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indéniable, le personnage appartient à l'histoire allemande, et à elle seule.

Publié le 06/01/2014

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histoire
indéniable, le personnage appartient à l'histoire allemande, et à elle seule. Nous nous livrions à un jeu de comparaison, puisque nous en sommes là poussons-le pourtant jusqu'au bout de sa logique. Imaginons que les généraux allemands aient remporté leur fameuse offensive du printemps 1918, que Paris ait été occupée, que la France à genoux ait été obligée de demander l'armistice et que ce soit elle, après la guerre, qui ait eu à souffrir de traités faits pour la ruiner, l'humilier, l'abaisser. Que se serait-il passé ? La République aurait-elle tenu ? Par où serait passé la soif de vengeance et de revanche d'un peuple brisé ? Nous venons de l'écrire, la France n'aurait pas pu inventer Hitler, qui n'appartient pas à son histoire. Est-on bien sûr qu'elle aurait réussi à ne pas enfanter un autre monstre ? La Grande Guerre (« Folio », Gallimard, 1990). Ceux qui aiment les synthèses très pédagogiques liront La Grande Guerre, de Stéphane Audouin-Rouzeau et Annette Becker (« Découvertes », Gallimard, 1998). Ou encore l'ouvrage collectif Mourir pour la patrie, un recueil d'articles 1 Parmi mille autres, un des classiques sur la Première Guerre mondiale est le livre de Marc Ferro, (« Points », Le Seuil, 2007) qui fait la part belle à l'histoire des mentalités. 2 La Guerre censurée, « Points », Le Seuil, 2003. 39 Le Front populaire Les années 1930 en Europe sont brutales. Une terrible crise économique, consécutive à l'effondrement financier de la Bourse de New York en octobre 1929, a jeté des millions de personnes à la rue de par le monde et ruiné des pays entiers. Elle se double d'une crise politique de grande ampleur. La démocratie parlementaire, avec ses discussions infinies, ses majorités qui changent, son légalisme tatillon, apparaît à beaucoup comme un régime faible, incapable de résoudre le problème de l'heure. Dès 1922, par la brutalité, la caporalisation des esprits, et un grand sens de la manipulation des masses, le dictateur italien Mussolini avait emmené son pays sur une autre voie, le fascisme. En 1933, Hitler est arrivé au pouvoir en Allemagne. En France, la République se débat dans des scandales financiers qui éclaboussent la classe politique. Affaire de « la banquière » Marthe Hanau, affaire du spéculateur Oustric, affaire Stavisky. En quelques années à peine, à la fin des années 1920 et au début des années 1930, de grands faits-divers montrent à l'opinion atterrée la complicité de ces escrocs avec les milieux du pouvoir. Le 6 février 1934, pour protester contre la « gueuse », les « brigands au pouvoir », la « démocrassouille », les ligues d'extrême droite manifestent dans la rue à Paris et menacent d'investir la Chambre des députés. La police réplique avec violence. La journée s'achève sur un bilan très lourd, 17 morts, plus de 1 500 blessés et une grande peur à gauche : ceux-là aussi voudraient donc instaurer le fascisme en France ? Dans les jours qui suivent, le parti socialiste et le parti communiste, alors rivaux, organisent chacun de leur côté des contre-manifestations pour répondre aux « ligues factieuses », et à plusieurs endroits les militants des deux cortèges font ce que n'ont jamais réussi à faire les socialistes et les communistes allemands pour barrer la route aux nazis : ils se rejoignent. L'idée d'un combat commun se fait jour. En 1935, ces deux mouvements de gauche, auxquels s'est joint le parti radical, forment une coalition en vue des élections à venir. Sa philosophie tient en trois mots : « Le pain, la paix, la liberté. » Sa bannière en deux : « Front populaire. » Un an plus tard, aux deux tours des législatives, fin avril et début mai 1936, les électeurs lui donnent une écrasante majorité de sièges à la Chambre des députés. Un mois plus tard, il en découle un événement considérable : le président de la République appelle pour la première fois dans l'histoire de France un socialiste à former un gouvernement. Repères - 1905 : unification du socialisme français à la demande de la Deuxième Internationale ouvrière ; création de la SFIO - 1919 : fondation à Moscou de la Troisième Internationale - 1920 : congrès de Tours, scission de la SFIO - 1936 (juin) : Léon Blum premier président du Conseil socialiste - 1938 : échec de Blum à reformer un gouvernement ; fin du Front populaire Une parenthèse enchantée Sur le strict plan des faits, l'histoire du Front populaire est brève. Parmi le trio vainqueur, la SFIO - c'est ainsi qu'on appelle alors le parti des socialistes - est arrivée en tête. C'est pour cette raison qu'on a demandé à son chef, Léon Blum, de former un cabinet. Il le composera pour moitié de gens de son mouvement et pour moitié de radicaux - les communistes soutiennent le gouvernement, mais ne participent pas. Il ajoute un geste d'un grand poids symbolique : alors que les Françaises n'ont pas encore le droit de voter, il nomme quatre femmes à des postes ministériels. L'atmosphère de ce printemps est particulière, joyeuse, festive. Depuis quelques semaines, d'innombrables grèves paralysent les usines, les bureaux et même - le fait est beaucoup plus rare - des magasins. En s'arrêtant de travailler, les ouvriers, les employés ne cherchent pas à s'opposer au gouvernement en préparation, mais au contraire à faire pression sur les patrons pour le soutenir. Cela fonctionne au-delà des espérances. Dès le lendemain de son arrivée dans sa nouvelle résidence officielle, début juin, Léon Blum peut y inviter le patronat à signer avec les syndicats les « accords Matignon » - du nom de l'hôtel particulier du chef du gouvernement. Ils accordent aux salariés de larges augmentations de salaires et des droits qui existent toujours, comme celui d'être défendu par des « délégués du personnel ». D'autres grandes lois sociales suivent, celle qui réduit la durée hebdomadaire du travail à quarante heures et celle qui garantit à tous les salariés deux semaines de vacances, les fameux « congés payés ». Viennent ensuite quelques réformes de structure : le gouvernement crée « l'office des blés », pour stabiliser les prix des céréales et aider le monde agricole ; il accroît le contrôle de l'État sur la Banque de France - alors aux mains de riches financiers privés -, sur une partie de l'industrie de l'armement - ce qui n'est pas rien dans le contexte international du moment - et sur les chemins de fer - la SNCF est créée en 1937. Tout cela se passe dans un climat d'effervescence intellectuelle et culturelle extraordinaire : on ouvre les premières auberges de jeunesse, on réfléchit, sous l'impulsion de Jean Zay, l'énergique ministre de l'Éducation nationale, à la manière de penser une culture pour tous, on fait progresser à pas de géant cette idée nouvelle pour les plus pauvres, le loisir. Et puis ? Et puis pas tant d'autres choses, sinon les mesures au jour le jour que se sent obligé de prendre un gouvernement qui fait ce qu'il peut pour surmonter ses contradictions politiques, pour venir à bout des difficultés économiques et affronter ce monstre aux mille visages qui s'appelle le réel. Dès juillet, un vent mauvais est arrivé du sud. Depuis le Maroc où il est en garnison, un général espagnol nommé Franco a lancé le signal de la rébellion contre le gouvernement légal et républicain de son pays. Il vient de lancer la « guerre d'Espagne », et de créer une onde de choc qui se propage dans toute l'Europe et commence à ébranler la coalition au pouvoir à Paris. Faut-il intervenir pour sauver les frères républicains ? Blum le voudrait. Les communistes, derrière Staline, le voudraient. Les radicaux, pacifistes absolus, n'en veulent à aucun prix, pas plus que les alliés britanniques, qui craignent que le conflit ne dégénère en guerre européenne. Hitler et Mussolini n'ont pas ces scrupules, ils ne craignent pas la guerre, ils préparent celle qu'ils ont en tête en envoyant leur aviation et leurs bombes écraser les républicains. Blum doit se contenter d'une très jésuitique « non-intervention relâchée », consistant à demander en douce aux douaniers de bien vouloir fermer les yeux quand passent, à Marseille ou à Perpignan, des bateaux chargés d'armes ou des camions emplis de fusils. Dès les élections, le grand capital a eu peur. L'or a fui, les réserves sont vides. En octobre, il faut dévaluer le franc. La crise continue de faire des ravages, la situation économique rend difficile toute extension des réformes. En février 1937, le gouvernement décrète la « pause ». En juin, voulant avoir les mains libres pour agir sur la crise financière, Blum demande aux deux chambres le pouvoir de légiférer par « décrets-lois ». Les députés acceptent. Les sénateurs refusent. Démission de Blum, qui est remplacé par un très insipide radical. Un an plus tard, au printemps 1938, il est rappelé. L'Europe est au bord de l'abîme. Hitler vient d'annexer l'Autriche. Le vieux socialiste a dans l'idée de former un gouvernement d'union nationale qui soit à la mesure du péril. Les querelles partisanes l'en empêchent. Un autre radical, Édouard Daladier, prend le pouvoir en cherchant sa majorité à droite. En novembre 1938, les syndicats tentent de réactiver l'esprit de 36, ils appellent à la grève. Médiocre baroud d'honneur : les travailleurs sont fatigués, l'espérance n'y est plus. L'échec du mouvement signe, pour les historiens, la fin de cette parenthèse de notre histoire. Sur le strict plan des faits, on le voit, le Front populaire fut bref et de portée limitée. Il ne sonna pas la fin du capitalisme, ni les débuts triomphants de cette mythique révolution qui, depuis des décennies, faisait rêver ses partisans et donnait des cauchemars aux classes possédantes. Pourtant, cette éphémère parenthèse reste un moment important de notre histoire. Sa place particulière dans la chronologie y est pour beaucoup. 1936, c'est trois ans à peine avant 1939. Les photos que chacun a dans la tête d'ouvriers en tandem, de prolos joyeux piqueniquant au bord de la Marne, de grévistes valsant au son de l'accordéon sont les dernières images heureuses avant qu'on ne passe, dans le grand album du temps, à celles en noir et sang de la page suivante. Son poids symbolique compte aussi sur le plan politique : premier gouvernement socialiste de la République, on l'a dit, il reste un temps essentiel de l'histoire de la gauche en France. Profitons-en donc pour en parler. La déchirure du congrès de Tours Un des drames éternels du mouvement ouvrier est son incapacité à s'unir. Là où nous l'avions laissé, à la fin du xixe siècle, il était partagé encore en une multitude de chapelles, de courants, de tendances, toutes rivales, toutes plus ou moins ennemies. Le but final était le même : réussir à détruire le capitalisme pour le remplacer par une société plus juste dans laquelle les biens seraient à tous et le bonheur à chacun. Personne n'était capable de s'entendre sur les moyens d'y arriver : faut-il y aller pas à pas ? Conquérir par exemple les municipalités une à une pour y démarrer le travail de réforme et abattre le vieux monde par tranches, comme le pensent les « possibilistes » ? Doit-on tout miser sur la création d'un parti fort et centralisé et une prise de contrôle de l'État, comme l'estiment les marxistes ? Ou s'en défier, comme le pensent les héritiers de Bakounine, ennemis de toute autorité ? Faut-il faire jouer le jeu des élections, tenter des alliances au coup par coup avec les « partis bourgeois », voire participer à leurs gouvernements comme le pensent les « socialistes indépendants » ? Ou au contraire, comme l'estiment les grands syndicats, est-il préférable de refuser le système des partis pour arriver à la révolution « par le bas », c'est-à-dire par la grève générale, qui permettra à tous les prolétaires d'en finir par euxmêmes avec le capitalisme ? Il existe néanmoins, depuis 1889, une instance censée fédérer tous les prolétaires de la planète et leurs représentants : l'Internationale ouvrière. On l'appelle la « Deuxième Internationale » parce qu'elle a succédé à la première, lancée à Londres en 1864 et morte peu de temps après. Au début du xxe siècle, elle exige que les socialistes fassent leur unité. Les Français obtempèrent. Même de grands rivaux comme Jean Jaurès ou Jules
histoire

« 39 Le Front populaire Les années 1930 enEurope sontbrutales.

Uneterrible criseéconomique, consécutiveàl’effondrement financier de laBourse deNew Yorkenoctobre 1929, ajeté desmillions depersonnes àla rue depar lemonde etruiné des pays entiers.

Ellesedouble d’unecrisepolitique degrande ampleur.

Ladémocratie parlementaire, avecses discussions infinies,sesmajorités quichangent, sonlégalisme tatillon,apparaît àbeaucoup commeunrégime faible, incapable derésoudre leproblème del’heure.

Dès1922, parlabrutalité, lacaporalisation desesprits, etun grand sensdelamanipulation desmasses, ledictateur italienMussolini avaitemmené sonpays surune autre voie, le fascisme.

En1933, Hitlerestarrivé aupouvoir enAllemagne.

EnFrance, laRépublique sedébat dansdes scandales financiers quiéclaboussent laclasse politique.

Affairede« la banquière » MartheHanau,affairedu spéculateur Oustric,affaireStavisky.

Enquelques annéesàpeine, àla fin des années 1920 etau début des années 1930, degrands faits-divers montrentàl’opinion atterréelacomplicité deces escrocs aveclesmilieux du pouvoir.

Le6 février 1934,pourprotester contrela« gueuse », les« brigands aupouvoir », la« démocrassouille », les ligues d’extrême droitemanifestent danslarue àParis etmenacent d’investirlaChambre desdéputés.

La police réplique avecviolence.

Lajournée s’achève surunbilan trèslourd, 17 morts, plusde1 500 blessés etune grande peuràgauche : ceux-làaussivoudraient doncinstaurer lefascisme enFrance ? Danslesjours quisuivent, le parti socialiste etleparti communiste, alorsrivaux, organisent chacundeleur côté descontre-manifestations pour répondre aux« ligues factieuses », etàplusieurs endroitslesmilitants desdeux cortèges fontceque n’ont jamais réussiàfaire lessocialistes etles communistes allemandspourbarrer laroute auxnazis : ilsse rejoignent. L’idée d’uncombat commun sefait jour.

En1935, cesdeux mouvements degauche, auxquels s’estjointleparti radical, forment unecoalition envue desélections àvenir.

Saphilosophie tiententrois mots : « Lepain, lapaix, la liberté. » Sabannière endeux : « Front populaire. » Unanplus tard, auxdeux tours deslégislatives, finavril et début mai 1936, lesélecteurs luidonnent uneécrasante majoritédesièges àla Chambre desdéputés.

Unmois plus tard, ilen découle unévénement considérable : leprésident delaRépublique appellepourlapremière fois dans l’histoire deFrance unsocialiste àformer ungouvernement.

Repères – 1905 : unification dusocialisme françaisàla demande delaDeuxième Internationale ouvrière ;créationdelaSFIO – 1919 : fondation àMoscou delaTroisième Internationale – 1920 : congrèsdeTours, scission delaSFIO – 1936 (juin) :LéonBlum premier président duConseil socialiste – 1938 : échecdeBlum àreformer ungouvernement ; finduFront populaire Une parenthèse enchantée Sur lestrict plandesfaits, l’histoire duFront populaire estbrève.

Parmiletrio vainqueur, laSFIO –c’est ainsiqu’on appelle alorsleparti dessocialistes –est arrivée entête.

C’est pourcette raison qu’onademandé àson chef, Léon Blum, deformer uncabinet.

Ille composera pourmoitié degens deson mouvement etpour moitié deradicaux – les communistes soutiennentlegouvernement, maisneparticipent pas.Ilajoute ungeste d’ungrand poids symbolique : alorsquelesFrançaises n’ontpasencore ledroit devoter, ilnomme quatrefemmes àdes postes ministériels. L’atmosphère deceprintemps estparticulière, joyeuse,festive.Depuisquelques semaines, d’innombrables grèves paralysent lesusines, lesbureaux etmême –le fait estbeaucoup plusrare –des magasins.

Ens’arrêtant de travailler, lesouvriers, lesemployés necherchent pasàs’opposer augouvernement enpréparation, maisau contraire àfaire pression surlespatrons pourlesoutenir.

Celafonctionne au-delàdesespérances.

Dèsle lendemain deson arrivée danssanouvelle résidence officielle,débutjuin,Léon Blum peutyinviter lepatronat à signer aveclessyndicats les« accords Matignon » –du nom del’hôtel particulier duchef dugouvernement.

Ils accordent auxsalariés delarges augmentations desalaires etdes droits quiexistent toujours, commeceluid’être défendu pardes « délégués dupersonnel ».

D’autresgrandesloissociales suivent, cellequiréduit ladurée hebdomadaire dutravail àquarante heures etcelle quigarantit àtous lessalariés deuxsemaines devacances, les fameux « congés payés ».Viennent ensuitequelques réformesdestructure : legouvernement crée« l’office des blés », pourstabiliser lesprix descéréales etaider lemonde agricole ; ilaccroît lecontrôle del’État surlaBanque de France –alors auxmains deriches financiers privés–,sur une partie del’industrie del’armement –ce qui n’est pas rien dans lecontexte international dumoment –et sur leschemins defer –la SNCF estcréée en1937.

Tout cela sepasse dansunclimat d’effervescence intellectuelleetculturelle extraordinaire : onouvre lespremières auberges dejeunesse, onréfléchit, sousl’impulsion deJean Zay,l’énergique ministredel’Éducation nationale,àla manière depenser uneculture pourtous, onfait progresser àpas degéant cetteidéenouvelle pourlesplus. »

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