Devoir de Philosophie

habituelle des États de l'hôtel des Menus-Plaisirs.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

habituelle des États de l'hôtel des Menus-Plaisirs. Elle est curieusement close « pour travaux ». On trouve asile dans la seule salle voisine ouverte, le tennis-club de l'époque, la « salle du jeu de paume ». L'assemblée tout entière y prête son fameux serment : on ne se séparera pas avant d'avoir donné une constitution au royaume. Le roi fait semblant de n'avoir pas entendu. Le 23, il fait lire à ses États généraux un long discours lénifiant, quitte la salle, et ordonne que chacun en fasse autant. Le clergé, la noblesse sortent, le Tiers ne bouge pas. Le maître des cérémonies, le jeune et somptueux marquis de Dreux-Brezé, costume d'apparat, plumes au chapeau, lance à la salle : « Messieurs ! N'avez-vous pas entendu l'ordre du roi ? » Un certain Mirabeau, aussi laid qu'il est imposant, se lève et lui rétorque de sa voix de stentor : « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu'on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes ! » Un instant auparavant, Bailly, le président de l'aréopage, en se tournant vers ses pairs pour avoir leur approbation, avait risqué : « Il me semble que la nation assemblée n'a d'ordre à recevoir de personne. » La légende a retenu la phrase de Mirabeau. C'est dommage, celle de Bailly résumait mieux la situation politique. Le roi hésite, puis cède. Tous les députés ont ordre de rejoindre l'organe nouvellement créé qui a tout pouvoir pour trouver une solution aux problèmes du royaume. Début mai encore, pour s'adresser à ses sujets, Louis disait « mes peuples ». Désormais, il a face à lui une « nation », cette « nation assemblée » dont a parlé Bailly et qui vient, d'un coup d'éclat, de se déclarer souveraine. Fin de la séparation en trois ordres, fin de mille ans d'histoire, fin de l'absolutisme. En moins d'une semaine, l'Ancien Régime est tombé. La Révolution française vient de commencer. Nous sommes donc fin juin 1789. Début novembre 1799, un coup d'État conduit par un jeune général nommé Bonaparte emmène le pays vers un nouveau système. Cela fait donc dix ans. La décennie la plus riche, la plus troublée, la plus controversée aussi de l'histoire de France. Le point qui nous intéresse le plus dans ce livre, si l'on s'en tient à son idée directrice, c'est de voir à quel point cette épopée pèse encore aujourd'hui sur notre fonctionnement politique et notre rapport au monde. Pour rendre le propos intelligible, tâchons d'abord de rappeler sommairement les faits. On s'y perd toujours un peu. Pas de complexe à avoir, personne ne s'y retrouve jamais. Il s'est passé plus de choses en dix ans qu'en un siècle. Les Mirabeau, les La Fayette, les Danton, les Robespierre, s'y sont succédé à un train d'enfer : la plupart des rois ont régné des décennies, le rôle effectif de ces chefs révolutionnaires sur la vie politique a rarement dépassé un an ou deux. On peut ajouter en outre que, d'une certaine manière, leur célébrité compte double : selon le point de vue de celui qui les examine, chacun d'entre eux peut être plusieurs hommes dans le même, au choix, un héros, un traître infâme, ou un tyran sanguinaire. Essayons de ne pas juger pour l'instant, attelons-nous donc avant tout à une entreprise autrement difficile : tenter d'établir une synthèse claire et rapide de la période. Au moment où nous en sommes, l'absolutisme vient d'être jeté à terre, mais la tête de l'État n'a pas changé, c'est toujours le roi. Il règne jusqu'à sa déposition en août 1792. Le cadre du premier épisode s'impose : la fin de la monarchie. L'été 1789 Reprenons le cours des choses où nous étions, fin juin 1789 : dès les semaines qui suivent, les événements, dont la plupart sont encore gravés dans notre mémoire, vont se bousculer à une vitesse inimaginable. La belle saison de 89 a été, écrit l'historien François Furet, « l'été le plus extraordinaire de notre histoire ». Il présente aussi, sur un strict plan pédagogique, un avantage dont nous allons nous servir. Dès ce moment se mettent en place une nouvelle configuration politique et de nouveaux rapports de force que l'on va retrouver à peu près jusqu'à la fin de la période révolutionnaire. Plutôt que de suivre la stricte chronologie de cette saison essentielle, tâchons donc de comprendre quelles sont les règles du jeu nouveau qui s'ouvre, et qui en sont les acteurs. Au centre du pouvoir, désormais, l'organe né sur les décombres des États généraux : l'Assemblée nationale. Elle s'est assignée pour tâche première de donner une constitution au royaume, on l'appelle donc la « Constituante ». Les assemblées qui lui succèdent, selon les fonctions qui seront les leurs, porteront des noms différents (la « Législative » puis la « Convention ») ; elles garderont toujours cette place éminente, elles représentent la nation. Dans la fougue, la passion, la fièvre des mouvements de tribune, on s'y invective, on y délibère, on y abat aussi un travail considérable. Deux séances historiques l'indiquent très vite : dans la nuit du 4 août, sur proposition de deux aristocrates, et dans des transports d'émotion, on vote l'« abolition des privilèges », la fin des droits seigneuriaux, la fin de l'inégalité devant les emplois, la fin des charges héréditaires, c'est-à-dire la fin définitive du monde issu de la féodalité. Le 26 du même mois d'août est voté un texte qui, en quelque sorte, en est le pendant. Il représente la charte de la société nouvelle que l'on entend élever sur les ruines de l'ancienne, une société dans laquelle le mérite prime le sang puisque « tous les hommes naissent libres et égaux en droit » (article 1). C'est la « Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ». Le deuxième acteur important de notre nouvelle pièce, dans les bons vieux manuels d'histoire républicains, s'appelle « le peuple ». « Le peuple prend la Bastille », « le peuple renverse la monarchie » : il est omniprésent, mais de façon floue. Qu'est-ce au juste que ce « peuple » ? À l'époque, dans sa majorité, il est constitué de paysans. Curieusement, de ceux-là, dans les dix ans qui viennent, on entendra fort peu parler. La seule irruption d'importance du monde rural dans le cours de la Révolution arrive durant notre été 89. On l'appelle la « Grande Peur », il s'agit d'une étrange émotion collective qui saisit les campagnes dans diverses provinces, à la fin de juillet. Des rumeurs courent les plaines et les halliers, ayant sans doute pour base les nouvelles confuses qui arrivent de Paris : on parle de troupes de brigands qui seraient sur le point d'attaquer fermes et villages, et que l'on croit parfois envoyées par les aristocrates. On s'arme pour se défendre contre ces bandes qui n'apparaissent jamais mais on s'échauffe les sangs, et dans maints endroits on finit par brûler les châteaux. C'est aussi pour tenter de calmer cette furie que l'Assemblée fait sa fameuse nuit du 4 Août. Pour le reste, le « peuple » de la Révolution est surtout celui de Paris et de ses faubourgs, de pauvres gens poussés par la misère et de nobles idéaux, ou, on le reverra souvent aussi, des bandes violentes instrumentalisées par ceux qui se servent d'elles pour se débarrasser de leurs rivaux. Les hommes ne portent pas les souliers à boucle et l'habit des bourgeois mais les pantalons flottants des ouvriers, d'où le surnom qu'on leur donnera bientôt : les sans-culottes. Ce sont eux qui surgissent, armés de piques, de quelques fusils ou de leur seule rage et qui animent les « journées révolutionnaires », ces émeutes qui ponctuent la Révolution et en font basculer le cours à maintes reprises. Deux journées de 1789 sont entrées dans l'histoire. À la mi-juillet le bruit s'est répandu que le roi faisait masser des troupes autour de Paris pour briser la Révolution. Des tribuns, comme le jeune Camille Desmoulins, appellent les Parisiens à se défendre. Des foules parcourent la ville à la recherche d'armes. On en trouve d'abord aux Invalides puis, avec les canons qu'on vient de prendre, on fait le siège d'une forteresse-prison de l'est de la ville, où l'on sait qu'on en trouvera d'autres. Premiers affrontements, premiers morts (plus d'une centaine parmi les assaillants), premières têtes coupées (celle du gouverneur). On l'a compris : la forteresse s'appelle la Bastille, et la France vient de vivre son 14 juillet inaugural. Deux autres journées ont lieu début octobre. Paris a faim. Des Parisiens, et surtout des Parisiennes, partent en procession à Versailles pour réclamer du pain. La foule est également troublée par d'insistantes rumeurs qui disent qu'un régiment royal a piétiné la cocarde tricolore, adoptée depuis juillet comme emblème de la nation. La colère gronde. Les plus énervés investissent le château. Quelques gardes sont tués. La reine s'échappe in extremis par une porte dérobée et seul La Fayette, accouru sur place, réussit à calmer le jeu. La foule revient à Paris en ramenant un butin précieux : le roi et les siens, muets dans leur carrosse, littéralement consternés, précédés des piques portant les têtes des gardes tués la veille. La fin d'un autre monde encore. Le rideau tombe sur Versailles, la coquille désormais vide d'un pouvoir qui s'en va. Voici donc, dans le délabrement du vieux palais des Tuileries où on l'a installé le soir-même, la troisième pièce de notre échiquier : le roi. Il semble dépassé par les événements. Il ne les maîtrisera jamais. En juin, il a finalement accepté l'Assemblée nationale. Depuis août, il refuse de promulguer ces horreurs qu'elle a votées - l'abolition des privilèges, les droits de l'homme. Il finira par le faire quand même, inaugurant cette valse-hésitation perpétuelle qui sera son mode de fonctionnement jusqu'à la fin. Auprès de lui, la reine, rendue soudain grave par ces événements qui l'effraient. Viscéralement réactionnaire (le mot est d'époque, il apparaîtra bientôt pour désigner ceux qui s'opposent au mouvement de la Révolution), elle ne sera pas toujours de bon conseil, mais elle, au moins, lui sera toujours fidèle. D'autres n'ont pas ses scrupules. Parmi toute cette cour, hier encore prête à toutes les manigances pour se gaver de pensions et de prébendes, nombreux sont ceux qui, dès l'été 89, choisissent sans états d'âme une solution peu glorieuse : ils s'enfuient. Quelques jours après le 14 juillet, le comte d'Artois, le propre frère de Louis XVI, a été un des premiers à partir. Bien d'autres suivront. Au fil des ans, ils iront s'installer de l'autre côté du Rhin, ou en Suisse, ou en Angleterre, ou en Russie, dans des petites cours ou auprès de rois puissants, partout où ils espèrent trouver les appuis qui serviront le dessein qui les anime désormais : revenir en France pour restaurer le seul ordre qui leur semble naturel et châtier cette canaille qui a osé l'ébranler. On les appelle les « émigrés ». La Constituante (1789-1791) : l'illusion de l'unité L'assemblée issue des États généraux a donc pour mission de donner une « constitution au royaume ». La Constituante aussi a quitté Versailles pour Paris. Elle siège deux ans et ne chôme pas. En quelques mois sont jetées les bases d'une organisation de la société qui est toujours la nôtre : création des départements (il y en a 83 à l'origine), premiers pas vers le système métrique, laïcisation de l'état civil, organisation de l'égalité devant l'impôt. Les débats y sont passionnés, ils accouchent de la vie parlementaire comme elle existe encore. Il n'y a pas de partis politiques, mais déjà, dans la salle, les plus avancés prennent l'habitude de se placer à gauche et les plus conservateurs à droite. À l'extérieur, on se retrouve dans d'autres hauts lieux de la vie révolutionnaire : les clubs. Il y en a de toutes tendances, le « club des Feuillants » sera rapidement assez marqué à droite, le « club des Jacobins » et celui des « Cordeliers » seront les cénacles de ceux qui veulent pousser plus loin la Révolution. Tous ont des noms qui nous semblent étranges. Ce sont ceux de vieux ordres monastiques. Tout simplement parce que ces clubs ont élu domicile dans leurs anciens couvents. 14 juillet 1790, grande date de la période : en souvenir de la Bastille, immense cérémonie sur le Champ-de-Mars. À

« par lavolonté dupeuple etqu’on nenous enarrachera queparlapuissance desbaïonnettes ! » Uninstant auparavant, Bailly,leprésident del’aréopage, ensetournant verssespairs pouravoir leurapprobation, avait risqué : « Ilme semble quelanation assemblée n’ad’ordre àrecevoir depersonne. » Lalégende aretenu laphrase de Mirabeau.

C’estdommage, celledeBailly résumait mieuxlasituation politique. Le roi hésite, puiscède.

Touslesdéputés ontordre derejoindre l’organenouvellement crééquiatout pouvoir pour trouver unesolution auxproblèmes duroyaume.

Débutmaiencore, pours’adresser àses sujets, Louisdisait « mes peuples ».

Désormais, ila face àlui une « nation », cette« nation assemblée » dontaparlé Bailly etqui vient, d’uncoup d’éclat, desedéclarer souveraine.

Findelaséparation entrois ordres, findemille ansd’histoire, fin del’absolutisme.

Enmoins d’unesemaine, l’AncienRégimeesttombé.

LaRévolution françaisevientde commencer. Nous sommes doncfinjuin 1789.

Débutnovembre 1799, uncoup d’État conduit parunjeune général nommé Bonaparte emmènelepays versunnouveau système.

Celafaitdonc dixans.

Ladécennie laplus riche, laplus troublée, laplus controversée aussidel’histoire deFrance.

Lepoint quinous intéresse leplus dans celivre, sil’on s’en tient àson idée directrice, c’estdevoir àquel point cetteépopée pèseencore aujourd’hui surnotre fonctionnement politiqueetnotre rapport aumonde.

Pourrendre lepropos intelligible, tâchonsd’abordde rappeler sommairement lesfaits.

Ons’yperd toujours unpeu.

Pasdecomplexe àavoir, personne nes’y retrouve jamais.

Ils’est passé plusdechoses endix ans qu’en unsiècle.

LesMirabeau, lesLaFayette, lesDanton, les Robespierre, s’ysont succédé àun train d’enfer : laplupart desrois ontrégné desdécennies, lerôle effectif deces chefs révolutionnaires surlavie politique ararement dépasséunanou deux.

Onpeut ajouter enoutre que,d’une certaine manière, leurcélébrité comptedouble : selonlepoint devue decelui quilesexamine, chacund’entre eux peut êtreplusieurs hommesdanslemême, auchoix, unhéros, untraître infâme, ouuntyran sanguinaire. Essayons dene pas juger pourl’instant, attelons-nous doncavant toutàune entreprise autrement difficile :tenter d’établir unesynthèse claireetrapide delapériode.

Aumoment oùnous ensommes, l’absolutisme vientd’être jeté àterre, maislatête del’État n’apas changé, c’esttoujours leroi.

Ilrègne jusqu’à sadéposition enaoût 1792. Le cadre dupremier épisodes’impose : lafin delamonarchie.

L’été 1789 Reprenons lecours deschoses oùnous étions, finjuin 1789 : dèslessemaines quisuivent, lesévénements, dontla plupart sontencore gravésdansnotre mémoire, vontsebousculer àune vitesse inimaginable.

Labelle saison de 89 aété, écrit l’historien FrançoisFuret,« l’été leplus extraordinaire denotre histoire ».

Ilprésente aussi,surun strict planpédagogique, unavantage dontnous allons nousservir.

Dèscemoment semettent enplace une nouvelle configuration politiqueetde nouveaux rapportsdeforce quel’onvaretrouver àpeu près jusqu’à lafin de la période révolutionnaire.

Plutôtquedesuivre lastricte chronologie decette saison essentielle, tâchonsdoncde comprendre quellessontlesrègles dujeu nouveau quis’ouvre, etqui ensont lesacteurs. Au centre dupouvoir, désormais, l’organenésur lesdécombres desÉtats généraux : l’Assemblée nationale.Elle s’est assignée pourtâche première dedonner uneconstitution auroyaume, onl’appelle doncla« Constituante ». Les assemblées quiluisuccèdent, selonlesfonctions quiseront lesleurs, porteront desnoms différents (la « Législative » puisla« Convention ») ; ellesgarderont toujourscetteplace éminente, ellesreprésentent lanation. Dans lafougue, lapassion, lafièvre desmouvements detribune, ons’y invective, onydélibère, onyabat aussi un travail considérable.

Deuxséances historiques l’indiquenttrèsvite : danslanuit du4 août, surproposition dedeux aristocrates, etdans destransports d’émotion, onvote l’« abolition desprivilèges », lafin des droits seigneuriaux, la fin del’inégalité devantlesemplois, lafin des charges héréditaires, c’est-à-direlafin définitive dumonde issude la féodalité.

Le26 du même moisd’août estvoté untexte qui,enquelque sorte,enest lependant.

Ilreprésente la charte delasociété nouvelle quel’onentend éleversurlesruines del’ancienne, unesociété danslaquelle le mérite primelesang puisque « tousleshommes naissentlibresetégaux endroit » (article 1).

C’estla« Déclaration des droits del’homme etdu citoyen ». Le deuxième acteurimportant denotre nouvelle pièce,danslesbons vieux manuels d’histoire républicains, s’appelle « lepeuple ».

« Lepeuple prendlaBastille », « lepeuple renverse lamonarchie » : ilest omniprésent, mais defaçon floue.

Qu’est-ce aujuste quece« peuple » ? À l’époque, danssamajorité, ilest constitué depaysans.

Curieusement, deceux-là, danslesdix ans quiviennent, on entendra fortpeu parler.

Laseule irruption d’importance dumonde ruraldanslecours delaRévolution arrive. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles