parente à elle qui, étonnamment, était assez âgée pour avoir connu mon grand-père quand il vivait encore dans la ville ; un homme qui avait été le voisin de Shmiel.
Publié le 06/01/2014
Extrait du document
«
heureux,
autrefois, d'entendre certaineshistoiresinlassablement racontées.
Debbie m'aditque sonmari etsa fille nous rejoindraient plustard.
Elleadit çaavec unfort
accent australien auqueljem'habituais àpeine – ouplutôt jem'habituais àpeine àl'idée que
des Juifs pussent avoirl'accent australien.
Naturellement, noussavions qu'iln'yavait pasun
pays aumonde quin'ait passesJuifs, maiscette connaissance abstraiteétaitenquelque sorte
très différente dufait d'être confronté àla réalité deces gens.
Làoù j'avais grandi, lesJuifs
avaient soitdesaccents duVieux Continent – polonais, allemand,russe,yiddish – soitunaccent
new-yorkais prononce.Maisnous étions maintenant enAustralie oùles Juifs dema génération
avaient l'accent australien, toutcomme ilsont l'accent anglaisenAngleterre, l'accentfrançais
en France etl'accent italienenItalie.
Lemonde estbeaucoup plusgrand qu'onsel'imagine
quand ongrandit dansunenvironnement provincial:une banlieue deNew York, un shtetl de
Galicie, peuimporte.
Puisoncommence àvoyager.
Mongrand-père l'avaitsu.Jelesavais à
mon tour.
Nous attendait aussidansl'appartement deJack etde Sarah, déjàassis autour delatable dela
salle àmanger, couverte d'unenappe endentelle blanche, etsur laquelle Mattetmoi avons
commencé, assezgauchement, àdéposer lematériel d'enregistrement etde photographie, le
frère deJack, Bob.Bobetmoi nous étions déjàrencontrés.
L'étéprécédent, ilétait passé àNew
York etm'avait contacté, eten buvant unthé glacé chezmoiilm'avait raconté comment lui,
Jack, etleur père décédé, Moses,avaient survécu, ensecachant dansunbunker souterrain,
couvert defeuillage, danslaforêt àla périphérie deBolechow.
Bobm'avait expliqué comment
ils avaient pus'échapper jusqu'àcetendroit grâceàl'aide d'unpaysan ukrainien, justeavant les
dernières liquidations de1943.
C'était unehistoire qu'ilsavaient souvent racontée, jelesavais,
tout d'abord dansunlivre écrit parunjournaliste allemand,AnatolRégnier (quiétait marié,
devaient souligner plusieursfoislesAustraliens, nonsans unecertaine incrédulité, à
une
chanteuse populaireisraélienne!), et
ensuite pourundocumentaire faitpar une chaîne de
télévision allemande, àl'occasion duretour deJack etde Bob àBolechow en1996.
Comme Jack,Bobétait detaille moyenne, maisilavait uneprésence sportive,toutennerfs.
Il
me faisait l'effetdequelqu'un quiavait passé beaucoup detemps àl'extérieur, etjen'ai pasété
surpris del'entendre dire,parlasuite, qu'ilfaisait desmarches quotidiennes àbonne alluresur
la plage.
J'avais parléplusieurs foisàJack autéléphone quandj'airencontré Bob,etce qui m'a
frappé, c'estlefait que Jack, néen1925, âgédedix-neuf ansquand l'occupation nazieapris fin
à Bolechow, parlaitavecunaccent juifpolonais prononcé, alorsqueBob, néen1929 etdonc à
peine adolescent àla fin delaguerre, parlaitpresque commeunAustralien.
Cettedifférence
dans lafaçon deparler apris pour moiuneplus grande résonance àmesure quelavisite se
prolongeait.
Jackmefaisait plusl'effet, peut-être, d'uncitoyen del'ancien monde,plusjuif;il
aimait parsemer saconversation d'expressions enyiddish etparfois mêmeenhébreu.
Bob,au
contraire, m'afaitl'effet, aucours desjournées suivantes, d'êtrebiendécidé àse libérer du
passé.
Peut-être quel'érosion del'accent, desformules etdes sonorités quiavaient caractérisé
ses discours, n'étaitpasentièrement unprocessus naturel.Detoute évidence, iln'était pastrès
religieux.
En même temps, Bobavait gardé lenom deGrunschlag, alorsqueJack l'avait anglicisé.
Les
choses peuvent êtreétranges entrefrères.
Il yavait donc Jack,Sarah, Debbie etBob quiattendaient lesAméricains venuslesinterviewer.
Une foisentrés dansl'appartement, nousavons découvert unautre homme âgéassis àla table,
lui aussi.
Jackm'avait parlédelui:Boris Goldsmith, quiavait quatre-vingt-neuf ansetavait vécu
en face dechez Shmiel etsa famille.
Jackm'avait prévenu queceBoris étaitplutôt durd ' oreille.
»
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