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LE PETIT LEXIQUE DE LITTERATURE

Publié le 15/02/2011

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ABSTRAIT (Opposer à concret). — Abstraire, faire une abstraction consiste à dégager d'un ou de plusieurs objets une qualité et à la considérer en dehors de ces objets, comme si elle avait une existence indépendante. Ex. : un ciel bleu, un papier bleu, un œil bleu = le bleu. Ainsi se constituent des notions « abstraites « : l'esclavage, la liberté, la vertu... Un esprit, un style abstrait : préférer les idées à la vie, aux réalités, aux images, au pittoresque. Le concret, par contre, s'en tient à ce qui est, à la réalité des choses. On dira : un visage rouge et non la rougeur d'un visage. On cherchera à exprimer couleurs, formes, gestes, attitudes... Cf. un portrait de La Bruyère. ARISTOTE (aristotélisme). — Philosophe grec du IVe siècle av. J.-C. Esprit universel qui traita à la fois de la physique et de la métaphysique, de la biologie et de la logique, de la morale, de la politique, de la littérature. Pendant tout le Moyen Age il sera le dieu — d'ailleurs fort mal connu — des philosophes théologiens de la scolastique. La Renaissance retrouve sa vraie pensée par delà les commentaires médiévaux. Mais le culte continue : « Magister dixit «, formule de base de la méthode d'autorité qui impose sa tyrannie dans les sciences comme dans la philosophie ou dans la littérature. Descartes (voir CARTESIANISME) entrera en lutte contre elle et ébranlera l'Aristotélisme, qui sévissait encore au XVIIe siècle (cf. les comédies de Molière). La Sorbonne devient alors le bastion de la résistance aristotélicienne. Boileau écrit d'elle en 1675 : « Elle a banni à perpétuité la Raison des écoles de ladite Université, lui fait défense d'y entrer, traiter ni inquiéter ledit Aristote «. ART. — Ensemble de connaissances et de moyens destiné à une réalisation pratique. S'oppose donc d'abord à la science pure, désintéressée, qui ne veut être qu'une connaissance, une explication des phénomènes. A partir de ce sens de base, le mot Art peut désigner : — la somme des règles d'un métier : l'art du maçon, de l'ébéniste... — mais aussi la technique des réalisations, non plus mécaniques, mais libérales (c.-à-d. dignes d'un homme libre et non d'un esclave) : art littéraire, beaux-arts... — enfin l'Art conçu comme un effort conscient pour créer la Beauté en dépassant la nature. On oppose Art et inspiration : Le créateur de génie peut se passer des ressources de la technique pour s'exprimer : « l'art ne fait que des vers, le cœur seul est poète «. A noter la place excessive que Boileau fait à l'art par rapport aux dons naturels. L'Art pour l'Art : (Th. Gautier, Banville, le Parnasse...) la Beauté doit être le seul but de l'écrivain. Bannir toutes les préoccupations politiques, morales, sociales, religieuses... Opposer à Fonction du poète, aux Mages de V. Hugo. ASCÉTISME. — Attitude philosophique (stoïcisme) ou religieuse (Pascal). Tension de la volonté vers le Bien sans tenir compte du plaisir, de la douleur, des instincts naturels. Peut conduire aux mortifications corporelles. Opposer à la jouissance de vivre d'un Rabelais, d'un Montaigne ou d'un Voltaire.  

AUTORITÉ (Méthode d'...). — Voir cartésianisme. ANTHROPOCENTRISME. — Système d'après lequel l'homme est le centre d'un Univers qui a été créé pour lui. Opposer : l'homme entre les deux Infinis de Pascal. BALLADE. — Poème à forme fixe comprenant trois strophes et un couplet ou envoi. Les strophes comportent le même nombre de vers (de six à douze), tous de la même mesure. Les mêmes rimes se répètent de strophe en strophe, que termine le même vers. L'envoi reproduit la disposition d'une fin de strophe (Eustache Deschamps, Charles d'Orléans, Villon, Th. de Banville, E. Rostand). On a également donné le nom de ballade à des poèmes à sujets légendaires ou fantastiques ou simplement empreints de grâce et de fantaisie (Paul Fort). BEAU. — Voir esthétique. BURLESQUE (de Burla, plaisanterie). — Se définit comme « du précieux retourné «. Semble un désir de se singulariser par la vulgarité et la parodie. Le Burlesque sera particulièrement à la mode entre 1640 et 1660. Il s'en prendra tour à tour à l'épopée, à la tragédie, au portrait, au roman. Voir : Scarron : Virgile travesti ; Cyrano ; Boileau : Le Lutrin. CARTÉSIANISME. — Prend son origine dans le Discours de là Méthode de Descartes et surtout dans la première règle : « ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle «. C'est la négation de la méthode d'autorité qui, depuis la scolastique, au Moyen Age, régnait sur toute pensée, même scientifique. En littérature, le cartésianisme se traduit par la prédominance de la raison sur la sensibilité et l'imagination, par la recherche de l'universel sans tenir compte des particularités individuelles, locales, historiques... Ce qui entraîne le mépris de la nature extérieure, de la couleur locale au seul profit de l'âme (littérature du XVIIe siècle). La forme se dépouille et traduit un effort constant vers la clarté. Le cartésianisme, mal vu au XVIIe siècle, ne pourra donner toute sa mesure qu'au siècle suivant ; Bayle, Fontenelle peuvent être considérés comme penseurs de transition entre Descartes et l'Encyclopédie. CIVILISATION. — 1. - Etymologie : les mots grecs et latins qui désignent les villes (polis, urbs, civitas) sont à l'origine de bien des termes qui expriment une idée de mœurs courtoises, raffinées : poli, politesse, policé, urbanité, civil, civilité, civilisé, civilisation, etc... Par opposition : rus (campagne) conduit à rustaud, rustre et silvaticus (habitant des forêts) donne sauvage. 2. - Le mot civilisation apparaît dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Le verbe, lui, existe déjà chez Montaigne. 3. - Contenu du mot : il s'est constitué par additions successives : a) d'abord simple idée de politesse : civilisé = policé. C'est l'idéal d'une société mondaine et aristocratique ; b) puis apparition d'un sens moral : péjoratif pour Rousseau ;  

par contre, pour les philosophes, civilisation est synonyme de lumière philosophique : instruire c'est civiliser, écrit Diderot ; c) sur quoi interviennent des éléments plus précis : évolution des facteurs politiques (monarchie constitutionnelle), sociaux (classes privilégiées), moraux, économiques (industrie, commerce) ; d) passage du singulier au pluriel : les civilisations ; évolution due aux récits des voyageurs, au cosmopolitisme. Régression du dogmatisme étroit qui ne voit qu'une attitude possible devant les problèmes de mœurs, de croyance, etc... (premières années du XIXe siècle). Une civilisation est donc maintenant l'état d'un groupe social donné à un moment donné. e) Les historiens développent cette idée. Guizot analyse la civilisation en Europe et en France. Il donne deux sens du mot : — un état, — une action dans le sens d'un perfectionnement à la fois social et spirituel. f) D'où naissent deux attitudes : — on insiste sur le sens dynamique, évolutif ; — on décrit et on classe les formes de civilisations. g) Mais, à parler d'évolution, de progression, on en arrive à définir des niveaux de civilisation. Tel pays a une civilisation plus haute et plus avancée que tel autre. Sur quelles bases fonder une comparaison ? On propose : l'évolution de l'habitat, de la monnaie, de la façon de prier ou de sacrifier, etc.. Ce sont les critères du point d'avancement d'une civilisation. h) Il ne reste plus qu'un pas à franchir : en arriver à la notion de Civilisation, c'est-à-dire à la conception d'un état idéal vers lequel nous tendons tous. Une difficulté : est-ce que la civilisation idéale ne sera pas précisément la nôtre, ou du moins, l'extrapolation de la nôtre ? On peut du moins conclure qu'une civilisation idéale serait celle où se trouverait pleinement possible l'épanouissement de la personne humaine, sur tous les plans, physique, intellectuel et moral. CONCRET. — Voir : Abstrait. CASUISTIQUE. — Étude, du double point de vue religieux et moral, des cas où la conscience peut être embarrassée (conflits de devoirs). Mais devient rapidement un moyen artificieux de légitimer des actes répréhensibles. Pascal, dans les Provinciales, attaque les Jésuites sur la morale relâchée de leur casuistique. CATHARSIS. — Terme tiré de la Poétique d'Aristote ; c'est un mot grec signifiant purgation, purification. Le théâtre produirait sur les spectateurs une sorte de purification, soit par la beauté même du spectacle, soit par la délivrance que déterminerait en eux les actes que les personnages semblent commettre à leur place. COMÉDIE. — Genre littéraire qui tire son origine du culte de Dionysos et fut très florissant chez les Anciens. Mais la comédie telle qu'on l'entend de nos jours, ébauchée dans les farces et soties du Moyen Age, n'apparaît guère qu'au XVIe siècle. Elle vise surtout à représenter les vices et les

ridicules de la société pour faire rire ou, du moins, divertir les spectateurs. Molière veut « entrer comme il faut dans le ridicule des hommes «. La comédie est donc d'esprit satirique. On distingue la comédie de mœurs ou de caractères, la comédie politique (Beaumarchais), la comédie d'intrigue (Scribe), la comédie poétique (Musset), etc... COMMEDIA DELL'ARTE. — Comédie d'origine italienne. Seul le canevas a été fixé à l'avance, le dialogue est improvisé sur scène. Les personnages sont traditionnels : Arlequin, Pantalon, le Pédant... Cette comédie connaissait un grand succès à Paris au XVIIe siècle. CONCETTI. — Désigne, depuis le XVIIe siècle, les pensées rares exprimées dans une forme raffinée. C'est le poète italien Marini (ou Marino) qui introduisit en France, vers 1625, cette forme de préciosité. COMPLEXE. — S'oppose à simple. Les intrigues de Corneille, celles des drames de Hugo sont complexes parce qu'elles sont chargées d'événements successifs qui interviennent d'acte en acte. Opposer Racine : une action chargée de peu de matière. — Dans un autre sens, un complexe est un ensemble affectif qui détermine des troubles plus ou moins graves dans le comportement d'un être. Un complexe d'infériorité, par exemple, est un sentiment éprouvé à propos d'une situation présente mais préparé et grossi par toute une suite de situations affectives semblables. A partir d'un événement lointain (rivalité inconsciente, par exemple, avec un frère plus doué) le doute de soi s'est peu à peu installé dans l'individu. CONTE. — Récit, généralement de peu d'étendue, qui se caractérise — par une tendance marquée au merveilleux (Hoffmann, Contes des Mille et une nuits), — par la densité, plaisante le plus souvent, des événements ou des aventures (Candide) ; aucun souci de la vraisemblance, — par le caractère sommaire de la psychologie des personnages, à peine esquissée (Contes de Voltaire), — par l'interprétation morale ou philosophique qui se dégage du récit. (Voir NOUVELLE). COSMOPOLITISME. — Mot qui prend tout son sens au XVIIIe siècle, où l'écrivain se sent pleinement « citoyen du monde «, mais qui n'en n'a pas moins une réalité plus ancienne : — dès le Moyen Age, la communauté de la foi religieuse, de la culture latine, de légendes populaires et chevaleresques crée une sorte de « même cité divine et humaine « dont la plupart des hommes de ce temps se sentent citoyens. — au XVIe siècle, la Renaissance, donnant les écrivains grecs et latins pour source commune de tout art et de toute pensée, rapproche étroitement écrivains et artistes de tous les pays, au nom de l'humanisme. Rapprochement qui se continuera, moins étroit d'ailleurs, au XVIIe siècle. — au XVIIIe siècle : l'usage du français se répand dans toute l'Europe. Nos grands écrivains sont lus partout. D'autre part, les chefs-d'œuvre des littératures étrangères sont introduits en France, traduits, imités. Une communauté de goûts littéraires et de tendances philosophiques se constitue, qui crée entre les nations un « cosmopolitisme rationaliste «.

— au XIXe siècle : révolutions, guerres, émigrations, développement de l'histoire des civilisations, etc... tendent à faire considérer les littératures modernes de l'Europe comme un ensemble. Il n'est plus question que des différences nationales d'un fond commun européen. COURAGE. — Terme d'utilisation fréquente et de sens complexe. I. — a) Le courage peut être physique ; il se traduit : — par le goût de tenter et l'énergie de prolonger l'effort physique, — par l'endurance dans la souffrance, — par l'acceptation, voire le mépris du danger, même jusqu'à la mort. b) le courage peut être d'essence spirituelle : 1) il existe un courage intellectuel : rechercher la vérité, quelle qu'elle soit ; Vaccepter, quelles qu'en soient les conséquences ; la dire même si l'on en est la première victime. Opposez à la lâcheté de ne pas chercher à savoir. 2) il existe aussi un courage moral : c'est l'acceptation libre des conséquences d'un acte ou d'une parole ; consentement au sacrifice. C'est la lutte contre les tendances, la tension vers un idéal, la volonté de victoire sur soi-même. II. — D'autre part, le courage peut présenter deux attitudes : a) il peut être actif : c'est-à-dire qu'il s'exprime par des actions (courage du soldat dans la bataille, de Polyeucte qui marche au supplice, etc...). b) il peut être passif : il ne s'agit plus que d'endurer, de supporter, d'attendre (une maladie chronique, les mois d'hiver dans les tranchées pendant la guerre 14-18, etc...). III. — Où le courage prend-il son origine ? a) il est parfois affaire de tempérament : en ce cas le courage ne réfléchit pas ; il est action spontanée, bravoure. b) il est parfois volontaire, c'est-à-dire non pas naturel mais acquis ; domination de l'émotivité (cf. Turenne) ; en ce sens il traduit non pas l'expansion du tempérament, mais la pleine maîtrise de soi. IV. — Enfin, quelle est la valeur du courage ? — le courage de tempérament n'en a guère sur le plan de la morale ; il se traduit d'ailleurs beaucoup plus par l'aptitude à agir que par celle à endurer. — lui opposer le courage volontaire, conquête de soi, effort, dépassement. CRISE. — Terme utilisé dans la tragédie classique. Au moment où les passions sont prêtes à se déchaîner, intervention d'un événement qui détermine une tension intense et brève. Le dénouement s'en trouve précipité vers une issue le plus souvent malheureuse. Ex. : arrivée de Sévère (Polyeucte), d'Oreste (Andromaque) ; rencontre de Junie par Néron (Britannicus)... Chez Racine, la crise se situe tout près du dénouement et atteint aussitôt une violence qui ne saurait se prolonger. CULTURE. — Ne pas confondre culture et érudition, pédantisme-Montaigne met en garde contre « cette fâcheuse suffisance d'une connaissance purement livresque «... « savoir par cœur n'est pas savoir «.

Le faux intellectuel prend les mots pour les choses et se charge de vaines connaissances qui ne le forment pas. Car il en faut bien revenir au mot de Montaigne : la tête bien faite. Les diverses connaissances sont donc des moyens et non des fins. On lit dans la Logique de Port Royal : « On se sert de la Raison comme d'un instrument pour acquérir les sciences et on devrait se servir au contraire des sciences comme d'un instrument pour perfectionner la Raison «. Une culture humaniste forme l'homme et ne le charge pas. Songez quelles perspectives une telle attitude ouvre sur le but de l'Enseignement secondaire. Se pose alors la question de la méthode : on se cultive non en attachant le savoir à l'âme mais en l'y incorporant (Montaigne). Tout doit passer par l'étamine, rien ne doit se loger en notre tête par autorité ou crédit. Il faut s'entraîner à ne plus penser par idées toutes faites comme à né pas agir par volontés toutes faites (Péguy). L'aboutissement de la culture est l'éclosion de l'esprit critique. Sans doute le livre est-il le moyen de choix. Mais on ne doit pas négliger de trouver en soi-même une partie de ce que les livres peuvent nous apporter. « Nous sommes plus riches que nous ne pensons «, écrit Rousseau. Mais il y a aussi la vie. Il faut multiplier les rapports avec l'Univers (A. France). Le voyage, les contacts avec les humains, dans leur diversité, sont une source intarissable de culture. Ne pas faire la discrimination systématique entre l'utile et l'inutile. Duhamel écrit : « l'humanisme contemporain est l'ensemble des notions qui ne semblaient pas susceptibles d'application immédiate «. Éviter la question stérilisante : « A quoi cela sert-il ? « Ainsi peut-on arriver à faire de son être un harmonieux ensemble de connaissances sûres et digérées, appréciées par un jugement sain, comprises par une sensibilité mesurée mais large. L'homme cultivé est le plus accueillant, le plus sociable des êtres. Mais, il ne faut pas perdre de vue les dangers d'une certaine conception de la culture. A vouloir tout comprendre, ne rien haïr, on risque d'en arriver à un scepticisme, à un relativisme stérile. On ne sait plus choisir. A la limite, on tombe dans le dilettantisme. Perpétuel et égoïste besoin de parachever sa propre image ; sorte d'adoration du moi, selon le mot de Barrés. La ferveur gidienne, pleine de séduction, devient une attitude sans objet réel : « Je me suis fait ductile, disponible par tous mes sens, attentif écouteur jusqu'à n'avoir plus une pensée personnelle... Je ne trouvais plus rien de mal plutôt que de protester devant rien «. Une telle attitude n'est pas favorable à l'action. S'il est une culture qui donne à l'acte ses motifs, ses buts, ouvre des perspectives, il en est une autre qui paralyse. « Je me suis habitué à regarder ma vie au lieu de la vivre «. Opposez à cette phrase d'A. Fournier : « Il n'y a d'homme que celui qui choisit, qui décide de son choix, fût-ce arbitrairement, fût-ce injustement. On ne fait quelque chose de valable et de bon qu'à ce prix, en traçant brutalement au besoin, une allée bien droite dans le jardin des hésitations «. DANDYSME. — Le dandy est, au début du XIXe siècle, le jeune aristocrate anglais féru d'élégance (Brummel). Cette recherche vestimentaire atteint certains hommes de lettres (Byron), passe en France (Musset, Baudelaire).

Le dandysme devient alors tout à la fois le raffinement du costume, l'élégance recherchée du geste, le mépris de la bourgeoisie, des conventions sociales et, enfin, la recherche du style. DÉDUCTION. — Voir induction. DÉTERMINISME. — Principe qui pourrait s'énoncer : il n'y a pas d'effet sans cause et les mêmes causes produisent les mêmes effets. — le déterminisme expérimental dans la Science : il n'y a pas de hasard ; tout est réglé par des lois nécessaires et universelles. Ce qui semble indéterminé ne l'est que par l'ignorance plus ou moins provisoire où nous sommes des causes ou des rapports. — mais le déterminisme est surtout un problème psychologique : l'homme n'aurait pas de libre arbitre et ce qu'il appelle volonté ne serait en fait que soumission à des forces externes (sociales) ou internes (hérédité.) On peut opposer le héros cornélien, maître de lui et qui ne tire sa détermination que de lui-même, et le héros racinien, sans recours contre une passion qui l'emporte (Racine était janséniste et ne croyait pas au pouvoir de la volonté sans la Grâce). DIALECTIQUE. — 1° Art de la discussion logique et ordonnée. Pour les Grecs (Socrate), la dialectique est la méthode même de la démonstration philosophique ; c'est la mise en œuvre de la logique ; — 2° Mais aussi, un sens péjoratif : arriver à soutenir, à démontrer une thèse fausse ou douteuse par les artifices de la rhétorique. Le Protagoras de Platon, les Provinciales de Pascal sont, dans les deux sens du terme, de spirituels exemples de dialectique. DIDACTIQUE. — Qui enseigne. La littérature didactique vise à l'instruction du lecteur d'une manière attrayante (récits, romans de voyage, poésie : Horace, Boileau...). DILETTANTISME. — Le dilettante est l'amateur passionné des choses de l'Art. Mais le dilettantisme est aussi une ferveur universelle (A. Gide), une acceptation de toutes les pensées, de toutes les doctrines, pour la seule jouissance affective et intellectuelle qu'elles peuvent donner. Egoïsme raffiné qui exclut tout don de soi ; soif de culture jamais satisfaite ; voluptueuse application à sculpter et à polir sa propre statue. Le dilettante est le plus souvent impropre à l'action par refus du choix : choisir, pense-t-il, c'est s'appauvrir (voir CULTURE). DOGMATISME (Voir scepticisme). — Doctrine d'après laquelle la connaissance humaine peut atteindre la vérité absolue. — attitude spontanée : l'homme est naturellement plus à l'aise dans la certitude que dans le doute. Civilisations, peuples, individus, commencent par le dogmatisme. — attitude systématique : doctrine philosophique de Platon, Aristote... Dans un sens évolué, c'est une disposition aveugle à croire en ses propres idées, à les ériger en dogmes et donc à les affirmer de façon tranchante Boileau est dogmatique en littérature.  

DRAME. — Désigne d'abord, en général, la pièce de théâtre, c'est-à-dire ce qui se passe en action. Puis s'applique à des types particuliers de pièces : — le drame bourgeois (Diderot) : se situe entre la comédie et la tragédie : — utilisation de la prose — personnages pris dans la bourgeoisie — situations tirées des conditions — portée sociale et morale (Le fils naturel : Le père de famille). — le drame romantique : se définit surtout par opposition à la tragédie classique : — plus de règles (temps et lieu) — mélange des genres (Ruy Bios) — action chargée — histoire moderne préférée à l'antiquité — portée sociale, etc... ÉLÉGIE. — Poème lyrique qui exprime essentiellement la tristesse, la mélancolie provoquées par la séparation, la mort, les amours malheureuses. C'est le Romantisme qui donnera à ce genre de poème tout son sens douloureux : Le Lac. EMPIRISME. — Deux sens : — négation des idées innées (Platon, Descartes) : l'homme ne naît pas avec dans l'esprit des principes, des concepts tout constitués, à priori. C'est Locke qui, au XVIIIe siècle, a fait la première critique de l'innéité. Toute connaissance dérive de l'expérience. L'empirisme peut se formuler alors : rien n'est dans l'esprit qui ne soit au préalable passé par les sens. — l'empirisme est aussi, par opposition à la pensée expérimentale, scientifique, une vue étroite, fragmentaire, des phénomènes, qui constate sans expliquer, sans établir aucune loi. Poussé à l'extrême, il confine au charlatanisme. ENGAGEMENT. — Terme mis à la mode par l'Existentialisme (J. P. Sartre). Refus de l'Art pour l'Art qui ne se donne que des fins esthétiques. L'écrivain doit se mettre au service d'une cause, s'engager dans les luttes de son temps. On peut dire, dans ce sens, que les Discours de Ronsard, les Contes de Voltaire ou la plus grande partie de l'œuvre de Hugo appartiennent à la littérature engagée. ÉPICURISME. — Doctrine morale définie par Épicure (philosophe grec, 342-270 av. J,-C.). Épicure part d'une conception toute matérialiste du monde : la matière se constitue au hasard, sans intervention divine, par simple agrégation d'atomes. Pas d'âme au sens spiritualiste du terme : tout se désagrège à la mort. D'où, libération des craintes surnaturelles. Un seul but dans la vie : rechercher le plaisir, d'ailleurs avec modération, et surtout éviter la douleur. Idéal d'une existence équilibrée, où les jouissances intellectuelles vont de pair avec celles du corps. Ronsard, Montaigne, Molière, Voltaire furent de tendance épicurienne. ÉPIGRAMME. — A l'origine, poème court gravé sur pierre. Puis l'épi-gramme devient satirique, surtout par la pointe finale (Martial, Boileau, Piron, Voltaire... ÉPITRE. — Épître signifie lettre. Cette lettre peut être en prose (épitres de saint Paul) ou en vers. C'est alors un genre gui traite familièrement et non parfois sans ironie, de sujets moraux, littéraires, d'actualité historique, etc... (Horace, Boileau, Voltaire).  

ÉPOPÉE. — Récit, mais qui transfigure sa matière : — par l'introduction de quelque grand sentiment : patriotisme, foi... — par le choix d'un événement ou d'un héros légendaire (guerre de Troie, Roland...). — par l'intervention du merveilleux, du surnaturel, — par un style pittoresque, riche en figures, qui parle à l'imagination et aide au dépassement du réel. Homère : l'Iliade, l'Odyssée; Virgile : l'Enéide; La Chanson de Roland; V. Hugo : La Légende des Siècles; Dante : La Divine Comédie; Milton : Le Paradis perdu, etc..., et même, en prose, Les Martyrs, de Chateaubriand. ESTHÉTIQUE. — Qui a trait au beau. C'est d'abord une étude systématique des éléments constitutifs de la beauté et de l'émotion qu'elle provoque. En art, c'est le souci, non seulement de faire vrai, mais surtout de donner une impression de beauté, parfois même au prix de procédés artificiels. Un style esthétique se soucie moins d'habiller exactement l'idée que de donner une impression formelle de beauté. EXOTISME. — Ce qui a trait aux mœurs, aux sites des pays étrangers et, surtout, dans la mesure où ils diffèrent du nôtre. L'exotisme est mis à la mode en France au XVIIIe siècle : Marivaux (1710) conte les aventures d'un marin naufragé en Afrique du Sud ; le Robinson de Daniel de Foë est traduit vers 1720 ; les rives du Mississipi dans Manon Lescaut; Marmontel: Les Incas et, enfin et surtout, Paul et Virginie de B. de Saint Pierre. EXPÉRIMENTAL. — Expérimentation : ne pas confondre avec empirique. S'oppose à une méthode de raisonnement purement rationnelle, qui ne tiendrait nul compte des faits, mais seulement de la logique formelle. La méthode expérimentale commence par l'observation des faits ; celle-ci conduit à une hypothèse, c'est-à-dire à une explication possible qui doit tenir compte de tous les faits constatés ; des expérimentations sont montées, qui permettent de vérifier l'hypothèse et de l'exprimer en une loi, le plus souvent de forme mathématique. Cette méthode, timidement appliquée dans les sciences au XVIIe siècle (Pascal : recherches sur la pression atmosphérique), s'impose au XVIIIe siècle (Newton ; l'attraction universelle ; Lavoisier : la chimie analytique). Au XIXe siècle, Claude Bernard l'introduit dans la médecine.' En littérature, on peut comparer la méthode de Bossuet dans le Discours sur l'Histoire Universelle et celle de Montesquieu dans l'Esprit des Lois. FANTASTIQUE. — Ne signifie pas seulement création où la fantaisie se donne libre cours. Le Romantisme a mis le Fantastique à la mode, sous l'influence allemande (traduction, en 1830, des Contes d'Hoffmann) ; il séduit Ch. Nodier, G. de Nerval, Baudelaire, etc... Dans le fantastique, le merveilleux, le surnaturel, au lieu de devenir mythe, symbole (cf. l'Aigle du Casque, le Parricide, de Hugo) prend une valeur individuelle, tend à s'exprimer sous la forme d'une réalité dont on cherche à faire admettre l'existence.

FATALITÉ. — Fatalisme. Croyance en une force extérieure à l'homme, surnaturelle, qui règle inexorablement tous les événements. — une forme vulgaire : « c'est écrit « ; conduit à la passivité musulmane et à la soumission résignée (l'ananké, le fatum), — une forme religieuse plus nuancée : Dieu détermine tous nos actes en les voyant d'avance. On tente cependant de préserver la liberté humaine. — En littérature, on parle de « la fatalité des passions « l'homme ne peut, éclairé par sa seule raison, avec la seule force de sa volonté, vaincre ses passions (Racine, le Jansénisme). Le Romantisme admet volontiers une Fatalité, de conception d'ailleurs confuse, sorte de destin malfaisant qui poursuit l'homme et s'acharne d'autant plus sur lui qu'il s'élève davantage, (Hernani, III se 4 v. 989 et sq). C'est aussi la signification que Hugo donnera à ses malheurs privés et publics. FINALITÉ (causes finales). — Consiste à expliquer non seulement par les causes mais par le but. On dira : l'estomac est fait pour digérer. Aristote est le premier à avoir formulé la notion de finalité. On peut aussi concevoir que l'intelligence qui a construit l'organisation du monde et en a préétabli l'harmonie, est Dieu (Leibniz ; voir le Poème sur le désastre de Lisbonne et Candide de Voltaire). La finalité, combattue par le mécanisme cartésien, l'a été surtout par l'évolutionnisme : la nature évolue, mais non vers un but dont elle aurait conscience. C'est notre esprit qui, après coup, appelle but ou fin l'état où se trouve actuellement la matière par rapport à celui où elle était il y a des millénaires. Bernardin de Saint-Pierre donnait de la finalité une expression à la fois claire et plaisante (Les Harmonies de la Nature), en écrivant que le melon est séparé en tranches pour être mangé en famille. Il reste que la finalité (attitude de Kant), n'explique pas les faits mais aide dans la recherche. Le poumon n'a pas été fait pour respirer mais savoir qu'il permet la respiration guidera l'anatomiste ou le chirurgien. FORMEL. — A côté du sens courant (un ordre formel, c'est-à-dire précis, positif), ce terme a une signification philosophique : — la logique formelle est l'étude des formes du raisonnement, indépendamment du contenu même (ex. : le syllogisme). — à la limite, on en arrive à opposer la pensée concrète, qui reste en contact avec le réel, et la pensée formelle, qui ne se soucie que de cohérence interne (cf. la scolastique). — morale formelle : qui est plus en accord avec des principes abstraits qu'avec les réalités humaines ; — beauté formelle : résulte du souci du style, de l'expression, plus que du fond. GÉNIE. — Mot qui vient du latin genium (esprit divin qui préside à la naissance), mais qui subit l'influence d'ingenium (esprit naturel, inné). D'où, trois sens principaux : — sorte de divinité secondaire (grande place dans la mythologie) ; — la nature même d'un être : le génie d'une langue ; homme d'un génie étroit (= d'un naturel borné) ;

— puissance créatrice, d'essence d'ailleurs mystérieuse, inspiration qui s'oppose au simple métier, le plus haut degré auquel puissent atteindre les facultés humaines. On opposera au talent qui n'est qu'habileté, savoir-faire : le talent de La Bruyère et le génie de Pascal. GENRES. — La production littéraire, selon son objet et sa forme, est divisée en genres, entre lesquels sont classées les œuvres présentant certains caractères communs. On distingue habituellement : — en prose : les genres romanesque, dramatique, didactique, historique, oratoire. — en poésie : didactique, dramatique, épique, lyrique. Les classiques croyaient à la fois à la hiérarchie et à la séparation des genres. Le Romantisme a voulu, au contraire, pratiquer le mélange des genres (cf. le drame). De plus, au XIXe siècle, la fortune de la doctrine évolutionniste en biologie a son retentissement en littérature ; on parle de l'évolution des genres. À la conception « fixiste « de Boileau (chaque genre est définitivement constitué, avec ses lois immuables). Brunetière substitue la notion plus souple de la perpétuelle transformation des genres qui suivent les modifications du milieu social où naît l'œuvre d'art. GONGORISME. — Du nom du poète espagnol Gongora (1561-1627). Expression recherchée et d'une obscurité voulue ; écriture savante, hérissée de latinismes, de mots nouveaux, de métaphores, d'inversions, et qui n'est plus accessible qu'à un petit nombre d'initiés. GROTESQUE. — A l'origine : bizarre comme certains ornements trouvés dans les grottes, ou plutôt dans des monuments antiques enfouis à Rome et fouillés aux XVe et XVIe siècles. En littérature : — on appellera grotesques, d'après le mot de Th. Gautier, certains poètes du début du XVIIe siècle : Viau, Saint-Amand, Cyrano, Scarron... — Hugo fait du grotesque l'antithèse du sublime ; d'un côté, ce qui est laid, ridicule, comique, matériel et, de l'autre, la beauté, l'harmonie, l'idéalisme, le sublime. Cf. Quasimodo, Triboulet, le crapaud... HONNÊTE (honnête homme). — On trouve à l'origine du mot le latin honor, lié à l'idée de charge. Le sens s'enrichit et l'honnête homme est celui qui a, à la fois, le respect de l'honneur-probité et des convenances sociales. Au XVIIe siècle, il représente un certain idéal que la société mondaine a constitué peu à peu par réaction contre les grossièretés du peuple et même de la cour (influence des salons). Les éléments essentiels en sont : — politesse, bonnes manières, savoir s'habiller ; — aptitude intellectuelle à tout comprendre sans se piquer de rien ; opposition au pédantisme ; — qualités morales : courage, « cœur «, sens de l'honneur. A comparer avec la conception anglaise du gentleman.

HUMANISME. — Si le mot est récent (XIXe siècle) son contenu date des XV® et XVI® siècles. Au temps de la Renaissance, l'humanisme est un effort pour connaître et élever l'homme par la pratique de la pensée antique. L'humanisme comporte donc deux temps : — comme point de départ, l'étude des langues et des littératures antiques ; — par leur pratique, développer les facultés intellectuelles et élever le sens des valeurs morales. Actuellement on qualifie d'humaniste toute attitude qui a pour but la sauvegarde de l'homme dans un univers où la machine triomphe (cf. G. Duhamel...). HUMOUR. — Écriture anglaise du français humeur. C'est moins une forme d'esprit (comme l'ironie) qu'un comportement devant les idées, les événements ; l'humour est fait d'abord d'impassibilité, de feinte ou de réelle indifférence ; on donne le change en parlant légèrement des choses sérieuses et sérieusement des choses légères. L'humour cultive volontiers l'absurde et le paradoxal. Cf. Swift, Dickens, M. Twain, Jérôme K Jérôme, Bernard Shaw. En France, Maurois et, récemment, Daninos (Le Major Thomson). IDÉALISME. — On peut distinguer trois sens : — le plus courant : s'élever à un idéal moral, obtenu par un effort de raison, de volonté, d'amour ; dépassement de la réalité ; — sens métaphysique : croire à la réalité des idées, qui existeraient en dehors de nous (Platon). Pour ce philosophe, les Idées sont comme des types éternels dont les objets matériels ne sont que les reflets éphémères : l'essence précède l'existence. Pour l'idéalisme moderne toute connaissance est relative à nous-mêmes, car nous ne pouvons atteindre que les phénomènes. — en art : l'idéalisme ne se contente pas de reproduire les faits mais vise à leur embellissement, tant sur le plan moral que sur le plan esthétique. S'oppose donc au réalisme. IMAGINATION. — L'imagination reproductrice est l'aptitude de l'esprit à faire surgir des images qui nous viennent des sens et que la mémoire a conservées (mémoire imaginative). L'imagination créatrice est l'invention : elle combine ces images en des synthèses nouvelles (cf. la métaphore poétique). Les classiques opposeront imagination et raison : se souvenir du sévère réquisitoire de Pascal contre cette «maitresse d'erreur«. L'imagination n'en est pas moins aussi nécessaire au savant (hypothèse) qu'à l'écrivain. IMPLEXE. — S'emploie surtout à propos des pièces de théâtre. Se dit d'une action qui, loin de présenter la simplicité de certaines pièces raciniennes (Bérénice), accumule les événements d'acte en acte (Corneille, le drame romantique). INDIVIDUALISME. — Dans la dualité individu-groupe, l'individualisme affirme que l'homme ne saurait être sacrifié au groupe, que seul il a une existence réelle, qu'il constitue la fin supérieure et dernière de toute action. S'oppose à l'Étatisme.

— L'individualiste juge d'après sa morale et sa raison propres et non d'après un conformisme aveugle. — Poussé à la limite, l'individualisme devient un danger : il s'oppose à la solidarité, il devient égoïsme, voire anarchie. INDUCTION. — Mouvement de pensée qui, des faits particuliers, s'élève à une proposition générale (son contraire est la déduction). Dans la méthode expérimentale, c'est par induction que l'on passe de l'observation des faits à l'hypothèse et à la loi. Toute loi est le résultat d'une induction ; toute application qu'on en tire est celui d'une déduction. INTELLECTUALISME. — Dans le sens le plus général du terme, c'est l'affirmation que la raison, l'intelligence ont la primauté sur la sensibilité, la volonté (Descartes). Tout n'est que jugements, raisonnements. L'amour est l'affirmation de la bonté de son objet. — tendance excessive à ne voir que l'aspect logique, abstrait de la réalité ; domination de l'esprit critique sur ce qui est naturel, instinctif (les philosophes du XVIIIe siècle). IMPRESSIONNISME (-iste). — L'impressionnisme est d'abord une école de peinture qui date environ de 1875. Manet, Sisley, Degas, Renoir, Pissarro en sont les représentants les plus célèbres. Ils veulent la suppression de la peinture en atelier, le maintien de la sensation à l'état pur« sans la transposer en idée ; le seul maître est l'œil alors que Michel Ange disait : « On peint avec le cerveau «. Le procédé essentiel est la juxtaposition des couleurs que l'on ne mélange plus ; on cherche à saisir l'impression fugitive, changeante selon le moment et l'observateur. Pissaro va jusqu'au « pointillisme «. En Littérature, les impressionnistes ne décriront pas selon la méthode réaliste de Balzac ; ils noteront une suite d'impressions pour essayer de reconstituer des sensations éprouvées devant le spectacle lui-même : les Goncourt. Le style impressionniste a sacrifié la grammaire à l'impression, supprimé tous les mots incolores, inexpressifs pour ne laisser subsister dans la phrase, juxtaposés en une sorte de « pointillé «, que les termes producteurs de sensations. INTELLIGENCE. — Aptitude à choisir, et donc faculté de comprendre. — terme qui groupe un certain nombre de fonctions mentales que l'on a reconnues et étudiées séparément, telles que sensation, imagination, association, mémoire, raisonnement, jugement... — l'intelligence s'oppose aussi à l'instinct, fonction aveugle, fatale, spécialisée, spécifique et, surtout, organique. Bergson définit l'intelligence : l'aptitude à décomposer et à recomposer selon une loi et un ordre donnés. INTUITION. — Connaissance directe et immédiate d'une réalité. Bergson en fait une sorte de « sympathie spirituelle «. — sensible : elle s'applique à un objet extérieur, sans l'intervention d'aucun mot, d'aucune idée.

— psychologique : prise de conscience immédiate et globale des états qui se succèdent en moi. A l'intuition on oppose la connaissance discursive, qui découpe une réalité continue en éléments (analyse), et s'obtient donc par le raisonnement. L'intuition est à la base de la pensée mathématique (l'espace du géomètre). Son rôle essentiel est peut-être de nous placer dans la continuité, mouvante, de la vie intérieure et de nous en donner une connaissance synthétique que l'analyse va déformer par morcellement. Dans le sens vulgaire, intuition se confond à tort avec pressentiment. IRONIE. — Ironiser, c'est affirmer comme vraie une proposition évidemment fausse, pour mieux mettre en valeur cette fausseté même. Les philosophes du XVIIIe siècle ont fait de l'ironie leur arme favorite : Montesquieu : Lettres persanes, Voltaire.... LIBÉRALISME. — Sens politique : doctrine qui, par opposition à l'autoritarisme, veut garantir les libertés des citoyens contre le pouvoir arbitraire d'un gouvernement. — Sens économique : doctrine qui refuse l'intervention de l'État dans les phénomènes économiques. Il faut laisser faire et laisser passer (date du XVIIIe siècle). C'est un refus de l'économie dirigée (socialisme, étatisme). LIBERTIN. — Synonyme de libre-penseur, au XVIIe siècle. Le libertin croit que la religion n'est pas révélée et qu'il faut suivre la nature. Par extension : débauché. LOI. — Montesquieu définit les lois comme les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. On peut distinguer deux sortes de lois : — les lois scientifiques : elles sont à l'indicatif, constatent, expriment soit des causes, soit des rapports découverts expérimentalement : lois de l'attraction universelle, de Joule, de Mariotte. Elles sont universelles et nécessaires. — les lois morales : elles sont à l'impératif, ont une origine sociale, religieuse ; elles s'opposent le plus souvent à la nature, la contraignent. Elles ne sont ni immuables, ni universelles ; on peut les enfreindre. La société les appuie sur la sanction. LYRISME (lyrique). — Étymologiquement : poésie chantée avec accompagnement de lyre. Par la suite, poésie qui exprime l'émotion de l'écrivain. — cette émotion peut être individuelle : joies et chagrins d'amour d'un Lamartine ou d'un Musset ; douleur paternelle de Hugo... — elle peut-être collective : émotion patriotique (Malherbe), joie de la victoire, tristesse de la défaite, indignation politique (Hugo), religieuse (Ronsard)... On considère l'amour, la nature, le destin, la mort, la patrie, la foi. la douleur comme les thèmes essentiels du lyrisme.

Sa forme essentielle a été l'ode, mais il y a lyrisme dès que l'écrivain exprime les ébranlements de sa sensibilité, quelle que soit la nature même de l'expression : Rousseau, Chateaubriand... MAIEUTIQUE. — Méthode dont Socrate se servait pour faire trouver une idée juste à son interlocuteur, à l'aide de questions judicieuses (art « d'accoucher les esprits «). MATÉRIALISME. — S'oppose à spiritualisme. Selon cette école, il n'y aurait pas d'autre réalité que celle de la matière : Épicure, Lucrèce, l'Encyclopédie... D'où, négation de Dieu, de l'âme, de la Liberté. — plus précisément, on appelle matérialiste toute doctrine qui explique un phénomène quelconque par les seules lois de la matière ; — matérialisme historique : K. Marx affirme que les événements historiques sont produits par le seul jeu des facteurs économiques ; ni Providence, ni hasard. MÉLODRAME. — A l'origine, un spectacle théâtral mêlé de musique. Au XVIIIe siècle, pièce compliquée, chargée d'événements pathétiques ou comiques, de coups de théâtre extraordinaires, invraisemblables. Il comporte une certaine intention moralisatrice. Cependant, le mélodrame fait appel à ce qu'il y a de plus vulgaire dans l'âme et le goût des spectateurs. Le mélodrame est particulièrement florissant entre 1850 et 1880 : d'Ennery (Les deux orphelines), X. de Montépin (La porteuse de pain). Il perdra la faveur du public à mesure que l'instruction développera un certain goût artistique dans le peuple. On affirme parfois que le drame romantique tombe dans le mélodrame. MERVEILLEUX. — Le XVII® siècle oppose : — le merveilleux païen, c'est-à-dire l'intervention, dans le déroulement de l'œuvre (épopée, pièce de théâtre...), des dieux du paganisme. — le merveilleux chrétien : substitution des éléments chrétiens aux légendes antiques (saints, anges, etc...). En 1657, Saint-Sorlin, qui a utilisé le merveilleux chrétien dans un poème épique (Clouis), veut s'en justifier et provoque la « Querelle du Merveilleux «. Perrault reprendra les idées de Saint-Sorlin que l'on retrouvera enfin dans Le Génie du Christianisme de Chateaubriand. MÉTAPHYSIQUE. — La philosophie et la science, confondues à l'origine, se différencient peu à peu. Les sciences se spécialisent (mathématiques, matière brute, vivante...) et la philosophie prend pour objet ce qu'Aristote appelle « l'être absolu « : c'est la métaphysique. Ses grandes divisions sont : — critique de la connaissance : que vaut le savoir humain et quel est le contenu réel de la notion de vérité ? — que sont réellement la matière, la vie, l'esprit — enfin, au sommet, problème de la nature et de l'existence de Dieu. Pour A. Comte (positivisme) la métaphysique est une étape aujourd'hui dépassée de la pensée humaine. Elle n'est qu'une tentative stérile pour expliquer la nature par des « entités «, c'est-à-dire des abstractions vides de sens réel : « l'opium fait dormir parce qu'il a une vertu dormitive «... Voltaire déjà se moquait de la métaphysique : Candide, cultivons notre jardin.  

MŒURS. — Quand il s'agit d'un individu, ce mot désigne le comportement habituel d'un être conformément à son âge, son sexe, son milieu, son pays... Dans un roman, une pièce, un caractère doit être la résultante logique des éléments constituants du personnage. — mais le plus souvent ce mot désigne les coutumes d'un groupe social (pays, classe). En ce sens, on parle de la satire des mœurs, d'un roman de mœurs... MORALISTE. — Il ne faut pas s'en tenir au sens étroit : écrivain qui propose une morale (un épicurien, un stoïcien...). Le moraliste donne pour objet essentiel à l'œuvre littéraire l'étude de l'homme, tel qu'il est déterminé par son âge, son sexe, sa condition, etc... : Montaigne, La Rochefoucauld, La Bruyère. MYSTICISME. — Cherche, par la contemplation et parfois dans un état d'extase, à atteindre Dieu, directement, intuitivement (voir ce mot). Le mysticisme néglige l'action et lui préfère la contemplation et la méditation (la religion parle d'ordres mystiques). Au sens large : donner plus de confiance à l'intuition directe, au sentiment qu'à la raison. Le mysticisme peut conduire à un aveuglement qui rend impossible toute discussion, toute démonstration. « Avoir une mystique « est une expression qui peut s'appliquer à l'art, à la politique, à la science... MYTHE. — Du grec : fable, — récit fabuleux, héroïque, à portée symbolique et dont les générations successives tireront diverses interprétations (le mythe de Thésée), — manière poétique d'exprimer une pensée philosophique (le mythe de Prométhée). NATURE. — Terme aux significations multiples : — simple synonyme de création, — ou encore, opposition de cette création à l'homme, libre : l'homme et la nature, — la Nature devient une sorte de force, de conception métaphysique et confuse, qui émanerait de la création : il faut laisser faire la Nature ; la Nature a horreur du vide... — ensemble des qualités, des propriétés essentielles d'un être : la nature humaine, la nature du comique... — opposition, dans l'homme même, du tempérament et de l'acquis« sous la contrainte de l'éducation, de la société, de la religion, etc... On oppose nature et devoir. — En art : distinction entre les choses, telles qu'elles sont et telles que les fait l'homme, par l'intervention de l'art (la forêt et le parc de Versailles). Tout artiste se demande s'il doit idéaliser, embellir le modèle ou le rendre tel qu'il est dans sa nature.  

NATURALISME. — Sens moral : la nature est bonne ; il n'y a qu'à la suivre (Rabelais, Montaigne). Ne pas confondre naturalisme et matérialisme, — sens littéraire : l'art doit chercher à reproduire fidèlement la nature, en évitant tout embellissement artificiel, — au XIXe siècle, le naturalisme, sous l'influence des sciences expérimentales (Cl. Bernard) veut appliquer leurs méthodes à la littérature. Zola conçoit un roman « expérimental «, — par la suite, ce terme désignera la tendance à rechercher la laideur, tant physique que morale, et la grossièreté, sous le prétexte de « faire vrai «. NOUVELLE (La). — Court récit portant sur un événement simple. Aucune valeur symbolique comme le Conte. Les personnages ont une réalité psychologique, mais limitée aux éléments nécessaires à l'événement raconté. On ne cherche pas à moraliser, mais à donner le sentiment de la réalité. Deux maîtres : Mérimée, Maupassant, et, plus près de nous, Marcel Aymé. OBJECTIF (voir subjectif) : désigne les objets de notre connaissance. Quand je pense à moi, je suis à la fois l'objet qui est pensé et le sujet qui pense. Plus largement, ce qui n'est pas particulier à un individu mais qui vaut pour tous les esprits. C'est en ce sens que l'on dit que la science est objective mais que la beauté est subjective. « Etre objectif « est donc juger un fait en dehors de soi, sans déformation individuelle, sans le moindre parti-pris — dans la mesure d'ailleurs où cette attitude est parfaitement possible. ODE. — Étymologiquement : chant. Désigne un poème lyrique. On peut distinguer plusieurs types d'odes : — l'ode pindarique, héroïque (Ronsard) dont le modèle a été donné par le lyrique grec Pindare. Elle est destinée à traiter les grands sujets et sa constitution strophique la rend peu maniable, — l'ode légère : imitée d'Horace, d'Anacréon (Ronsard). La forme est plus souple, petits vers, rythmes plus libres ; elle chante les amours, la nature, la joie de vivre... Malherbe, puis Boileau ont fixé les règles de l'Ode, que Ronsard avait introduite en France. Au XIXe siècle, l'Ode ne désigne plus qu'un poème lyrique qui exprime, avec une émotion personnelle, des thèmes généraux (Hugo). OPTIMISME. — Pangloss dit, dans Candide, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. C'est l'expression forcée — railleuse — pour les besoins de la polémique avec Rousseau, de la pensée du philosophe allemand Leibniz, selon laquelle dans un monde, d'ailleurs perfectible, il y a plus de bien que de mal. PANTHÉISME. — Doctrine religieuse et philosophique (Spinoza), selon laquelle le Créateur n'est pas distingué de la création. Dieu n'est que la somme des créatures (Hugo).

PARADOXE. — Affirmation contraire à l'opinion communément reçue. Ce terme peut donc désigner soit une pensée neuve, originale, qui, projette une lumière nouvelle sur un problème ; soit une démonstration brillante, mais fausse et dangereuse. PASSION. — Inclination qui tend à devenir exclusive et qui envahit peu à peu toute la personnalité. La passion, qui naît souvent de tendances héréditaires, se développe et s'installe par l'habitude, subit l'influence du milieu physique (avarice dans un pays pauvre), intellectuel (ambiance d'un atelier, d'un laboratoire), social (passions à la mode). L'imagination intervient et idéalise l'objet de la passion (processus surtout visible dans l'amour-passion). Quand la passion a atteint sa plénitude, tout l'être s'unifie et se met au service d'un seul objet. D'où, malgré le danger d'une telle désorganisation de la personnalité, aptitude à faire de grandes choses. Intelligence et volonté voient leur puissance multipliée, dans le sens de la passion, mais détruites quand il s'agit de lui faire obstacle (les personnages de Racine). Le XVIIe siècle a condamné la passion, grande force inutile et destructrice : le Jansénisme. Mais le XVIIIe et le Romantisme la réhabilitent, lui reconnaissent des droits devant lesquels cède la morale. PATHÉTIQUE. — Ce qui est capable d'émouvoir, s'adresse au « pathos «, c'est-à-dire aux sentiments violents que peut éprouver le spectateur. PERSONNALITÉ. — C'est d'abord l'ensemble de ce qui nous singularise, nous individualise. Avoir de la personnalité, c'est posséder un caractère fort, original. — C'est aussi l'idée que nous nous faisons de nous-même. Le « moi «, qui constitue la personnalité, est donc complexe : — un ensemble physique : notre corps visible (beauté, laideurs, infirmités) ; notre corps interne, dont nous sentons toutes les modifications, — un ensemble spirituel : la synthèse de nos états mentaux passés et présents, — une influence sociale : l'individu se pose en s'opposant ; de plus le cadre social nous propose un « moi idéal « vers lequel nous tendons : influence du roman, du cinéma... Donc la personnalité n'est pas une réalité statique ; elle évolue, elle est une conquête, une tension perpétuelle entre instinct et raison, vie animale et vie spirituelle. On n'est pas, on se fait. PLATONISME. — Au XVIe siècle, les humanistes, qui ne sont pas seulement des érudits mais aussi des penseurs, retrouvent les idées antiques et, entre autres, celles de Platon, qui, peu à peu, remplace Aristote.  

Les poètes retiennent surtout une théorie de l'amour, selon laquelle la beauté terrestre est une figuration delà beauté divine et nous élève donc vers elle. On trouvera cette interprétation chez Pétrarque, du Bellay, ^Ronsard... Amour platonique a le sens d'amour purement idéal, dégagé des choses de la chair. POÉSIE. — Par rapport à la prose, possède un fond et une forme propres ; — évocation d'un monde, perceptible seulement à l'intuition, à la sensibilité, qui n'est pas celui qu'analyse la prose, plus proche de la raison, — utilisation d'une forme où les sonorités, les rythmes, les images s'accordent pour suggérer, faire sentir plus que comprendre. De plus, la poésie dépasse le vers et même la littérature : est poésie tout ce qui éveille en nous des résonances profondes, des impressions senties plus que comprises : poésie d'un paysage, d'un tableau, d'une mélodie... if On peut donc dire que la poésie est plus qu'un simple moyen d'expression ; elle devient un instrument de connaissance. Pour Baudelaire, il existe des correspondances universelles, compréhensibles par le seul poète ; le monde d'un Giraudoux dans Intermezzo... POSITIVISME. — Philosophie d'Auguste Comte (1830). La seule connaissance possible et réelle est fondée sur l'expérience. Cette doctrine, qui place l'avenir de l'homme dans l'épanouissement de la science, nouvelle idole, nie toute possibilité de savoir métaphysique. Sous son influence (Taine, Littré), la seconde moitié du XIXe siècle se préoccupera avant tout de la recherche du vrai, par observation précise : poésie parnassienne, roman réaliste. PRAGMATISME. — Doctrine d'origine américaine représentée par Peirce, W. James... Elle affirme que la valeur pratique est le seul critérium de la vérité. Nous créons la vérité par le succès et l'erreur par l'insuccès. La science ne serait qu'une collection de recettes, un instrument d'action. Enfin une idée vraie est une idée payante, avantageuse : on tiendra pour vrai un idéal religieux qui agira dans le sens désiré. Il n'échappera pas à quel point est discutable un tel critérium de vérité. Au pragmatisme s'oppose l'intellectualisme. PROGRÈS. — I. — Données historiques du problème. a) C'est Descartes qui jette les premiers germes de l'idée de progrès : la raison, souveraine, n'a pas à s'incliner devant les anciens ; la méthode d'autorité est une superstition sans fondement : « Le monde est plus vieux maintenant qu'autrefois et nous avons une plus grande expérience des choses. « Pascal développe la même idée : « Toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours. « C'est ce qu'on appelle « le progrès cumulatif «. Perrault reprend une nouvelle fois cette idée au cours de la Querelle des Anciens et des Modernes : la nature humaine est toujours la même mais nous avons l'avantage de l'expérience. La vraie portée de la Querelle n'est pas dans un débat un peu puéril sur la superstition de l'antiquité mais dans l'affirmation qu'il y a un Progrès. Le XVIIIe siècle va faire sienne cette idée.  

b) l'Encyclopédie, sous une apparence d'orthodoxie et de tradition, fait du Progrès la base de toute sa doctrine : l'humanité n'est pas condamnée à toujours subir les mêmes maux dans une éternelle résignation. Il y a pour elle une possibilité d'amélioration. Elle ne naîtra pas de la théologie ou de la révélation mais des lumières humaines de la raison, de la philosophie. Ce progrès se manifestera dans tous les domaines : Sciences : Newton, Lavoisier, d'Alembert, Buffon, etc... Politique: libération de l'homme, abolition des privilèges. Morale : non plus l'ascétisme mais la recherche du bonheur. Religion : développement de l'esprit de tolérance. Si l'on met à part un Rousseau, ces idées deviennent celles de tout le siècle. c) Le XIXe siècle en arrivera même sur ce point à des illusions trop optimistes :. les idéologues (de Tracy, Cabanis, Volney) voient l'humanité en marche vers un bonheur dû à la religion naturelle. Les précurseurs du socialisme (Saint Simon, Fourier) en arrivent à un véritable « illuminisme «. Vers le milieu du siècle A. Comte fonde le positivisme : la science devient une idole et le Progrès une superstition. Même la littérature en sera imprégnée : Parnasse, Réalisme, Naturalisme. II. — Constituée par additions successives, la notion de Progrès est devenue trop complexe pour être prise dans son ensemble. Il faut l'analyser, domaine par domaine. a) Progrès scientifique et technique : il ne saurait se discuter. On conseille aux élèves de ne pas tomber dans le piège de défoncer cette porte ouverte en démontrant trop longuement notre supériorité soit dans le domaine de la connaissance pure (la science), soit dans celui des applications (la technique). Le vrai problème est autre : ce progrès est-il l'indice et la condition du Progrès dans les autres domaines de la Civilisation ? Vous pourrez opposer deux attitudes : — les uns le nient : en France, G. Duhamel s'effraie de l'écrasement de l'esprit par la matière, de l'homme par la machine ; aux Indes, Gandhi voulait le maintien de la simplicité et le refus farouche des techniques ; des écrivains allemands (T. Mann...) voient dans la technique un signe de décadence et exaltent la supériorité du primitif sur le civilisé. — les autres y voient la condition, la cause de la libération et de l'élévation de l'homme. On ne peut séparer dans une Civilisation les éléments matériels et les éléments de culture : cf. pensée et imprimerie. b) Progrès intellectuel : S'il est incontestable que l'homme d'aujourd'hui sait infiniment plus que celui du XVIIe siècle par exemple, on ne peut parler d'un progrès de l'intelligence. c) Progrès artistique : C'est ici que le terme Progrès est peut-être, le plus impropre. Il y a perfectionnement dans certains procédés d'expression : les couleurs actuelles donnent plus de possibilités aux peintres que la peinture à l'encaustique ou à la fresque de jadis ; Wagner dispose d'une richesse instrumentale que n'avait pas Lulli. Mais on ne saurait dire que le Romantisme représente un progrès sur l'École de 1660, le Parnasse sur le Romantisme et le Symbolisme sur le Parnasse : ce n'est pas mieux c'est autre.  

d) Progrès moral: — les hommes d'aujourd'hui ne sont sans doute pas plus vertueux que ceux de jadis. Comment d'ailleurs juger des intentions et considérer comme immorale telle coutume barbare des Spartiates ou des Gaulois qui était l'expression de leur moralité, — par contre l'organisation des Sociétés semble plus conforme à la moralité : suppression de l'esclavage, de la torture, etc... Donc, Progrès relatif, — enfin les idées morales sont plus élevées et mieux connues que jadis : par exemple les problèmes qui ont trait au respect de la personne humaine. RAISON. — En psychologie : — tendance de l'esprit humain à l'identité, c'est-à-dire à substituer ce qui reste à ce qui change, ce qui demeure identique à ce qui varie. Toute la science en donne l'exemple : identité du travail et de la chaleur, identité entre la constitution d'un atome et un système astronomique..., — tendance aussi à l'unité : l'esprit est mal à l'aise dans la multiplicité des faits isolés et sans rapport les uns avec les autres ; la Raison est donc l'aptitude à découvrir des rapports, des liens entre des éléments en apparence étrangers. La science rêve d'une formule unique d'où découlerait toute la connaissance, — mais ce terme désigne aussi des habitudes mentales, des principes qui dirigent toute pensée logique : — principe d'identité et de non-contradiction : une chose ne peut être blanche et noire dans le même temps et sous le même rapport. — Principe de causalité : il ne peut y avoir d'effet sans cause et les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. A partir de ces bases psychologiques, le mot a pris des sens dérivés : — il désigne l'exercice tout formel de l'aptitude à enchaîner, a priori, des jugements par opposition à la méthode expérimentale, qui tient compte des faits, — il signifie la barrière dressée devant tous les facteurs de désordre psychologique : l'imagination, la passion, voire la folie..., — pour le XVIIe siècle classique (Boileau), c'est le bon sens, le respect des traditions, des bienséances, des Anciens. Elle devient le bon goût, — mais au contraire, pour Descartes, pour le XVIIIe siècle, elle est le sens critique, le refus des traditions ou des autorités non contrôlées, non repensées, — le Romantisme enfin, un peu puérilement, se révoltera contre la Raison (Musset : « il faut déraisonner «) ; mais cette outrance ne signifiera rien autre que la révolte contre la doctrine classique et la revendication de la liberté en art. RATIONALISME s'oppose à l'empirisme, et, en religion, au fidéisme : — admet que toute certitude a pour origine la raison et non l'expérience, — au XVIIIe siècle, c'est la croyance en la seule Raison, par opposition à la tradition, à l'autorité (les Encyclopédistes), au sentiment. Rousseau représentera la réaction du cœur contre ce rationalisme.  

RÉALISME. — Au sens philosophique, s'oppose à l'idéalisme qui ne croit pas à l'existence du monde extérieur en dehors de la pensée, — en art, refus de l'embellissement, de l'idéalisation du modèle. Au XIXe siècle, Stendhal, Balzac orientent déjà la littérature vers la réalité. A partir de 1850-55, le mouvement s'accentue par réaction contre le Romantisme, sous l'influence du Positivisme. Flaubert : Mme Bovary ; Goncourt : G. Lacerteux; Zola ; Daudet... Le réalisme se caractérise par la recherche des histoires vraies, par la juste observation des personnages, du milieu social, par un style objectif. A la limite, le réalisme devient, comme le naturalisme outré, un parti-pris de représenter surtout le trivial, le grossier, le laid. RÈGLES. — Le XVIIe siècle a admis, après la Renaissance, que l'Art était soumis à des règles, reçues des Anciens, qui seules pouvaient lui permettre d'arriver à une parfaite Beauté. L'École de 1660 se soumettra sous la pression des « doctes « (d'Aubignac, Chapelain...) ; Boileau sera leur interprète. Le XVIIIe croira observer encore les règles du classicisme mais s'en délivrera assez vite. Le Romantisme enfin fera entrer le « libéralisme « en littérature : « les règles sont des béquilles pour celui qui boite, mais non des ailes pour qui veut voler « (Voir GENRES, UNITÉS). RYTHME. — Dans le vers français, le rythme provient : — du nombre de syllabes du vers, — des césures, — des rimes, — des accents. Le rythme strophique dépend du nombre de vers de la strophe et de leur disposition. En prose, le rythme est fait de la longueur et du nombre des membres de la période. On peut parler du rythme d'une pièce de théâtre pour désigner son mouvement, lent, majestueux, rapide, endiablé... : le rythme du Barbier de Séville. SATIRE. — Dans la littérature latine, la satire commence par être un mélange de vers et de prose, puis un poème qui s'en prend aux vices, aux mœurs (Juvénal, Horace). A partir du XVIIe siècle, c'est un poème à rimes plates qui prend pour thème les travers littéraires, moraux, sociaux, ou qui s'attaque à un personnage précis (Satires de Boileau). Avec Hugo, la poésie satirique (les Châtiments) prendra une forme à la fois lyrique, épique, d'une rare puissance. SCEPTICISME. — Attitude d'un esprit plongé dans le doute devant les opinions contradictoires. Le scepticisme naît par réaction contre le dogmatisme. Les sceptiques grecs (Pyrrhon, Enésidème...) nient que l'homme puisse atteindre la vérité avec certitude. Les arguments traditionnels sont : les erreurs des sens et du raisonnement, l'impossibilité de remonter à l'infini, le désaccord des doctrines entre elles (scepticisme de Montaigne, de Bayle, de Voltaire, de France).

SCOLASTIQUE. — Dans les Écoles, les Universités du Moyen Age, on enseignait une doctrine philosophique où se concilaient foi et raison. S'y retrouvaient Aristote, les textes sacrés, les Pères de l'Église. La scolastique usait de tous les procédés de la logique formelle poussée jusqu'au sophisme. SOCIAL. — Ce qui a trait non plus à l'individu mais au groupe : — critique ou satire sociale : Au XVIIe siècle, elle vise ceux qui appartiennent à un groupe social précis ; elle peint en eux ce qui est caractéristique de ce groupe : les petits Marquis de Molière, Jourdain, bourgeois riche et entêté de noblesse... Au XVIIIe, sens plus large : attaque de ces classes elles-mêmes et mise en question de leur légitimité (Beaumarchais, Rousseau, etc...), — question sociale : ensemble des problèmes qui sont nés au XIXe siècle du développement de la grande industrie, du machinisme ; diminution de la population rurale, augmentation énorme de la population urbaine, création d'une classe ouvrière, ce qui pose les questions complexes des salaires, du chômage, des taudis, de la formation et de la répartition de la main-d'œuvre, etc... SOPHISME. — Raisonnement qui semble pertinent mais qui, en fait, est faux, son auteur ayant subtilement joué sur le sens des mots. L'exemple classique est celui du « sorite « ; voici celui que proposait Cyrano : « L'Europe est la plus belle partie du monde ; la France est le plus beau royaume d'Europe ; Paris est la plus belle ville de France ; le Collège de Beauvais est le plus beau Collège de Paris ; ma chambre est la plus belle chambre du collège ; je suis le plus bel homme de ma chambre ; je suis donc le plus bel homme du monde «. STOÏCISME. — Doctrine philosophique de Zénon, d'Epictète, de Sénèque, de Marc-Aurèle. L'essentiel de toute activité humaine est l'effort pour arriver à la vertu. Peu importe le reste ; plaisir, douleur sont sans importance. Le sage doit s'affranchir des contingences extérieures, dominer sensibilité, passions, crainte de la mort ; alors, il sera libre et, s'il le faut cette libération complète sera recherchée par le suicide. A un certain moment de sa pensée, Montaigne fut — ou crut être — stoïcien. Relire, de Vigny, La Mort du Loup. STYLISER. — Donner du modèle une représentation qui n'en exprime que l'essentiel, en efface les détails dans un parti-pris de simplification. La stylisation est, dans les arts décoratifs comme dans la littérature, un puissant moyen d'expression (motif sculptural, personnage, décor de théâtre...). SUBLIME. — « Nous appelons sublime, dit Kant, ce qui est grand absolument «. En littérature, le sublime est le beau porté à sa perfection. Se dit surtout des sentiments et des actions (tragédie), et même de l'expression (éloquence, poésie). SYMBOLE. — Expression concrète d'un élément invisible : le drapeau, symbole de la Patrie. La littérature utilise souvent le symbole pour exprimer une idée abstraite par une suite de métaphores liées : la poésie de Vigny (la Bouteille à la Mer, Moïse, la Mort du Loup...).  

SYNTHÈSE. — Démarche inverse à celle de l'analyse. Descartes la définit : des objets les plus simples et les plus aisés à connaître, monter peu à peu, comme par degrés, jusqu'à la connaissance des plus composés. Elle est la reconstruction des éléments obtenus par analyse, soit dans le même ordre, soit dans un ordre nouveau. TECHNIQUE. — Désigne d'abord l'ensemble des procédés d'un métier ou d'un art : la technique du forgeron, du peintre : — la technique peut être individuelle : la technique de Hérédia, de Gauguin... — les applications de la science théorique ; distinctes d'abord, la science et la technique ont des rapports de plus en plus étroits : pas de technique sérieuse sans une base théorique, la science d'autre part, voit sa véracité contrôlée par les réussites de la technique. THÉISME. — Croyance en l'existence d'un Dieu, cause première du monde, mais qui n'est pas particulièrement le Dieu de la religion chrétienne. Voltaire, Rousseau, Hugo furent théistes. Le contraire est l'athéisme. Se différencie du déisme qui n'admet pas l'action providentielle, de Dieu. TRAGÉDIE. — Comme la comédie, la tragédie dérive du culte de Dionysos (Tfiespis). Le grand promoteur du genre en France est Alexandre Hardy (1570-1631), mais c'est Pierre Corneille qui donne à notre littérature ses premières grandes œuvres tragiques. Il y peint une action illustre, extraordinaire, sérieuse. Héroïque et toujours noble avec Corneille, la tragédie devient surtout psychologique avec Racine : « une action simple, chargée de peu de matière et qui n'est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions des personnages«. Mais il s'agit toujours de personnages illustres et de grandes passions. Le XVII® siècle est la grande époque de la tragédie française. UNITÉS (règle des).— Règle de la tragédie formulée ainsi par Boileau : Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. Dès le XVIe siècle, Scaliger, Ronsard, J. de la Taille parlent de cette règle, mais en conseillent l'application sans l'imposer. En 1630, Mairet, Chapelain, d'Aubignac veulent la rendre obligatoire et prétendent en trouvèr l'origine chez Aristote qui, en fait, avait recommandé l'unité d'action, constaté l'unité de temps dans le théâtre grec, et oublié l'unité de lieu, sans objet dans les conditions matérielles du théâtre grec. Avec l'école de 1660, la règle, qui avait gêné Corneille, souvent révolté, prend force de loi : Racine, Boileau. Le Romantisme s'affranchit de cette servitude, ne reconnaît plus que l'unité d'action : « les routiniers prétendent appuyer la règle des deux unités sur la vraisemblance tandis que c'est précisément le réel qui la tue « : invraisemblance du lieu banal où viennent complaisamment tous les personnages ; caractère artificiel de l'unité de temps, qui contraint à verser la même dose de durée à tous les événements. Sans aller contre ce libéralisme au théâtre, on doit cependant convenir que la règle des deux unités (puisque l'unité d'action n'est mise en question par personne), a donné au théâtre classique : clarté, sobriété, simplicité. L'écrivain, réduit quant à l'action, travaille en profondeur, analyse les caractères au lieu de compliquer l'intrigue.

« Le Burlesque sera particulièrement à la mode entre 1640 et 1660.

Il s'en prendra tour à tour à l'épopée, à latragédie, au portrait, au roman.

Voir : Scarron : Virgile travesti ; Cyrano ; Boileau : Le Lutrin. CARTÉSIANISME.

— Prend son origine dans le Discours de là Méthode de Descartes et surtout dans la première règle: « ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ».

C'est la négation dela méthode d'autorité qui, depuis la scolastique, au Moyen Age, régnait sur toute pensée, même scientifique. En littérature, le cartésianisme se traduit par la prédominance de la raison sur la sensibilité et l'imagination, par larecherche de l'universel sans tenir compte des particularités individuelles, locales, historiques...

Ce qui entraîne lemépris de la nature extérieure, de la couleur locale au seul profit de l'âme (littérature du XVIIe siècle).

La forme sedépouille et traduit un effort constant vers la clarté. Le cartésianisme, mal vu au XVIIe siècle, ne pourra donner toute sa mesure qu'au siècle suivant ; Bayle, Fontenellepeuvent être considérés comme penseurs de transition entre Descartes et l'Encyclopédie. CIVILISATION.

— 1.

- Etymologie : les mots grecs et latins qui désignent les villes (polis, urbs, civitas) sont àl'origine de bien des termes qui expriment une idée de mœurs courtoises, raffinées : poli, politesse, policé, urbanité,civil, civilité, civilisé, civilisation, etc... Par opposition : rus (campagne) conduit à rustaud, rustre et silvaticus (habitant des forêts) donne sauvage. 2.

- Le mot civilisation apparaît dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

Le verbe, lui, existe déjà chez Montaigne. 3.

- Contenu du mot : il s'est constitué par additions successives : a) d'abord simple idée de politesse : civilisé = policé.

C'est l'idéal d'une société mondaine et aristocratique ; b) puis apparition d'un sens moral : péjoratif pour Rousseau ; par contre, pour les philosophes, civilisation est synonyme de lumière philosophique : instruire c'est civiliser, écritDiderot ; c) sur quoi interviennent des éléments plus précis : évolution des facteurs politiques (monarchie constitutionnelle),sociaux (classes privilégiées), moraux, économiques (industrie, commerce) ; d) passage du singulier au pluriel : les civilisations ; évolution due aux récits des voyageurs, au cosmopolitisme.Régression du dogmatisme étroit qui ne voit qu'une attitude possible devant les problèmes de mœurs, de croyance,etc...

(premières années du XIXe siècle). Une civilisation est donc maintenant l'état d'un groupe social donné à un moment donné. e) Les historiens développent cette idée.

Guizot analyse la civilisation en Europe et en France.

Il donne deux sensdu mot : — un état, — une action dans le sens d'un perfectionnement à la fois social et spirituel. f) D'où naissent deux attitudes : — on insiste sur le sens dynamique, évolutif ; — on décrit et on classe les formes de civilisations. g) Mais, à parler d'évolution, de progression, on en arrive à définir des niveaux de civilisation.

Tel pays a unecivilisation plus haute et plus avancée que tel autre. Sur quelles bases fonder une comparaison ? On propose : l'évolution de l'habitat, de la monnaie, de la façon de prierou de sacrifier, etc..

Ce sont les critères du point d'avancement d'une civilisation. h) Il ne reste plus qu'un pas à franchir : en arriver à la notion de Civilisation, c'est-à-dire à la conception d'un étatidéal vers lequel nous tendons tous. Une difficulté : est-ce que la civilisation idéale ne sera pas précisément la nôtre, ou du moins, l'extrapolation de lanôtre ? On peut du moins conclure qu'une civilisation idéale serait celle où se trouverait pleinement possible. »

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