septentrionaux considèrent que leurs voisins plus au sud font des colliers particulièrement précieux.
Publié le 06/01/2014
Extrait du document
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XXIX
HOMMES, FEMMES,CHEFSAu-delà
deCampos Novos,leposte deVilhena –au point culminant duplateau –se composait en1938 dequelques
huttes aumilieu d’unefriche longue etlarge dequelques centaines demètres, marquant l’emplacement où(dans l’esprit
des constructeurs delaligne) devait s’élever laChicago duMato Grosso.
Ilparaît qu’onytrouve maintenant unchamp
d’aviation militaire ;demon temps, lapopulation seréduisait àdeux familles privéesdetout ravitaillement depuishuit
ans etqui, comme jel’ai conté, étaient parvenues àse maintenir enéquilibre biologique avecuneharde depetits
cervidés dontellesvivaient parcimonieusement.
Je rencontrai làdeux nouvelles bandes,dontl’une comprenait dix-huitpersonnes parlantundialecte prochedeceux
que jecommençais àconnaître, tandisquel’autre, fortedetrente-quatre membres,faisaitusaged’unelangue inconnue ;
par lasuite, ilne m’a pasétépossible del’identifier.
Chacuneétaitconduite parunchef, auxattributions purement
profanes, semblait-il, danslepremier cas ;mais lechef delabande laplus importante allaitbientôt serévéler comme une
sorte desorcier.
Songroupe sedésignait dunom deSabané ; lesautres s’appelaient Tarundé.
À part lalangue rienneles distinguait : lesindigènes avaientmêmeapparence etmême culture.
C’étaitdéjàlecas à
Campos Novos ;maisaulieu desetémoigner unehostilité réciproque lesdeux bandes deVilhena vivaient enbonne
intelligence.
Bienqueleurs feuxdecamp restassent séparés,ellesvoyageaient ensemble,campaient l’uneàcôté de
l’autre etsemblaient avoirunileurs destins.
Surprenante association,sil’on considère quelesindigènes neparlaient pas
la même langue etque leschefs nepouvaient pascommuniquer, sinonparletruchement d’uneoudeux personnes de
chaque groupequijouaient lerôle d’interprètes.
Leur réunion devaitêtrerécente.
J’aiexpliqué qu’entre 1907et1930 lesépidémies provoquées parl’arrivée desblancs
ont décimé lesIndiens.
Enconséquence, plusieursbandesontdûsetrouver réduites àsi peu dechose qu’illeurdevenait
impossible depoursuivre uneexistence indépendante.
ÀCampos Novos,j’avaisobservé lesantagonismes internesdela
société nambikwara, j’avaisvuàl’œuvre lesforces dedésorganisation.
ÀVilhena, aucontraire, j’assistaiàune tentative
de reconstruction.
Cariln’y avait pasdedoute quelesindigènes aveclesquels jecampais n’eussent élaboréunplan.
Tous
les hommes adultesd’unebande appelaient « sœurs »lesfemmes del’autre, etcelles-ci nommaient « frères »les
hommes occupant laposition symétrique.
Quantauxhommes desdeux bandes, ilsse désignaient lesuns lesautres du
terme qui,dans leurs langues respectives, signifiecousindutype croisé etcorrespond àla relation d’alliance quenous
traduirions par« beau-frère ».
Étantdonné lesrègles dumariage nambikwara, cettenomenclature apour résultat de
placer touslesenfants d’unebande danslasituation d’« époux potentiels » desenfants del’autre bandeet
réciproquement.
Sibien que, parlejeu des intermariages, lesdeux bandes auraient fusionné dèslaprochaine génération.
Des obstacles sedressaient encoresurlavoie decegrand dessein.
Unetroisième bandeennemie desTarundé
circulait danslesenvirons ; certainsjoursonapercevait sesfeux decamp, eton setenait prêtàtoute éventualité.
Comme
je comprenais unpeu ledialecte tarundé maispaslesabané, jeme trouvais plusproche dupremier groupe ; l’autre,avec
lequel jene pouvais communiquer, metémoignait aussimoins deconfiance.
Ilne m’appartient doncpasdeprésenter son
point devue.
Entout caslesTarundé n’étaient pastrès sûrs queleurs amissefussent ralliésàla formule d’unionsans
arrière-pensée.
Ilsredoutaient letroisième groupe,etplus encore quelesSabané nesedécidassent brusquement àchanger decamp.
À quel point leurscraintes étaientfondées, uncurieux incident devaitvitelemontrer.
Unjour queleshommes étaient
partis àla chasse, lechef sabané nerevint pasàl’heure habituelle.
Personnenel’avait vude lajournée.
Lanuit tomba, et
vers 9ou 10heures dusoir laconsternation régnaitaucampement, particulièrement aufoyer dudisparu dontlesdeux
femmes etl’enfant setenaient enlacés,enpleurant paravance lamort deleur époux etpère.
Àce moment, jedécidai,
accompagné parquelques indigènes, defaire uneronde alentour.
Ilne nous fallut pasmarcher deuxcents mètres pour
découvrir notrehomme, accroupi surlesol etgrelottant dansl’obscurité ; ilétait entièrement nu,c’est-à-dire privédeses
colliers, bracelets, pendantsd’oreillesetde saceinture ; àla lumière dema lampe électrique, nouspouvions devinerson
expression tragiqueetson teint décomposé.
Ilse laissa sansdifficulté soutenirjusqu’au campement, oùils’assit muetet
dans uneattitude d’accablement toutàfait impressionnante.
Son histoire luifut arrachée parunauditoire anxieux.Ilexpliqua qu’ilavait étéemporté parletonnerre queles
Nambikwara appellent amon (un
orage –avant-coureur delasaison despluies –avait eulieu lamême journée) ; celui-ci
l’avait enlevé danslesairs jusqu’à unpoint qu’ildésigna, éloignédevingt-cinq kilomètres ducampement (RioAnanaz),
l’avait dépouillé detous sesornements, puisramené parlamême voieetdéposé àl’endroit oùnous l’avions découvert.
Tout lemonde s’endormit encommentant l’événement, etlelendemain matinlechef sabané avaitretrouvé non
seulement sabonne humeur habituelle, maisaussi toutes sesparures, cedont personne nes’étonna, etdont ilne fournit
aucune explication.
Lesjours suivants, uneversion trèsdifférente del’événement commençad’êtrecolportée parles
Tarundé.
Ilsdisaient que,sous lecouvert derelations avecl’autre monde, lechef avait engagé destractations avecla
bande d’indiens quicampaient danslevoisinage.
Cesinsinuations nefurent d’ailleurs jamaisdéveloppées, etlaversion
officielle del’affaire restaadmise ostensiblement.
Néanmoins,enconversations privées,lechef tarundé laissait.
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