plutôt vous penseriez apprendre - qu'une jeune femme du nom de Lorka Jejger a existé et que la notice suivante est véridique : Lorka Jejger est née à Bolchow, en Pologne, de Shmuel et d'Ester. Elle était célibataire. Avant la Seconde Guerre mondiale, elle a vécu à Bolchow, en Pologne. Pendant la guerre, elle était à Bolchow, en Pologne. Lorka est morte à Bolchow, en Pologne. Cette information est fondée sur une page du témoignage donné le 22/05/1957 par son cousin, un survivant de la Shoah. Alors qu'en fait pas un élément de cette notice de la banque de données de Yad Vashem n'est exact, puisque (comme nous l'apprend son certificat de naissance), Lorka est née le 21 mai 1920 et qu'elle est vivante, selon plusieurs témoins visuels, jusqu'à l'hiver 1942 au moins. Et j'ajouterai que la totalité ou presque des informations fournies par cette source importante qu'est la banque de données de Yad Vashem, concernant « Shmuel Yeger » (ou « léger ») et « Ester Jeger » (et les trois filles que la banque de données leur attribue : « Lorka Jejger », « Frida Yeger » et « Rachel Jejger ») est manifestement erronée, depuis l'orthographe des noms jusqu'aux noms des parents (« Shmuel léger est né à Bolchow, en Pologne, en 1895, fils d'Elkana et de Yona », erreur qui, ai-je pensé lorsque j'ai lu cela pour la première fois, efface mon arrière-grand-mère Taube Mittelmark de l'histoire, et avec elle les tensions entre frère et soeur qui ont peut-être eu pour résultat la décision de Shmiel de quitter New York en 1914 pour rentrer à Bolechow, décision qui l'a conduit à figurer dans cette archive erronée), en passant par les années de leur naissance et de leur mort. Mais à moins d'avoir, comme moi, un intérêt personnel pour les quelques faits qui peuvent être connus à leur sujet, vous ne sauriez jamais que l'information concernant ces six personnes, que vous avez été si content de trouver dans la banque de données de Yad Vashem, est presque entièrement fausse et vous ne vous seriez aperçu de rien. J'ai donc l'habitude de ces divergences entre les faits et leur « enregistrement », et cela ne me dérange plus beaucoup. Mais je vois combien cela peut troubler certains. En tout cas, comme Bob me l'a rappelé, sur les choses importantes tout le monde était d'accord. Des choses terribles se sont produites au cours de la seconde Aktion. BOB m'a raconté par la suite que son père, Jack et lui avaient survécu à la seconde Aktion parce que son père, chef du Judenrat, avait reçu des avertissements ; et parce que, après la première Aktion, ils avaient construit une cachette. Nous étions cachés, m'a-t-il dit lorsque nous avons parlé en privé tous les deux, parce que nous avions construit un faux mur dans l'étable. Il avait été construit par un charpentier juif après la première Aktion. Nous étions au courant parce que, quelques semaines auparavant, il y avait eu des Aktionen dans d'autres villes de la région. Et la veille de l'Aktion à Bolechow, la seconde, mon père est rentré et a dit : « Demain, ça commence. » Nous sommes donc allés nous cacher pendant la nuit ou aux premières heures du jour, avant que tout commence dans les rues de la ville. Ils sont entrés dans les maisons, les unes après les autres, ils ont attrapé des Juifs dans les rues, dans les champs. Puis, ils les ont emmenés à la gare et entassés dans les fourgons à bestiaux, et expédiés à Belzec. Et Belzec était un camp d'extermination - uniquement un camp d'extermination. Il savait que je savais ce que cela voulait dire. A Belzec, on descendait du train et on entrait dans les chambres à gaz. La perquisition dans les maisons, la traque des Juifs dans les rues et dans les champs : les Grunschlag n'avaient rien vu de tout cela, bien sûr. Je me suis souvenu de Jack disant, Si j'avais été témoin, j'aurais été mort, moi aussi. Et pourtant, à cause d'un accident géographique particulier, les Grunschlag ont eu une certaine connaissance des informations qui ont circulé pendant les trois jours de la seconde Aktion. Nous les avons entendus les conduire jusqu'au train, a dit Bob, parce que nous habitions dans la rue qui menait à la gare. Quand on suit la rue Dolinska, on tourne à droite pour aller à la gare. Et ils les emmenaient le long de cette rue jusqu'aux fourgons à bestiaux. Nous avons donc entendu l'agitation, les cris et les pleurs, et tout. Quand ça a pris fin, nous sommes sortis de notre cachette, et vous pouvez imaginer l'ambiance qui régnait. Non, en fait : je ne pouvais pas. Et je ne peux toujours pas. J'ai essayé bien des fois d'imaginer, de projeter ce qu'a pu être l'expérience d'Oncle Shmiel, d'Ester et de Bronia au moment où ils étaient emmenés, poussés ou traînés hors de la maison à un étage, peinte en blanc, dans la rue Dlugosa, la maison que Shmiel avait remise en état quand il y avait emménagé, et lorsqu'ils avaient été ensuite contraints de parcourir la brève distance qui les séparait de la cour de la mairie - contraints de parcourir la brève distance et puis d'attendre là pendant des jours, jusqu'à ce qu'on les fasse marcher jusqu'au train, cette fois. Dans les mémoires de Jack et de Bob demeurent des souvenirs concrets des bruits, les plaintes, les gémissements, les cris des deux mille Juifs de Bolechow qui ont survécu aux premiers jours de l'Aktion et sont allés jusqu'à la gare ; mais ces souvenirs et ces bruits, il est impossible pour moi de les imaginer parce que je n'ai jamais entendu le bruit que peuvent faire deux mille personnes qu'on conduit à la mort. Et pourtant, alors qu'il est important de résister à toute tentation de ventriloquie, d'« imagination » et de « description » de quelque chose qui n'a tout simplement aucun équivalent dans notre expérience de la vie, il reste possible d'apprendre au moins ce qui a pu filtrer au cours de ces trois journées de septembre, les trois jours de la seconde Aktion, puisque les rapports de témoins oculaires nous sont parvenus. Ces descriptions ne nous permettront jamais de « savoir ce que Shmiel, Ester et Bronia ont vécu », dans la mesure où il n'y a absolument aucun moyen de reconstruire leur expérience subjective, mais cela nous autorise à nous faire une image mentale - une image floue, c'est certain - des choses qui leur ont été faites, ou plutôt qui leur ont été probablement faites, puisque nous savons que d'autres, dans la même situation, les ont subies. Je peux regarder les diverses sources disponibles, les comparer, les collationner, et de là parvenir à une version plausible de ce qui est probablement arrivé à Oncle Shmiel, à sa femme et à leur fille, dans les journées qui ont précédé leur mort. Mais, bien entendu, je ne saurai jamais avec certitude. Parmi les divers témoignages oculaires donnés par les quelque quarante-huit Juifs de Bolechow qui ont survécu à l'occupation nazie, j'ai sélectionné au hasard celui d'une certaine Matylda Gelernter, donné le 5 juillet 1946, à l'âge de trente-huit ans - née, par conséquent, la même année que le beau-frère de Meg, l'année de la naissance de Jeanette, la tante de ma mère. Elle a fait, à Katowice, la déposition suivante sur ce qui s'était passé dans la ville pendant la seconde Aktion : Les 3, 4 et 5 septembre 1942, la seconde action à Bolechow a eu lieu sans liste : les hommes, les femmes et les enfants étaient arrêtés dans leurs maisons, leurs greniers, leurs cachettes. Six cent soixante enfants environ ont été arrêtés. Des gens ont été tués sur la place de Bolechow et dans les rues. L'action a commencé dans l'après-midi du mercredi et a duré jusqu'au samedi. Le vendredi, le bruit a couru que l'action était déjà terminée. Des gens ont décidé de sortir de leurs cachettes, mais l'action a recommencé le samedi et, ce jour-là, plus de gens ont été tués qu'au cours des journées précédentes. Les Allemands et les Ukrainiens se sont acharnés sur les enfants en particulier. Ils prenaient les enfants par les pieds et leur fracassaient la tête contre le bord des trottoirs, et tout en riant ils essayaient de les tuer d'un seul coup. D'autres jetaient les enfants par les fenêtres d'un premier étage, de telle sorte que l'enfant était réduit en bouillie en atterrissant sur le pavé. Les hommes de la Gestapo se sont vantés d'avoir tué 600 enfants et l'Ukrainien Matowiecki (originaire de Rozdoly, à côté de Zydaczowy) estimait avec fierté avoir tué de ses propres mains 96 Juifs, essentiellement des enfants. Le samedi, les cadavres ont été rassemblés, jetés dans des wagons, les enfants dans des sacs, et emmenés dans un cimetière où ils ont été, cette fois, jetés dans une fosse commune. En ce qui concerne le fait que cette Aktion avait été programmée, Backenroth, membre du Judenrat de Bolechow et originaire de Weldzirz, avait téléphoné depuis Drohobycz. Il avait annoncé que nous devrions attendre des « invités » le jeudi. Mais les Ukrainiens de Bolechow, sans attendre la Gestapo, avaient commencé à capturer et à tuer des Juifs avant le début de la soirée. Mon père, mon enfant (pas encore deux ans) et moi avons couru jusqu'à la maison d'un Ukrainien que nous connaissions qui avait dit un jour qu'il nous protégerait. Mais il ne l'a pas fait. Nous sommes retournés chez nous et nous nous sommes cachés dans une petite niche. L'enfant pleurait parce qu'il avait soif, mais pas trop fort puisqu'il avait l'habitude de ce genre de situation. Même lorsqu'ils ont abattu une femme juive devant la porte de notre cachette, l'enfant a été terrifié, mais n'a pas pleuré. Dans le grenier de la maison voisine, ma mère, mon frère et ma belle-soeur se cachaient avec un bébé de quelques mois. Lorsque les hommes de la Gestapo et les Ukrainiens ont surgi dans le grenier du voisin, ils ont voulu fuir et ont descendu les escaliers du grenier pour tomber sur d'autres hommes de la Gestapo et des Ukrainiens en train de se soûler avec de l'alcool de cerise qu'ils avaient trouvé dans la cave. Ils étaient tellement occupés à boire qu'ils n'ont même pas remarqué que des gens descendaient, et ces derniers ont pu remonter immédiatement dans le grenier. Mais le bébé s'est mis à pleurer. Ma belle-soeur n'avait plus de quoi l'allaiter ou quoi que ce soit pour le distraire. Elle l'a couvert avec un oreiller et l'a étouffé. Un grand nombre de juifs travaillaient dans les usines à ce moment-là. Mais ils ont été arrêtés dans les usines, conduits en ville et ils étaient triés près de la mairie. Les plus doués, selon l'avis des contremaîtres des usines, étaient relâchés, les autres gardés. Très vite, ils ont été abattus sur la place et dans les rues. Les murs et les pavés étaient littéralement couverts de sang. Après l'action, les murs des maisons et les trottoirs ont été lavés à l'eau des robinets de la mairie. Un épisode horrible a eu lieu avec Mme Grynberg. Les Ukrainiens et les Allemands, qui sont entrés chez elle, l'ont trouvée en train d'accoucher. Les larmes et les supplications des voisins n'ont rien pu faire et elle a été emmenée en chemise de nuit et traînée devant la mairie. Là, quand les premières douleurs du travail ont commencé, elle a été jetée sur un tas d'ordures dans la cour de la mairie, avec une foule d'Ukrainiens autour d'elle qui faisaient des plaisanteries, se moquaient d'elle pendant qu'ils la regardaient donner naissance à un enfant. Celui-ci lui a été immédiatement arraché des bras, avec le cordon ombilical encore attaché, et il a été jeté par terre -- la foule l'a piétiné pendant qu'elle se relevait, le sang coulant entre ses jambes, et elle est restée comme ça pendant plusieurs heures contre le mur de la mairie, après quoi elle a été emmenée à la gare avec les autres et embarquée dans un fourgon à destination de Belzec. Dans la nuit qui a suivi l'action, les Ukrainiens ont cherché tous les endroits à piller. Ils étaient pieds nus. Ils ont essayé d'ouvrir la serrure de la niche dans laquelle nous étions enfermés et cachés. Nos coeurs ont cessé de battre, nous étions morts. Mon enfant avait déjà cessé d'émettre le