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n'aime que les cabinets noirs, les manoeuvres de coulisses et de caniveaux.

Publié le 06/01/2014

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n'aime que les cabinets noirs, les manoeuvres de coulisses et de caniveaux. S'il aime l'amour, il lui arrive aussi de se repentir de « ses vices » dans des accès de bigoterie qui lui font alterner les phases maniaques d'exaltation et de déprime. Si tous les livres, enfin, affirment qu'il n'a jamais prononcé la fameuse phrase qu'on lui prêta plus tard : « Après nous le déluge », tout ce qu'ils racontent concorde à nous faire croire qu'il l'a pensé très fort. Son règne représente-il, selon le mot de Chateaubriand, « l'époque la plus détestable de l'histoire » ? Bien des choses l'indiquent. S'il réussit, dans la paix, à agrandir son royaume de la Lorraine (héritage de sa femme) et de la Corse (achetée à Gênes), il est moins doué pour la guerre. Il tient à la faire, comme son illustre aïeul Louis XIV, mais même quand il la gagne, il n'en tire rien. Ainsi la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748), menée contre l'Autriche et l'Angleterre, aux cotés de la Prusse. On peut l'oublier. Elle a valu au pays la dernière victoire de l'Ancien Régime, Fontenoy (1745), et pas grand-chose d'autre. Louis, vainqueur, veut traiter « en roi et non en marchand », ce qui est élégant mais permet à son allié Frédéric II de tout rafler. De la victoire, il n'est resté à notre pays qu'une expression qu'on prête à Voltaire, et qui est devenue proverbiale : on a pour la première fois « travaillé pour le roi de Prusse ». À la suite d'un retournement d'alliances, voici le pays engagé dans la meurtrière guerre de Sept Ans, à côté de l'Autriche et contre la Prusse. Elle se joue en Europe, mais aussi dans bien d'autres endroits de la planète, à cause des rivalités coloniales qui opposent la France à un autre ennemi, l'Angleterre. Cette fois-ci le désastre est total. On n'a rien gagné sur les champs de bataille, sinon d'innombrables morts, et les traités sont terribles : il faut céder aux Anglais l'Inde et le Canada. Du premier espace colonial français, il ne reste presque rien. Louis XVI Louis XV a été « le Bien-Aimé » pendant quelques années, puis le « très détesté » pendant tout le reste d'un interminable règne - soixante ans. Une fois de plus, la mort du vieux roi est vécue comme une délivrance. On place tous les espoirs en un jeune homme un peu gauche mais que l'on sent bien intentionné : Louis XVI. Lui aussi, somme toute, est assez conforme à sa vignette de manuel, à deux ou trois détails près. Il est aussi emprunté et timide qu'on se l'imagine, bredouillant, mal à l'aise devant sa cour, et dépassé par sa charge avant même de l'avoir pesée. Selon l'historien André Zysberg1 la parole historique qu'il répète au moment où le royaume lui échoit, c'est : « Quel fardeau ! » On prétendait jadis qu'il n'aimait rien tant qu'à chercher refuge dans l'atelier de serrurerie qu'il s'était aménagé pour assouvir sa seule passion. C'est inexact, il aimait aussi s'enfuir loin pour chasser. Il n'avait rien d'un benêt, pourtant. Il est sans doute, nous disent ses biographes, le plus instruit de nos rois. Il aime les sciences, l'histoire et, par-dessus tout, la géographie. Il se passionne pour les expéditions. Une toile, exposée à Versailles, le représente donnant lui-même ses instructions au célèbre La Pérouse, le grand navigateur. Hélas, la France a besoin d'un peu plus que d'un conseiller à la Marine, elle a besoin d'un souffle neuf, elle a besoin d'un roi. Il tente d'exercer ce métier avec l'intense bonne volonté qui le caractérise. Quelques vraies mesures d'humanité seront prises sous son règne, l'abolition de la torture, l'« édit de tolérance » en faveur des protestants. Il s'emploie aussi à essayer de trouver les ministres capables de redresser le pays en le changeant du tout au tout. Malheureusement, il ne les soutient qu'un temps, et les lâche les uns après les autres sitôt qu'ils ont heurté le moindre intérêt des gens de son milieu, la grande aristocratie, la Cour, ou surtout le mauvais génie de cette époque, sa femme Marie-Antoinette, dépensière et frivole, inconséquente quand il s'agit de comprendre l'intérêt de la France, butée quand il s'agit des siens. Il a un seul trait en commun avec son grand-père. Comme lui, il est fondamentalement incapable de comprendre les énormes enjeux de son temps. Les trois ordres Dans l'idée commune, le xviii est un siècle charmant, causeur, brillant, le temps des belles marquises, des raffinements de l'esprit, des salons, des philosophes. Il le fut, on y viendra. C'est aussi un siècle qui étouffe dans un pays sclérosé par un vieux système qui n'en finit plus d'agoniser. À partir de la Révolution française, pour opposer la période dont nous parlons à celle qui lui succède, dès 1789 on lui donne le nom qu'elle porte toujours : l'Ancien Régime. On ne sait pas trop quand il commence. On voit bien où il finit. Son nom rend bien le parfum de l'époque : elle sent le vieux, elle sent l'étroit, elle sent la fin. e La société française du xviiie, par certains côtés, a encore un pied dans le monde féodal. Comme dans les théories élaborées près de mille ans plus tôt, on pose que la société est divisée en trois ordres, où chacun a une place qui lui est donnée non par le mérite, mais par la naissance. L'inégalité est la grande valeur de ce monde-là. Le premier ordre est le clergé. Il guide les consciences, instruit les âmes et, accessoirement, prend en charge une partie de la charité publique. Il a donc droit à tous les égards et ne paie pas l'impôt. Il se contente de concéder au royaume, de temps en temps, un « don gratuit » dont il fixe généreusement le montant. Il pourrait donner beaucoup pourtant, sa richesse est colossale et intacte : dans un monde de célibat, le patrimoine n'est jamais menacé par des querelles d'héritage. Pour autant, les grandes abbayes, les grands domaines et leurs bénéfices reviennent forcément aux grands prélats toujours issus des grandes familles : on l'a compris, dans ce monde, on ne s'entend qu'entre grands. Les petits curés de paroisse n'ont droit, eux, qu'à la « portion congrue », ces miettes qui leur permettent à peine de tenir leur église et d'accomplir leurs devoirs, et les rendent amers : nombreux seront les membres du bas clergé qui joueront un rôle actif dans la Révolution. La noblesse forme le deuxième ordre, le glaive du monde, celui qui est en charge de la guerre et de la défense du peuple et du roi. C'était l'idée de départ. Elle est bien loin. Le roi paie une armée permanente, il n'a plus besoin, comme au Moyen Âge, de convoquer le ban et l'arrière-ban des chevaliers pour aller guerroyer. De plus, l'ordre a bien changé. Parmi les 30 000 familles qui le composent - ce qui représente 140 000 membres -, 1 000 seulement, la « noblesse d'épée », descendent de la chevalerie féodale. Les autres forment la noblesse de robe, celle dont les titres ont été achetés avec une charge. Au sein de ce vaste ensemble, d'autres diversité existent : comme il y a un bas clergé, il y a des petits nobles qui seront tentés eux aussi d'appuyer la Révolution à ses débuts. Mais la majorité préfère s'accrocher aux fameux privilèges, dont ses membres veulent croire que l'origine se perd dans les pages jaunies de grimoires immémoriaux : seuls les nobles ont droit de porter des chaussures à talons rouges, seuls ils ont droit de bâtir des tours, seuls ils ont droit aux girouettes, seuls ils ont droit d'être reçu à la Cour. Dans les seigneuries qu'ils possèdent encore, ils saignent les paysans avec des droits ancestraux, eux aussi. Et comme cela a toujours été, ils échappent à presque tous les impôts puisqu'ils sont censés payer « l'impôt du sang ». La seule chose qui change, finalement, est que cet état de fait, figé depuis des siècles, devient de plus en plus insupportable à ceux que cette géométrie étrange a placés en bas de la pyramide, à devoir porter tous les autres. Ceux-là forment l'immense masse des sujets du roi, ils ne sont ni du premier ordre ni du deuxième : on dit qu'ils sont le tiers état. Ils forment l'écrasante majorité. Par définition leur monde est composite. Des domestiques et des négociants, des vagabonds et des financiers, des artisans et leurs ouvriers, et surtout l'immense « paysannat », ses laboureurs et ses bergers, ses gros propriétaires replets et ses maigres cultivateurs. Tous ces gens ont au moins une chose en commun : ce sont eux, tous ensemble, qui font tourner vaille que vaille cette vieille machine encombrée de parasites grâce au produit de leurs impôts. Ils en paient tout le temps, sur tout, et à tout le monde, au châtelain, au clergé et aux représentants du roi, les fermiers généraux détestables et corrompus, et que l'on hait plus encore que les autres. Ils en paient en argent ou en nature. Si la division de cette société se résumait à ce triptyque, elle aurait le mérite d'une certaine clarté. Raté. Il faut lui ajouter mille autres clivages. La France d'avant 89, dira Mirabeau au début de la Révolution, était « une agrégation inconstituée de peuples désunis ». Tenter d'aller d'un bout du royaume à l'autre, c'est accepter de se perdre dans un maquis linguistique, administratif, juridique, c'est passer du droit coutumier aux survivances du droit romain, c'est payer un octroi à l'entrée d'une commune ou au passage d'un pont : déjà à l'époque, personne ne s'y retrouvait. Les provinces ont leurs coutumes, les villes ont les leurs, les villages en ont d'autres, et les métiers leurs chartes et leurs usages qui varient selon les lieux. Rien n'est semblable, rien n'est unifié, ni les patois, ni les poids, ni les mesures. Un seul, placé au sommet, est chargé de tenir toute la pyramide : le roi, clé de voûte fragile pour un édifice si branlant. Politiquement, le système n'a pas changé depuis le siècle précédent : nous sommes encore sous le règne de l'absolutisme de droit divin. On a vu combien cette forme de gouvernement convenait à Louis XIV. Les deux Louis suivants ont plus de difficultés à faire entrer leur main mal assurée dans ce gant de fer. Parfois, Louis XV fait des crises d'autorité, il ordonne, il trépigne, il se fâche. Cela dure peu. Louis XVI n'essaie même pas, il cherche une autre méthode pour gouverner, mais ne la trouve pas. Le pouvoir garde quelques symboles de l'autorité absolue. Le plus célèbre est la « lettre de cachet », qui permet d'envoyer quiconque, sans jugement, moisir à la Bastille ou dans toute autre prison du roi. En réalité, les deux en usent peu, mais quand ils le font, on en parle bien plus qu'auparavant. Les mentalités, la société, le monde ont changé. La personnalité des souverains n'est pas tout. Qu'aurait fait un Louis XIV en 1788 ? Peut-être pas mieux que son descendant, sans doute encore plus mal. L'Ancien Régime, ce n'est pas seulement un moment d'incompétence royale, c'est un ensemble de forces contraires qui cherchent un point d'équilibre dans un univers bancal et n'y arrivent pas. C'est ce que nous allons étudier maintenant. Pourquoi l'Ancien Régime a-t-il fini par s'effondrer dans le bruit sourd d'une tête qui tombe dans un panier rempli de son ? Ou, si l'on veut, pourquoi la Révolution ? On n'aura pas la prétention de donner à la question une réponse imparable. Cela fait deux cents ans que des milliers de spécialistes la cherchent sans la trouver. On peut toutefois tenter d'esquisser quelques pistes, ou plutôt montrer comment celles qui ont été suivies sont apparues comme des impasses. La politique Le xviiie est passionné de politique, mais la plupart du temps il la fait dans les salons ou dans les livres des philosophes, c'est-à-dire hors de la Cour et de ses clans, qui représentent les cercles du pouvoir. Au sein même du système monarchique, il n'existe qu'un organe qui peut essayer, fort modestement, de faire pièce au roi, c'est le « parlement », ou plutôt « les parlements », il y en a dans chaque grande province. Malgré ce nom, les parlements d'alors n'ont rien à voir avec les nôtres. Il s'agit d'assemblées composées de magistrats, une sorte d'équivalent de nos cours d'appel ou de cassation, à cette différence près que leurs membres ne sont pas des fonctionnaires dans le sens moderne du mot : ils forment la noblesse de robe dont on vient de parler, ils ont acheté leur charge et sont prêts à beaucoup pour qu'elle leur rapporte. Par des moyens divers, on peut se faire de l'argent alors en rendant la justice. Comme les chambres ont, entre autres attributions, le devoir d'enregistrer les textes édictés par le monarque, il leur arrive à cette occasion de renâcler et même de faire au souverain des « remontrances ». Une partie de l'histoire politique officielle des deux tiers du xviiie siècle tient dans ce face-à-face, qui tourne au feuilleton. Le roi veut imposer tel ou tel texte, le parlement de Paris murmure, puis se cabre, cela déclenche une crise, alors le roi se fâche, il exile les parlementaires en Bretagne ou ailleurs, en nomme d'autres, et les premiers finissent par revenir. Certaines crises d'autorité royale sont restées fameuses. En 1766, Louis XV décide d'assister à l'improviste à une réunion du Parlement pour lui dire son fait. Il demande à son ministre de lire le discours très sévère qu'il lui a inspiré : la réunion s'appelle « la séance de la flagellation », c'est dire si le discours était cinglant. Un peu plus tard, excédé, le même Louis fait un « coup de majesté », c'est ainsi qu'on appelle un coup d'État quand il est déclenché par le roi lui-même : il dissout les parlements. Sur le moment, le geste parut à tous les ennemis de l'absolutisme comme le comble de l'horreur liberticide. Pour venir à bout des difficultés de l'époque et sortir du corset étouffant d'un système usé, la vieille institution parlementaire était pourtant bien inadaptée. Le problème peut venir de son incapacité à se saisir des vrais sujets. Dans la première moitié du siècle, à l'époque du jeune Louis XV, une seule préoccupation domine les esprits, nourrit les haines et les passions, et vire à l'hystérie : la querelle janséniste que l'on rejoue une fois encore, comme au temps de l'abbaye de Port-Royal. Nos parlements sont en première ligne dans la bataille, car la plupart des parlementaires sont de cette tendance. La majorité des évêques est, quant à elle, du côté du pape, bien décidée à venir à bout de cette hérésie. En 1746, la dispute se bloque sur un point particulier : les « billets de confession ». Pour être sûr du salut ultime des âmes, l'archevêque de Paris a eu cette idée ingénieuse : désormais, avant de donner les derniers sacrements, les prêtres devront exiger des mourants un document signé dans lequel ceux-ci reconnaissent les « erreurs » du jansénisme. Hurlements horrifiés du camp janséniste, c'est-à-dire principalement des parlementaires : oser faire du chantage sur un lit de mort ! C'est parti pour une décennie de chicane, de bagarre, d'avancées, de reculs. Il est évident que, sur le moment, l'histoire devait sembler très importante. Dans un monde très religieux, on ne joue pas impunément avec le salut de l'âme. Songeons toutefois au décalage auquel cela conduit, quand on regarde les choses avec quelques siècles de recul : la France avait besoin de changements profonds dans l'agriculture, l'économie, la politique, l'administration. Ceux qui étaient en place pour les suggérer ne parlaient que de Dieu et s'envoyaient à la figure les oeuvres de Pascal. Sous Louis XVI, nouvelle problématique. À cause de la guerre farouche qui les a opposés à Louis XV, ce monarque détesté, à cause de l'exil auquel ils ont été contraints, les conseillers au Parlement apparaissaient à beaucoup comme des héros de la liberté. Le nouveau roi se veut conciliateur, il rappelle l'organe dissout par son grand-père qui se réunit à nouveau sous les bravos d'une partie de l'opinion. Les limites de son héroïsme apparaissent bien vite. Dans ces années 1770-1780, la grande question est celle des finances publiques. Les caisses sont vides, il faut trouver des moyens de les remplir. Tous les ministres tentent de vastes réformes qui ont toutes pour objectif de contraindre les privilégiés à accepter de contribuer à l'effort collectif. Ils trouvent toujours face à eux un grand ennemi : nos mêmes parlements, aussi enflammés, aussi ronflants, aux discours aussi élevés, mais pour une tout autre raison. Il s'agit cette fois de défendre bec et ongles les seuls avantages de leurs membres - tous sont nobles. La dette Le grand, l'immense problème du xviiie siècle porte donc un nom que le xxie connaît bien : la dette. On croit souvent que le siècle des philosophes n'était agité que de la question des libertés et que c'est cette obsession qui a fini par conduire à la Révolution. C'est inexact. L'enchaînement des faits qui conduit à 1789 doit tout à une question plus terre à terre : comment combler les trous des comptes publics ? Le système fiscal est inadapté, les dépenses sont trop lourdes et, au fil du règne, quelques événements viennent les aggraver encore, comme la

« reviennent forcémentauxgrands prélats toujours issusdesgrandes familles : onl’acompris, danscemonde, onne s’entend qu’entregrands.Lespetits curésdeparoisse n’ontdroit, eux,qu’à la« portion congrue », cesmiettes qui leur permettent àpeine detenir leuréglise etd’accomplir leursdevoirs, etles rendent amers :nombreux seront les membres dubas clergé quijoueront unrôle actif dans laRévolution. La noblesse formeledeuxième ordre,leglaive dumonde, celuiquiestencharge delaguerre etde ladéfense du peuple etdu roi.

C’était l’idéededépart.

Elleestbien loin.Leroi paie unearmée permanente, iln’a plus besoin, comme auMoyen Âge,deconvoquer leban etl’arrière-ban deschevaliers pourallerguerroyer.

Deplus, l’ordre a bien changé.

Parmiles30 000 familles quilecomposent –ce qui représente 140 000membres –,1 000 seulement, la « noblesse d’épée »,descendent delachevalerie féodale.Lesautres forment la noblesse derobe , celle dont les titres ontétéachetés avecunecharge.

Ausein decevaste ensemble, d’autresdiversité existent : commeilya un bas clergé, ilya des petits nobles quiseront tentéseuxaussi d’appuyer laRévolution àses débuts. Mais lamajorité préfères’accrocher auxfameux privilèges, dont sesmembres veulentcroirequel’origine se perd dans lespages jaunies degrimoires immémoriaux : seulslesnobles ontdroit deporter deschaussures à talons rouges, seulsilsont droit debâtir destours, seulsilsont droit auxgirouettes, seulsilsont droit d’être reçuà la Cour.

Danslesseigneuries qu’ilspossèdent encore,ilssaignent lespaysans avecdesdroits ancestraux, euxaussi. Et comme celaatoujours été,ilséchappent àpresque touslesimpôts puisqu’ils sontcensés payer« l’impôt du sang ». La seule chose quichange, finalement, estque cetétat defait, figédepuis dessiècles, devient deplus enplus insupportable àceux quecette géométrie étrangeaplacés enbas delapyramide, àdevoir porter touslesautres. Ceux-là forment l’immense massedessujets duroi, ilsne sont nidu premier ordrenidu deuxième : ondit qu’ils sont letiers état. Ils forment l’écrasante majorité.Pardéfinition leurmonde estcomposite.

Desdomestiques etdes négociants, des vagabonds etdes financiers, desartisans etleurs ouvriers, etsurtout l’immense « paysannat », seslaboureurs et ses bergers, sesgros propriétaires repletsetses maigres cultivateurs.

Touscesgens ontaumoins unechose en commun : cesont eux,tous ensemble, quifont tourner vaillequevaille cettevieille machine encombrée de parasites grâceauproduit deleurs impôts.

Ilsen paient toutletemps, surtout, etàtout lemonde, auchâtelain, au clergé etaux représentants duroi, lesfermiers généraux détestables etcorrompus, etque l’onhait plus encore que lesautres.

Ilsen paient enargent ouennature. Si la division decette société serésumait àce triptyque, elleaurait lemérite d’unecertaine clarté.Raté.Ilfaut lui ajouter milleautres clivages.

LaFrance d’avant 89,dira Mirabeau audébut delaRévolution, était« une agrégation inconstituée depeuples désunis ».

Tenterd’allerd’unbout duroyaume àl’autre, c’estaccepter deseperdre dans un maquis linguistique, administratif, juridique,c’estpasser dudroit coutumier auxsurvivances dudroit romain, c’est payer unoctroi àl’entrée d’unecommune ouaupassage d’unpont : déjààl’époque, personne nes’y retrouvait.

Lesprovinces ontleurs coutumes, lesvilles ontlesleurs, lesvillages enont d’autres, etles métiers leurs chartes etleurs usages quivarient selonleslieux.

Rienn’est semblable, rienn’est unifié, niles patois, niles poids, ni les mesures. Un seul, placé ausommet, estchargé detenir toute lapyramide : leroi, clédevoûte fragile pourunédifice si branlant.

Politiquement, lesystème n’apas changé depuislesiècle précédent : noussommes encoresouslerègne de l’absolutisme dedroit divin.

Onavu combien cetteforme degouvernement convenaitàLouis XIV.

Lesdeux Louis suivants ontplus dedifficultés àfaire entrer leurmain malassurée danscegant defer.

Parfois, Louis XV fait des crises d’autorité, ilordonne, iltrépigne, ilse fâche.

Celadure peu.Louis XVI n’essaiemêmepas,ilcherche une autre méthode pourgouverner, maisnelatrouve pas. Le pouvoir gardequelques symboles del’autorité absolue.Leplus célèbre estla« lettre decachet », quipermet d’envoyer quiconque, sansjugement, moisiràla Bastille oudans toute autreprison duroi.

Enréalité, lesdeux en usent peu,mais quand ilslefont, onenparle bienplusqu’auparavant.

Lesmentalités, lasociété, lemonde ont changé.

Lapersonnalité dessouverains n’estpastout.

Qu’aurait faitunLouis XIV en1788 ? Peut-être pasmieux que sondescendant, sansdoute encore plusmal.

L’Ancien Régime,cen’est passeulement unmoment d’incompétence royale,c’estunensemble deforces contraires quicherchent unpoint d’équilibre dansununivers bancal etn’y arrivent pas.C’est ceque nous allons étudier maintenant. Pourquoi l’AncienRégimea-t-ilfinipar s’effondrer danslebruit sourd d’une têtequitombe dansunpanier rempli de son ? Ou,sil’on veut, pourquoi laRévolution ? Onn’aura paslaprétention dedonner àla question uneréponse imparable.

Celafaitdeux cents ansque desmilliers despécialistes lacherchent sanslatrouver.

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