VIII LE POT-AU-NOIR À Dakar, nous avions dit adieu à l'Ancien Monde et, sans apercevoir les îles du Cap-Vert, nous étions parvenus à ce atidique 7° N.
Publié le 06/01/2014
Extrait du document
«
animaux.
Telétait lesentiment duroi Ferdinand, puisqu’en1512ilimportait desesclaves blanches danslesIndes
occidentales dansleseul butd’empêcher lesEspagnols d’épouser desindigènes « quisontloind’être descréatures
raisonnables ».
Devantlesefforts deLas Casas poursupprimer letravail forcé,lescolons semontraient moinsindignés
qu’incrédules : « Alors,s’écriaient-ils, onnepeut même plusseservir debêtes desomme ? »
De toutes cescommissions, laplus justement célèbre,celledesmoines del’ordre deSaint-Jérôme, émeutàla fois par
un scrupule quelesentreprises colonialesontbien oublié depuis 1517,etpar lejour qu’elle jettesurlesattitudes
mentales del’époque.
Aucours d’une véritable enquêtepsycho-sociologique conçueselonlescanons lesplus modernes,
on avait soumis lescolons àun questionnaire destinéàsavoir si,selon eux,lesIndiens étaientounon « capables devivre
par eux-mêmes, commedespaysans deCastille ».
Touteslesréponses furentnégatives : « Àlarigueur, peut-être, leurs
petits-enfants ; encorelesindigènes sont-ilssiprofondément vicieuxqu’onpeutendouter ; àpreuve : ilsfuient les
Espagnols, refusentdetravailler sansrémunération, maispoussent laperversité jusqu’àfairecadeau deleurs biens ;
n’acceptent pasderejeter leurscamarades àqui lesEspagnols ontcoupé lesoreilles. » Etcomme conclusion unanime :
« Il vaut mieux pourlesIndiens devenir deshommes esclavesquederester desanimaux libres… ».
Un témoignage dequelques annéespostérieur ajoutelepoint finalàce réquisitoire : « Ilsmangent delachair
humaine, ilsn’ont pasdejustice, ilsvont toutnus,mangent despuces, desaraignées etdes vers crus… Ilsn’ont pasde
barbe etsipar hasard illeur enpousse, ilss’empressent del’épiler. » (Ortizdevant leConseil desIndes, 1525.)
Au même moment, d’ailleurs, etdans uneîlevoisine (Porto-Rico, selonletémoignage d’Oviedo)lesIndiens
s’employaient àcapturer desblancs etàles faire périr parimmersion, puismontaient pendantdessemaines lagarde
autour desnoyés afindesavoir s’ilsétaient ounon soumis àla putréfaction.
Decette comparaison entrelesenquêtes se
dégagent deuxconclusions : lesblancs invoquaient lessciences socialesalorsquelesIndiens avaient plutôtconfiance
dans lessciences naturelles ; et,tandis quelesblancs proclamaient quelesIndiens étaientdesbêtes, lesseconds se
contentaient desoupçonner lespremiers d’êtredesdieux.
Àignorance égale,ledernier procédé étaitcertes plusdigne
d’hommes.
Les épreuves intellectuelles ajoutentunpathétique supplémentaire autrouble moral.Toutétait mystère ànos
voyageurs ; l’Image
dumonde de
Pierre d’Ailly parled’une humanité fraîchement découverteetsuprêmement
heureuse, « gens
beatissima »,
composée depygmées, demacrobes etmême d’acéphales.
PierreMartyr recueille la
description debêtes monstrueuses : serpentssemblables àdes crocodiles ; animauxayantuncorps debœuf arméde
proboscide commeunéléphant ; poissonsàquatre membres etàtête debœuf, ledos orné demille verrues etàcarapace
de tortue ; tyburons dévorant gens.Cenesont là,après tout,queboas, tapirs, lamantins ouhippopotames etrequins (en
portugais tubarão).
Mais
inversement, d’apparentsmystèresétaientadmiscomme allantdesoi.
Pour justifier lebrusque
changement deroute quiluifitmanquer leBrésil, Colomb nerelatait-il pas,dans sesrapports officiels,d’extravagantes
circonstances, jamaisrenouvelées depuislors,surtout danscette zonetoujours humide : chaleurbrûlante quirendit
impossible lavisite descales, sibien quelesfûts d’eau etde vin explosèrent, legrain flamba, lelard etlaviande sèche
rôtirent pendant unesemaine ; lesoleil étaitsiardent quel’équipage crutbrûler vif.Heureux siècleoùtout était encore
possible, commepeut-être aujourd’hui grâceauxsoucoupes volantes !
Dans cesflots oùnous voguons maintenant, n’est-cepaslàou presque queColomb rencontra dessirènes ? Envérité,
il les vitàla fin dupremier voyage,danslamer desCaraïbes, maisellesn’eussent pasétédéplacées aularge dudelta
amazonien.
« Lestroissirènes, raconte-t-il, élevaientleurscorps au-dessus delasurface del’océan, etbien qu’elles ne
fussent pasaussi belles qu’onlesreprésente enpeinture, leurvisage rondavait nettement formehumaine. » Les
lamantins ontlatête ronde, portent lesmamelles surlapoitrine ; commelesfemelles allaitentleurspetits enles serrant
contre ellesavec leurs pattes, l’identification n’estpassisurprenante, àune époque oùl’on sepréparait àdécrire le
cotonnier (etmême àle dessiner) souslenom d’arbre àmoutons : unarbre portant, enguise defruits, desmoutons
entiers pendus parledos etdont ilsuffisait detondre lalaine.
De même, lorsque au Quart
Livre de
Pantagruel, Rabelais,sefondant sansdoute surdes comptes rendusde
navigateurs débarquésd’Amérique, offrelapremière caricature deceque lesethnologues appellentaujourd’hui un
système deparenté, ilbrode librement surunfragile canevas, carilest peu desystèmes deparenté concevables oùun
vieillard puisseappeler unepetite fille« mon père ».
Danstouscescas, ilmanquait àla conscience duXVIesiècle un
élément plusessentiel quelesconnaissances : unequalité indispensable àla réflexion scientifique etqui luifaisait défaut.
Les hommes decette époque n’étaient passensibles austyle del’univers ; commeaujourd’hui, surleplan desbeaux-arts,
un rustique ayantperçu certains caractères extérieursdelapeinture italienne oudelasculpture nègre,etnon leur
harmonie significative, seraitincapable dedistinguer unecontrefaçon d’unBotticelli authentique, ouunobjet debazar
d’une figurine pahouin.
Lessirènes etl’arbre àmoutons constituent autrechose etplus quedeserreurs objectives : surle
plan intellectuel, cesont plutôt desfautes degoût ; ledéfaut d’esprits qui,malgré leurgénie, etleraffinement dontils
témoignaient dansd’autres domaines, étaientinfirmes souslerapport del’observation.
Cequi n’entrane pointde
censure àleur endroit, maisbienplutôt unsentiment derévérence devantlesrésultats obtenusendépit deces lacunes.
Mieux qu’Athènes, lepont d’unbateau enroute verslesAmériques offreàl’homme moderne uneacropole poursa
prière.
Noustelarefuserons désormais, anémiquedéesse,institutrice d’unecivilisation claquemurée ! Par-dessusces.
»
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