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l'époque.

Publié le 06/01/2014

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l'époque. Dès ses premiers articles, il ordonne par exemple l'expulsion des Juifs des Antilles et insiste ensuite sur l'interdiction faite aux protestants de participer à ce commerce d'humains : il serait trop navrant que ces réprouvés soient tentés de convertir les « Nègres » à leur hérésie. Pour autant, au milieu d'un amoncellement de dispositions qui nous semblent complexes, il sait montrer sa vraie nature. Retenons l'article 44, il résume la philosophie de l'ensemble. C'est donc Louis XIV lui-même qui parle. Écoutons sa parole très officielle, en 1685 : « Déclarons les esclaves être [des] meubles. » Ainsi fut aussi le Grand Siècle, tutoyant le sublime dans les vers de Racine, portant au plus haut le raffinement et la civilisation sous les ors de Versailles, et capable, dans le même temps, de mettre des êtres humains au niveau des fauteuils. La traite des Noirs La Traite, comme on l'appelle, n'est pas spécifique à la France. Elle concerne bien d'autres pays d'Europe que l'on a cités, et elle est liée à toute l'histoire de la colonisation du Nouveau Monde. On la fait parfois remonter à l'initiative malheureuse de Bartolomeo de Las Casas. On a parlé déjà de ce dominicain espagnol, bienfaiteur des Indiens au xvie, protagoniste de la célèbre controverse de Valladolid. Pour protéger ses chers « indigènes », il aurait eu l'idée de proposer qu'on fasse faire les travaux qui les tuaient peu à peu par des Africains, dont les Portugais faisaient déjà commerce depuis un siècle ou deux. Ce serait donc au nom de l'humanité de ceux-ci que l'on a déshumanisé ceux-là. Ce n'est ni la première ni la dernière fois que l'on rencontrera ce paradoxe dans l'histoire. On dit que Las Casas s'est repenti de cette erreur funeste avant de mourir. Peu importe. L'idée n'était pas si originale, un autre que lui l'aurait eue forcément. Tout le contexte, mental et surtout économique, poussait à sa mise en place. Les Indiens étaient peu adaptés aux nouvelles sources de profit qui se répandaient aux Amériques, la canne à sucre, ou bientôt, dans les colonies anglaises, le coton. Un temps on fit appel à des Blancs misérables, les engagés, qui, en échange du prix de la traversée, devaient aux propriétaires des années de travail harassant et s'y soumettaient avec l'espoir de s'établir librement ensuite. Rares sont ceux qui y arrivaient. Rapidement, ils sont remplacés par ces Noirs qui présentent, aux yeux des colons, de grands avantages : on les trouve robustes, on les juge mieux capables de résister au soleil et, surtout, en exacerbant le traumatisme de la transplantation - non seulement on exile des individus dans ces pays lointains qu'ils ne connaissent pas mais on prend soin aussi de séparer les familles, d'isoler les gens de leurs proches, d'empêcher tout lien d'amitié, etc. -, on réussit à les briser plus facilement pour les réduire à l'idéal de ce que l'on veut en faire : des bêtes de somme. Dès le xvie siècle se met en place un système appelé le « commerce triangulaire », parce qu'il se joue en trois temps. Les bateaux partent de Lisbonne, de Liverpool, de Nantes, de Bordeaux. Chargés de leur monnaie d'échange, de la verroterie, des tissus, des armes, ils font du cabotage sur les côtes de l'Afrique pour acheter leur cargaison humaine à de riches marchands locaux, qui ont eux-mêmes raflé, ou fait rafler, leur marchandise de plus en plus profondément au coeur du continent et qui l'entassent dans des conditions épouvantables. Cette première phase peut durer des mois, c'est la plus atroce : les équipages sont d'une brutalité renforcée par la nervosité et la peur, les tentatives de fuite ou de révolte sont fréquentes tant que les côtes sont en vue. Les suicides aussi sont courants. Puis vient « le grand passage », c'est-à-dire la traversée, enchaînés à fond de cale - un mort sur dix, on l'a dit. Après un petit temps de repos près du port d'arrivée pour redonner à la marchandise une forme humaine qui permettra de la vendre plus cher, les bateaux finissent le triangle : ils repartent vers leur port de départ les flancs chargés de coton, de tabac, de cannes, toutes ces richesses accumulées grâce au travail d'autres esclaves. Ce système permet à des familles d'armateurs ou de colons de se constituer des fortunes immenses. Il fait la prospérité de nombreuses villes européennes et le malheur des millions d'êtres qui en furent victimes. Sitôt débarqué, le captif est envoyé au marché. Contrairement à ce qui se fait en Virginie, aux Antilles françaises - Martinique, Guadeloupe, et surtout Saint-Domingue, perle des colonies -, l'esclave est vendu nu. Pourquoi se soucierait-on des pudeurs du bétail ? Puis il ou elle rejoint son maître et sa plantation où il se tuera à petit feu à des travaux harassants, la coupe de la canne, le fonctionnement des chaufferies où l'on fait le sucre ou le rhum, avec un seul jour à lui pour cultiver son minuscule lopin de terre qui permet au maître de le nourrir moins le reste de la semaine. Et avec ça, le fouet, les coups et la survie dans un monde qui a organisé sa propre paranoïa. Les planteurs et les Blancs en général sont une infime minorité par rapport à l'immense masse des esclaves qu'ils ont eux-mêmes fait venir. Ils vivent dans la hantise constante de la révolte ou des fuites et tentent de la conjurer dans un mélange toujours renouvelé de sadisme et d'ingéniosité. Dans l'excellente petite synthèse qu'il a consacré au sujet2, l'historien Jean Meyer énumère quelques-unes des inventions essayées par les maîtres sur leurs « meubles » récalcitrants : le cachot, les fers, les mutilations bien sûr, mais aussi d'étranges couronnes de fer garnies de hautes cornes que des malheureux étaient condamnés à porter en permanence pour les empêcher de se cacher dans la broussaille. Cette sombre histoire se met en place aux Antilles dans la première moitié du xviie siècle. Elle cesse en 1848. Elle aura donc duré deux siècles. On ne peut, dans ce livre, tourner la page sur cette immense tache sur notre mémoire sans évoquer les quelques réflexions qu'elle suscite. L'esclavage, plaie universelle L'esclavage n'est pas une spécialité réservée par l'Europe occidentale au Nouveau Monde qu'elle venait de conquérir. La plupart des sociétés humaines en ont fait usage. L'Afrique le connaissait bien avant l'arrivée du premier Blanc. La Bible ne s'en émeut guère, bien au contraire elle le codifie. Grèce, Rome, pour ne parler que des mondes dont nous nous sentons les héritiers, ont dû leur prospérité au travail servile. Comme on l'a mentionné déjà, et malgré ce que l'on a pu croire, il a survécu sous cette forme tout droit venue de l'Antiquité pendant très longtemps. En Italie, durant la Renaissance, la plupart des grandes familles, comme leurs ancêtres romains, possèdent des esclaves - souvent blancs, d'ailleurs. Dans Une histoire de l'esclavage3, Christian Delacampagne rapporte que le dernier acte d'affranchissement d'un individu dans ce qui est aujourd'hui la France a été trouvé dans le Roussillon et date de 1612. Pourtant, depuis un noble édit de Louis X le Hutin, le royaume se targuait de rendre sa liberté à tous les asservis qui y poseraient le pied. C'est ce qui explique en partie, notons-le par parenthèse, pourquoi les Noirs furent si rares dans l'Hexagone durant l'Ancien Régime : les négociants ne voulaient pas être contraints si bêtement d'avoir à les relâcher. Le monde musulman fut, lui aussi, un énorme consommateur d'esclaves. On a parlé de l'infâme trafic qui ravagea l'Ouest de l'Afrique. Pendant près de mille ans, les marchands arabes s'entendirent à en saigner la moitié est. Les routes passent par Zanzibar, où les bateaux viennent chercher les cargaisons qui iront alimenter les marchés des grands ports de la péninsule Arabique, ou coupent à travers le Sahara pour remonter jusqu'au Caire, ou au Maghreb. Olivier Pétré-Grenouilleau donne des descriptions de cette « traite transsaharienne » dont l'horreur n'a rien à envier à sa jumelle transatlantique : 3 000 kilomètres à pied, en longue caravane, avec un peu d'eau et une poignée de maïs pour seul viatique. Il existe aussi, dans l'islam, de très nombreux esclaves blancs. On ne peut oublier la terreur que causèrent durant trois siècles (xvie, xviie et xviiie) les raids lancés par les « Barbaresques », comme on les appelait, ces pirates partis des régences ottomanes de Tunis ou d'Alger pour rafler tous les malheureux qui avaient le tort de se trouver sur les côtes européennes de la Méditerranée. Un historien américain, Robert Davis4, estime à un million le nombre de victimes de ces razzias, que l'on vendait aux locaux ou que l'on envoyait pourrir dans d'anciens établissements de bains - qui nous ont laissé leur nom de bagnes - en attendant leur hypothétique rachat par leurs familles européennes ou par des confréries chrétiennes entièrement dévolues à cette tâche. L'Empire ottoman avait même systématisé le recours à l'esclavage de chrétiens pour en faire la base de son administration. Tous les ans, selon une pratique appelée le devchirme (la récolte, en turc), des soldats envoyés par le sultan parcouraient les villages chrétiens de l'Empire - par exemple les Balkans, ou encore le pourtour de la mer Noire - pour enlever ou, au mieux, acheter les enfants qui leur semblaient les plus beaux. Amenés à Istanbul, convertis, éduqués, ils étaient destinés à former l'armée d'élite du souverain : les janissaires. Le principe était brutal et simple : en coupant les enfants de leur religion et de leur famille, on était sûr d'en faire des serviteurs d'une loyauté absolue. Tout leur était permis alors, et on en a vu qui montèrent très haut. De nombreux grands vizirs, les Premiers ministres de l'empire, étaient d'anciens esclaves. Par un procédé similaire à celui des janissaires, l'Égypte avait ses mamelouks. Ils régnèrent sur le pays pendant des siècles, jusqu'à leur défaite devant les armées de Bonaparte, à la fin du xviiie. Des esclaves dirigeant un pays, ou devenus les plus proches conseillers du monarque, toutes choses impensables en Occident à pareille époque. Cela n'enlève rien à l'immoralité du système, ni à sa cruauté : le traumatisme d'un enfant de douze ans enlevé par des soldats turcs dans les montagnes serbes ou géorgiennes ne devait pas être moindre que celui de son lointain petit frère, arraché par des marchands à son village d'Afrique. Simplement le petit Africain pouvait être sûr d'une chose dès cet instant fatal : lui ne deviendrait jamais le premier conseiller du roi de France ou d'Angleterre, et ce, pour une raison simple : aucun Noir ne le fut jamais. Voilà le point où nous voulions venir. Il ne faut pas faire de l'esclavage un mal propre à l'Occident de l'époque moderne. Il faut se souvenir des caractéristiques qui sont les siennes, et particulièrement le racisme qui en fut le fondement. Il donne au système une dimension spécifique. Il ne s'agit pas d'entrer ici dans une dichotomie stupide qui ferait de tous les Blancs des salauds éternels, et des Noirs pris dans leur ensemble des martyrs par essence. Bien des Blancs, on en parlera bientôt, luttèrent ardemment contre l'horreur servile. Et l'immense majorité des victimes de la traite furent vendues par d'autres Noirs, les roitelets et les marchands installés sur la côte qui tirèrent de ce commerce des profits immenses. Les faits sont là, néanmoins : aux Antilles, à la Réunion, à l'île Maurice (pour ce qui concerne la France), l'histoire de l'esclavage fut l'histoire d'un écrasement des Noirs par les Blancs, de la domination d'une couleur de peau sur un autre, et, comme dans tous les systèmes économiques, il fut servi par une idéologie construite peu à peu pour le justifier. Parce que les Blancs avaient besoin par intérêt d'asservir les Noirs, ils bâtirent un ensemble de justifications anthropologiques - ces sauvages ne sont-ils pas des sous-humains ? - ou théologiques - le noir n'est-il pas la couleur de l'enfer ? - qui inoculaient dans les esprits un poison durable. Des générations après la fin de l'esclavage, l'actualité le prouve sans cesse, il faut lutter encore pour s'en débarrasser. L'interminable combat vers l'abolition Certains intellectuels, lassés de ce qui leur semble une culpabilisation outrée de l'Occident, aiment à noter un autre fait : si les sociétés européennes pratiquèrent longtemps l'esclavage, elles furent aussi les premières à l'abolir. C'est une réalité indéniable. Toutes les autres sociétés qui ont connu l'esclavage s'en sont accommodé et elles ont fini par accepter d'y mettre un terme, parfois très tardivement, sous la pression de l'Occident. Acceptons ce fait. Apportons-y aussi quelques nuances. L'abolition est venue, c'est vrai, mais fort tard. Pendant très longtemps, ce qui frappe surtout, c'est l'indifférence avec laquelle est considéré le sujet. Les seuls à élever la voix au moment de l'adoption du Code noir, ce sont les colons : ils protestent contre ce qui leur paraît être une manifestation inutile de la bureaucratie. Un « code » pour gérer leurs Nègres, et quoi encore ? Qu'on les laisse s'occuper de leurs biens tranquilles ! Quelques décennies plus tard, les Lumières brillent surtout par leur absence. Dans Candide, Voltaire montre qu'il n'est pas insensible à la question : on cite souvent la rencontre entre le héros, en voyage aux Indes, et le pauvre Nègre du Surinam à qui son maître a coupé une main et une jambe. Il désigne son corps mutilé en disant : « C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. » Comme d'autres de sa génération, Voltaire est ému des conditions de brutalité dans lesquelles l'esclavage s'exerce, mais ne voit rien à redire au système lui-même. Il faut attendre la fin du xviiie siècle et la veille de la Révolution pour qu'enfin il soit remis en cause par quelques nobles esprits, l'abbé Raynal, l'abbé Grégoire, l'écrivain Bernardin de Saint-Pierre ou le philosophe Condorcet, qui participent à la « Société des amis des Noirs ». Et le grand mouvement abolitionniste qui réussira dans un premier temps à interdire la traite, puis l'esclavage lui-même, ne vient pas de France mais d'Angleterre, où il est promu avec ferveur par les quakers. Ensuite, l'abolition ne fut pas qu'une affaire d'intellectuels blancs. Les esclaves eux-mêmes joueront un grand rôle dans la lutte pour leur affranchissement. On l'a dit, les révoltes ne sont pas si fréquentes, car le système coercitif mis en place pendant des siècles, basé sur la terreur et l'anéantissement des individus, est redoutablement efficace. Il peut être mis en défaut. En 1791, 50 000 des 500 000 esclaves que compte Saint-Domingue, le joyau des colonies d'outre-mer françaises, lancent la bataille. Ils sont bientôt si puissants, sous la bannière du grand chef Toussaint Louverture, qu'en 1793, le représentant sur place de la République française décrète leur émancipation. Et c'est sur proposition des envoyés spéciaux de ce mouvement à la Convention (dont l'ancien esclave JeanBaptiste Belley, le premier député noir français) que la République vote en 1794 la première abolition totale et fait citoyens tous les habitants des îles, sans distinction de couleur. Hélas, ce qui a été arraché par les Noirs est vite repris par les Blancs. En 1802, Bonaparte rétablit l'esclavage. Je sais, les défenseurs de l'Empereur trouveront la phrase inexacte, et argueront que les choses sont plus complexes : après avoir signé la paix avec les Anglais, le Premier Consul se contente, dans les possessions qu'il récupère, comme la Martinique, d'avaliser une situation existante. Les colons n'y avaient jamais voulu abandonner l'esclavage. Notons tout de même ces détails : quand il s'agit d'une position défendue par les planteurs, Napoléon leur donne raison. Quand en même temps à Saint-Domingue la révolte d'anciens esclaves continue, il envoie la troupe - un de ses plus grands désastres militaires, d'ailleurs, qui aboutira à l'indépendance d'une partie de l'île et à la création de la république d'Haïti. Toujours est-il que, grâce à cette loi de Bonaparte, il faut attendre encore quarante-six ans et 1848 pour qu'on en ait enfin fini avec l'esclavage en France. On voit à quel point notre pays tenait à l'abolition : il a fallu s'y reprendre à deux fois pour la rendre effective. Comment on justifiait l'esclavage Oublions maintenant l'abolition, et reprenons enfin l'histoire par son début. Que l'on ait décidé, en 1848, d'en finir avec un système qui nous semble aujourd'hui l'exact opposé de l'idée même d'humanité, cela nous paraît la moindre des choses. Comment a-t-on fait, durant les trois siècles qui ont précédé, pour le justifier ? On pose rarement la question ; c'est dommage, ce n'est pas la moins intéressante. La grande justification se compte surtout en bénéfices sonnants et trébuchants, c'est entendu. Ils sont immenses. Certains économistes en arrivent à calculer que toute la révolution industrielle qui a fait décoller l'Occident au xixe doit son succès à l'accumulation du capital réalisée dans les siècles précédents grâce au profit tiré de la traite. Quoi qu'il en soit, au xixe, ce sont presque toujours des arguments strictement économiques dont on se sert pour retarder l'abolition : bien sûr, dit candidement le lobby des planteurs, il faut mettre un terme à l'esclavage, c'est une nécessité morale, mais il faut attendre un peu avant d'y arriver car le coût de la mesure serait trop dur et ruinerait notre économie. Le chantage est connu, on l'entend encore pour barrer la route à toutes les réformes sociales.

« Cette sombre histoiresemet enplace auxAntilles danslapremière moitiéduxviie siècle.

Ellecesse en1848.

Elle aura donc durédeux siècles.

Onnepeut, danscelivre, tourner lapage surcette immense tachesurnotre mémoire sans évoquer lesquelques réflexions qu’ellesuscite.

L’esclavage, plaieuniverselle L’esclavage n’estpasune spécialité réservéeparl’Europe occidentale auNouveau Mondequ’ellevenaitde conquérir.

Laplupart dessociétés humaines enont faitusage.

L’Afrique leconnaissait bienavant l’arrivée du premier Blanc.LaBible nes’en émeut guère,bienaucontraire ellelecodifie.

Grèce,Rome,pourneparler quedes mondes dontnous noussentons leshéritiers, ontdûleur prospérité autravail servile.

Comme onl’amentionné déjà, etmalgré ceque l’onapu croire, ila survécu souscette forme toutdroit venue del’Antiquité pendanttrès longtemps.

EnItalie, durant laRenaissance, laplupart desgrandes familles, commeleursancêtres romains, possèdent desesclaves –souvent blancs,d’ailleurs.

Dans Une histoire del’esclavage 3 , Christian Delacampagne rapportequeledernier acted’affranchissement d’unindividu danscequi estaujourd’hui laFrance a été trouvé dansleRoussillon etdate de1612.

Pourtant, depuisunnoble éditdeLouis X leHutin, leroyaume se targuait derendre saliberté àtous lesasservis quiyposeraient lepied.

C’estcequi explique enpartie, notons-le par parenthèse, pourquoilesNoirs furent sirares dansl’Hexagone durantl’Ancien Régime : lesnégociants ne voulaient pasêtre contraints sibêtement d’avoiràles relâcher. Le monde musulman fut,luiaussi, unénorme consommateur d’esclaves.Onaparlé del’infâme traficquiravagea l’Ouest del’Afrique.

Pendantprèsdemille ans,lesmarchands arabess’entendirent àen saigner lamoitié est.Les routes passent parZanzibar, oùles bateaux viennent chercher lescargaisons quiiront alimenter lesmarchés des grands portsdelapéninsule Arabique, oucoupent àtravers leSahara pourremonter jusqu’au Caire, ouau Maghreb.

OlivierPétré-Grenouilleau donnedesdescriptions decette « traite transsaharienne » dontl’horreur n’a rien àenvier àsa jumelle transatlantique : 3 000 kilomètres àpied, enlongue caravane, avecunpeu d’eau etune poignée demaïs pour seulviatique. Il existe aussi,dansl’islam, detrès nombreux esclavesblancs.Onnepeut oublier laterreur quecausèrent durant trois siècles (xvi e , xvii e et xviii e ) les raids lancés parles« Barbaresques », commeonles appelait, cespirates partis desrégences ottomanes deTunis oud’Alger pourrafler touslesmalheureux quiavaient letort desetrouver sur lescôtes européennes delaMéditerranée.

Unhistorien américain, RobertDavis 4 , estime àun million le nombre devictimes deces razzias, quel’onvendait auxlocaux ouque l’onenvoyait pourrirdansd’anciens établissements debains –qui nous ontlaissé leurnom de bagnes – en attendant leurhypothétique rachatpar leurs familles européennes oupar des confréries chrétiennes entièrement dévoluesàcette tâche. L’Empire ottomanavaitmême systématisé lerecours àl’esclavage dechrétiens pourenfaire labase deson administration.

Touslesans, selon unepratique appeléele devchirme (la récolte , en turc), dessoldats envoyés parlesultan parcouraient lesvillages chrétiens del’Empire –par exemple lesBalkans, ouencore le pourtour delamer Noire –pour enlever ou,aumieux, acheter lesenfants quileur semblaient lesplus beaux. Amenés àIstanbul, convertis, éduqués,ilsétaient destinés àformer l’armée d’élitedusouverain : lesjanissaires.

Le principe étaitbrutal etsimple : encoupant lesenfants deleur religion etde leur famille, onétait sûrd’en faire des serviteurs d’uneloyauté absolue.

Toutleurétait permis alors,eton enavu qui montèrent trèshaut.

Denombreux grands vizirs,lesPremiers ministres del’empire, étaientd’anciens esclaves.Parunprocédé similaire àcelui des janissaires, l’Égypteavaitsesmamelouks.

Ilsrégnèrent surlepays pendant dessiècles, jusqu’à leurdéfaite devant les armées deBonaparte, àla fin du xviii e .

Des esclaves dirigeant unpays, oudevenus lesplus proches conseillers du monarque, touteschoses impensables enOccident àpareille époque.

Celan’enlève rienàl’immoralité du système, niàsa cruauté : letraumatisme d’unenfant dedouze ansenlevé pardes soldats turcsdansles montagnes serbesougéorgiennes nedevait pasêtre moindre quecelui deson lointain petitfrère, arraché pardes marchands àson village d’Afrique.

Simplement lepetit Africain pouvaitêtresûrd’une chose dèscetinstant fatal : lui ne deviendrait jamaislepremier conseiller duroi deFrance oud’Angleterre, etce, pour uneraison simple : aucun Noirnelefut jamais. Voilà lepoint oùnous voulions venir.Ilne faut pasfaire del’esclavage unmal propre àl’Occident del’époque moderne.

Ilfaut sesouvenir descaractéristiques quisont lessiennes, etparticulièrement leracisme quienfut le fondement.

Ildonne ausystème unedimension spécifique.

Ilne s’agit pasd’entrer icidans unedichotomie stupide qui ferait detous lesBlancs dessalauds éternels, etdes Noirs prisdans leurensemble desmartyrs paressence. Bien desBlancs, onenparlera bientôt, luttèrent ardemment contrel’horreur servile.Etl’immense majoritédes victimes delatraite furent vendues pard’autres Noirs,lesroitelets etles marchands installéssurlacôte qui tirèrent dececommerce desprofits immenses.

Lesfaits sont là,néanmoins : auxAntilles, àla Réunion, àl’île Maurice (pourcequi concerne laFrance), l’histoire del’esclavage futl’histoire d’unécrasement desNoirs parles Blancs, deladomination d’unecouleur depeau surunautre, et,comme danstouslessystèmes économiques, il fut servi parune idéologie construite peuàpeu pour lejustifier.

ParcequelesBlancs avaient besoinparintérêt. »

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