Rachi, il est tout à fait clair que les mots
Publié le 06/01/2014
Extrait du document
«
souvenir
particulier d'euxetde leurs vies.Ellesait, a-t-il continué.
Ellesesouvient.
C'est lesens soudain etvertigineux deleur proximité, àcet instant-là, quiafait que masœur et
moi nous sommes misàpleurer.
Voilàjusqu'où vouspouvez vousrapprocher desmorts :vous
pouvez êtreassis dans unesalle deséjour parunbel après-midi d'été,soixante ansaprès que
ces morts sontmorts, etparler àune vieille dameronde quigesticule vigoureusement, qui,
vous vous enrendez compte, aexactement lemême âgequ'aurait lafille aînée deShmiel, et
cette vieille damepeutêtreaussi éloignée devous queça,àun mètre dedistance ;voilà à
quelle distance ellepeut setrouver.
Acet instant-là, lessoixante ansetles millions demorts ne
paraissaient pasplus grands quelemètre quime séparait dubras grasdelavieille femme.
Je
pleurais aussiparce c'était uninstant quime rapprochait d'autresdemes morts.
Jeressentais
intensément laprésence demon grand-père, quiavait été,avant cetinstant précis,ladernière
personne àqui j'avais parléàles avoir connus, etbrusquement lesvingt années quis'étaient
écoulées depuissamort ontparu rétrécir, ellesaussi.
Etj'étais doncassislà,les yeux baignés de
larmes, reconnaissant dufait que Jennifer pleuraitaussi,etj'écoutais Olgaparler.
Elleadit le
nom encore unefois, etelle aregardé mesphotos, etelle n'apas cessé dehocher latête.
Alexa
poursuivi.
Elle adit qu'ils étaient trèsgentils, desgens trèscultivés, desgens trèsgentils.
A travers monémotion, j'aiquand même pum'adresser unsourire, parcequejesavais quema
mère, aveclavanité propre àsa famille, lesentiment qu'avaient lesJäger deleur propre
importance, auraitaimélefait qu'Olga sesouvenait decette qualité-là par-dessus tout.Riende
très spécifique, maisquelque chosequil'était suffisamment, sivous êteslegenre depersonne
qui croit leshistoires qu'elleentend, suffisamment poursonner juste.
Mais, endépit delaproximité atteinte,l'inévitable distances'estinstaurée denouveau.
Elle nesesouvient pasdecequi leur estarrivé, arepris Alexaprès unbref échange avecOlga.
Pas decette famille enparticulier.
Ellesaitqu'ils ont,comme lesautres, comme lesautres Juifs,
qu'ils ontbeaucoup souffert.
Il est bien sûrpossible deconnaître lessouffrances desJuifs deBolechow sansavoir àse
rendre dansuneville quis'appelle désormais Bolekhivetàtraquer desvieilles damesquiont
été lestémoins deces souffrances.
Onpeut, parexemple, consulter l'Encyclopédie de
l'Holocauste etyapprendre quelesAllemands sontentrés danslaville le2juillet 1941etque la
première Aktion, la
première liquidation demasse, aeu lieu aumois d'octobre delamême
année, lorsque milleJuifsenviron ontétéarrêtés, enfermés dansleDom Katolicki, lamaison de
la communauté catholique,etaprès yavoir ététorturés dedifférentes façonspendant une
journée, ontétéconduits àune fosse commune etabattus.
Onpeut lireque lapopulation juive
de laville, quis'élevait àenviron troismille habitants audébut deladécennie, s'étaitaccrue
des milliers quiavaient étéarrêtés danslesvillages voisins.
Onapprend ensuitequelaseconde Aktion s'est
déroulée unanplus tard environ, lorsque,aprèsunechasse àl'homme detrois
jours, plusieurs milliersdeJuifs ontétéparqués surlaplace delaville devant lebâtiment dela
mairie – àl'endroit oùnous avons garénotre voiture quandnoussommes arrivésàBolechow, à
l'endroit oùerrait lachèvre – etque, làmême, cinqcents personnes ontétéassassinées, tandis
que deux mille autres étaient déportées dansdestrains demarchandises verslecamp de
Belzec.
Selonl'Encyclopédie del'Holocauste, laplupart desJuifs quiavaient survécu ontété
tués endécembre 1942,nelaissant qu'unmillier d'entre euxaudébut de1943, quidevaient à
leur tour êtreassassinés, seuls« quelques-uns » parvenantàs'évader danslesforêts voisines
pour rejoindre lespartisans..
»
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