plans pour la seconde partie du voyage.
Publié le 06/01/2014
Extrait du document
«
accomplissait
chaqueannéeunprodigieux voyage :ildescendait jusqu’auMadeiraseprocurer desmarchandises dansles
entrepôts riverains,remontait leMachado enpirogue et,pendant deuxjours, lePimenta Bueno.Là,une piste connue de
lui permettait detraner troisjours lespirogues etles marchandises àtravers laforêt, jusqu’à unpetit affluent du
Guaporé oùilpouvait écoulersonstock àdes prix d’autant plusexorbitants quelarégion oùilaboutissait n’étaitpas
approvisionnée.
Bahiasedéclara prêtàremonter lePimenta Buenoau-delà deson itinéraire habituel,àla condition que
je lepaye enmarchandises plutôtqu’enargent.
Bonnespéculation pourlui,puisque lesprix degros amazoniens sont
supérieurs àceux auxquels j’avaisfaitmes achats àSão Paulo.
Jelui cédai doncplusieurs piècesdeflanelle rougedontje
m’étais dégoûté depuisqu’àVilhena, enayant offert auxNambikwara, jevis lelendemain ceux-cicouverts deflanelle
rouge despieds àla tête, ycompris leschiens, lessinges etles sangliers apprivoisés ; ilest vrai qu’une heureaprès, le
plaisir delafarce étant épuisé, leslambeaux deflanelle tranaient danslabrousse oùpersonne n’yfitplus attention.
Deux pirogues empruntées auposte, quatre pagayeurs etdeux denos hommes constituaient notreéquipage.
Nous
étions prêtsàpartir pourcette aventure improvisée.
Il n’y apas deperspective plusexaltante pourl’ethnographe quecelle d’être lepremier blancàpénétrer dansune
communauté indigène.Déjà,en1938, cetterécompense suprêmenepouvait s’obtenir quedans quelques régionsdu
monde suffisamment rarespourqu’on lescompte surlesdoigts d’unemain.Depuis lors,cespossibilités sesont encore
restreintes.
Jerevivrais doncl’expérience desanciens voyageurs, etàtravers elle,cemoment crucialdelapensée
moderne où,grâce auxgrandes découvertes, unehumanité quisecroyait complète etparachevée reçuttoutàcoup,
comme unecontre-révélation, l’annoncequ’ellen’étaitpasseule, qu’elle formait unepièce d’unplusvaste ensemble, et
que, pour seconnaître, elledevait d’abord contempler saméconnaissable imageencemiroir dontuneparcelle oubliée
par lessiècles allait,pourmoiseul, lancer sonpremier etdernier reflet.
Cet enthousiasme est-ilencore demise auXXesiècle ? Sipeu connus quefussent lesIndiens duPimenta-Bueno, jene
pouvais attendre d’euxlechoc ressenti parlesgrands auteurs : Léry,Staden, Thevet,qui,ilya quatre centsans,mirent le
pied surleterritoire brésilien.
Cequ’ils virent alors,nosyeux nel’apercevront jamaisplus.Lescivilisations qu’ilsfurent les
premiers àconsidérer s’étaientdéveloppées selond’autres lignesquelesnôtres, ellesn’enavaient pasmoins atteint
toute laplénitude ettoute laperfection compatibles avecleurnature, tandisquelessociétés quenous pouvons étudier
aujourd’hui –dans desconditions qu’ilserait illusoire decomparer àcelles prévalant ilya quatre siècles–ne sont plus
que descorps débiles etdes formes mutilées.
Malgréd’énormes distancesettoutes sortesd’intermédiaires (d’une
bizarrerie souventdéconcertante quandonparvient àen reconstituer lachane), ellesontétéfoudroyées parce
monstrueux etincompréhensible cataclysmequefut,pour unesilarge etsiinnocente fractiondel’humanité, le
développement delacivilisation occidentale ; celle-ciauraittortd’oublier qu’illuifait unsecond visage,pasmoins
véridique etindélébile quel’autre.
À défaut deshommes, pourtant, lesconditions duvoyage étaient restées lesmêmes.
Aprèsladésespérante
chevauchée àtravers leplateau, jem’offrais aucharme decette navigation surune rivière riantedontlescartes ignorent
le cours, maisdont lesmoindres détailsrappelaient àma mémoire lesouvenir desrécits quime sont chers.
Il fallait d’abord retrouver l’entranement àla vie fluviale acquis,troisansauparavant, surleSão Lourenço :
connaissance desdifférents typesetmérites respectifs despirogues –taillées dansuntronc d’arbre oufaites deplanches
assemblées –qui s’appellent, selonlaforme etlataille, montaria,
canoa,ubá ou igarité ; l’habitude
depasser des
heures accroupi dansl’eau quis’insinue àtravers lescrevasses dubois etqu’on écope continuellement avecunepetite
calebasse ; uneextrême lenteuretbeaucoup deprudence, pourchaque mouvement provoquéparl’ankylose etqui
risque defaire chavirer l’embarcation : água
nàotem cabellos, « l’eau
n’apas decheveux », sil’on tombe par-dessus
bord, iln’y arien pour serattraper ; lapatience, enfin,àchaque accident dulitde larivière, dedécharger lesprovisions et
le matériel siminutieusement arrimés,deles transporter parlaberge rocheuse enmême tempsquelespirogues, pour
recommencer l’opérationquelquescentaines demètres plusloin.
Ces accidents sontdedivers types : seccos, lit
sans eau ; cachoeiras, rapides ; saltos, chutes.
Chacun estvite baptisé
par lesrameurs d’unnom évocateur : détaildupaysage telque castanhal,
palmas ; un
incident dechasse, veado,
queixada, araras ;
ou traduisant unerelation pluspersonnelle auvoyageur : criminosa,
« lacriminelle » ;
encrenca,
substantif
intraduisible quiexprime lefait d’être « coincé », apertada
hora, « l’heure
resserrée » (aveclesens
étymologique d’angoissante) ; vamos
aver, « on
vavoir… ».
Aussi, ledépart n’arien d’inédit.
Nouslaissons lesrameurs échelonner lesrythmes prescrits : d’abordunesérie de
petits coups : plouf,plouf,plouf… puislamise enroute, oùdeux battements secssurlebord delapirogue sontintercalés
entre lescoups derame : tra-plouf, tra ;tra-plouf, tra…enfin lerythme devoyage oùlarame neplonge qu’une foissur
deux, retenue lafois prochaine pourunesimple caresse delasurface, maistoujours accompagnée d’unbattement et
séparée dumouvement suivantparunautre : tra-plouf, tra,sh,tra ; tra-plouf, tra,sh,tra… Ainsi lesrames exposent
alternativement laface bleue etlaface orange deleur palette, aussilégères surl’eau quelereflet, auquel onles dirait
réduites, desgrands volsd’aras quitraversent lefleuve, faisantétinceler tousensemble, àchaque virage,leurventre d’or
ou leur dosazur.
L’airaperdu satransparence delasaison sèche.
Àl’aube, toutestconfondu dansuneépaisse mousse
rose, brume matinale quimonte lentement dufleuve.
Onadéjà chaud, maispeuàpeu cette chaleur indirecte seprécise..
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