Devoir de Philosophie

physique des Nambikwara nous apparaît moins problématique ; il évoque celui d'une ancienne race dont on connaît les ossements, retrouvés au Brésil dans les grottes de Lagoa Santa qui sont un site de l'État de Minas Gérais.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

physique
physique des Nambikwara nous apparaît moins problématique ; il évoque celui d'une ancienne race dont on connaît les ossements, retrouvés au Brésil dans les grottes de Lagoa Santa qui sont un site de l'État de Minas Gérais. Pour moi, je retrouvais avec stupeur les visages presque caucasiens qu'on voit à certaines statues et bas-reliefs de la région de Vera Cruz et qu'on attribue maintenant aux plus anciennes civilisations du Mexique. Ce rapprochement était rendu plus troublant encore par l'indigence de la culture matérielle, qui portait fort peu à rattacher les Nambikwara aux plus hautes cultures de l'Amérique centrale ou septentrionale, mais plutôt à les traiter en survivants de l'âge de pierre. Le costume des femmes se réduisait à un mince rang de perles de coquilles, noué autour de la taille et quelques autres en guise de colliers ou de bandoulières ; des pendants d'oreilles en nacre ou en plumes, des racelets taillés dans la carapace du grand tatou et parfois d'étroites bandelettes en coton (tissé par les hommes) ou en aille, serrées autour des biceps et des chevilles. La tenue masculine était encore plus sommaire, sauf un pompon de aille accroché quelquefois à la ceinture au-dessus des parties sexuelles. En plus de l'arc et des flèches, l'armement comprend une sorte d'épieu aplati dont l'usage semble magique autant que uerrier : je ne l'ai vu utilisé que pour des manipulations destinées à mettre en fuite l'ouragan ou à tuer, en le projetant ans la direction convenable, les atasu qui sont des esprits malfaisants de la brousse. Les indigènes appellent du même om les étoiles et les boeufs, dont ils ont grand-peur (tandis qu'ils tuent et mangent volontiers les mulets, qu'ils ont ourtant appris à connaître en même temps). Mon bracelet-montre était aussi un atasu. Tous les biens des Nambikwara tiennent aisément dans la hotte portée par les femmes au cours de la vie nomade. Ces ottes sont en bambou refendu, tressé à claire-voie avec six brins (deux paires perpendiculaires entre elles et une paire blique) formant un réseau de larges mailles étoilées ; légèrement évasées à l'orifice supérieur, elles se terminent en doigt de gant par le bas. Leur dimension peut atteindre 1,50 m, c'est-à-dire qu'elles sont parfois aussi hautes que la orteuse. On met au fond quelques tourteaux de manioc couverts de feuilles ; et par-dessus, le mobilier et l'outillage : récipients en calebasse ; couteaux faits d'un éclat coupant de bambou, de pierres grossièrement taillées ou de morceaux de fer - obtenus par échange - et fixés, à l'aide de cire et de cordelettes, entre deux lattes de bois formant manche ; drilles composées d'un perçoir en pierre ou en fer, monté à l'extrémité d'une tige qu'on fait tourner entre les paumes. Les indigènes possèdent des haches et des cognées de métal reçues de la Commission Rondon, et leurs haches de pierre ne servent plus guère que d'enclumes pour le façonnage des objets en coquille ou en os ; ils utilisent toujours des meules et polissoirs en pierre. La poterie est inconnue des groupes orientaux (chez qui je commençai mon enquête) ; elle reste grossière partout ailleurs. Les Nambikwara n'ont pas de pirogue et traversent les cours d'eau à la nage, s'aidant parfois de fagots comme bouées. Ces ustensiles rustiques méritent à peine le nom d'objets manufacturés. La hotte nambikwara contient surtout des matières premières avec lesquelles on fabrique les objets au fur et à mesure des besoins : bois variés, notamment ceux servant à faire le feu par giration, blocs de cire ou de résine, écheveaux de fibres végétales, os, dents et ongles d'animaux, lambeaux de fourrure, plumes, piquants de porc-épic, coques de noix et coquillages fluviaux, pierres, coton et graines. Tout cela offre un aspect si informe que le collectionneur se sent découragé par un étalage qui paraît être le résultat, moins de l'industrie humaine que de l'activité, observée à la loupe, d'une race géante de fourmis. En vérité, c'est bien à une colonne de fourmis que font penser les Nambikwara marchant en file à travers les hautes herbes, chaque femme encombrée par sa hotte en vannerie claire, comme les fourmis le sont parfois de leurs oeufs. Parmi les Indiens d'Amérique tropicale à qui on doit l'invention du hamac, la pauvreté est symbolisée par l'ignorance de cet ustensile et de tout autre servant au repos ou au sommeil. Les Nambikwara dorment par terre et nus. Comme les nuits de la saison sèche sont froides, ils se réchauffent en se serrant les uns contre les autres, ou se rapprochent des feux de camp qui s'éteignent, de sorte que les indigènes se réveillent à l'aube vautrés dans les cendres encore tièdes du foyer. Pour cette raison les Paressi les désignent d'un sobriquet : uaikoakoré, « ceux qui dorment à même le sol ». Comme je l'ai dit, la bande avec qui nous voisinions à Utiarity, puis à Juruena, se composait de six familles : celle du hef, qui comprenait ses trois femmes et sa fille adolescente ; et cinq autres, chacune formée d'un couple marié et d'un u deux enfants. Tous étaient parents entre eux, les Nambikwara épousant de préférence une nièce, fille de soeur, ou une ousine de l'espèce dite croisée par les ethnologues ; filles de la soeur du père ou du frère de la mère. Les cousins épondant à cette définition s'appellent, dès la naissance, d'un mot qui signifie époux ou épouse, tandis que les autres ousins (respectivement issus de deux frères ou de deux soeurs et que les ethnologues nomment pour cette raison parallèles) se traitent mutuellement de frère et soeur, et ne peuvent pas se marier entre eux. Tous les indigènes araissaient en termes très cordiaux ; pourtant, même un si petit groupe - vingt-trois personnes en comptant les enfants connaissait des difficultés : un jeune veuf venait de se remarier avec une fille assez vaine qui refusait de s'intéresser aux nfants du premier lit : deux fillettes, l'une de six ans environ, l'autre de deux ou trois. Malgré la gentillesse de l'aînée qui servait de mère à sa petite soeur, le bébé était très négligé. On se le passait de famille en famille, non sans irritation. Les adultes auraient bien voulu que je l'adopte, mais les enfants favorisaient une autre solution qui leur semblait rodigieusement comique : ils m'amenaient la fillette, qui commençait à peine à marcher, et par des gestes non quivoques, m'invitaient à la prendre pour femme. Une autre famille se composait de parents déjà âgés que leur fille enceinte était venue rejoindre après que son mari (absent à ce moment) l'eut abandonnée. Enfin, un jeune ménage, dont la femme allaitait, se trouvait sous le coup des interdits habituels en pareilles circonstances. Fort sales parce que les bains de rivière leur sont défendus, amaigris à cause de la prohibition frappant la plupart des aliments, réduits à l'oisiveté, les parents d'un enfant non encore sevré ne peuvent participer à la vie collective. L'homme allait parfois chasser ou ramasser des produits sauvages, en solitaire ; la femme recevait sa nourriture de son mari ou de ses parents. Si faciles que fussent les Nambikwara - indifférents à la présence de l'ethnographe, à son carnet de notes et à son appareil photographique - le travail se trouvait compliqué pour des raisons linguistiques. D'abord, l'emploi des noms propres est chez eux interdit ; pour identifier les personnes, il fallait suivre l'usage des gens de la ligne, c'est-à-dire convenir avec les indigènes des noms d'emprunt par lesquels on les désignerait. Soit des noms portugais, comme Julio, José-Maria, Luiza ; soit des sobriquets : Lebre (lièvre), Assucar (sucre). J'en ai même connu un que Rondon, ou l'un de ses compagnons, avait baptisé Cavaignac à cause de sa barbiche, rare chez les Indiens qui sont généralement glabres. Un jour que je jouais avec un groupe d'enfants, une des fillettes fut frappée par une camarade ; elle vint se réfugier uprès de moi, et se mit, en grand mystère, à me murmurer quelque chose à l'oreille, que je ne compris pas et que je fus bligé de lui faire répéter à plusieurs reprises, si bien que l'adversaire découvrit le manège, et, manifestement furieuse, rriva à son tour pour livrer ce qui parut être un secret solennel : après quelques hésitations et questions, l'interprétation e l'incident ne laissa pas de doute. La première fillette était venue, par vengeance, me donner le nom de son ennemie, t quand celle-ci s'en aperçut, elle communiqua le nom de l'autre en guise de représailles. À partir de ce moment, il fut très facile, bien que peu scrupuleux, d'exciter les enfants les uns contre les autres, et d'obtenir tous leurs noms. Après quoi, une petite complicité ainsi créée, ils me donnèrent, sans trop de difficulté, les noms des adultes. Lorsque ceux-ci comprirent nos conciliabules, les enfants furent réprimandés, et la source de mes informations tarie. En second lieu, le nambikwara groupe plusieurs dialectes qui sont tous inconnus. Ils se distinguent par la désinence des substantifs et par certaines formes verbales. On se sert sur la ligne d'une sorte de pidgin, qui pouvait être utile au début seulement. Aidé par la bonne volonté et la vivacité d'esprit des indigènes, j'apprenais donc un nambikwara rudimentaire. Heureusement, la langue inclut des mots magiques - kititu dans le dialecte oriental, dige, dage ou tchore ailleurs - qu'il suffit d'ajouter aux substantifs pour les transformer en verbes complétés le cas échéant d'une particule négative. Par cette méthode, on parvient à tout dire, même si ce nambikwara « de base » ne permet pas d'exprimer les pensées les plus subtiles. Les indigènes le savent bien, car ils retournent ce procédé quand ils essayent de parler portugais ; ainsi « oreille » et « oeil » signifient respectivement entendre - ou comprendre - et voir, et ils traduisent les notions contraires en disant : orelha acabõ ou õlho acabõ, oreille, ou oeil je finis... » La consonance du nambikwara est un peu sourde, comme si la langue était aspirée ou chuchotée. Les femmes se plaisent à souligner ce caractère et déforment certains mots (ainsi, kititu devient dans leur bouche kediutsu) ; articulant u bout des lèvres, elles affectent une sorte de bredouillement qui évoque la prononciation enfantine. Leur émission témoigne d'un maniérisme et d'une préciosité dont elles ont parfaitement conscience : quand je ne les comprends pas et es prie de répéter, elles exagèrent malicieusement le style qui leur est propre. Découragé, je renonce ; elles éclatent de ire et les plaisanteries fusent : elles ont réussi. Je devais rapidement m'apercevoir qu'en plus du suffixe verbal le nambikwara en utilise une dizaine d'autres qui répartissent les êtres et les choses en autant de catégories : cheveux, poils et plumes ; objets pointus et orifices ; corps allongés : soit rigides, soit souples ; fruits, graines, objets arrondis ; choses qui pendent ou tremblent ; corps gonflés, ou pleins de liquide ; écorces, cuirs et autres revêtements, etc. Cette observation m'a suggéré une comparaison avec une famille linguistique d'Amérique centrale et du nord-ouest de l'Amérique du Sud : le chibcha, qui fut la langue d'une grande civilisation de l'actuelle Colombie, intermédiaire entre celles du Mexique et du Pérou, et dont le nambikwara serait peut-être un rejeton méridional (5). Raison supplémentaire pour se défier des apparences. Malgré leur dénuement, es indigènes, qui rappellent les plus anciens Mexicains par le type physique et le royaume chibcha par la structure de eur langue, ont peu de chances d'être de vrais primitifs. Un passé dont nous ne savons encore rien et l'âpreté de leur ilieu géographique actuel expliqueront peut-être un jour cette destinée d'enfants prodigues auxquels l'histoire a refusé e veau gras. XXVII EN FAMILLE Les Nambikwara se réveillent avec le jour, raniment le feu, se réchauffent tant bien que mal du froid de la nuit, puis se ourrissent légèrement des reliefs de la veille. Un peu plus tard, les hommes partent, en groupe ou séparément, pour une xpédition de chasse. Les femmes restent au campement où elles vaquent aux soins de la cuisine. Le premier bain est pris quand le soleil commence à monter. Les femmes et les enfants se baignent souvent ensemble par jeu, et parfois un feu st allumé, devant lequel on s'accroupit pour se réconforter au sortir de l'eau, en exagérant plaisamment un relottement naturel. D'autres baignades auront lieu pendant la journée. Les occupations quotidiennes varient peu. La réparation de la nourriture est celle qui prend le plus de temps et de soins : il faut râper et presser le manioc, faire écher la pulpe et la cuire ; ou bien, écaler et bouillir les noix de cumaru qui ajoutent un parfum d'amande amère à la plupart des mets. Quand le besoin s'en fait sentir, les femmes et les enfants partent en expédition de cueillette ou de ramassage. Si les provisions sont suffisantes, les femmes filent, accroupies au sol ou à genoux : fesses soutenues par les talons. Ou bien, elles taillent, polissent et enfilent des perles en coquilles de noix ou en coquillage, des pendants d'oreilles ou d'autres ornements. Et si le travail les ennuie, elles s'épouillent l'une l'autre, flânent ou dorment. Aux heures les plus chaudes, le campement est muet ; les habitants, silencieux ou endormis, jouissent de l'ombre récaire des abris. Le reste du temps, les tâches se déroulent au milieu des conversations. Presque toujours gais et rieurs, es indigènes lancent des plaisanteries, et parfois aussi des propos obscènes ou scatologiques salués par de grands éclats e rire. Le labeur est souvent interrompu par des visites ou des questions ; que deux chiens ou oiseaux familiers copulent, out le monde s'arrête et contemple l'opération avec une attention fascinée ; puis le travail reprend après un échange de ommentaires sur cet important événement. Les enfants paressent pendant une grande partie du jour, les fillettes se livrant, par moments, aux mêmes besognes ue leurs aînées, les garçonnets oisifs ou pêchant au bord des cours d'eau. Les hommes restés au campement se onsacrent à des travaux de vannerie, fabriquent des flèches et des instruments de musique, et rendent parfois de petits ervices domestiques. L'accord règne généralement au sein des ménages. Vers 3 ou 4 heures, les autres hommes eviennent de la chasse, le campement s'anime, les propos deviennent plus vifs, des groupes se forment, différents des gglomérations familiales. On se nourrit de galettes de manioc et de tout ce qui a été trouvé pendant la journée. Quand la uit tombe, quelques femmes, journellement désignées, vont ramasser ou abattre dans la brousse voisine la provision de ois pour la nuit. On devine leur retour dans le crépuscule, trébuchant sous le faix qui tend le bandeau de portage. Pour e décharger, elles s'accroupissent et se penchent un peu en arrière, laissant poser leur hotte de bambou sur le sol afin e dégager le front du bandeau. Dans un coin du campement, les branches sont amassées et chacun s'y fournit au fur et à mesure des besoins. Les roupes familiaux se reconstituent autour de leurs feux respectifs qui commencent à briller. La soirée se passe en onversations, ou bien en chants et danses. Parfois, ces distractions se prolongent très avant dans la nuit, mais en énéral, après quelques parties de caresses et de luttes amicales, les couples s'unissent plus étroitement, les mères errent contre elle leur enfant endormi, tout devient silencieux, et la froide nuit n'est plus animée que par le craquement 'une bûche, le pas léger d'un pourvoyeur, les aboiements des chiens ou les pleurs d'un enfant. Les Nambikwara ont peu d'enfants : comme je devais le noter par la suite, les couples sans enfants ne sont pas rares, n ou deux enfants parait un chiffre normal, et il est exceptionnel d'en trouver plus de trois dans un ménage. Les elations sexuelles entre les parents sont interdites tant que le dernier-né n'est pas sevré, c'est-à-dire souvent jusqu'à sa roisième année. La mère tient son enfant à califourchon sur la cuisse, soutenu par une large bandoulière d'écorce ou de oton ; en plus de sa hotte, il lui serait impossible d'en porter un second. Les exigences de la vie nomade, la pauvreté du ilieu imposent aux indigènes une grande prudence ; quand il le faut, les femmes n'hésitent pas à recourir à des moyens écaniques ou à des plantes médicinales pour provoquer l'avortement. Pourtant, les indigènes éprouvent pour leurs enfants et manifestent à leur égard une très vive affection, et ils sont ayés de retour. Mais ces sentiments sont parfois masqués par la nervosité et l'instabilité dont ils témoignent aussi. Un etit garçon souffre d'indigestion ; il a mal à la tête, vomit, passe la moitié du temps à geindre et l'autre à dormir. ersonne ne lui prête la moindre attention et on le laisse seul un jour entier. Quand vient le soir, sa mère s'approche de ui, l'épouille doucement pendant qu'il dort, fait signe aux autres de ne pas s'avancer et lui ménage entre ses bras une orte de berceau. Ou bien c'est une jeune mère qui joue avec son bébé en lui donnant de petites claques dans le dos ; le bébé se met à ire, et elle se prend tellement au jeu qu'elle frappe de plus en plus fort, jusqu'à le faire pleurer. Alors elle s'arrête et le onsole. J'ai vu la petite orpheline, dont j'ai déjà parlé, littéralement piétinée pendant une danse ; dans l'excitation générale, lle était tombée sans que personne y prêtât attention. Quand ils sont contrariés, les enfants frappent volontiers leur mère et celle-ci ne s'y oppose pas. Les enfants ne sont as punis, et je n'ai jamais vu battre l'un d'eux, ni même esquisser le geste sauf par plaisanterie. Quelquefois, un enfant
physique

« (absent àce moment) l’eutabandonnée.

Enfin,unjeune ménage, dontlafemme allaitait, setrouvait souslecoup des interdits habituels enpareilles circonstances.

Fortsales parce quelesbains derivière leursont défendus, amaigrisà cause delaprohibition frappantlaplupart desaliments, réduitsàl’oisiveté, lesparents d’unenfant nonencore sevréne peuvent participer àla vie collective.

L’hommeallaitparfois chasser ouramasser desproduits sauvages, ensolitaire ; la femme recevait sanourriture deson mari oudeses parents. Si faciles quefussent lesNambikwara –indifférents àla présence del’ethnographe, àson carnet denotes etàson appareil photographique –le travail setrouvait compliqué pourdesraisons linguistiques.

D’abord,l’emploidesnoms propres estchez euxinterdit ; pouridentifier lespersonnes, ilfallait suivre l’usage desgens delaligne, c’est-à-dire convenir aveclesindigènes desnoms d’emprunt parlesquels onles désignerait.

Soitdesnoms portugais, commeJulio, José-Maria, Luiza ;soitdessobriquets : Lebre (lièvre), Assucar (sucre). J’enaimême connuunque Rondon, oul’un de ses compagnons, avaitbaptisé Cavaignac àcause desabarbiche, rarechez lesIndiens quisont généralement glabres. Un jour quejejouais avecungroupe d’enfants, unedesfillettes futfrappée parune camarade ; ellevintseréfugier auprès demoi, etse mit, engrand mystère, àme murmurer quelquechoseàl’oreille, quejene compris pasetque jefus obligé deluifaire répéter àplusieurs reprises,sibien quel’adversaire découvritlemanège, et,manifestement furieuse, arriva àson tour pour livrer cequi parut êtreunsecret solennel : aprèsquelques hésitations etquestions, l’interprétation de l’incident nelaissa pasdedoute.

Lapremière filletteétaitvenue, parvengeance, medonner lenom deson ennemie, et quand celle-ci s’enaperçut, ellecommuniqua lenom del’autre enguise dereprésailles.

Àpartir decemoment, ilfut très facile, bienquepeuscrupuleux, d’exciterlesenfants lesuns contre lesautres, etd’obtenir tousleurs noms.

Après quoi, unepetite complicité ainsicréée, ilsme donnèrent, sanstropdedifficulté, lesnoms desadultes.

Lorsque ceux-ci comprirent nosconciliabules, lesenfants furentréprimandés, etlasource demes informations tarie. En second lieu,lenambikwara groupeplusieurs dialectesquisont tousinconnus.

Ilsse distinguent parladésinence des substantifs etpar certaines formesverbales.

Onsesert surlaligne d’une sortede pidgin, qui pouvait êtreutile audébut seulement.

Aidéparlabonne volonté etlavivacité d’esprit desindigènes, j’apprenais doncunnambikwara rudimentaire. Heureusement, lalangue inclutdesmots magiques – kititu dans ledialecte oriental, dige, dage ou tchore ailleurs – qu’il suffit d’ajouter auxsubstantifs pourlestransformer enverbes complétés lecas échéant d’uneparticule négative.

Par cette méthode, onparvient àtout dire, même sice nambikwara « debase » nepermet pasd’exprimer lespensées les plus subtiles.

Lesindigènes lesavent bien,carilsretournent ceprocédé quandilsessayent deparler portugais ; ainsi « oreille » et« œil » signifient respectivement entendre–ou comprendre –et voir, etils traduisent lesnotions contraires en disant : orelha acabõ ou õlho acabõ, oreille, ouœil jefinis… » La consonance dunambikwara estunpeu sourde, commesila langue étaitaspirée ouchuchotée.

Lesfemmes se plaisent àsouligner cecaractère etdéforment certainsmots(ainsi, kititu devient dansleurbouche kediutsu ) ; articulant du bout deslèvres, ellesaffectent unesorte debredouillement quiévoque laprononciation enfantine.Leurémission témoigne d’unmaniérisme etd’une préciosité dontellesontparfaitement conscience :quandjene les comprends paset les prie derépéter, ellesexagèrent malicieusement lestyle quileur estpropre.

Découragé, jerenonce ; elleséclatent de rire etles plaisanteries fusent :ellesontréussi. Je devais rapidement m’apercevoir qu’enplusdusuffixe verballenambikwara enutilise unedizaine d’autres qui répartissent lesêtres etles choses enautant decatégories : cheveux,poilsetplumes ; objetspointus etorifices ; corps allongés : soitrigides, soitsouples ; fruits,graines, objetsarrondis ; chosesquipendent outremblent ; corpsgonflés, ou pleins deliquide ; écorces, cuirsetautres revêtements, etc.Cette observation m’asuggéré unecomparaison avecune famille linguistique d’Amérique centraleetdu nord-ouest del’Amérique duSud : lechibcha, quifutlalangue d’une grande civilisation del’actuelle Colombie, intermédiaire entrecelles duMexique etdu Pérou, etdont lenambikwara serait peut-être unrejeton méridional (5) .Raison supplémentaire poursedéfier desapparences.

Malgréleurdénuement, des indigènes, quirappellent lesplus anciens Mexicains parletype physique etleroyaume chibchaparlastructure de leur langue, ontpeu dechances d’êtredevrais primitifs.

Unpassé dontnous nesavons encore rienetl’âpreté deleur milieu géographique actuelexpliqueront peut-êtreunjour cette destinée d’enfants prodigues auxquelsl’histoirearefusé le veau gras.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles