XXII BONS SAUVAGES Dans quel ordre décrire ces impressions profondes et confuses qui assaillent le nouvel arrivé dans un village indigène dont la civilisation est restée relativement intacte ?
Publié le 06/01/2014
Extrait du document
«
apparence
desanté.
Ilyavait pourtant unlépreux danslevillage.
Les hommes étaientcomplètement nus,hors lepetit cornet depaille coiffant l’extrémité delaverge etmaintenu en
place parleprépuce, étiréàtravers l’ouverture etformant bourrelet au-dehors.
Laplupart s’étaient vermillonnés dela
tête auxpieds àl’aide degrains d’urucu pilésdans lagraisse.
Mêmelescheveux, pendantsurlesépaules outaillés en
rond auniveau desoreilles, étaientcouverts decette pâte,offrant ainsil’aspect d’uncasque.
Cefond deteint
s’agrémentait d’autrespeintures : feràcheval enrésine noirebrillante, couvrantlefront etse terminant surlesdeux
joues àla hauteur delabouche ; barrettes deduvet blanccollésurlesépaules etles bras ; oupoudrage micacédes
épaules etdu buste avecdelanacre pilée.Lesfemmes portaient unpagne decoton imprégné d’urucuautourd’une
ceinture rigided’écorce, maintenant unruban d’écorce blanchebattue,plussouple, quipassait entrelescuisses.
Leur
poitrine étaittraversée parundouble écheveau debandoulières encoton finement tressé.Cettetenue secomplétait par
des bandelettes decoton, serrées autourdeschevilles, desbiceps etdes poignets.
Peu àpeu tout cemonde s’enalla ; nous partagions lahutte, quimesurait approximativement douzemètres surcinq
mètres, avecleménage silencieux ethostile d’unsorcier, etune vieille veuve nourrie parlacharité dequelques parents
habitant deshuttes voisines, maisqui,souvent négligée, chantaitpendant desheures ledeuil deses cinq maris successifs
et l’heureux tempsoùelle nemanquait jamaisdemanioc, demaïs, degibier etde poisson.
Déjà deschants semodulaient au-dehorsdansunelangue basse,sonore etgutturale, auxarticulations bienfrappées.
Seuls leshommes chantent ; etleur unisson, lesmélodies simplesetcent foisrépétées, l’opposition entredessolos etdes
ensembles, lestyle mâle ettragique, évoquent leschœurs guerriers dequelque Mannerbund germanique.
Pourquoices
chants ? Àcause de Yirara, m’expliquait-on.
Nousavions apporté notregibier etilétait nécessaire d’accomplir surlui,
avant depouvoir leconsommer, unrituel compliqué d’apaisement deson esprit etde consécration delachasse.
Trop
épuisé pourêtrebonethnographe, jem’endormis dèslachute dujour d’un sommeil agitéparlafatigue etles chants, qui
durèrent jusqu’àl’aube.Ceserait d’ailleurs lamême chosejusqu’à lafin denotre visite : lesnuits étaient dédiées àla vie
religieuse, lesindigènes dormaient dulever dusoleil àla mi-journée.
À part quelques instruments àvent quifirent leurapparition àdes moments prescritsdurituel, leseul
accompagnement desvoix seréduisait auxhochets decalebasse remplisdegravier agitésparlescoryphées.
C’étaitun
émerveillement deles entendre : tantôtdéchanant ouarrêtant lesvoix d’un coup sec ;tantôt meublant lessilences du
crépitement deleur instrument, moduléencrescendos etdecrescendos prolongés ;tantôtenfindirigeant lesdanseurs
par des alternances desilences etde bruits dontladurée, l’intensité etlaqualité étaient sivariées qu’unchefd’orchestre
de nos grands concerts n’auraitpasmieux suindiquer savolonté.
Riend’étonnant àce qu’autrefois, lesindigènes etles
missionnaires eux-mêmesaientcru,dans d’autres tribus,entendre lesdémons parlerparl’intermédiaire deshochets ! On
sait d’ailleurs quesides illusions anciennes ontétédissipées ausujet deces prétendus « langages tambourinés » ilparaît
probable que,chez certains peuplesaumoins, ilssont fondés surunvéritable codagedelalangue, réduiteàquelques
contours significatifs symboliquement exprimés.
Avec lejour, jeme lève pour unevisite auvillage ; jetrébuche àla porte surdelamentables volatiles ;cesont les
araras domestiques quelesIndiens encouragent àvivre danslevillage pourlesplumer vivantsetse procurer ainsila
matière première deleurs coiffures.
Dénudésetincapables devoler, lesoiseaux ressemblent àdes poulets prêtspourla
broche etaffublés d’unbecd’autant plusénorme quelevolume deleur corps adiminué demoitié.
Surlestoits, d’autres
araras ayantdéjàrécupéré leurparure setiennent gravement perchés,emblèmes héraldiques émaillésdegueules et
d’azur.
Jeme trouve aumilieu d’uneclairière bordéed’uncôtéparlefleuve etde tous lesautres, pardes lambeaux deforêt
dissimulant lesjardins, etlaissant apercevoir entrelesarbres unfond decollines auxpans escarpés degrès rouge.
Le
pourtour estoccupé pardes huttes –vingt-six exactement –semblables àla mienne etdisposées encercle, surunseul
rang.
Aucentre, unehutte, longue devingt mètres environ etlarge dehuit mètres, beaucoup plusgrande quelesautres
par conséquent.
C’estle baitemannageo, maison
deshommes oùdorment lescélibataires etoù lapopulation masculine
passe lajournée quandellen’est pasoccupée àla pêche etàla chasse, ouencore parquelque cérémonie publiquesurle
terrain dedanse : emplacement ovaledélimité pardespieux surleflanc ouest delamaison deshommes.
L’accèsde
cette dernière estrigoureusement interditauxfemmes ; celles-cipossèdent lesmaisons périphériques, etleurs maris
font, plusieurs foisparjour, l’aller etretour entreleurclub etledomicile conjugal, suivantlesentier quilesrelie l’unà
l’autre àtravers labroussaille delaclairière.
Vuduhaut d’unarbre oud’un toit,levillage bororo estsemblable àune roue
de charrette dontlesmaisons familiales dessineraient lecercle, lessentiers, lesrayons, etau centre delaquelle lamaison
des hommes figurerait lemoyeu.
Ce plan remarquable étaitjadiscelui detous lesvillages, saufqueleur population excédaitdebeaucoup lamoyenne
actuelle (centcinquante personnes environàKejara) ; ondisposait alorslesmaisons familiales enplusieurs cercles
concentriques aulieu d’un.
LesBororo nesont d’ailleurs passeuls àposséder cesvillages circulaires ; avecdesvariations
de détail, ilssemblent typiquesdetoutes lestribus dugroupe linguistique géqui occupent leplateau brésilien central,
entre lesrivières Araguaya etSão Francisco, etdont lesBororo sontprobablement lesreprésentants lesplus
méridionaux.
Maisnous savons queleurs voisins lesplus proches verslenord, lesCayapo, quihabitent surlarive droite.
»
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