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vu plus du vaste monde qu'un héros homérique.

Publié le 06/01/2014

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vu plus du vaste monde qu'un héros homérique. Elle a dit, Il dit, Il y a eu les Égyptiens et leurs pyramides. Il y a eu les Incas du Pérou. Et il y a eu les Juifs de Bolechow. Nous avons pris l'avion pour rentrer, le lendemain. Il se trouve que c'était un 29 février : un jour qui n'existe pas la plupart du temps, un jour qui, comme un vaisseau fantôme dans un conte, surgit de nulle part pour disparaître avant qu'on ait eu la chance de saisir ce que c'était ; un jour hors du temps.     Lech Lecha,, la parashah qui raconte avec force détails les voyages épuisants et appauvrissants qu'Abram, plus tard Abraham, le père du peuple juif, doit entreprendre pour atteindre la terre que Dieu lui a promise - voyages qui, nous l'apprenons, incluent des affrontements atroces et violents avec les chefs de guerre des territoires dans lesquels Abraham et les siens devront un jour séjourner, des endroits comme Sodome et Gomorrhe, des endroits où règne un mal terrible --, cette parashah, saturée de mouvement, de désarroi et de violence, s'achève sur une note inhabituelle de calme. Un jour, lorsque Abraham a quatre-vingt-dix-neuf ans et n'a toujours pas engendré un fils par sa femme, Sarah, Dieu lui apparaît et lui transmet deux informations importantes. Tout d'abord, Dieu déclare qu'il a décidé d'établir une alliance avec Abraham et ses descendants, à qui Dieu promet de vastes étendues de terre pour une possession éternelle. Ensuite, il annonce au vieil homme, qui jusqu'à présent n'a eu qu'un fils de sa servante égyptienne, Hagar, que Sarah donnera naissance à un enfant dans l'année qui vient. Le garçon, comme nous le savons, est né, et le nom que Dieu lui donne est, comme nous le savons aussi, Yitzhak, « Il a ri ». Dans le contexte de ces promesses, qui ont dû paraître incroyables en effet, il est important de prendre le temps de considérer un détail du discours de Dieu à Abraham. Lorsque Dieu parle pour la première fois à son prophète, il dit : « Je suis El Shaddai » -- première occurrence de cette épithète dans la Torah. Pour certains érudits -- pas pour Friedman, toutefois, qui, voyant un lien entre l'hébreu shaddai et l'akkadien sadu, « montagnes », n'accorde pas d'autre signification à l'épithète que « Celui de la Montagne » -- le nom a une signification symbolique considérable. Rachi, par exemple, explique longuement les mots. Pour ce Français du Moyen Age, « Je suis El Shaddai » signifie « Je suis celui qui suis, dans Ma Divinité, assez pour chaque créature » : ce qui veut dire que le nom contient une garantie implicite du fait que Dieu peut tenir les promesses qu'il fait. Une glose plus tardive sur ce passage - Be'er BaSadeh, s'inspirant du commentateur midrashique Bereishit Rabbah -- explique mieux encore la raison pour laquelle une telle garantie est nécessaire : Abraham redoutait que la circoncision, bris, que Dieu exigera comme un signe de l'engagement de son nouveau peuple vis-à-vis de lui, eût pour effet de l'isoler dangereusement du reste de l'humanité, et donc Dieu a dû le rassurer. Dans Bereishit Rabbah 46, 3, nous apprenons qu'Abram a dit, «Avant que je sois entré dans ce bris, les gens venaient à moi. Continueront-ils à venir à moi, après que je suis entré dans le bris ? » C'est pourquoi Dieu, au moment où il fait ses promesses et, comme nous le verrons, exige l'établissement du rituel du bris en retour, déclare lui-même être « assez ». Cet « assez » est, par conséquent, ce que nous pourrions appeler un usage positif du mot et, par conséquent, tout à fait différent dans sa signification de la manière très narquoise dont un autre Abraham, mon grand-père, aimait en faire usage. Par exemple : lorsqu'il entendait qu'untel ou tel autre, en général un cousin âgé de la branche de la famille qu'il dédaignait, était mort à un âge très avancé, il hochait légèrement sa belle tête et disait, Nu ? Genug isr genug ! Assez, c'est assez! Il faisait souvent cette petite plaisanterie sinistre quand il me faisait parcourir la concession familiale au cimetière de Mount Judah et insistait pour décliner les âges auxquels ses soeurs étaient mortes -- vingt-six, trente-cinq -- et m'entraîner ensuite, quelques pas plus loin, devant les tombes en bronze de sa cousine germaine Elsie Mittelmark, morte à l'âge de quatre-vingtquatre ans en 1973, et de sa soeur à elle, Berta, morte à quatre-vingt-douze ans en 1982, trois fois plus âgée que sa cousine Ray, Ruchele, lorsqu'elle était morte une semaine avant de se marier. Genug ist genug ! En tout cas, Dieu fait ces promesses extravagantes à Abraham, et quelle que soit la signification du nom qu'il utilise à ce moment-là, l'accomplissement de ses promesses suggère que son pouvoir est, du moins selon ce texte, « assez » pour les accomplir. Les promesses fonctionnent dans les deux sens et, comme je l'ai mentionné, en échange de la promesse de protection et d'abondance qu'il fait à Abraham, Dieu exige un signe permanent du lien qui l'unit au peuple élu, un symbole qui sera découpé dans la chair même. Par conséquent, le dernier événement qui est relaté dans parashat Lech Lecha est des plus curieux : une circoncision de masse qui a lieu juste avant que naisse Yitzhak, que nous connaissons bien sûr sous le nom d'Isaac. Après l'apparition de Dieu en El Shaddai, Abraham a pris son fils de treize ans, Ismaël, et toute sa domesticité, et tous ses esclaves, à la fois ceux qui étaient nés dans l'esclavage et ceux qui avaient été achetés, et il les a tous circoncis. Cette circoncision, bien entendu, est le signe visible et inaltérable de l'alliance de Dieu avec le peuple hébreu -- cette même visibilité, cette même inaltérabilité étant, par la suite, une des raisons pour lesquelles on entend plus souvent des histoires de femmes qui, comme Anna Heller Stem, ont pu prétendre, à cause d'un heureux accident de la génétique, appartenir à des peuples non élus, quand le peuple élu était éradiqué de la surface de la Terre, que des histoires d'hommes, puisque même lorsque ces hommes étaient blonds aux yeux bleus, leur chair était marquée par l'alliance établie par Dieu avec son peuple élu, comme il est dit à la fin de parashat Lech Lecha. Ce que mon expérience m'a appris, c'est que les hommes ou bien se cachaient, comme Jack, Bob et les autres, ou bien s'enfuyaient, comme Bumo Kulberg, qui portait le prénom de son grand-père Abraham -- un homme dont le nom était à la fois Kulberg et Kornblüh ; Bumo Kulberg qui, en pleine maturité, a eu une fille, qui a eu une fille à son tour, une fille dont le prénom, Alma, signifie « âme », et dont le nom de famille n'est pas le nom de son père, mais celui du père de sa mère, Kulberg, parce qu'il n'y a personne d'autre pour le porter dans l'avenir. La profonde émotion qui sous-tend la décision d'embrasser cet héritage particulier a conduit, en partie du moins, la fille d'Adam Kulberg à dire, à la fin du premier soir de notre visite, La meilleure chose qui soit arrivé à mon père, c'est Alma. C'est comme si... toute cette douleur et tout ce malheur, Alma les avait adoucis de nouveau. Il dit qu'il vit pour Alma. Quoi qu'il en soit, la question fameuse concernant la conclusion de Lech Lecha est la suivante : pourquoi Dieu attend-il qu'Abraham ait quatre-vingt-dix-neuf ans avant d'établir la marque de son alliance avec lui, sa maison et sa descendance ? Après tout, comme le dit Friedman dans son commentaire très contemporain, « Dieu connaît Abraham depuis des années » à ce moment-là : « Pourquoi ne pas poser cette exigence dès le début de la relation ? » Friedman répond alors à sa question rhétorique d'une façon que je trouve assez convaincante, moi qui connais la Torah moins intimement que je ne connais l'Odyssée, histoire d'une lutte épique pour retrouver un foyer qui diffère la satisfaction d'une réunion de famille pour son héros, non pour le moment du retour en soi, mais pour les conséquences des épreuves et des tests grâce auxquels il prouve qu'il mérite cette réunion. Pourquoi le moment de la circoncision, le moment où une nouvelle sorte de famille est créée, arrive-t-il tellement tard dans le récit de la Genèse ? demande Friedman. Parce que, répond-il, la circoncision n'est qu'un signe de l'alliance. Alors pourquoi ne pas conclure l'alliance elle-même dès le début ? insiste-t-il. Parce que, nous dit le rabbin, Abraham doit endurer de nombreuses épreuves pour prouver qu'il mérite l'alliance. Cela, me semble-t-il, est une considération narrative autant qu'éthique. Car si parashat Lech Lecha ne parvient pas à faire sentir la lutte, l'effort qui doit être enduré dans le temps, par quoi Abraham mérite l'alliance, le geste décisif paraîtra plat et négligeable : nous ne sentirons pas, comme nous le devrions, l'impact ultime de la scène de circoncision de masse, ce signe visible et inaltérable qu'Abraham est unique au monde, que lui et son peuple ont été désignés pour accomplir quelque chose de singulier, ont été élus.     4Chez soi de nouveau(un faux dénouement)     Longtemps, je me suis dit que c'était la fin de nos voyages, la fin de l'histoire. Après que nous sommes revenus du Danemark et que j'ai commencé à réfléchir à tous les voyages que nous avions faits et à toutes les histoires que nous avions entendues, une phrase d'Alena n'a cessé de résonner dans ma tête. On aurait dit qu'elle ne s'intéressait pas tant à l'histoire de sa grand-mère qu'à la façon de raconter l'histoire de sa grand-mère, avait-elle dit ce soir-là. Comment être le narrateur. Je me suis dit, Voilà, c'est l'unique problème auquel est confrontée ma génération, la génération de ceux qui avaient, disons, sept ou huit ans au milieu des années 1960, la génération des petits-enfants de ceux qui avaient été adultes quand tout cela s'était passé ; un problème auquel aucune autre génération dans l'histoire ne sera confrontée. Nous sommes juste assez proches de ceux qui y étaient pour nous sentir une obligation vis-à-vis des faits tels que nous les connaissons ; mais nous sommes aussi assez éloignés d'eux, à ce stade, pour devoir nous soucier de notre propre rôle dans la transmission de ces faits, maintenant que les gens, qui ont vécu ces faits, ont pour la plupart disparu. J'ai pensé à tout cela et j'ai vu que, après les milliers de kilomètres que Matt et moi avions parcourus pendant l'année qui venait de s'écouler, une année presque entièrement consacrée

« du commentateur midrashiqueBereishitRabbah—explique mieuxencore laraison pour laquelle unetelle garantie estnécessaire :Abraham redoutait quelacirconcision, bris,queDieu exigera comme unsigne del'engagement deson nouveau peuplevis-à-vis delui, eût pour effet de l'isoler dangereusement dureste del'humanité, etdonc Dieuadû lerassurer.

DansBereishit Rabbah 46,3,nous apprenons qu'Abramadit, «Avant quejesois entré danscebris, lesgens venaient àmoi.

Continueront-ils àvenir àmoi, après quejesuis entré danslebris ? »C'est pourquoi Dieu,aumoment oùilfait sespromesses et,comme nousleverrons, exige l'établissement durituel dubris enretour, déclare lui-même être« assez ».

Cet« assez » est, par conséquent, ceque nous pourrions appelerunusage positif dumot et,par conséquent, tout àfait différent danssasignification delamanière trèsnarquoise dontunautre Abraham, mon grand-père, aimaitenfaire usage.

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Genugistgenug ! En tout cas,Dieu faitcespromesses extravagantes àAbraham, etquelle quesoitlasignification du nom qu'ilutilise àce moment-là, l'accomplissement deses promesses suggèrequeson pouvoir est,dumoins seloncetexte, « assez » pourlesaccomplir. Les promesses fonctionnent danslesdeux senset,comme jel'ai mentionné, enéchange dela promesse deprotection etd'abondance qu'ilfaitàAbraham, Dieuexige unsigne permanent du lien quil'unit aupeuple élu,unsymbole quisera découpé danslachair même.

Parconséquent, le dernier événement quiestrelaté dansparashat LechLecha estdes plus curieux :une circoncision demasse quialieu juste avant quenaisse Yitzhak, quenous connaissons biensûr sous lenom d'Isaac.

Aprèsl'apparition deDieu enElShaddai, Abraham apris sonfilsdetreize ans, Ismaël, ettoute sadomesticité, ettous sesesclaves, àla fois ceux quiétaient nésdans l'esclavage etceux quiavaient étéachetés, etilles atous circoncis.

Cettecirconcision, bien entendu, estlesigne visible etinaltérable del'alliance deDieu aveclepeuple hébreu —cette même visibilité, cettemême inaltérabilité étant,parlasuite, unedesraisons pourlesquelles on entend plussouvent deshistoires defemmes qui,comme AnnaHeller Stem,ontpuprétendre, à cause d'unheureux accident delagénétique, apparteniràdes peuples nonélus, quand le peuple éluétait éradiqué delasurface delaTerre, quedeshistoires d'hommes, puisquemême lorsque ceshommes étaientblondsauxyeux bleus, leurchair étaitmarquée parl'alliance établie parDieu avecsonpeuple élu,comme ilest ditàla fin deparashat LechLecha.

Ceque mon expérience m'aappris, c'estqueleshommes oubien secachaient, commeJack,Bobetles autres, oubien s'enfuyaient, commeBumoKulberg, quiportait leprénom deson grand-père Abraham —un homme dontlenom était àla fois Kulberg etKornblüh ;Bumo Kulberg qui,en pleine maturité, aeu une fille, quiaeu une filleàson tour, unefilledont leprénom, Alma, signifie « âme », etdont lenom defamille n'estpaslenom deson père, maiscelui dupère de sa mère, Kulberg, parcequ'iln'yapersonne d'autrepourleporter dansl'avenir.

Laprofonde émotion quisous-tend ladécision d'embrasser cethéritage particulier aconduit, enpartie du moins, lafille d'Adam Kulbergàdire, àla fin dupremier soirdenotre visite, Lameilleure chose qui soit arrivé àmon père, c'estAlma.

C'estcomme si...toute cettedouleur ettout cemalheur, Alma lesavait adoucis denouveau.

Ildit qu'il vitpour Alma.. »

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