Vocabulaire: CHEVAUCHER, verbe.

Vocabulaire: CHEVAUCHER, verbe. I.— Emploi intransitif. A.— Littéraire. [Le sujet désigne une personne] Aller à cheval. Il se tenait fièrement en selle et chevauchait avec grâce (JULIEN GREEN, Moïra, 1950, page 163) : Ø 1. La mort chevauche dans la nuit, à travers la plaine. Le vent de la nuit à travers la plaine halène; Le vent halène dans les ajoncs et sur les prêles. La mort monte un hongre pie et borgne aux jambes grêles. Et les trépassés sont pendus par la chevelure, Sont pendus par les pieds, à la queue, à l'encolure, L'encolure du hongre borgne qui caracole. La mort chevauche à travers la nuit, comme une folle. JEAN PAPADIAMANTOPOULOS, DIT JEAN MORÉAS, Les Cantilènes, Chevauchée de la mort, 1886, pages 199-200. · Locution. Chevaucher de compagnie : Ø 2.... je reçus avec une grave joie ma nomination. En même temps, un contingent d'hommes et de chevaux m'arrivait. Un recrutement du même coin, du pays d'Armagnac, sorti de communes jointives, de terres, d'enclos voisins, les chevaux la plupart élevés par les hommes, et d'un sang ardent, d'un coeur égal. Bien faits pour chevaucher de compagnie, fringants, rapides et sans peur. JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1925, page 226. — Par analogie, rare. Aller à dos de chameau : Ø 3. À partir de Semlin, les lieues de poste s'appellent lieues de chameau; pour quelques sous par jour, on peut monter sur ces animaux, et chevaucher fort noblement... GÉRARD DE NERVAL, Lorely, 1852, page 38. — Par extension, rare. Chevaucher (sur quelque chose). Être à califourchon (sur quelque chose) : Ø 4.... tous les marins sont capables de faire de bons cavaliers. À chevaucher sur les vergues on apprend à se tenir solidement. JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 1, 1868, page 167. B.— [Le sujet désigne une chose] Empiéter l'une sur l'autre, se croiser, se recouvrir en partie. Les dents, les tuiles chevauchent l'une sur l'autre : Ø 5. La lumière crue (...) accusait (...) la poitrine marbrée, le ventre jaune, les genoux grimaçants et les pieds dont les doigts chevauchaient. ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Lys rouge, 1894, page 331. Ø 6. Des livres, des paperasses, d'innombrables brochures chevauchaient sur les rayons... PAUL-JEAN TOULET, La Jeune fille verte, 1918, page 241. · Par métaphore. Certains souvenirs chevauchent, se télescopent, se juxtaposent (ANDRÉ GIDE, Ainsi soit-il, ou Les Jeux sont faits, 1951, page 1213 ). · Spécialement. IMPRIMERIE. " On dit qu'une ligne ou une lettre chevauchent quand elles ne sont pas à leur place, de guingois et mal d'aplomb " (Dictionnaire de l'imprimerie et des arts graphiques en général (ÉMILE DESORMES, ARNOLD MULLER), Paris, imprimerie des Beaux-Arts, 1912); être mal d'aplomb : Ø 7. Pour ne pas se donner la peine de desserrer, des corrigeurs peu scrupuleux enfoncent entre les lignes qui chevauchent de petits morceaux de papier mouillé. ÉMILE LECLERC, Nouveau manuel complet de typographie, 1932, page 108. — Emploi pronominal. Mes dents se chevauchent (JEAN COCTEAU, La Difficulté d'être, 1947, page 30 ). II.— Emploi transitif. A.— [Le sujet désigne une personne, l'objet un animal] Monter (un cheval, un âne, etc.) : Ø 8. Elle [la divinité de ses rêves, femme, déesse] est belle, bonne, pardonnante, et chevauche à côté de lui une cavale blanche caparaçonnée d'argent, en faisant voler dans l'air sa longue chevelure imprégnée des parfums de l'Yémen. MARIE-JEANNE DURRY, Gérard de Nerval et le mythe, 1956, page 140. · Par analogie : Ø 9.... le paysage de convention [de la tapisserie] est peuplé par une création adorablement mensongère (...) des fileuses de campagne aux engageantes de dentelle (...) et de petits paysans faunins chevauchant des chèvres... EDMOND DE GONCOURT, La Maison d'un artiste, 1881, page 14. Ø 10.... les trinitaires, à la rude chemise de serge, (...), jusqu'en 1267, n'eurent le droit de chevaucher que des ânes;... EDMOND FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis, 1942, page 52. — Locution figurée. Chevaucher l'un et mener l'autre par la bride (JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, La Chronique des frères ennemis, 1929, page 52 ). Chevaucher la chimère (MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 427 ). — Rare. Chevaucher un pays. Le parcourir à cheval. Oubliez-vous que nous avons encore à chevaucher tout le pays de Meaux (PROSPER MÉRIMÉE, La Jacquerie, 1828, page 279 ). B.— Par extension. 1. [Le sujet désigne une personne, l'objet une chose] Être à califourchon sur quelque chose. Augustin arracha la canne de son papa, la chevaucha, et gambadant, cria : tu, tu, tu, tu (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 1, 1933, page 25) : Ø 11. Les seuls cavaliers qu'on rencontre [dans Vérone] sont ceux qui prennent le frais au seuil des portes en chevauchant des chaises. JEAN GIONO, Voyage en Italie, 1953, page 97. 2. [Le sujet et l'objet désignent une chose] Être à cheval sur. Il [le docteur] ramassa sa trousse, prit son pardessus qui chevauchait le bras d'un fauteuil (PAUL VIALAR, La Mort est un commencement, Le Petit jour, 1947, page 144 ). Une paire de lunettes chevauche le nez aux grandes narines membraneuses (GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Désert de Bièvres, 1937, page 230 ). — La voiture chevauche une ligne jaune, et, par métonymie, il chevauche une ligne jaune. — Au figuré, rare. Chevaucher la discipline. Être à cheval sur le principe de la discipline (confer cheval) : Ø 12. M. le colonel baron de la Gondrée, un monsieur qui ne plaisantait pas et chevauchait la discipline comme un simple général Boum... GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Train de 8 h 47, 1888, I, 3, page 34. C.— [Le sujet et l'objet désignent un animal] Monter la femelle. Au moment où il [Goupil] allait chevaucher la femelle en redressant l'avant-train d'un mouvement plus vif (LOUIS PERGAUD, De Goupil à Margot, 1910, page 56 ). — Péjoratif. [En parlant d'êtres humains] Ma mère le [Maxime] surprit chevauchant une servante (FRANCIS CARCO, Rien qu'une femme, 1924, page 245 ). Remarque : On rencontre dans la documentation a) Chevauchable, adjectif [En parlant d'un chemin] Où l'on peut chevaucher. Chemin chevauchable (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). Attesté aussi dans Grand dictionnaire universel du XIXe. et du XXe. siècle (Pierre Larousse), Dictionnaire de la langue française (Émile Littré), Dictionnaire des dictionnaires (sous la direction de Paul Guérin) 1892, Dictionnaire encyclopédique Quillet 1965. b) Chevauchure, substantif féminin, bât. Disposition de pièces qui empiètent l'une sur l'autre. La chevauchure des ardoises. DÉRIVÉS : Chevauchage, substantif masculin. rare. Action de chevaucher un objet (confer chevaucher II B). Les phénomènes produits par cette conserve [le haschich] expliquent parfaitement le chevauchage sur les balais (HONORÉ DE BALZAC, Le Cousin Pons, 1847, page 121 ). — Spécialement, IMPRIMERIE. [En parlant des lettres ou des lignes] Défaut d'alignement. Avant de serrer, il faut veiller à l'aplomb des lignes, au chevauchage des lettres en bordure, aux sorties d'interlignes (ÉMILE LECLERC, Nouveau manuel complet de typographie, 1932, page 293 ).