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XXII BONS SAUVAGES Dans quel ordre décrire ces impressions profondes et confuses qui assaillent le nouvel arrivé dans un village indigène dont la civilisation est restée relativement intacte ?

Publié le 06/01/2014

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XXII BONS SAUVAGES Dans quel ordre décrire ces impressions profondes et confuses qui assaillent le nouvel arrivé dans un village indigène dont la civilisation est restée relativement intacte ? Chez les Kaingang comme chez les Caduveo, dont les hameaux semblables à ceux des paysans voisins retiennent surtout l'attention par un excès de misère, la réaction initiale est celle de la lassitude et du découragement. Devant une société encore vivante et fidèle à sa tradition, le choc est si fort qu'il déconcerte : dans cet écheveau aux mille couleurs, quel fil faut-il suivre d'abord et tenter de débrouiller ? En évoquant les Bororo qui furent ma première expérience de ce type, je retrouve les sentiments qui m'envahirent au moment où j'entamai la plus récente, parvenant au sommet d'une haute colline dans un village kuki de la frontière birmane, après des heures passées sur les pieds et les mains à me hisser le long des pentes, transformées en boue glissante par les pluies de la mousson qui tombaient sans arrêt : épuisement physique, faim, soif et trouble mental, certes ; mais ce vertige 'origine organique est tout illuminé par des perceptions de formes et de couleurs ; habitations que leur taille rend ajestueuses en dépit de leur fragilité, mettant en oeuvre des matériaux et des techniques connues de nous par des xpressions naines : car ces demeures, plutôt que bâties, sont nouées, tressées, tissées, brodées et patinées par l'usage ; u lieu d'écraser l'habitant sous la masse indifférente des pierres, elles réagissent avec souplesse à sa présence et à ses ouvements ; à l'inverse de ce qui se passe chez nous, elles restent toujours assujetties à l'homme. Autour de ses ccupants, le village se dresse comme une légère et élastique armure ; proche des chapeaux de nos femmes plutôt que e nos villes : parure monumentale, qui préserve un peu de la vie des arceaux et des feuillages dont l'habileté des onstructeurs a su concilier la naturelle aisance avec leur plan exigeant. La nudité des habitants semble protégée par le velours herbu des parois et la frange des palmes ; ils se glissent hors e leurs demeures comme ils se dévêtiraient de géants peignoirs d'autruche. Joyaux de ces écrins duveteux, les corps ossèdent des modelés affinés et des tonalités rehaussées par l'éclat des fards et des peintures, supports - dirait-on - estinés à mettre en valeur des ornements plus splendides : touches grasses et brillantes des dents et crocs d'animaux auvages, associées aux plumes et aux fleurs. Comme si une civilisation entière conspirait dans une même tendresse assionnée pour les formes, les substances et les couleurs de la vie ; et, pour retenir autour du corps humain sa plus riche ssence, s'adressait - entre toutes ses productions - à celles qui sont au plus haut point durables ou bien fugitives, mais ui, par une curieuse rencontre, en sont les dépositaires privilégiées. Tout en procédant à notre installation dans l'angle d'une vaste hutte, je me laissais imprégner de ces images plutôt ue je ne les appréhendais. Quelques détails se mettaient en place. Si les habitations conservaient toujours la disposition t les dimensions traditionnelles, leur architecture avait déjà subi l'influence néo-brésilienne : leur plan était rectangulaire t non plus ovale, et bien que les matériaux de la toiture et des parois fussent identiques ; branchages supportant une ouverture de palmes, les deux parties étaient distinctes et la toiture elle-même était à double pente au lieu d'arrondie et escendant presque jusqu'au sol. Pourtant, le village de Kejara où nous venions d'arriver restait avec les deux autres qui omposent le groupe du Rio Vermelho : Pobori et Jarudori, un des derniers où l'action des Salésiens ne s'était pas trop xercée. Car ces missionnaires qui, avec le service de Protection, sont parvenus à mettre un terme aux conflits entre ndiens et colons, ont mené simultanément d'excellentes enquêtes ethnographiques (nos meilleures sources sur les ororo, après les études plus anciennes de Karl von den Steinen) et une entreprise d'extermination méthodique de la ulture indigène. Deux faits montraient bien dans Kejara un des derniers bastions de l'indépendance : c'était d'abord la ésidence du soi-disant chef de tous les villages du Rio Vermelho : personnage hautain et énigmatique, ignorant le ortugais ou faisant étalage d'ignorance ; attentif à nos besoins et spéculant sur notre présence ; mais, pour des raisons e prestige autant que linguistiques, évitant de communiquer avec moi sinon par l'intermédiaire des membres de son onseil dans la compagnie desquels il prenait toutes ses décisions. En second lieu, à Kejara habitait un indigène qui devait être mon interprète et mon principal informateur. Cet homme, gé de trente-cinq ans environ, parlait assez bien portugais. À l'en croire, il avait su le lire et l'écrire (bien qu'il en fût evenu incapable), fruit d'une éducation à la mission. Fiers de leur succès, les Pères l'avaient envoyé à Rome où il avait té reçu par le Saint-Père. À son retour, on voulut, paraît-il, le marier chrétiennement et sans tenir compte des règles raditionnelles. Cette tentative détermina chez lui une crise spirituelle dont il sortit reconquis au vieil idéal bororo : il alla 'installer à Kejara où il menait depuis dix ou quinze ans une vie exemplaire de sauvage. Tout nu, peint de rouge, le nez et a lèvre inférieure transpercés de la barrette et du labret, emplumé, l'Indien du pape se révéla merveilleux professeur en ociologie bororo. Pour le moment, nous étions entourés de quelques dizaines d'indigènes qui discutaient entre eux à grand renfort 'éclats de rire et de bourrades. Les Bororo sont les plus grands et les mieux bâtis des Indiens du Brésil. Leur tête ronde, eur face allongée aux traits réguliers et vigoureux, leur carrure d'athlète évoquent certains types patagons auxquels il aut peut-être les rattacher au point de vue racial. Ce type harmonieux se retrouve rarement chez les femmes, en général lus petites, malingres avec des traits irréguliers. Dès l'abord, la jovialité masculine faisait un singulier contraste avec 'attitude rébarbative de l'autre sexe. Malgré les épidémies qui ravageaient la région, la population frappait par son apparence de santé. Il y avait pourtant un lépreux dans le village. Les hommes étaient complètement nus, hors le petit cornet de paille coiffant l'extrémité de la verge et maintenu en place par le prépuce, étiré à travers l'ouverture et formant bourrelet au-dehors. La plupart s'étaient vermillonnés de la tête aux pieds à l'aide de grains d'urucu pilés dans la graisse. Même les cheveux, pendant sur les épaules ou taillés en rond au niveau des oreilles, étaient couverts de cette pâte, offrant ainsi l'aspect d'un casque. Ce fond de teint 'agrémentait d'autres peintures : fer à cheval en résine noire brillante, couvrant le front et se terminant sur les deux joues à la hauteur de la bouche ; barrettes de duvet blanc collé sur les épaules et les bras ; ou poudrage micacé des paules et du buste avec de la nacre pilée. Les femmes portaient un pagne de coton imprégné d'urucu autour d'une ceinture rigide d'écorce, maintenant un ruban d'écorce blanche battue, plus souple, qui passait entre les cuisses. Leur oitrine était traversée par un double écheveau de bandoulières en coton finement tressé. Cette tenue se complétait par es bandelettes de coton, serrées autour des chevilles, des biceps et des poignets. Peu à peu tout ce monde s'en alla ; nous partagions la hutte, qui mesurait approximativement douze mètres sur cinq ètres, avec le ménage silencieux et hostile d'un sorcier, et une vieille veuve nourrie par la charité de quelques parents abitant des huttes voisines, mais qui, souvent négligée, chantait pendant des heures le deuil de ses cinq maris successifs t l'heureux temps où elle ne manquait jamais de manioc, de maïs, de gibier et de poisson. Déjà des chants se modulaient au-dehors dans une langue basse, sonore et gutturale, aux articulations bien frappées. euls les hommes chantent ; et leur unisson, les mélodies simples et cent fois répétées, l'opposition entre des solos et des nsembles, le style mâle et tragique, évoquent les choeurs guerriers de quelque Mannerbund germanique. Pourquoi ces hants ? À cause de Yirara, m'expliquait-on. Nous avions apporté notre gibier et il était nécessaire d'accomplir sur lui, vant de pouvoir le consommer, un rituel compliqué d'apaisement de son esprit et de consécration de la chasse. Trop puisé pour être bon ethnographe, je m'endormis dès la chute du jour d'un sommeil agité par la fatigue et les chants, qui durèrent jusqu'à l'aube. Ce serait d'ailleurs la même chose jusqu'à la fin de notre visite : les nuits étaient dédiées à la vie religieuse, les indigènes dormaient du lever du soleil à la mi-journée. À part quelques instruments à vent qui firent leur apparition à des moments prescrits du rituel, le seul accompagnement des voix se réduisait aux hochets de calebasse remplis de gravier agités par les coryphées. C'était un émerveillement de les entendre : tantôt déchaînant ou arrêtant les voix d'un coup sec ; tantôt meublant les silences du crépitement de leur instrument, modulé en crescendos et decrescendos prolongés ; tantôt enfin dirigeant les danseurs par des alternances de silences et de bruits dont la durée, l'intensité et la qualité étaient si variées qu'un chef d'orchestre de nos grands concerts n'aurait pas mieux su indiquer sa volonté. Rien d'étonnant à ce qu'autrefois, les indigènes et les missionnaires eux-mêmes aient cru, dans d'autres tribus, entendre les démons parler par l'intermédiaire des hochets ! On sait d'ailleurs que si des illusions anciennes ont été dissipées au sujet de ces prétendus « langages tambourinés » il paraît probable que, chez certains peuples au moins, ils sont fondés sur un véritable codage de la langue, réduite à quelques contours significatifs symboliquement exprimés. Avec le jour, je me lève pour une visite au village ; je trébuche à la porte sur de lamentables volatiles ; ce sont les araras domestiques que les Indiens encouragent à vivre dans le village pour les plumer vivants et se procurer ainsi la matière première de leurs coiffures. Dénudés et incapables de voler, les oiseaux ressemblent à des poulets prêts pour la broche et affublés d'un bec d'autant plus énorme que le volume de leur corps a diminué de moitié. Sur les toits, d'autres araras ayant déjà récupéré leur parure se tiennent gravement perchés, emblèmes héraldiques émaillés de gueules et d'azur. Je me trouve au milieu d'une clairière bordée d'un côté par le fleuve et de tous les autres, par des lambeaux de forêt dissimulant les jardins, et laissant apercevoir entre les arbres un fond de collines aux pans escarpés de grès rouge. Le pourtour est occupé par des huttes - vingt-six exactement - semblables à la mienne et disposées en cercle, sur un seul rang. Au centre, une hutte, longue de vingt mètres environ et large de huit mètres, beaucoup plus grande que les autres par conséquent. C'est le baitemannageo, maison des hommes où dorment les célibataires et où la population masculine passe la journée quand elle n'est pas occupée à la pêche et à la chasse, ou encore par quelque cérémonie publique sur le errain de danse : emplacement ovale délimité par des pieux sur le flanc ouest de la maison des hommes. L'accès de ette dernière est rigoureusement interdit aux femmes ; celles-ci possèdent les maisons périphériques, et leurs maris ont, plusieurs fois par jour, l'aller et retour entre leur club et le domicile conjugal, suivant le sentier qui les relie l'un à l'autre à travers la broussaille de la clairière. Vu du haut d'un arbre ou d'un toit, le village bororo est semblable à une roue e charrette dont les maisons familiales dessineraient le cercle, les sentiers, les rayons, et au centre de laquelle la maison des hommes figurerait le moyeu. Ce plan remarquable était jadis celui de tous les villages, sauf que leur population excédait de beaucoup la moyenne actuelle (cent cinquante personnes environ à Kejara) ; on disposait alors les maisons familiales en plusieurs cercles concentriques au lieu d'un. Les Bororo ne sont d'ailleurs pas seuls à posséder ces villages circulaires ; avec des variations de détail, ils semblent typiques de toutes les tribus du groupe linguistique gé qui occupent le plateau brésilien central, entre les rivières Araguaya et São Francisco, et dont les Bororo sont probablement les représentants les plus méridionaux. Mais nous savons que leurs voisins les plus proches vers le nord, les Cayapo, qui habitent sur la rive droite du Rio das Mortes et chez lesquels on a pénétré depuis une dizaine d'années seulement, construisent leurs villages de façon similaire, comme font aussi les Apinayé, les Sherenté et les Canella.     Fig. 22. - Plan du village de Kejara.   La distribution circulaire des huttes autour de la maison des hommes est d'une telle importance, en ce qui concerne la vie sociale et la pratique du culte, que les missionnaires salésiens de la région du Rio das Garças ont vite appris que le plus sûr moyen de convertir les Bororo consiste à leur faire abandonner leur village pour un autre où les maisons sont disposées en rangées parallèles. Désorientés par rapport aux points cardinaux, privés du plan qui fournit un argument à eur savoir, les indigènes perdent rapidement le sens des traditions, comme si leurs systèmes social et religieux (nous llons voir qu'ils sont indissociables) étaient trop compliqués pour se passer du schéma rendu patent par le plan du village t dont leurs gestes quotidiens rafraîchissent perpétuellement les contours. Disons à la décharge des Salésiens qu'ils ont pris une peine extrême pour comprendre cette structure difficile et en réserver le souvenir. Allant chez les Bororo, il faut d'abord s'être nourri de leurs travaux. Mais en même temps, c'était une tâche urgente que de confronter leurs conclusions à d'autres, obtenues dans une région où ils n'avaient pas encore pénétré et où le système gardait sa vitalité. Guidé par les documents déjà publiés, je m'employai donc à obtenir de mes nformateurs une analyse de la structure de leur village. Nous passions nos journées à circuler de maison en maison, recensant les habitants, établissant leur état civil, et traçant avec des baguettes sur le sol de la clairière les lignes idéales délimitant les secteurs auxquels s'attachent des réseaux compliqués de privilèges, de traditions, de grades hiérarchiques, de droits et d'obligations. Pour simplifier mon exposé, je redresserai - si j'ose dire - les orientations ; car les directions de l'espace, telles que les indigènes les pensent, ne correspondent jamais exactement aux lectures sur la boussole. Le village circulaire de Kejara est tangent à la rive gauche du Rio Vermelho. Celui-ci coule dans une direction approximative est-ouest. Un diamètre du village, théoriquement parallèle au fleuve, partage la population en deux groupes ; au nord, les Cera (prononcer tchéroe, je trancris tous les termes au singulier), au sud, les Tugaré. Il semble - mais le point n'est pas absolument certain - que le premier terme signifie : faible, et le second : fort. Quoi qu'il en soit, la division est essentielle pour deux raisons : d'abord, un individu appartient toujours à la même moitié que sa mère, nsuite, il ne peut épouser qu'un membre de l'autre moitié. Si ma mère est cera, je le suis aussi et ma femme sera ugaré. Les femmes habitent et héritent les maisons où elles sont nées. Au moment de son mariage, un indigène masculin raverse donc la clairière, franchit le diamètre idéal qui sépare les moitiés et s'en va résider de l'autre côté. La maison des

« apparence desanté.

Ilyavait pourtant unlépreux danslevillage. Les hommes étaientcomplètement nus,hors lepetit cornet depaille coiffant l’extrémité delaverge etmaintenu en place parleprépuce, étiréàtravers l’ouverture etformant bourrelet au-dehors.

Laplupart s’étaient vermillonnés dela tête auxpieds àl’aide degrains d’urucu pilésdans lagraisse.

Mêmelescheveux, pendantsurlesépaules outaillés en rond auniveau desoreilles, étaientcouverts decette pâte,offrant ainsil’aspect d’uncasque.

Cefond deteint s’agrémentait d’autrespeintures : feràcheval enrésine noirebrillante, couvrantlefront etse terminant surlesdeux joues àla hauteur delabouche ; barrettes deduvet blanccollésurlesépaules etles bras ; oupoudrage micacédes épaules etdu buste avecdelanacre pilée.Lesfemmes portaient unpagne decoton imprégné d’urucuautourd’une ceinture rigided’écorce, maintenant unruban d’écorce blanchebattue,plussouple, quipassait entrelescuisses.

Leur poitrine étaittraversée parundouble écheveau debandoulières encoton finement tressé.Cettetenue secomplétait par des bandelettes decoton, serrées autourdeschevilles, desbiceps etdes poignets. Peu àpeu tout cemonde s’enalla ; nous partagions lahutte, quimesurait approximativement douzemètres surcinq mètres, avecleménage silencieux ethostile d’unsorcier, etune vieille veuve nourrie parlacharité dequelques parents habitant deshuttes voisines, maisqui,souvent négligée, chantaitpendant desheures ledeuil deses cinq maris successifs et l’heureux tempsoùelle nemanquait jamaisdemanioc, demaïs, degibier etde poisson. Déjà deschants semodulaient au-dehorsdansunelangue basse,sonore etgutturale, auxarticulations bienfrappées. Seuls leshommes chantent ; etleur unisson, lesmélodies simplesetcent foisrépétées, l’opposition entredessolos etdes ensembles, lestyle mâle ettragique, évoquent leschœurs guerriers dequelque Mannerbund germanique. Pourquoices chants ? Àcause de Yirara, m’expliquait-on. Nousavions apporté notregibier etilétait nécessaire d’accomplir surlui, avant depouvoir leconsommer, unrituel compliqué d’apaisement deson esprit etde consécration delachasse.

Trop épuisé pourêtrebonethnographe, jem’endormis dèslachute dujour d’un sommeil agitéparlafatigue etles chants, qui durèrent jusqu’àl’aube.Ceserait d’ailleurs lamême chosejusqu’à lafin denotre visite : lesnuits étaient dédiées àla vie religieuse, lesindigènes dormaient dulever dusoleil àla mi-journée. À part quelques instruments àvent quifirent leurapparition àdes moments prescritsdurituel, leseul accompagnement desvoix seréduisait auxhochets decalebasse remplisdegravier agitésparlescoryphées.

C’étaitun émerveillement deles entendre : tantôtdéchanant ouarrêtant lesvoix d’un coup sec ;tantôt meublant lessilences du crépitement deleur instrument, moduléencrescendos etdecrescendos prolongés ;tantôtenfindirigeant lesdanseurs par des alternances desilences etde bruits dontladurée, l’intensité etlaqualité étaient sivariées qu’unchefd’orchestre de nos grands concerts n’auraitpasmieux suindiquer savolonté.

Riend’étonnant àce qu’autrefois, lesindigènes etles missionnaires eux-mêmesaientcru,dans d’autres tribus,entendre lesdémons parlerparl’intermédiaire deshochets ! On sait d’ailleurs quesides illusions anciennes ontétédissipées ausujet deces prétendus « langages tambourinés » ilparaît probable que,chez certains peuplesaumoins, ilssont fondés surunvéritable codagedelalangue, réduiteàquelques contours significatifs symboliquement exprimés. Avec lejour, jeme lève pour unevisite auvillage ; jetrébuche àla porte surdelamentables volatiles ;cesont les araras domestiques quelesIndiens encouragent àvivre danslevillage pourlesplumer vivantsetse procurer ainsila matière première deleurs coiffures.

Dénudésetincapables devoler, lesoiseaux ressemblent àdes poulets prêtspourla broche etaffublés d’unbecd’autant plusénorme quelevolume deleur corps adiminué demoitié.

Surlestoits, d’autres araras ayantdéjàrécupéré leurparure setiennent gravement perchés,emblèmes héraldiques émaillésdegueules et d’azur.

Jeme trouve aumilieu d’uneclairière bordéed’uncôtéparlefleuve etde tous lesautres, pardes lambeaux deforêt dissimulant lesjardins, etlaissant apercevoir entrelesarbres unfond decollines auxpans escarpés degrès rouge.

Le pourtour estoccupé pardes huttes –vingt-six exactement –semblables àla mienne etdisposées encercle, surunseul rang.

Aucentre, unehutte, longue devingt mètres environ etlarge dehuit mètres, beaucoup plusgrande quelesautres par conséquent.

C’estle baitemannageo, maison deshommes oùdorment lescélibataires etoù lapopulation masculine passe lajournée quandellen’est pasoccupée àla pêche etàla chasse, ouencore parquelque cérémonie publiquesurle terrain dedanse : emplacement ovaledélimité pardespieux surleflanc ouest delamaison deshommes.

L’accèsde cette dernière estrigoureusement interditauxfemmes ; celles-cipossèdent lesmaisons périphériques, etleurs maris font, plusieurs foisparjour, l’aller etretour entreleurclub etledomicile conjugal, suivantlesentier quilesrelie l’unà l’autre àtravers labroussaille delaclairière.

Vuduhaut d’unarbre oud’un toit,levillage bororo estsemblable àune roue de charrette dontlesmaisons familiales dessineraient lecercle, lessentiers, lesrayons, etau centre delaquelle lamaison des hommes figurerait lemoyeu. Ce plan remarquable étaitjadiscelui detous lesvillages, saufqueleur population excédaitdebeaucoup lamoyenne actuelle (centcinquante personnes environàKejara) ; ondisposait alorslesmaisons familiales enplusieurs cercles concentriques aulieu d’un.

LesBororo nesont d’ailleurs passeuls àposséder cesvillages circulaires ; avecdesvariations de détail, ilssemblent typiquesdetoutes lestribus dugroupe linguistique géqui occupent leplateau brésilien central, entre lesrivières Araguaya etSão Francisco, etdont lesBororo sontprobablement lesreprésentants lesplus méridionaux.

Maisnous savons queleurs voisins lesplus proches verslenord, lesCayapo, quihabitent surlarive droite. »

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