sorte d'antichambre naturelle du nazisme.
Publié le 06/01/2014
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sorte d'antichambre naturelle du nazisme. Pas du tout, nous explique encore Rovan. Le pays est au seuil d'autre chose : devenir une grande démocratie parlementaire. Il ne l'est pas tout à fait. Le Reichstag n'a guère de contrôle sur le gouvernement, qui n'est responsable que devant l'empereur. Et ce dernier garde d'énormes pouvoirs. Sur un plan personnel, Guillaume II n'est pas un modèle : il est instable, capricieux et cyclothymique, il passera d'ailleurs une partie de la guerre prostré dans ses bureaux, en dépression, laissant tout pouvoir à son État-Major. Sur un plan intellectuel, il est un esprit borné et limité, entouré d'une clique de généraux à cravache qui le sont tout autant : tous ces gens pensent assurément qu'un bon peuple est un peuple qui marche au pas. À la même époque, la droite nationaliste française, qui passe son temps à chanter les clairons et les drapeaux, pense-t-elle autre chose ? En revanche, si on ose l'écrire, dans le domaine social, le Reich est bien plus avancé que son voisin républicain : retraites, assurance-maladie pour tous, les ouvriers allemands ont de quoi faire rêver leurs frères d'Europe. Et le premier parti du pays n'est pas un groupe d'extrême droite, c'est le très puissant SPD (Parti social-démocrate), qui donne le la aux socialistes du monde entier. Partout on révère ses grands leaders comme Bebel (qui meurt en 1913) et Kautsky, le marxiste pointilleux. En France, en août 1914, juste après l'assassinat de Jaurès, les socialistes se résolvent à voter les crédits de guerre au nom de la « défense nationale », la défense de la liberté et des valeurs menacées par l'agression de l'Empire allemand. En Allemagne, les mêmes socialistes votent les crédits de guerre au nom de la défense de la même liberté et des mêmes valeurs, menacées par une agression qui les épouvante tout autant : celle de l'Empire russe, cette honte de l'Europe, cette survivance de temps révolus, gouverné par un autocrate de droit divin qui règne sur un peuple laissé dans l'analphabétisme et la misère. Une chose leur échappe : comment les Français, qui se disent républicains, osent être alliés à un pays pareil ? Le point de vue de l'autre Les deux visions du conflit lui-même sont riches d'enseignements. Quand ils pensent la Première Guerre, les Français ont une carte en tête, celle du front ouest. Ils regardent ce petit quart nord du pays qui fut martyrisé, envahi, ils pensent à l'Artois, à la Somme, à la Meuse, ils voient l'Allemagne arc-boutée de toute sa puissance pour faire céder ce front, ils pensent : quelle héroïsme d'avoir résisté à cela ! Au passage, ils oublient que la moitié de ce front était tenu par l'ami anglais, mais passons, les Anglais font pareil et ont du mal à se souvenir qu'il y avait des soldats français en France. Un Allemand voit la même carte de beaucoup plus haut. Ça change tout. Ouvrons la focale très large, regardons comme lui le planisphère tout entier, et plaçons-nous par exemple au printemps de 1917. Supposons que son pays et ses amis soient en bleu, qu'est-ce que cela donne ? Allemagne, Autriche-Hongrie, Empire ottoman, un petit lac au beau milieu de la carte. Mettez les ennemis en rose, Angleterre, France, leurs colonies, l'immense Russie, et maintenant les États-Unis : cela couvre tout le reste du monde. On oublie toujours trop le point de vue de l'autre. Pour un Français, 1914-1918, c'est Joffre, c'est Foch, c'est le sursaut héroïque pour délivrer le sol de la patrie de l'envahisseur. Pour un Allemand, c'est une lutte à trois contre le monde entier, payée au prix de souffrances monstrueuses. L'Angleterre résiste à la guerre sous-marine et, dès le milieu de la guerre, impose en représailles un blocus maritime terrible à l'ennemi. Presque plus rien n'arrive dans le Reich. Même les épluchures de pommes de terre étaient rationnées. On estime à 700 000 le nombre des civils morts de faim, à l'arrière, en Allemagne. Il n'y eut rien de comparable en France ni en Angleterre. C'est vrai, fin 1917, la Russie cesse le feu. Mais les Américains commencent le leur. Pour la mémoire française, là encore, le débarquement au Havre des Yankees aux cris fameux de « La Fayette, nous voilà ! » est un épisode assez mineur : on n'est pas à Utah Beach en 1944. Ces braves soldats sont vus comme une gentille petite armée d'appoint qui nous aide à donner le coup de grâce. Les Allemands savent compter, ils savent qu'en quelques mois, ces sympathiques auxiliaires ont été deux millions ! Deux millions de soldats frais face à une armée épuisée par quatre ans d'efforts inouïs. Et celle-ci a encore tenu quelques mois. Où sont les héros ? demandent les Allemands. Le droit à géométrie variable Les Français, comme leurs alliés, ont toujours prétendu faire « la guerre du droit » - c'est ainsi que fut nommé le conflit dès le départ. Faut-il rappeler au passage que ce droit a parfois été à géométrie variable ? Ne cherchons pas à rouvrir de vieilles plaies trop douloureuses. Contentons-nous d'effleurer un sujet encore tellement tabou : l'Alsace-Lorraine. L'image que nous avons dans la tête des « provinces retrouvées », en 1918, c'est celle des soldats français accueillis en libérateurs par des villes en liesse peuplées de petites Alsaciennes en coiffe. D'innombrables Alsaciens et Lorrains furent en effet ces jours-là emplis de joie. D'autres ne le furent pas. Certains étaient sincèrement germanophiles. D'autres avaient pris leurs habitudes. Les provinces étaient allemandes depuis si longtemps, ils avaient fini par y trouver leur compte. Pourquoi devrait-on leur en faire grief ? On pense toujours à un pro-allemand de 1918 comme à une sorte de pré-collabo, un Laval avant l'heure. Quel anachronisme stupide ! L'Allemagne de l'époque, on l'a dit, est une nation honorable en passe d'être pleinement démocratique, pas la dictature monstrueuse qui advint quinze ans plus tard. Et choisir ce parti n'était pas simple en 1918. Après 1871, une centaine de milliers d'Alsaciens-Lorrains firent le choix de la France, c'est-à-dire qu'ils durent prendre la décision courageuse de s'exiler. Les traités signés avec la Prusse leur laissèrent des mois pour le faire. En 1918, de nombreux Alsaciens considérés comme « allemands » furent expulsés en une journée : ils passèrent le pont du Rhin à pied, sous les crachats et les insultes. De très nombreux Alsaciens-Lorrains furent heureux de voir leurs provinces redevenir des départements français, c'est sûr. Comment vérifier ce fait de façon rigoureusement démocratique ? Après 1870, une intense propagande française se fit entendre pour que l'Allemagne respectât le droit injustement bafoué : pour connaître le vrai choix des peuples, il fallait organiser un plébiscite en Alsace et en Lorraine. Après 1918, la France incarnait le droit. Elle n'en organisa donc aucun. Un mot enfin sur les traités de l'après-guerre. Il peut être bref, tous les historiens sont à peu près d'accord : ces textes, à court et à long terme, furent catastrophiques. C'est sûr, les Ludendorff, les Hindenburg, tous les généraux d'extrême droite allemands instrumentalisèrent cette thématique : ils savaient pertinemment la guerre perdue dès la fin de l'été 1918 mais firent traîner les choses pour avoir le temps d'envoyer des civils négocier la cessation des hostilités, puis les traités, et leur faire ainsi porter l'entière responsabilité de la défaite. C'est la thèse fameuse du « couteau dans le dos », la légende de la pure et héroïque armée allemande assassinée à revers par ces pourris de politiciens démocrates qui furent incapables de résister au « diktat » de Versailles. Le mythe fera des ravages. Le traité de Versailles aussi. L'Allemagne fut dépecée, écrasée sous le poids d'énormes réparations en matériel et en argent, humiliée d'avoir à endosser seule la faute de la guerre. Tout le monde s'entend aujourd'hui sur ce point : l'accablement du vaincu créait le terreau idéal pour faire croître les horreurs qui suivirent, la soif inextinguible de revanche, puis le nazisme. Bien sûr, ajoute-t-on aussitôt, Versailles n'est pas la seule cause du triomphe ultérieur de Hitler. C'est évident. Les raisons de sa victoire sont complexes, les causes multiples et, par ailleurs, le fait est
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