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3e ÉTUDE THÉMATIQUE D'ORAL VISAGES DE L'ENNUI AU x1xe SIÈCLE TEXTES 1. FLAUBERT, Madame Bovary. 5 10 15 20 Dès...

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« 3e ÉTUDE THÉMATIQUE D'ORAL VISAGES DE L'ENNUI AU x1xe SIÈCLE TEXTES 1.

FLAUBERT, Madame Bovary. 5 10 15 20 Dès le commencement de juillet, elle compta sur ses doigts combien de semaines lui restaient pour arriver au mois d'octobre, pensant que le marquis d'Andervilliers, peut-être, donnerait en­ core un bal à la Vaubyessard.

Mais tout septembre s'écoula sans lettres ni visites. Après l'ennui de cette déception, son cœur, de nouveau, resta vide, et alors la série des mêmes journées recommença. Elles allaient donc maintenant se suivre ainsi à la file, toujours pareilles, innombrables, et n'apportant rien! Les autres existences, si plates qu'elles fussent, avaient du moins la chance d'un événement.

Une aventure amenait parfois des péripéties à l'infini, et le décor changeait.

Mais, pour elle, rien n'arrivait, Dieu l'avait voulu! L'avenir était un corridor tout noir et qui avait au fond sa porte bien fermée. Elle abandonna la musique.

Pourquoi jouer? Qui l'entendrait? Puisqu'elle ne pourrait jamais, en robe de velours à manches courtes, sur le piano d'Erard cii dans un concert, battant de ses doigts légers les touches d'ivoire, sentir, comme une brise, circu­ ler autour d'elle un murmure d'extase, ce n'était pas la peine de s'ennuyer à étudier.

Elle laissa dans l'armoire ses cartons à dessin et la tapisserie.

À quoi bon? À quoi bon.

La couture l'irritait. «J'ai tout lu», se disait-elle. Et elle restait à faire rougir les pincettes, ou regardant la pluie tomber. (1) Piano d'Erard: piano sorti des ateliers du célèbre ...

fabricant d'instruments de musique Sébastien Erard. 2.

FLAUBERT, Madame Bovary. M.

et Mme Bovary ont été reçus dans le grand monde, chez le marquis de La Vaubyessard: soirée de rêve pour Emma ; mais elle ne peut supporter le retour à son existence terne auprès de son mari, humble médecin de campagne... 5 10 15 20 25 Comme elle était triste le dimanche, quand on sonnait les vêpres tIJ ! Elle écoutait, dans un hébétement attentif, tinter un à un les coups fêlés de la cloche.

Quelque chat sur les toits, marchant lentement, bombait son dos aux rayons pâles du soleil.

Le vent, sur la grande route, soufflait des traînées de poussière.

Au loin, parfois, un chien hurlait : et la cloche, à temps égaux, continuait sa sonnerie monotone qui se perdait dans la campagne. Cependant on sortait de l'église.

Les femmes en sabots cirés, les paysans en blouse neuve, les petits enfants qui sautillaient nu-tête devant eux, tout rentrait chez soi.

Et, jusqu'à la nuit, cinq ou six personnes, toujours les mêmes, restaient à jouer au bouchon, devant la grande porte de l'auberge. L'hiver fut froid.

Les carreaux, chaque matin, étaient chargés de givre, et la lumière blanchâtre à travers eux, comme par des verres dépolis, quelquefois ne variait pas de la journée.

Dès quatre heures du soir, il fallait allumer la lampe. Les jours qu'il faisait beau, elle descendait dans le jardin.

La rosée avait laissé sur les choux des guipures d'argent avec de longs fils clairs qui s'étendaient de l'un à l'autre? On n'entendait pas d'oiseaux, tout semblait dormir, l'espalier couvert de paille et la vigne comme un grand serpent dormir, l'espalier couvert de paille et la vigne comme un grand serpent malade sous le chaperon du mur, où l'on voyait, en s'approchant, se traîner des cloportes à pattes nombreuses.

[ ...

] Puis elle remontait, fermait la porte, étalait les charbons, et, défaillant à la chaleur du foyer, sentait l'ennui plus lourd qui retombait sur elle.

Elle serait bien descendue causer avec la bonne, mais une pudeur la retenait. ( 1) Les vêpres : vers 17 heures. 3.

BAUDELAIRE, Spleen, «Spleen et Idéal», 76, Les Fleurs du Mal. 5 10 15 20 J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans. Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans, De vers, de billets doux, de procès, de romances, Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances, Cache moins de secrets que mon triste cerveau. C'est une pyramide, un immense caveau, Qui contient plus de morts que la fosse commune. - Je suis un cimetière abhorré de la lune Où comme des remords se traînent de longs vers Qui s'acharnent toujours sur mes morts les plus chers. Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées, Où git tout un fouillis de modes surannées, Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher, Seuls, respirent l'odeur d'un flacon débouché. Rien n'égale en longueur les boiteuses journées, Quand sous les lourds flocons des neigeuses années L'ennui, fruit de la morne incuriosité, Prend les proportions de l'immoralité. - Désormais tu n'es plus, ô matière vivante ! Qu'un granit entouré d'une vague épouvante, Assoupi dans le fond d'un Sahara brumeux; Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux, Oublié sur la carte, et dont l'humeur farouche Ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche < 1 l. (]) Allusion à la légendaire statue de Memnon qui chantait ses oracles à l'aurore. 4.

VERlsAINE, «Langueur», Jadis et Naguère. À Georges Courteline. Je suis l'Empire à la fin de la décadence, Qui regarde passer les grands Barbares blancs En composant des acrostiches indolents D'un style d'or où la langueur du soleil danse. 5 10 L'âme seulette a mal au cœur d'ennui dense. Là-bas on dit qu'il est de longs combats sanglants. Ô n'y pouvoir, étant si faible aux vœux si lents, Ô n'y vouloir fleurir un peu cette existence! Ô n'y vouloir, ô n'y pouvoir mourir un peu! Ah! tout est bu! Bathylle, as-tu fini de rire? Ah! tout est bu, tout est mangé! Plus rien à dire! Seul, un poème un peu niais qu'on jette au feu, Seul, un esclave un peu coureur qui vous néglige, Seul, un ennui d'on ne sait quoi qui vous afflige! 5.

LAFORGUE, «Spleen», Poèmes inédits. (7 novembre 1880.) Tout m'ennuie aujourd'hui.

J'écarte mon rideau En haut ciel gris rayé d'une éternelle pluie, En bas la rue où dans une brume de suie Des ombres vont, glissant parmi les flaques d'eau. 5 JO Je regarde sans voir fouillant mon vieux cerveau, Et machinalement sur la vitre ternie Je fais du bout du doigt de la calligraphie. Bah ! sortons, je verrai peut-être du nouveau. Pas de livres parus - Passants bêtes - Personne. Des fiacres, de la boue, et l'averse toujours... Puis le soir et le gaz et je rentre à pas lourds ... Je mange, et bâille, et lis, rien ne me passionne ... Bah ! Couchons-nous .

..:_ Minuit.

Une heure.

Ah ! chacun dort ! Seul, je ne puis dormir et je m'ennuie encor. 6.

MALLARMÉ, «Renouveau», Premiers vers. Le printemps maladif a chassé tristement L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide, Et, dans mon être à qui le sang morne préside L'impuissance s'étire en un long bâillement. 5 10 Des crépuscule blancs tiédissent sous mon crâne Qu'un cercle de fer serre ainsi qu'un vieux tombeau Et triste, j'erre après un rêve vague et beau, Par les champs où la sève immense se pavane. Puis je tombe énervé de parfums d'arbres, las, Et creusant de ma face une fosse à mon rêve, Mordant la terre chaude où poussent les lilas, J'attends, en m'abîmant que mon ennui s'élève ... - Cependant l'Azur rit sur la haie et l'éveil De tant d'oiseaux en fleur gazouillant au soleil. Textes complémentaires 7.

FLAUBERT, Madame Bovary. Emma Rouault a épousé le médecin Charles Bovary.

Peu de temps après son mariage, elle supporte difficilement son existence terne, auprès d'un mari sans envergure ; elle avait rêvé autre chose ! L'auteur évoque ici une de ses promenades. 5 JO 15 20 25 Elle commençait par regarder tout alentour, pour voir si rien n'avait changé depuis la dernière fois qu'elle était venue.

Elle retrouvait aux mêmes places les digitales et les ravenelles, les bouquets d'orties entourant les gros cailloux ; et les plaques de lichen le long des trois fenêtres dont les volets toujours clos s'égrenaient de pourriture, sur leurs barres de fer rouillées.

Sa pensée, sans but d'abord, vagabondait au hasard, comme sa levrette, qui faisait des cercles dans la campagne,jappait après les papi! Ionsjaunes, donnait la chasse aux musaraignes en mordillant les coquelicots sur le bord d'une pièce de blé.

Puis ses idées peu à peu se fixaient et, assise sur le gazon, qu'elle fouillait à petits coups avec le bout de son ombrelle, Emma se répétait : - Pourquoi, mon Dieu, me suis-je mariée ? Elle se demandait s'il n'y aurait pas eu moyen, par d'autres combinaisons du hasard, de rencontrer un autre homme; et elle cherchait à imaginer quels eussent été ces événements non surve­ nus, cette vie différente, ce mari qu'elle ne connaissait pas.

Tous, en effet, ne ressemblaient pas à celui-là.

Il aurait pu être beau, spirituel, distingué, attirant, tels qu'ils l'étaient sans doute, ceux qu'avaient épousés ses anciennes camarades de couvent.

Que faisaient-elles maintenant? À la ville, avec le bruit des rues, le bourdonnement des théâtres et les clartés du bal, elles avaient des existences où le cœur se dilate, où les sens s'épanouissent.

Mais elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l'ennui, araignée silencieuse, filait sa toile dans l'ombre, à tous les coins de son cœur. 10.

MAUPASSANT, Une vie. Jeanne, l'héroïne du roman Une vie de Maupassant, est issue de la petite noblesse du pays de Caux.

Au retour de son voyage de noces, oû une certaine désillusion a commencé à poindre, elle retrouve la propriété familiale « Les Peuples», domaine de son enfance, qui va désormais devenir son propre foyer. 5 10 15 20 Mais voilà que la douce réalité des premiers jours allait devenir la réalité quotidienne qui fermait la porte aux espoirs indéfinis, aux charmantes inquiétudes de l'inconnu.

Oui, c'était fini d'attendre. Alors plus rien à faire, aujourd'hui, ni demain ni jamais.

Elle sentait tout cela vaguement à une certaine désillusion, à un affaissement de ses rêves. Elle se leva et vint coller son front aux vitres froides.

Puis, après avoir regardé quelques temps le ciel où roulaient des nuages sombres, elle se décida à sortir. Étaient-ce la même campagne, la même herbe, les mêmes arbres qu'au mois de mai? Qu'était donc devenues la gaieté ensoleillée des feuilles, et la poésie verte du gazon où flambaient les pissenlits, où saignaient les coquelicots, où rayonnaient les marguerites, où frétillaient, comme au bout de fils invisibles, les fantasques papillons jaunes? Et cette griserie de l'air chargé de vie, d'arô­ mes, d'atomes fécondants n'existait plus. Les avenues détrempées par les continuelles averses d'automne s'allongeaient, couvertes d'un épais tapis de feuilles mortes, sous la maigreur grelottante des peupliers presque nus.

Les branches grêles tremblaient au vent, agitaient encore quelque feuillage prêt à s'égrener dans l'espace.

Et sans cesse, tout au long du jour, comme une pluie incessante et triste à faire pleurer, ces dernières feuilles, toutes jaunes maintenant, pareilles à de larges sous d'or, se détachaient, tournoyaient, voltigeaient et tombaient. ÉTUDE THÉMATIQUE D'ENSEMBLE Introduction L'ennui, maladie de l'âme dont les causes sont malaisées à définir et qui prend au fil des années et des modes des visages et des appellations diverses, tient une place de choix dans la littérature du xIx• siècle. Il suscite aussi l'attention des médeèins, des penseurs, des politiques. Nous nous proposons d'en étudier quelques aspects significatifs afin de dégager quelques constantes, mais aussi d'apprécier les nuances très diverses que prend le thème dans l'espace singulier de chacun des textes. Présentation générale chronologique ■ Au début du siècle, c'est Chateaubriand qui donne au thème sa première formulation.... »

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