Devoir de Philosophie

une photo et qu'elle m'avait demandé d'aller regarder - c'était au

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

une photo et qu'elle m'avait demandé d'aller regarder - c'était au cours de cet après-midi qui avait suivi le déjeuner chez son beau-frère, alors que Matt et moi étions devant l'immeuble à attendre un taxi, que Meg avait insisté pour que, si nous étions assez idiots pour jamais retourner en Ukraine (des cannibales !), nous ne disions à personne qu'elle vivait en Australie et, réagissant à mon expression sidérée, avait ajouté, Ils ont tué le reste de ma famille, pourquoi ne voudraient-ils pas me tuer aussi ? -, la maison de Meg Grossbard avait été peinte en rose chewing-gum. Lorsque nous sommes descendus de la Passât, Froma a regardé autour d'elle et dit, Je me demande si tous ces gens ont la moindre curiosité pour nous. Cette fois, j'ai compris aussi que la dernière fois que nous étions venus, nous n'avions vu en réalité que la moitié du Rynek. Armé de la carte que Jack m'avait faxée la semaine qui avait précédé mon départ, j'ai commencé ma navigation avec Froma et Alex à la remorque. Il y avait la maison où mon grand-père était né, les pruniers chargés de fruits ; il y avait le Petit Parc avec ses tilleuls. Nous nous sommes arrêtés devant la Magistrat et là j'ai pointé le doigt en direction de l'endroit précis où se trouvait autrefois la boucherie de Shmiel. J'ai sorti une photocopie de la photo du livre Yizkor de Bolechow, celle que mon grand-père, il y a bien longtemps, avait légendée des mots notre boucherie, et je l'ai montrée à Froma et à Alex pour qu'ils puissent vérifier. Ils ont hoché la tête et souri. Nous avons trouvé le Dom Katolicki, aujourd'hui salle de réunion des Témoins de Jéhovah, un bâtiment carré de deux étages, laid, à l'aspect solide, avec des fenêtres carrées et un toit en tôle ondulée, situé au milieu d'un pâté de maisons résidentielles, en bas de la rue en face de ce qui s'appelait autrefois, je le savais à présent, l'église polonaise. Une fois de plus, comme cela a été souvent le cas quand je me suis retrouvé finalement en face de bâtiments dont l'apparence physique ne suggère pas -- et ne pouvait pas suggérer - les histoires intenses qu'ils ont abritées, j'ai ressenti une vague déception, une impression de platitude. Il était difficile pour moi de lier cette petite structure tassée aux terribles histoires, nombreuses et violentes, dont j'avais entendu parler. Ce n'est que plusieurs semaines plus tard, lorsque j'étais chez moi à New York en train de regarder des photos du voyage, que j'ai enfin remarqué les grandes lettres métalliques d'un design clairement contemporain fixées sur la façade de ce bâtiment décrépit, juste au-dessous de la tôle ondulée. KIHO, annonçaient les lettres cyrilliques sur le côté gauche ; TEATP, sur le côté droit. Cinéma. Théâtre. C'est seulement à ce moment-là que je me suis rendu compte qu'ils continuaient à projeter des films dans cet endroit. Sans doute parce que je me réjouissais de mon savoir, de la confiance que m'avaient donnée les cartes et les interviews, et sans doute à cause du beau temps tout simplement, je me sentais d'une humeur exubérante. Le contraste entre cette visite pleine de confiance sous un ciel ensoleillé et celle que j'avais faite en 2001 n'aurait pas pu être plus net. Pour une fois, me suis-je dit alors, j'avais trouvé exactement ce que j'étais venu chercher. En l'espace de quelques minutes seulement, il est devenu clair que je me trompais.     Tout a commencé parce que nous ne pouvions pas trouver une chose que j'avais voulu trouver plus que tout, la maison de Shmiel. En Australie, Boris Goldsmith nous avait dit que Shmiel n'avait pas vécu dans la maison dans laquelle ses frères, ses soeurs et lui étaient nés, la Maison Numéro 141, adresse donnée sur ces centaines de certificats de naissance et de décès qu'Alex m'avait envoyés, des années auparavant, mais qu'il avait déménagé dans les années 1930 dans une grande maison neuve de la rue Dlugosa. Avec le temps, Jack et les autres, en Australie, en Europe et en Israël, avaient confirmé cette information et dessiné des cartes pour que je puisse repérer précisément l'endroit de la rue - juste en face du Petit Parc - et de la maison ellemême, la quatrième sur la droite en partant du début de la rue. Mais la quatrième maison (et même la cinquième et la sixième) dans la rue qui correspondait plus ou moins à la rue Dlugosa sur la carte de Jack, qui s'appelait désormais Russka, était une sorte d'énorme grange, très longue et très ancienne, qui occupait apparemment plusieurs lots. Il était évident qu'il n'y avait jamais eu de maison à cet endroit. Nous avons commencé à descendre la rue, en nous éloignant du Petit Parc. Cette marche à travers la ville était, je dois l'admettre, beaucoup plus plaisante qu'elle ne l'avait été lors de la première visite, lorsque Andrew, Matt, Jen et moi avions pataugé dans la boue sous la pluie. Il n'était pas encore onze heures du matin et l'atmosphère était déjà chaude. Nos pas crissaient dans la poussière et les graviers de la rue. Chaque maison, semblait-il, avait un long jardin à l'arrière rempli de pommiers, de pruniers et de cognassiers. Des chiens aboyaient paresseusement. Alex a arrêté une femme, une jeune femme, et lui a demandé si elle connaissait une personne âgée qui vivait dans le quartier qui aurait pu nous indiquer l'endroit où se trouvait une rue qui autrefois s'appelait Dlugosa. Ils ont bavardé une minute et Alex a agité le bras pour nous faire signe, à Froma et à moi, de repartir en arrière. Nous devons revenir vers le parc, a-t-il fini par dire. Il y a un vieil homme qui vit au début de la rue. La femme nous a conduits vers la maison et a pointé le doigt vers elle. Un homme trapu, le visage slave et les cheveux blancs bien fournis, plaqués en arrière d'un front bronzé, était assis sur une sorte de chaise roulante motorisée dans le jardin qui se trouvait devant la maison. Toutefois, lorsqu'il nous a vus approcher, il s'est levé. Alex et lui se sont parlé. Il paraissait ne rien savoir au sujet de la rue Dlugosa. Alex a fait un rapide clin d'oeil et a basculé la tête sur le côté, l'air de dire, Allons-nous-en - un tic que j'avais fini par reconnaître comme sa façon de signaler que nous perdions notre temps et que nous ferions mieux de continuer --, quand le vieil homme a salué bruyamment quelqu'un qui descendait la rue en provenance de l'endroit dont nous venions. Nous nous sommes tournés vers lui. Stepan, a dit le vieil homme. Ce Stepan s'est avancé à pas lents jusqu'à nous et a serré nos mains d'une poigne ferme. Il portait une chemise à carreaux gris et bleus d'ouvrier et une casquette d'autrefois. Lorsqu'il a parlé, on a pu entendre le son d'un léger chuintement, presque un bourdonnement. Il n'avait pas de dents de devant, ce qui ne l'empêchait nullement de sourire souvent. Il avait la peau aussi brune et parcheminée qu'une vieille selle. Alex a répété ce qu'il venait de dire à l'autre homme. Nous cherchions la rue Dlugosa, a-t-il dit. Nous cherchions la maison du grand-oncle de cet Américain, un Juif qui a vécu à Bolekhiv, à Bolechovv, avant la guerre. Shmiel Jäger. Jäger ! s'est exclamé Stepan. Il s'est mis à parler rapidement à Alex. Alex, dont le large visage était déjà rouge et transpirant à cause du soleil, a fait un grand sourire. Il m'a regardé et a dit, Il dit que son père était un chauffeur de Shmiel Jäger ! Ah, vraiment ? ai-je dit. Et c'était, je m'en suis rendu compte, un contraste de plus entre 2001 et 2005. En 2001, Jen et moi avions baissé la tête et pleuré simplement parce que nous avions rencontré quelqu'un qui avait connu Shmiel et sa famille, sans les connaître vraiment : cela paraissait alors à ce point impossible qu'il pût encore exister des gens qui pouvaient se souvenir d'eux. Mais à présent j'avais parlé à tant de gens, de ceux qui les avaient véritablement connus. Ainsi écoutais-je Stepan avec intérêt, mais sans excitation. Jäger, tak, disait Stepan. Il parlait et Alex faisait une traduction simultanée. Jäger avait un camion. Dans ce camion, il transportait des marchandises entre Bolechow et Lwów. Son père conduisait le camion. Et lui, Jäger, disait parfois à son père d'aller chercher deux chevaux pour l'aider à tirer le camion au sommet d'une colline, parce qu'il était surchargé et ne pouvait plus avancer ! De très grands chevaux, des chevaux allemands, comme ceux qu'ils utilisaient pendant la guerre pour tirer les canons. Ah, vraiment ? ai-je dit de nouveau. Mais, cette fois, plusieurs personnes s'étaient rassemblées autour de nous pour écouter ce qui se disait : une femme entre deux âges en blouse de ménagère et deux jeunes femmes en jeans et t-shirts moulants. Elles étaient curieuses de savoir qui nous étions. Il avait l'habitude d'aller à Lwow, a poursuivi Alex en traduisant les propos de Stepan, et lorsque quelque chose tombait en panne, il était furieux, c'était le désastre ! Il avait sa boucherie près du centre, à un endroit où trois nouvelles maisons ont été construites depuis. Pas très loin du Ratusz, en face de la Magistrat. De l'autre côté de la rue. Oui, ai-je dit. Et donc Stepan a continué à parler un bon moment et nous a raconté beaucoup de choses. Il se souvenait des Szymanski, une famille polonaise. Ils avaient une maison avec une sorte de taverne à l'intérieur, on pouvait y manger des saucisses. La maison n'existe plus aujourd'hui. Il ne savait rien de plus au sujet des Szymanski. Il se souvenait des Grunschlag. Ils vendaient du bois. Il se souvenait d'une famille du nom de Zimmerman. L'autre vieux et lui se souvenaient des Ellenbogen. Ils avaient une boutique sur le Rynek. Il se souvenait que des Juifs avaient été déportés en Sibérie en 1940 : la famille Landes. Il se souvenait de noms dont je n'avais jamais entendu parler : Blumenthal, Kelhoffer. Il se souvenait d'Eli Rosenberg qui était revenu à Bolechow et y avait vécu longtemps après la fin de la guerre. Il se souvenait que, pendant l'Occupation, tous les Juifs avaient été tués. Il se souvenait de choses plus spécifiques de la période de la guerre, par exemple du jour où il aidait son père à faire quelque chose pas loin du Rynek et que des coups de feu avaient éclaté. Des balles sifflaient de tous les côtés, pchiou ! pchiou ! pchiou ! a dit Stepan en imitant le bruit des balles. A terre ! À terre ! avait crié son père et ils s'étaient couchés dans l'herbe pour se protéger des balles. Sur qui tirait-on ? avonsnous demandé. Sur des Juifs, probablement, a-t-il répondu. Il avait vu, un jour, comment les Juifs avaient été emmenés sur la route par les nazis, avec leurs manches relevées et leurs mitraillettes. Deux types du coin (a traduit Alex), qui n'étaient pas en uniforme, les aidaient. Il y avait aussi une police ou une milice juive, organisée par les nazis, et la police juive connaissait tout le monde. Donc, ces Juifs ont été emmenés dans cet endroit au bout de la ville, près de Taniawa. Oui, il savait où se trouvait Taniawa, son père avait participé à la construction du monument commémoratif. Ils avaient l'habitude de tondre la pelouse là-bas. Bien, ai-je dit, nous y allons. J'avais entendu dire que la végétation avait tout envahi et qu'il était impossible de trouver quoi que ce fût ; de toute évidence, ce Stepan était la personne idéale pour nous aider à le retrouver (et nous y sommes allés en effet, plus tard dans la journée, et après une heure de recherches dans une forêt de fleurs sauvages qui montaient jusqu'à la poitrine, si dense qu'on avait l'impression d'être dans un conte de fées, je me suis tourné vers Alex et j'ai dit, comme ma mère aurait pu le dire, C'est magnifique, cet endroit ! et il a souri sombrement avant de répondre, C'était toujours dans un endroit magnifique.

« Numéro 141,adresse donnéesurces centaines decertificats denaissance etde décès qu'Alex m'avait envoyés, desannées auparavant, maisqu'ilavait déménagé danslesannées 1930dans une grande maison neuvedelarue Dlugosa.

Avecletemps, Jacketles autres, enAustralie, en Europe eten Israël, avaient confirmé cetteinformation etdessiné descartes pourquejepuisse repérer précisément l'endroitdelarue – juste enface duPetit Parc– etdelamaison elle- même, laquatrième surladroite enpartant dudébut delarue.

Mais laquatrième maison(et même lacinquième etlasixième) danslarue quicorrespondait plusoumoins àla rue Dlugosa sur lacarte deJack, quis'appelait désormais Russka,étaitunesorte d'énorme grange,très longue ettrès ancienne, quioccupait apparemment plusieurslots.Ilétait évident qu'iln'yavait jamais eudemaison àcet endroit.

Nousavons commencé àdescendre larue, ennous éloignant duPetit Parc.

Cette marche àtravers laville était, jedois l'admettre, beaucoupplus plaisante qu'ellenel'avait étélors delapremière visite,lorsque Andrew, Matt,Jenetmoi avions pataugé danslaboue souslapluie.

Iln'était pasencore onzeheures dumatin et l'atmosphère étaitdéjàchaude.

Nospascrissaient danslapoussière etles graviers delarue. Chaque maison, semblait-il, avaitunlong jardin àl'arrière remplidepommiers, depruniers et de cognassiers.

Deschiens aboyaient paresseusement.

Alexaarrêté unefemme, unejeune femme, etlui ademandé sielle connaissait unepersonne âgéequivivait danslequartier qui aurait punous indiquer l'endroit oùsetrouvait uneruequiautrefois s'appelait Dlugosa.Ilsont bavardé uneminute etAlex aagité lebras pour nous fairesigne, àFroma etàmoi, derepartir en arrière.

Nousdevons revenirversleparc, a-t-ilfinipar dire.

Ilya un vieil homme quivitau début delarue. La femme nousaconduits verslamaison etapointé ledoigt verselle.

Unhomme trapu,le visage slaveetles cheveux blancsbienfournis, plaqués enarrière d'unfront bronzé, étaitassis sur une sorte dechaise roulante motorisée danslejardin quisetrouvait devantlamaison. Toutefois, lorsqu'ilnousavus approcher, ils'est levé.

Alexetlui sesont parlé.

Ilparaissait ne rien savoir ausujet delarue Dlugosa.

Alexafait unrapide clind'œil etabasculé latête surle côté, l'airdedire, Allons-nous-en –  un ticque j'avais finipar reconnaître commesafaçon de signaler quenous perdions notretemps etque nous ferions mieuxdecontinuer —,quand le vieil homme asalué bruyamment quelqu'unquidescendait larue enprovenance del'endroit dont nous venions.

Nousnoussommes tournésverslui.

Stepan, a dit levieil homme.

Ce Stepan s'estavancé àpas lents jusqu'à nousetaserré nosmains d'unepoigne ferme.Ilportait une chemise àcarreaux grisetbleus d'ouvrier etune casquette d'autrefois.

Lorsqu'ilaparlé, on a pu entendre leson d'un léger chuintement, presqueunbourdonnement.

Iln'avait pasde dents dedevant, cequi nel'empêchait nullementdesourire souvent.

Ilavait lapeau aussi brune etparcheminée qu'unevieilleselle. Alex arépété cequ'il venait dedire àl'autre homme.

Nouscherchions larue Dlugosa, a-t-ildit. Nous cherchions lamaison dugrand-oncle decet Américain, unJuif quiavécu àBolekhiv, à Bolechovv, avantlaguerre.

ShmielJäger.

Jäger ! s’est exclamé Stepan.Ils'est misàparler rapidement àAlex. Alex, dontlelarge visage étaitdéjàrouge ettranspirant àcause dusoleil, afait ungrand sourire.

Ilm'a regardé etadit, Ildit que sonpère était unchauffeur deShmiel Jäger ! Ah, vraiment ?ai-je dit.Etc'était, jem'en suisrendu compte, uncontraste deplus entre 2001 et 2005.

En2001, Jenetmoi avions baissélatête etpleuré simplement parcequenous avions rencontré quelqu'un quiavait connu Shmiel etsa famille, sanslesconnaître vraiment:cela paraissait alorsàce point impossible qu'ilpûtencore existerdesgens quipouvaient sesouvenir d'eux.

Maisàprésent j'avaisparléàtant degens, deceux quilesavaient véritablement connus.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles