ACTE IV, SCÈNE 2 Valère arrive, envoyé par le roi. Il ne comprend pas pourquoi le père maudit son troisième...
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ACTE IV, SCÈNE 2
Valère arrive, envoyé par le roi.
Il ne comprend pas pourquoi
le père maudit son troisième fils et le vieil Horace ne comprend
pas pourquoi Valère loue celui-ci (v.
1072-1094).
Valère lève le
malentendu : Rome a triomphé (v.
1095-1100).
Il fait le récit de la fin du combat: la fuite d'Horace était une
ruse qui lui a permis de venir à bout de ses adversaires un par
un, commençant par le fiancé de Camille, achevant impitoyable
ment ce dernier au nom de Rome, comme on sacrifie une bête
aux dieux (v.
1101-1140).
Le vieil Horace laisse éclater sa joie tandis que Camille
reste silencieuse (v.
1141-1148).
Valère annonce l'arrivée du
roi et le vieil Horace lui exprime sa reconnaissance (v.
1149-1172).
COMMENTAIRE
Le double récit ou l'art du coup de théâtre
Que le héros dans la première partie d'un combat se retrouve en mau
vaise posture pour mieux vaincre à la fin, voilà une péripétie universelle
ment utilisée: dans combien de films d'aventure ne la retrouve-t-on pas
aujourd'hui! Mais le coup de génie de Corneille est d'avoir dissocié le récit
du début du combat de celui de la victoire finale du héros, transformant un
procédé narratif d'identification et de suspense en une construction théâtrale: le récit se fait action.
La scène 6 de l'acte Ill et la scène 2 de l'acte IV
se complètent et s'opposent.
D'un côté, un récit à peine ébauché, fait par
une femme, de l'autre, un récit construit et développé selon les règles et
fait par un homme; d'un côté, une nouvelle qui indult en erreur, de l'autre,
une révélation de la vérité.
Mais à l'acte Ill le récit illusoire est attendu, introduit par une question, permettant au récit authentique de constituer une
surprise : Valère ne vient pas pour apprendre la victoire et, loin de l'interroger, le vieil Horace crée et fait continuer les conditions d'un quiproquo*.
Fonctions et techniques du quiproquo
Le quiproquo qui commence la scène constitue en effet une introduction
paradoxale au récit : Valère croit que le vieil Horace connaît la nouvelle et
ne raconte rien, et celui-ci, croyant tout savoir, ne demande rien! Cette
introduction n'en est que plus efficace.
Le récit est différé mais il en devient
vraisemblable : urgent et nécessaire.
La longue tirade qui le constitue prend
de plus un éclat particulier: celui de la vérité (v.
1101-1102), succédant à
une série de répliques courtes où la confusion grandissait.
Car le quiproquo est en effet une structure dynamique.
Le procédé
simple qui le fonde est l'équivoque (ambigu"ilé de la périphrase du vers
1081 : «ce qu'il a fait»).
Celle-ci permet d'abord un simple dialogue de
sourds sous forme de stichomythie.
Mais les intertocuteurs prennent peu
à peu conscience de la confusion, sans en comprendre la cause: d'autres
procédés permettent de prolonger le malentendu, les questions amenant
d'autres questions (v.
1084) ou des réponses obscures (v.
1085), l'ironie
n'étant pas perçue comme telle (v.
1087-1088).
Les interrogations prolifèrent, mais il faut attendre le vers 1096, pour avoir la vraie question.
Au
comble du quiproquo, la vérité même (v.
1090-1091) n'est plus entendue.
La mécanique du quiproquo, le tourbillon de confusion dans lequel il
entraîne des personnages refermés sur une idée fixe en font un procédé
cher aux auteurs comiques.
Mais il ne leur est pas réservé comme on le
volt ici.
Corneille d'autre part y est très attaché.
l'.Académie lui avait reproché l'invraisemblance à prolonger un malentendu dans une scène du Cid
(acte V, scène 5).
Il utilise pourtant le quiproquo dans Horace, par deux fois
(acte 1, scène 3 et ic0.
C'est que ce dernier permet un jeu sur la vérité et
l'illusion, une dramatisation et un effet de surprise, un emportement du
personnage où il livre au spectateur ce qu'il est, toutes choses fondamentales dans l'esthétique théâtrale de Corneille.
Le récit du combat
On discutait beaucoup du récit dans la tragédie à l'époque d'Horace:
ne risque-t-on pas d'ennuyer le spectateur? Aussi s'imposait-on des
règles : le récit doit raconter des choses que le spectateur ne sait pas
déjà, il doit constituer un «ornement• sans «expressions faibles ou languissantes•, la personne qui l'écoute doit avoir des raisons de le faire, on doit
enfin y deviner le caractère de celui qui raconte.
Toutes ces règles sont suivies par Corneille, y compris la dernière: le récit, épique*, est évidemment
impersonnel, mais Valère a une raison pour y briller, puisqu'il prétend à la
main de la fille du vieil Horace qui vient justement de perdre son fiancé
(même s'il commet là une erreur: il fait bien la conquête du père (v.
1172),
mais y gagne la haine de la fille).
Le récit fait revivre un combat sans temps mort.
Valère emploie tout au
long le présent de narration, multiplie les verbes, utilise des phrases simples
commençant la plupart du temps par le sujet.
Les circonstances n'empâtent pas cette épure du récit : elles sont confiées à de brèves appositions
au sujet, la plupart du temps des verbes (participes présents, gérondifs,
participes passés), n'énonçant que des oppositions, des causes ou des
buts.
Les sujets eux-mêmes sont brefs: pronom personnel il, pronoms
indéfinis distributifs.
Les combattants sont ainsi plongés dans un anonymat
dont émerge le seul Horace, nommé (v.
1113, v.
1124) ou désigné par la
périphrase laudative «notre héros» (v.
1129), au temps fort du récit.
Le récit est purement chronologique, mais se construit en trois séquences progressives que viennent marquer les interventions brèves mais
toujours plus bruyantes des spectateurs (v.
1119-1120, v.
1127-1128).....
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