marchands de mouches collées sur des présentoirs en gâteau ; les
Publié le 06/01/2014
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
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«
modeste,
quiapprovisionnait lemarché indienetles îles duPacifique, donnaitlasubsistance auxtravailleurs, malgré
l’exploitation dontilsétaient etcontinuent d’êtrevictimes delapart decette classe d’usuriers etd’intermédiaires, les
mahajans, qui
avancent lamatière première etles produits detransformation.
Leprix deces derniers aété multiplié par
cinq ousix, tandis queparfermeture dumarché, laproduction régionaleesttombée desoixante millegrosses par
semaine àmoins decinquante milleparmois ; enfin,danslemême temps, leprix payé auproducteur abaissé de75%.
Du jour aulendemain presque,cinquante millepersonnes ontconstaté qu’unrevenu déjàdérisoire étaitréduit au
centième.
Maisc’estqu’en dépitdesformes devie primitives, lechiffre delapopulation, levolume delaproduction et
l’aspect duproduit finiinterdisent deparler d’artisanat véritable.Dansl’Amérique tropicale–au Brésil, enBolivie ouau
Mexique –le terme resteapplicable autravail dumétal, duverre, delalaine, ducoton oudelapaille.
Lamatière
première estd’origine locale,lestechniques sonttraditionnelles, etles conditions deproduction, domestiques ;
l’utilisation etlaforme sontd’abord régiesparlesgoûts, leshabitudes etles besoins desproducteurs.
Ici, des populations médiévalessontprécipitées enpleine èremanufacturière etjetées enpâture aumarché mondial.
Du point dedépart jusqu’au pointd’arrivée, ellesvivent sousunrégime d’aliénation.
Lamatière première leurest
étrangère, complètement pourlestisserands deDemra quiemploient desfilés importés d’Angleterre oud’Italie,
partiellement pourlesfaçonniers deLangalbund dontlescoquillages ontune origine locale,maisnonlesproduits
chimiques, lescartons etles feuilles métalliques indispensables àleur industrie.
Etpartout, laproduction estconçue
according
toforeign standards, ces
malheureux ayantàpeine lesmoyens desevêtir, moins encore deseboutonner.
Sous lescampagnes verdoyantes etles canaux paisibles bordésdechaumières, levisage hideux delafabrique apparaîten
filigrane, commesil’évolution historiqueetéconomique avaitréussi àfixer etàsuperposer sesphases lesplus tragiques
aux dépens deces pitoyables victimes :carencesetépidémies médiévales, exploitation forcenéecommeauxdébuts de
l’ère industrielle, chômageetspéculation ducapitalisme moderne.LeXIV e, le XVIII eet leXXesiècle sesont icidonné
rendez-vous pourtourner endérision l’idylledontlanature tropicale entretient ledécor.
C’est danscesrégions, oùladensité depopulation dépasseparfoismilleaukilomètre carré,quej’aipleinement
mesuré leprivilège historique encoredévoluàl’Amérique tropicale(etjusqu’à uncertain pointàl’Amérique toutentière)
d’être restée absolument ourelativement vided’hommes.
Laliberté n’estniune invention juridiqueniun trésor
philosophique, propriétéchériedecivilisations plusdignes qued’autres parcequ’elles seulessauraient laproduire oula
préserver.
Ellerésulte d’unerelation objective entrel’individu etl’espace qu’iloccupe, entreleconsommateur etles
ressources dontildispose.
Encoren’est-ilpassûrque ceci compense cela,etqu’une société richemaistropdense ne
s’empoisonne pasdecette densité, commecesparasites delafarine quiréussissent às’exterminer àdistance parleurs
toxines, avantmême quelamatière nutritive nefasse défaut.
Il faut beaucoup denaïveté oudemauvaise foipour penser queleshommes choisissent leurscroyances
indépendamment deleur condition.
Loinquelessystèmes politiques déterminent laforme d’existence sociale,cesont les
formes d’existence quidonnent unsens auxidéologies quilesexpriment : cessignes neconstituent unlangage qu’en
présence desobjets auxquels ilsse rapportent.
Encemoment, lemalentendu entrel’Occident etl’Orient estd’abord
sémantique : lesformules quenous ycolportons impliquent dessignifiés absentsoudifférents.
S’ilétait possible queles
choses changent, ilimporterait peuàleurs victimes quecesoit dans descadres quenous jugerions insupportables.
Ilsne
se sentiraient pasdevenir esclaves, maisbienaucontraire libérés,d’accéder autravail forcé,àl’alimentation rationnéeet
à la pensée dirigée, puisque ceserait poureuxlemoyen historique d’obtenirdutravail, delanourriture etde goûter une
vie intellectuelle.
Desmodalités quinous apparaissent privativesserésorberaient devantl’évidence d’uneréalité offerte,
et jusqu’alors parnous-mêmes, aunom deson apparence, refusée.
Par delà lesremèdes politiques etéconomiques convenables,leproblème poséparlaconfrontation del’Asie etde
l’Amérique tropicalesresteceluidela multiplication humainesurunespace limité.Comment oublierqu’àcetégard
l’Europe occupeuneposition intermédiaire entrelesdeux mondes ? Ceproblème dunombre, l’Indes’yest attaquée ilya
quelque troismille ansencherchant, aveclesystème descastes, unmoyen detransformer laquantité enqualité, c’est-à-
dire dedifférencier lesgroupements humainspourleurpermettre devivre côteàcôte.
Elleavait même conçule
problème entermes plusvastes : l’élargissant, au-delàdel’homme, àtoutes lesformes delavie.
Larègle végétarienne
s’inspire dumême souciquelerégime descastes, àsavoir d’empêcher lesgroupements sociauxetles espèces animales
d’empiéter les
uns surlesautres, deréserver àchacun uneliberté quiluisoit propre grâceaurenoncement parlesautres
à l’exercice d’uneliberté antagoniste.
Ilest tragique pourl’homme quecette grande expérience aitéchoué, jeveux dire
qu’au coursdel’histoire lescastes n’aient pasréussi àatteindre unétat oùelles seraient demeurées égalesparceque
différentes –égales encesens qu’elles eussent étéincommensurables –et que sesoit introduite parmiellescette dose
perfide d’homogénéité quipermettait lacomparaison, etdonc lacréation d’unehiérarchie.
Carsiles hommes peuvent
parvenir àcoexister àcondition desereconnaître tous autant hommes,
mais autrement, ils
lepeuvent aussiense
refusant lesuns auxautres undegré comparable d’humanité, etdonc ensesubordonnant.
Ce grand échec del’Inde apporte unenseignement : endevenant tropnombreuse etmalgré legénie deses penseurs,
une société neseperpétue qu’ensécrétant laservitude.
Lorsqueleshommes commencent àse sentir àl’étroit dansleurs
espaces géographique, socialetmental, unesolution simplerisquedeles séduire : cellequiconsiste àrefuser laqualité.
»
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