Tous les trente kilomètres environ, le bateau s'arrêtait pour faire
Publié le 06/01/2014
Extrait du document
«
entière
dansunemort quotidienne, demidi à4 heures, onprésente sesdevoirs augouverneur (alors« interventeur ») qui
réserve àl’ethnographe unaccueil polietennuyé ; lesIndiens, ilpréférerait certesqu’iln’yenait pas ; quesont-ils pour
lui, sinon lerappel irritant desadisgrâce politique, letémoignage deson éloignement dansunecirconscription arriérée ?
Chez l’évêque, c’estlamême chose ; lesIndiens, entreprend-il dem’expliquer, nesont pasaussi féroces etstupides qu’on
pourrait lecroire ; pourrais-je imaginerqu’uneIndienne Bororoestentrée enreligion ? QuelesFrères deDiamantino ont
réussi –au prix dequels efforts ! –àfaire detrois Paressi desmenuisiers acceptables ? Etsur leplan scientifique, les
missionnaires ontvraiment recueillitoutcequi valait lapeine d’être préservé.
Medoutais-je seulement quel’inculte
Service deProtection écritBororo avecl’accent tonique surlavoyelle terminale alorsquelePère UnTel aétabli, ilya
déjà vingt ans,qu’il setrouve surl’intermédiaire ? Quantauxlégendes, ilsconnaissent celledudéluge, preuvequele
Seigneur n’apas voulu qu’ilsdemeurassent desdamnés.
Jevais aller parmi eux,soit.
Mais surtout quejem’abstienne de
compromettre l’œuvredesPères : pasdecadeaux futiles,miroirs oucolliers.
Rienquedeshaches ; cesparesseux doivent
être rappelés àla sainteté dutravail.
Une foisdébarrassé deces formalités, onpeut passer auxchoses sérieuses.
Desjournées s’écoulent dansl’arrière-
boutique decommerçants libanaisappelés turcos :
mi-grossistes, mi-usuriers,quialimentent enquincaillerie, tissuset
médicaments desdouzaines deparents, clientsouprotégés dontchacun, munid’une cargaison achetéeàcrédit, s’enira,
avec quelques bœufsouune pirogue, extorquer lesderniers milreiségarésaufond delabrousse oulelong desrivières
(après vingtoutrente ansd’une existence aussicruelle pourluique pour ceuxqu’il exploite, ils’installera grâceàses
millions) ; chezleboulanger quipréparera lessacs de bolachas, pains
arrondis defarine sanslevain, agglomérée avecde
la graisse : durscomme pierre,maisrendus moelleux parlefeu jusqu’à cequ’émiettés parlessecousses etimprégnés de
la sueur desbœufs ilsdeviennent unaliment indéfinissable, aussirance quelaviande séchée commandée auboucher.
Celui deCuiaba étaitunpersonnage nostalgique ; ilavait uneseule ambition, etpeu dechances qu’ellesoitjamais
satisfaite : uncirque viendrait-il unjour àCuiaba ? Pourtant, ilaurait tantaimé contempler unéléphant : « Toutecette
viande !… ».
Ilyavait enfin lesfrères B… ;c’étaient desFrançais, Corsesd’origine, installésdepuislongtemps àCuiaba, pourquelle
raison ilsne me l’ont pasdit.Ilsparlaient leurlangue maternelle d’unevoixlointaine, chantante etavec hésitation.
Avant
de sefaire garagistes, ilsavaient étéchasseurs d’aigrettes etdécrivaient leurtechnique, quiconsistait àdisposer surlesol
des cornets depapier blancoùles grands oiseaux, fascinésparcette couleur immaculée quiestaussi laleur, venaient
piquer dubec et,aveuglés parcecapuchon, selaissaient capturersansrésistance.
Caronrecueille lesbelles plumes àla
saison desamours, surl’oiseau vivant.Ilyavait àCuiaba desarmoires rempliesd’aigrettes, invendables depuisquela
mode lesadédaignées.
Lesfrères B…étaient ensuite devenus chercheurs dediamants.
Maintenant ilsse spécialisaient
dans l’armement decamions qu’ilslançaient, commelesbateaux dejadis àtravers desocéans inconnus, surdes pistes où
la cargaison etlevéhicule couraient lerisque detomber aufond d’unravin oud’une rivière.
Maiss’ilsparvenaient àbon
port, unbénéfice de400 %compensait lespertes antérieures.
Bien souvent, j’aiparcouru encamion lepays deCuiaba.
Laveille dudépart, onprocédait auchargement desbidons
d’essence, enquantité d’autant plusgrande qu’ilfallait prévoir laconsommation del’aller etdu retour etqu’on
avancerait presquetoutletemps enpremière eten seconde ; ondisposait lesprovisions etlematériel decampement de
manière àdonner auxpassagers lapossibilité des’asseoir etde s’abriter encas depluie.
Ilfallait aussiaccrocher surles
côtés lescrics etles outils, ainsiqu’une provision decordages etde planches destinésàremplacer lesponts détruits.
À
l’aube dujour suivant, nousnous hissions ausommet delacargaison, commesurunchameau ; etlecamion commençait
sa progression oscillante ;dèslami-journée, lesdifficultés survenaient : terresinondées oumarécageuses, qu’ilfallait
boiser ; j’aiperdu troisjours àdéplacer ainsi,del’arrière àl’avant, untapis derondins, longdeux foiscomme lecamion,
jusqu’à ceque lepassage difficileaitété franchi ; oubien c’était lesable, etnous creusions souslesroues, comblant les
vides avecdufeuillage.
Quandlesponts étaient intacts, ondevait néanmoins déchargerentièrement pouralléger, et
recharger unefoisfranchies lesplanches branlantes ; sinous lestrouvions incendiées parunfeu debrousse, nous
campions pourlesreconstruire etles démanteler ensuite,lesplanches pouvantêtreindispensables uneautre fois ;enfin,
il yavait lesrivières majeures, passablesseulement surdes bacs formés detrois pirogues assemblées pardes traverses et
qui, sous lepoids ducamion, mêmedéchargé, enfonçaient jusqu’aubord,peut-être seulement pouramener levéhicule
vers unerivetrop abrupte outrop boueuse pourlagravir ; etc’étaient alorsdespistes àimproviser surplusieurs
centaines demètres, jusqu’àunmeilleur accostage ouungué.
Les hommes quifaisaient profession deconduire cescamions étaienthabitués àrester envoyage pendant des
semaines, parfoisdesmois.
Àdeux, ilsformaient équipe :lechauffeur etson « adjudant », l’unauvolant, l’autreperché
sur lemarchepied, guettantlesobstacles, surveillant laprogression, commelemarin quiseplace àla proue pouraider le
pilote àfranchir unepasse.
Ilsavaient toujours lacarabine àportée delamain, cariln’était pasrare qu’en travers du
camion unchevreuil ouuntapir s’arrête, curieuxplutôtqu’effrayé.
Ontirait àvue etlesuccès décidait del’étape : ilfallait
dépouiller, viderl’animal, débiterlesquartiers enfeuillets deviande, comme unepomme deterre qu’on éplucherait en
spirale jusqu’au centre.Lesfeuillets étaientaussitôt frictionnés avecunmélange toujoursprêtdesel, depoivre etd’ail
pilé.
Onlesétalait ausoleil pendant quelques heures,cequi permettait d’attendrelelendemain pourrenouveler.
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