons possibles.
Or l'acte V rebondit sur un coup de
théâtre : la fausse conversion de Don Juan.
Après avoir feint
devant son père le plus profond repentir (scène 1), Don Juan
fait devant Sganarelle un éloge cynique de l'hypocrisie (scène
2).
Ce dernier trait de caractère, qui va précipiter la perte
de Don Juan, permet à Molière de régler ses comptes avec
la cabale des dévots qui l'a empêché de jouer Tartuffe.
li reste un dernier nœud dramatique à trancher, suspendu
depuis l'acte Ill, celui du duel avec Don Carlos.
Devant le
frère d'Elvire venu lui demander réparation, Don Juan met
en pratique les principes énoncés à la scène précédente, et
feint d'être touché par la grâce (scène 3).
Les signes se mul
tiplient et la damnation de Don Juan est imminente (scène
4).
L'apparition d'un spectre (scène 5), puis celle du Com
mandeur (scène 6), n'ont pas raison de l'endurcissement de
Don Juan qui, entraîné par la statue, disparaît dans les flam
mes de l'enfer, laissant Sganarelle seul et sans argent.
ACTE V, SCÈNE 1
(DON LOUIS, DON JUAN, SGANARELLE)
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La scène, solennelle, met de nouveau face à face le père
et le fils.
Don Louis, au comble du ravissement, s'interroge
sur la nouvelle que vient de lui annoncer Don Juan : le Ciel
a-t-il exaucé ses prières ? Les paroles de son fils sont-elles
véridiques ? Sa conversion est-elle bien assurée ? Don Juan,
« faisant l'hypocrite», répond longuement et se livre à une
profession de foi circonstanciée.
Oui, il est« revenu de tou
tes [ses] erreurs», le Ciel« a touché [son] âme et dessillé
[ses] yeux».
Comment d'ailleurs a-t-il pu si longtemps sup
porter ses« abominations», sans le frapper de sa justice !
C'est assurément une preuve de sa miséricorde.
Aussi a-t-il
décidé d'effacer le scandale de sa vie passée afin d'obtenir
le pardon du Ciel.
Et Don Juan prie son père de l'y aider en
lui désignant un directeur de conscience.
Don Louis, ravi d'un
tel langage, déclare oublier toutes les offenses qui lui a fai
tes Don Juan.
Sa tendresse de père est ravivée à ce seul
discours ! Pleurant de joie, il remercie le Ciel et prend son
fils dans ses bras, en l'exhortant à tenir ses promesses.
Puis
il part annoncer à la mère de Don Juan ce changement, afin
de« partager avec elle les doux transports du ravissement»
où il se trouve.
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Une scène édifiante
Si l'on songe que, la veille au soir, Don Juan maudissait son père,
ce brusque revirement surprend le spectateur qui, à l'imitation de Don
Louis, s'interroge sur la sincérité de cette conversion.
Mais les flots
d'éloquence pieuse de Don Juan endorment les soupçons de son vieux
père, pressé, en son grand âge, de se réconcilier avec son fils.
Un second Tartuffe
De même que Molière, à l'acte IV, scène 5 de Tartuffe, nous avertit
dans une didascalie* que« c'est un scélérat qui parle», de même ici,
il ajoute : Don Juan, « faisant l'hypocrite ».
Cette indication est capi
tale et doit être perçue à travers le jeu de l'acteur, de façon que le spec
tateur pressente la supercherie.
Ce dernier trait du personnage est
directement lié aux démêlés de Molière avec les dévots, responsables
de l'interdiction du premier Tartuffe en 1664, un an avant Dom Juan.
Mais cet enrichissement du personr:1age.
traditionnel, en accord avec
l'actualité (le style dévot que Don Juan manie avec virtuosité est celui
de tout un clan de la société du XVII• siècle), est parfaitement conforme
à la ligne d'ensemble.
La noirceur et le cynisme du personnage n'en
ressortent que mieux.
ACTE V, SCÈNE 2
(DON JUAN, SGANARELLE)
i;J:f.."1'b'd=i
Sganarelle s'est laissé prendre au nouveau langage de son
maître et laisse éclater sa joie.
Don Juan le dément aussi
tôt : non, il n'a pas changé.
Ouê;!nt à la statue, «il y a bien
quelque chose là-dedans qu'[il] ne comprend pas ; mais quoi
que ce puisse être, cela n'est pas c,apable ni de convaincre
[son] esprit, ni d'ébranl�r [son] âme».
Et Don Juan d'expli
quer à Sganarelle sa nouvelle.-tactique.
Son projet de réfor
mer sa conduite et de mener une «vie exemplaire» est un
pur«stratagème», une«grimace» pour ménager son père,
dont il a besoin, et se protéger des hommes qui lui cherche
raient des ennuis.
Sganarelle, incrédule, insiste : sans rien
croire, Don Juan, veut jouer l'honnête homme! Don Juan
répond par un éloge de l'hypocrisiei : il y a tant de gens qui
se servent de ce «masque» poun«abuser le monde!».
C'est«un vice à la mode», et le rdle«d'homme de bien»
est le meilleur que l'on puisse jouer aujourd'hui.
C'est une
profession avantageuse, un art respecté.
Pour quelle raison ?
Parce qu'à la différence des autres vices, il jouit «d'une
impunité souveraine».
Don Juan explique alors la conduite
à suivre : se lier avec le parti dévot.
Les vrais dévots en effet
se laissent facilement duper et sont les meilleurs défenseurs
de ceux qui les singent.
Don Juan prend Sganarelle à témoin:
combien ont ainsi réparé les« désordres de leur jeunesse»,
en s'abritant des défroques de la religion ! Et même si leur
méchanceté est connue, tout le monde fait semblant de
croire à leur comédie: « quelque baissement de tête, un sou
pir mortifié, et deux roulements d'yeux » y suffisent.
Après cette analyse de la société du temps, Don Juan parle
au futur et dévoile son programme: « se sauver», dit-il, mais
dans le sens purement temporel, puisqu'il s'agit de « met
tre en sûreté [ses] affaires».
S'il est découvert dans ses
« douces habitudes», ce sera la« cabale» des dévots qui
le défendra.
Quant à lui, il s'érigera« en censeur des actions
d'autrui» et se posera en« vengeur des intérêts de Ciel».
« Sous ce prétexte commode», il accusera ses ennemis
d'impiété et....
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