les débordements de la végétation.
Publié le 06/01/2014
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IV
LA QUÊTE DUPOUVOIRCes
senteurs douteuses, cesvents tournants annonciateurs d’uneagitation plusprofonde, unincident futilem’ena
fourni lepremier indiceetreste dansmamémoire commeunprésage.
Ayantrenoncé aurenouvellement demon contrat
à l’Université deSão Paulo pourmeconsacrer àune longue campagne dansl’intérieur dupays, j’avais devancé mes
collègues etpris, quelques semaines avanteux,lebateau quidevait meramener auBrésil ; pourlapremière foisdepuis
quatre ans,j’étais doncseuluniversitaire àbord ; pourlapremière foisaussi ilyavait beaucoup depassagers : hommes
d’affaires étrangers, maissurtout l’effectif completd’unemission militaire quiserendait auParaguay.
Unetraversée
familière enétait rendue méconnaissable, ainsiquel’atmosphère, jadissisereine, dupaquebot.
Cesofficiers etleurs
épouses confondaient unvoyage transatlantique avecuneexpédition colonialeetleservice comme instructeurs auprès
d’une armée somme touteassezmodeste, avecl’occupation d’unpays conquis àlaquelle ilsse préparaient, moralement
au moins, surlepont transformé enplace d’armes, lerôle d’indigènes étantdévolu auxpassagers civils.Ceux-ci ne
savaient plusoùfuir une insolence sibruyante qu’elleavaitréussi àprovoquer unmalaise jusquesurlapasserelle.
L’attitude duchef demission s’opposait àcelle deses subordonnés ; lui-mêmeetsa femme étaient deuxpersonnes àla
conduite discrèteetprévenante ; ilsm’abordèrent unjour dans lecoin peufréquenté oùj’essayais d’échapper au
vacarme, s’enquirent demes travaux passés,del’objet dema mission, etsurent parquelques allusionsmefaire
comprendre leurrôle detémoins impuissants etclairvoyants.
Lecontraste étaitsiflagrant qu’ilparaissait recouvrirun
mystère ; troisouquatre ansplus tard, l’incident revintàma mémoire enretrouvant danslapresse lenom decet officier
dont laposition personnelle était,eneffet, paradoxale.
Est-ce alorsquej’ai,pour lapremière fois,compris cequ’en d’autres régionsdumonde, d’aussidémoralisantes
circonstances m’ontdéfinitivement enseigné ?Voyages,coffretsmagiques auxpromesses rêveuses,vousnelivrerez plus
vos trésors intacts.
Unecivilisation proliférante etsurexcitée troubleàjamais lesilence desmers.
Lesparfums des
tropiques etlafraîcheur desêtres sontviciés parune fermentation auxrelents suspects, quimortifie nosdésirs etnous
voue àcueillir dessouvenirs àdemi corrompus.
Aujourd’hui oùdes îlespolynésiennes noyéesdebéton sonttransformées enporte-avions pesammentancrésaufond
des mers duSud, oùl’Asie toutentière prendlevisage d’unezonemaladive, oùles bidonvilles rongentl’Afrique, où
l’aviation commerciale etmilitaire flétritlacandeur delaforêt américaine oumélanésienne avantmême d’enpouvoir
détruire lavirginité, comment laprétendue évasionduvoyage pourrait-elle réussirautrechose quenous confronter aux
formes lesplus malheureuses denotre existence historique ? Cettegrande civilisation occidentale, créatricedes
merveilles dontnous jouissons, ellen’acertes pasréussi àles produire sanscontrepartie.
Commesonœuvre laplus
fameuse, pileoùs’élaborent desarchitectures d’unecomplexité inconnue,l’ordreetl’harmonie del’Occident exigent
l’élimination d’unemasse prodigieuse desous-produits maléfiquesdontlaterre estaujourd’hui infectée.Ceque d’abord
vous nous montrez, voyages,c’estnotre ordure lancéeauvisage del’humanité.
Je comprends alorslapassion, lafolie, laduperie desrécits devoyage.
Ilsapportent l’illusiondecequi n’existe pluset
qui devrait êtreencore, pourquenous échappions àl’accablante évidencequevingt milleansd’histoire sontjoués.
Iln’y
a plus rienàfaire : lacivilisation n’estpluscette fleurfragile qu’onpréservait, qu’ondéveloppait àgrand-peine dans
quelques coinsabrités d’unterroir richeenespèces rustiques, menaçantes sansdoute parleur vivacité, maisqui
permettaient aussidevarier etde revigorer lessemis.
L’humanité s’installedanslamonoculture ; elles’apprête à
produire lacivilisation enmasse, comme labetterave.
Sonordinaire necomportera plusqueceplat.
On risquait jadissavie dans lesIndes ouaux Amériques pourrapporter desbiens quinous paraissent aujourd’hui
dérisoires : boisdebraise (d’oùBrésil) : teinture rouge,oupoivre dont,autemps d’Henri IV,onavait àce point lafolie
que laCour enmettait dansdesbonbonnières desgrains àcroquer.
Cessecousses visuellesouolfactives, cettejoyeuse
chaleur pourlesyeux, cettebrûlure exquise pourlalangue ajoutaient unnouveau registreauclavier sensoriel d’une
civilisation quines’était pasdoutée desafadeur.
Dirons-nous alorsque,parundouble renversement, nosmodernes
Marco Polorapportent deces mêmes terres,cettefoissous forme dephotographies, delivres etde récits, lesépices
morales dontnotre société éprouve unbesoin plusaigu ensesentant sombrer dansl’ennui ?
Un autre parallèle mesemble plussignificatif.
Carcesmodernes assaisonnements sont,qu’on leveuille ounon,
falsifiés.
Noncertes parcequeleur nature estpurement psychologique ; maisparce que,sihonnête quesoitlenarrateur,
il ne peut pas,ilne peut plusnous leslivrer sousuneforme authentique.
Pourquenous consentions àles recevoir, ilfaut,
par une manipulation quichez lesplus sincères estseulement inconsciente, trierettamiser lessouvenirs etsubstituer le
poncif auvécu.
J’ouvre cesrécits d’explorateurs : telletribu, qu’on medécrit comme sauvage etconservant jusqu’à
l’époque actuellelesmœurs dejene sais quelle humanité primitivecaricaturée enquelques légerschapitres, j’aipassé
des semaines dema vied’étudiant àannoter lesouvrages que,voici cinquante ans,parfois mêmetoutrécemment, des
hommes descience ontconsacrés àson étude, avantquelecontact aveclesblancs etles épidémies subséquentes ne
l’aient réduite àune poignée demisérables déracinés.Cetautre groupe, dontl’existence, dit-on,aété découverte et
l’étude menéeenquarante-huit heuresparunvoyageur adolescent, ila été entrevu (etcen’est pasnégligeable) aucours
d’un déplacement horsdeson territoire dansuncampement provisoire,naïvement prispour unvillage permanent.
Eton.
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