si nous avions été au beau milieu d'une conversation, et pas certain de savoir si le « là-bas » signifiait Pologne orientale ou Holocauste.
Publié le 06/01/2014
Extrait du document


«
En
dépit decertaines erreursoccasionnelles, j'avaistoutefois appris,aucours detoutes ces
années passées àenvoyer deslettres, desdemandes, àfaire desinterviews etdes recherches
sur Internet, beaucoup dechoses surBolechow quin'étaient pasfausses.
Parexemple : Ils
y
étaient depuisqu'ilyavait unBolechow! Combien
detemps çareprésentait exactement?Il est
possible delesavoir aujour près oupresque.
Si vous êtesunJuif américain d'unecertaine génération, lagénération qui,comme lamienne,
avait desgrands-parents immigrantsaudébut duXXe
siècle, vousavezprobablement grandien
entendant deshistoires surle« pays », surlespetites villesoules shtetls dont
venaient votre
grandpa, votregrandma, ouvotre nanaouvotre bubby ou
votre zeyde, le
genre depetite
ville célébrée pardes auteurs commeIsaacBashevis Singeretdans Le
Violon surletoit, le
genre d'endroit quin'existe plus.Etvous pensiez probablement, commejel'ai pensé pendant
longtemps, quec'était desendroits modestes, touspareils plusoumoins, avecpeut-être trois
ou quatre millehabitants, avecunalignement demaisons enbois autour d'uneplace, des
endroits auxquels noussommes maintenant prêtsàattribuer uncharme sépia,sansdoute
parce quesinous pensions auxparties deping-pong, auvolley-ball, auski, aux films etau
camping, ilserait encore plusdifficile depenser àce qui estarrivé àleurs habitants, puisqu'ils
paraîtraient moinsdifférents denous.
Legenre d'endroit siordinaire quepeu degens auraient
jugé qu'ilvalait lapeine qu'on écrivît àson sujet, jusqu'à ceque cetendroit ettous lesautres
comme luifussent surlepoint d'être effacés, leurcaractère parfaitement ordinaireparaissant,
à ce moment-là, digned'être préservé.
C'est entout casceque jepensais deBolechow.
Etpuis, unjour quin'est passilointain, mon
frère aîné,Andrew, m'aenvoyé, enguise decadeau pour Hannoukah, un
volume trèsrare,
publié parOxford University Pressen1922, intitulé The
Memoirs ofBer ofBolechow (je
dis
« cadeau » pour Hannoukah, mais
enl'écrivant jeme rends compte quelesmots nesont pas
vrais etcertainement pasaussi prèsdelavérité quemon grand-père l'auraitaimé:comme mes
deux belles-sœurs nesont pasjuives etque mes neveux etnièces reçoivent unesorte
d'éducation religieuseéclectique aujourd'hui trèsrépandue, lecadeau quej'aireçu était une
chose àlaquelle j'aipensé sansaucun douteàce moment-là commeuncadeau pour« les
fêtes » ;non :permettez-moi d'êtrevraiment honnête;je suis sûrd'avoir pensésimplement
que c'était un« cadeau deNoël ».
Lefait estque, chez moi,quand nousétions petits, nousne
fêtions pasmagnifiquement Hannoukah.
Ce
dont jeme souviens pourl'essentiel, c'estquema
mère, endépit del'érosion provoquée parledédain delareligion chezmon père, tenait àson
éducation orthodoxe etmettait uneserviette ouunnapperon surlatête dans notre cuisine, le
premier soirde Hannoukah, et
au moment oùles enfants serassemblaient autourdelatable
un peu embarrassés, ellechantait enhébreu labénédiction, àmoitié oubliée, au-dessus des
bougies.
Quandsamémoire luifaisait défaut pourcertains mots,elleenchaînait, sansla
moindre gêne,enyiddish : Yaidel-daidel-daidel-dai, disait-elle.
La menorah en
cuivre qu'elle
utilisait étaitminuscule, simpleetdémodée, etelle avait appartenu àsa mère ;à un moment
donné, sonpère nous enadonné uneplus imposante, avecdeslions deJudah quirampaient
soutenant labougie centrale.
C’étaitaprèsquelaplupart d'entrenousétions partispour
l'université etj'imagine doncquec'était uneépoque oùma mère observait lerituel annuel,
toute seuledevant cetobjet imposant.
Mêmesi,lorsque mongrand-père étaitencore envie,
elle l'appelait, jem'en souviens, enFloride àl'instant oùelle s'apprêtait àallumer lesbougies,
et chantait labénédiction pourluiau téléphone, desorte quelle n'était pasvraiment seule
après tout...
Maispournous, comme jeledisais, cen'était pasvraiment unegrande fête,etla
distribution descadeaux adisparu aprèsnotrepetite enfance.
J'aidonc étésurpris et
impressionné lorsquemonfrère aînéarecommencé àenvoyer descadeaux soigneusement
choisis àchacun denous, ilya quelques années)..
»
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