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grouillantes de vers et laissant apercevoir la colonne vertébrale.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

grouillantes de vers et laissant apercevoir la colonne vertébrale. Ces squelettes purulents furent les premiers perdus. Heureusement, mon chef d'équipe Fulgencio - on prononçait Frugencio - sut compléter la troupe par des bêtes sans pparence, mais dont la plupart arrivèrent jusqu'au bout. Quant aux hommes, il choisit dans son village ou aux environs es adolescents qu'il avait vus naître et qui respectaient sa science. Pour la plupart ils provenaient de vieilles familles ortugaises installées au Mato Grosso depuis un ou deux siècles et chez qui se perpétuaient d'austères traditions. Si pauvres qu'ils fussent, chacun possédait une serviette brodée et ornée de dentelle - cadeau d'une mère, d'une oeur ou d'une fiancée - et jusqu'à la fin du voyage, ils n'auraient pas consenti à s'essuyer le visage avec autre chose. Mais uand je leur proposai pour la première fois une ration de sucre à mettre dans leur café, ils me répondirent fièrement u'ils n'étaient pas viciados, pervertis. J'éprouvai quelques difficultés avec eux, parce qu'ils avaient sur tous les problèmes des idées aussi arrêtées que les miennes. Ainsi, j'évitai tout juste une insurrection à propos de la composition des vivres du voyage, les hommes étant persuadés qu'ils allaient mourir de faim si je ne consacrais pas l'intégralité de la charge utile au riz et aux haricots. À la rigueur, ils voulaient bien tolérer la viande séchée, malgré leur conviction que le gibier ne ferait jamais défaut. Mais le sucre, les fruits secs, les conserves les scandalisaient. Ils se seraient fait tuer pour nous, mais nous tutoyaient avec rudesse et n'auraient pas accepté de laver un mouchoir qui ne leur appartînt pas, la lessive étant une tâche bonne pour les femmes. Les bases de notre contrat étaient les suivantes : pendant la durée de l'expédition, chacun recevrait en prêt une monture et un fusil ; et, en plus de la nourriture, il serait payé l'équivalent de 5 francs par jour au cours de 1938. Pour chacun d'eux, les 1 500 ou 2 000 francs épargnés à la fin de l'expédition (car ils ne voulaient rien recevoir pendant) représentaient un capital permettant à l'un de se marier, à tel autre de commencer un élevage... Il était entendu que Fulgencio embaucherait aussi quelques jeunes Indiens Paressi à demi civilisés, au moment où nous traverserions l'ancien territoire de cette tribu qui fournit aujourd'hui la plus grande partie du personnel d'entretien de la ligne télégraphique, sur la lisière du pays nambikwara. Ainsi s'organisait lentement l'expédition, par groupes de deux ou trois hommes et quelques bêtes, disséminés dans les hameaux des alentours de Cuiaba. Le rassemblement devait se faire un jour de juin 1938, aux portes de la ville, d'où boeufs et cavaliers se mettraient en route sous la direction de Fulgencio, avec une partie des bagages. Un boeuf de charge porte de 60 à 120 kilos selon sa force, répartis à droite et à gauche en deux fardeaux de poids égal au moyen d'un bât de bois capitonné de paille, l'ensemble étant recouvert d'un cuir séché. La distance quotidienne parcourue est d'environ 25 kilomètres, mais, après chaque semaine de marche, les bêtes ont besoin de quelques jours de repos. Nous avions donc décidé de laisser les animaux partir en avance, aussi peu chargés que possible ; je ferais moi-même route avec un gros camion tant que la piste le permettrait, c'est-à-dire jusqu'à Utiarity, à 500 kilomètres au nord de Cuiaba ; poste de la ligne télégraphique déjà en territoire nambikwara, au bord du Rio Papagaio où un bac trop frêle empêcherait le passage du camion. Ensuite commencerait l'aventure. Huit jours après le départ de la troupe - une caravane de boeufs s'appelle une tropa - notre camion s'ébranla avec sa cargaison. Nous n'avions pas fait 50 kilomètres que nous rencontrions nos hommes et nos bêtes, paisiblement campés ans la savane alors que je les croyais déjà à Utiarity ou presque. Je pris là ma première colère, qui ne devait pas être la eule. Mais il me faudrait d'autres déceptions pour comprendre que la notion du temps n'avait plus de place dans 'univers où je pénétrais. Ce n'était pas moi qui dirigeais l'expédition ; ce n'était pas Fulgencio : c'étaient les boeufs. Ces êtes pesantes se transformaient en autant de duchesses dont il fallait surveiller les vapeurs, les sautes d'humeur et les ouvements de lassitude. Un boeuf ne prévient pas s'il est fatigué ou si sa charge est trop lourde : il continue d'avancer uis tout à coup il s'effondre, mort ou exténué au point qu'il lui faudrait six mois de repos pour se refaire ; auquel cas la eule solution est de l'abandonner. Les bouviers sont donc aux ordres de leurs bêtes. Chacune a son nom, correspondant sa couleur, à son port ou à son tempérament. Ainsi mes bêtes s'appelaient ; Piano (l'instrument de musique) ; MassaBarro (écrase-boue) ; Salino (goûte-sel) ; Chicolate (mes hommes, qui n'avaient jamais mangé de chocolat, appelaient insi un mélange de lait chaud sucré et de jaune d'oeuf) ; Taruma (un palmier) ; Galão (grand coq) ; Lavrado (ocre rouge) ; Ramalhete (bouquet) ; Rochedo (rougeâtre) ; Lambari (un poisson) ; Açanhaço (un oiseau bleu) ; Carbonate (diamant impur) ; Galalá (?) ; Mourinho (métis) ; Mansinho (petit-doux) ; Correto (correct) ; Duque (duc) ; Motor (moteur, parce que, expliquait son conducteur, « il marche très bien ») ; Paulista, Navegante (navigateur) ; Moreno (brun) ; Figurino (modèle) ; Brioso (vif) ; Barroso (terreux) ; Pai de Mel (abeille) ; Araça (un fruit sauvage) ; Bonito (joli) ; Brin-quedo (joujou) ; Pretinho (noiraud). Aussitôt que les bouviers le jugent nécessaire, toute la troupe s'arrête. On décharge les bêtes une par une, on dresse le campement. Si le pays est sûr, on laisse les boeufs se disperser dans la campagne ; au cas contraire, il faut les pastorear, c'est-à-dire les mener paître tout en continuant à les surveiller. Chaque matin quelques hommes parcourent le pays à plusieurs kilomètres à la ronde, jusqu'à ce que la position de chaque animal ait été repérée. Cela s'appelle campear. Les vaqueiros prêtent à leurs bêtes des intentions perverses : elles se sauvent souvent par malice, se cachent, restent introuvables pendant des jours. N'ai-je pas été immobilisé pendant une semaine parce qu'un de nos mulets, m'affirmait-on, était parti dans le campo en marchant d'abord de côté, puis à reculons, de telle façon que ses rastos, ses traces, soient indéchiffrables à ses poursuivants ? Quand les animaux ont été rassemblés, on doit inspecter leurs plaies, les couvrir d'onguents ; modifier les bâts pour que la charge ne porte pas sur les parties blessées. Il faut enfin harnacher et charger les bêtes. Alors débute un nouveau drame : quatre ou cinq jours de repos suffisent pour que les boeufs se déshabituent du service ; à peine sentent-ils le bât que certains ruent et se cabrent, envoyant promener la charge laborieusement équilibrée ; tout est à recommencer. ncore s'estime-t-on heureux quand un boeuf, s'étant libéré, ne part pas au trot à travers la campagne. Car il faudra alors amper à nouveau, décharger, pastorear, campear, etc., avant que toute la troupe ait été rassemblée en vue d'un hargement parfois cinq ou six fois répété jusqu'à ce que - pourquoi ? -- une docilité unanime ait été obtenue. Moins patient encore que les boeufs, j'ai pris des semaines pour me résigner à cette marche capricieuse. Laissant la troupe derrière nous, nous arrivions à Rosario Oeste, bourgade d'un millier d'habitants, pour la plupart noirs, nains et goitreux, logés dans des casebres, bicoques de torchis d'un rouge fulgurant sous les toits en palmes claires, bordant des avenues droites où pousse une herbe folle. Je me rappelle le jardinet de mon hôte : on eût dit une pièce d'habitation tant il était méticuleusement arrangé. La terre avait été battue et balayée et les plantes étaient disposées avec le même soin que les meubles dans un salon : deux orangers, un citronnier, un plant de piment, dix pieds de manioc, deux ou trois chiabos (nos gombos, un hibiscus comestible), autant de pieds de soie végétale, deux rosiers, un bosquet de bananiers et un autre de canne à sucre. Il y avait enfin une perruche dans une cage et trois poulets attachés par la patte à un arbre. À Rosario Oeste, la cuisine d'apparat est « mi-partie » ; on nous servit la moitié d'un poulet rôtie, l'autre froide à la sauce piquante ; la moitié d'un poisson frite et l'autre bouillie. Pour terminer, la cachaça, alcool de canne, qui s'accepte avec la formule rituelle : cemitério, cadeia, cachaça não é feito para uma só pessoa, c'est-à-dire « le cimetière, la prison et l'eau-de-vie [les trois C], ça n'est pas fait pour la même personne ». Rosario est déjà en pleine brousse ; la population se compose d'anciens chercheurs de caoutchouc, d'or et de diamants, qui pouvaient me donner des indications utiles sur mon itinéraire. Dans l'espoir de pêcher çà et là quelques informations, j'écoutai donc mes visiteurs évoquant leurs aventures, où la légende et l'expérience se mêlaient inextricablement Qu'il existât dans le Nord des gatos valentes, chats vaillants, issus du croisement de chats domestiques et de jaguars, e n'arrivai pas à m'en persuader. Mais de cette autre histoire que me conte un interlocuteur, il y a peut-être quelque hose à retenir, même si ce n'est rien, en fin de compte, que le style, l'esprit du sertão : À Barra dos Bugres, bourgade du Mato Grosso occidental, sur le haut Paraguay, vivait un curandeiro, rebouteux qui uérissait les morsures de serpent ; il commençait par piquer l'avant-bras du malade avec des dents de sucuri, boa. Ensuite il traçait sur le sol une croix avec de la poudre à fusil, qu'il enflammait pour que le malade étendît le bras dans la fumée. Il prenait enfin du coton calciné d'un artificio (briquet à pierre dont l'amadou est fait de charpie tassée dans un réceptacle en corne), l'imbibait de cachaça que buvait le malade. C'était fini. Un jour, le chef d'une turma de poaieros (troupe de cueilleurs d'ipecacuanha, plante médicinale), assistant à cette cure, demande au rebouteux d'attendre jusqu'au dimanche suivant l'arrivée de ses hommes qui, certainement, voudront ous se faire vacciner (à cinq milreis chacun, soit cinq francs de 1938). Le rebouteux accepte. Le samedi matin, on entend n chien hurler en dehors du barracão (cabane collective). Le chef de turma envoie un camarada en reconnaissance : 'est un cascavel, serpent à sonnettes, en colère. Il ordonne au rebouteux de capturer le reptile ; l'autre refuse. Le chef se fâche, déclare qu'à défaut de capture il n'y aura pas de vaccination. Le rebouteux s'exécute, tend la main vers le erpent, est piqué, et meurt. Celui qui me raconte cette histoire explique qu'il avait été vacciné par le curandeiro et s'était fait mordre ensuite par un serpent pour contrôler l'efficacité du traitement, avec un plein succès. Il est vrai, ajoute-t-il, que le serpent choisi n'était pas venimeux. Je transcris ce récit, parce qu'il illustre bien ce mélange de malice et de naïveté - à propos d'incidents tragiques traités comme de menus événements de la vie quotidienne - qui caractérise la pensée populaire de l'intérieur du Brésil. Il ne faut pas se méprendre sur la conclusion, absurde seulement en apparence. Le narrateur raisonne comme je devais l'entendre plus tard du chef de la secte néo-musulmane des Ahmadi, au cours d'un dîner auquel il m'avait convié à Lahore. Les Ahmadi s'écartent de l'orthodoxie, notamment par l'affirmation que tous ceux qui se sont proclamés messies au cours de l'histoire (au nombre desquels ils comptent Socrate et le Bouddha) le furent effectivement : sinon Dieu aurait châtié leur impudence. De même, pensait sans doute mon interlocuteur de Rosario, les puissances surnaturelles provoquées par le rebouteux, si sa magie n'avait été réelle, auraient tenu à le démentir en rendant venimeux un serpent qui ne l'était pas habituellement. Puisque la cure était considérée comme magique, sur un plan également magique il l'avait tout de même contrôlée de façon expérimentale. On m'avait garanti que la piste conduisant à Utiarity ne nous ménagerait pas de surprise : rien de comparable, en tout cas, aux aventures rencontrées deux ans auparavant sur la piste du São Lourenço. Pourtant, en parvenant au sommet de la Serra do Tombador au lieu dit Caixa Furada, caisse percée, un pignon de l'arbre de transmission se rompit. Nous nous trouvions à trente kilomètres environ de Diamantino ; nos chauffeurs s'y rendirent à pied pour télégraphier à Cuiaba, d'où l'on commanderait à Rio d'envoyer la pièce par avion ; un camion nous l'apporterait quand on l'aurait reçue. Si tout allait bien, l'opération prendrait huit jours ; les boeufs auraient le temps de nous dépasser. Nous voici donc campant en haut du Tombador ; cet éperon rocheux termine la chapada au-dessus du bassin du Paraguay qu'il domine de trois cents mètres ; de l'autre côté, les ruisseaux alimentent déjà les affluents de l'Amazone. Que faire dans cette savane épineuse, après avoir trouvé les quelques arbres entre lesquels pendre nos hamacs et nos moustiquaires, sinon dormir, rêver et chasser ? La saison sèche avait commencé depuis un mois ; nous étions en juin ; à part quelques faibles précipitations en août, les chuvas de caju (qui firent défaut cette année-là) il ne tomberait pas une goutte avant septembre. La savane avait déjà pris son visage d'hiver : plantes fanées et desséchées, parfois consumées ar les feux de brousse et laissant paraître le sable en larges plaques sous les brindilles calcinées. C'est l'époque où le rare gibier qui vague à travers le plateau se concentre dans les impénétrables bosquets arrondis, les capões dont le dôme marque l'emplacement des sources et où il trouve de petits pâturages encore verts. Pendant la saison des pluies, d'octobre à mars, où les précipitations sont presque quotidiennes, la température s'élève : 42°à 44°pendant la journée, plus frais la nuit avec même une chute soudaine et brève à l'aube. Au contraire, les fortes variations de température caractérisent la saison sèche. Il n'est pas rare, à ce moment, de passer d'un maximum diurne de 40° à un minimum nocturne de 8° à 10°. En buvant le maté autour de notre feu de camp, nous écoutons les deux frères attachés à notre service et les chauffeurs évoquer les aventures du sertão. Ils expliquent comment il se fait que le grand fourmilier, tamandua, soit inoffensif dans le campo où il ne peut, dressé, maintenir son équilibre. Dans la forêt, il prend appui contre un arbre avec a queue, et étouffe avec ses pattes avant quiconque s'approche de lui. Le fourmilier ne craint pas non plus les attaques e nuit, « car il dort en repliant sa tête le long du corps, et le jaguar lui-même n'arrive pas à savoir où est sa tête ». À la aison des pluies, il faut toujours prêter l'oreille aux porcs sauvages qui circulent par bandes de cinquante et plus et dont e crissement des mâchoires s'entend à plusieurs kilomètres (d'où le nom qu'on donne aussi à ces animaux : queixada, de queixo, « menton »). À ce son, le chasseur n'a plus qu'à s'enfuir car si une bête est tuée ou blessée, toutes les autres attaquent. Il lui faut monter sur un arbre ou sur un cupim, termitière. Un homme raconte que, voyageant une nuit avec son frère, il entendit des appels. Il hésite à porter secours par rainte des Indiens. Tous deux attendent donc le jour pendant que les cris continuent. À l'aube, ils trouvent un chasseur erché depuis la veille sur un arbre, son fusil à terre, cerné par les porcs. Ce sort est moins tragique que celui d'un autre chasseur, qui entendit au loin a queixada et se réfugia sur un cupim. Les porcs le cernèrent. Il tira jusqu'à épuisement de ses munitions, puis se défendit au sabre d'abatis, le facão. Le lendemain on partit à sa recherche, et on le repéra vite d'après les urubus (charognards) qui volaient au-dessus. Il n'y avait plus, par terre, que son crâne et les porcs étripés. On passe aux histoires cocasses : celle du seringueiro, chercheur de caoutchouc, qui rencontra un jaguar affamé ; ils tournèrent l'un derrière l'autre autour d'un massif de forêt jusqu'à ce que, par une fausse manoeuvre de l'homme, ils se rouvent brusquement nez à nez. Aucun des deux n'ose faire un mouvement, l'homme ne se risque même pas à crier :  Et ce n'est qu'au bout d'une demi-heure que, pris d'une crampe, il fait un mouvement involontaire, heurte la crosse de son fusil et s'aperçoit qu'il est armé. » Le lieu était malheureusement infesté des insectes habituels : guêpes maribondo, moustiques, piums et borrachudos qui sont d'infimes moucherons suceurs de sang, volant en nuées ; il y avait aussi les pais-de-mel, pères de miel, c'est-à-dire les abeilles. Les espèces sud-américaines ne sont pas venimeuses, mais elles persécutent d'une autre façon ; avides de sueur, elles se disputent les emplacements les plus favorables, commissures des lèvres, yeux et narines où, comme enivrées par les sécrétions de leur victime, elles se laissent détruire sur place plutôt que de s'envoler, leurs corps écrasés à même la peau attirant sans cesse des consommateurs nouveaux. D'où leur surnom de lambe-olhos, lèche-yeux. C'est le vrai supplice de la brousse tropicale, pire que l'infection due aux moustiques et aux moucherons, à quoi l'organisme parvient en quelques semaines à s'accoutumer. Mais qui dit abeille dit miel, à la récolte duquel il est loisible de se livrer sans danger, en éventrant les abris des espèces terrestres ou en découvrant dans un arbre creux des rayons aux cellules sphériques, grosses comme des oeufs. Toutes les espèces produisent des miels de saveurs différentes - j'en ai recensé treize - mais toujours si fortes qu'à l'exemple des Nambikwara, nous apprîmes vite à les délayer dans l'eau. Ces parfums profonds s'analysent en plusieurs temps, à la façon des vins de Bourgogne, et leur étrangeté déconcerte. J'ai retrouvé leur équivalent dans un condiment e l'Asie du Sud-Est, extrait des glandes du cafard et valant son pesant d'or. Une trace suffit à embaumer un plat. Très oisine aussi est l'odeur exhalée par un coléoptère français de couleur sombre appelé procruste chagriné. Enfin, le camion de secours arrive avec la pièce neuve et un mécanicien pour la poser. Nous repartons, traversons iamantino à demi ruinée dans sa vallée ouverte en direction du Rio Paraguay, remontons sur le plateau - cette fois sans ncident - frôlons le Rio Arinos qui envoie ses eaux au Tapajoz puis à l'Amazone, obliquons à l'ouest, vers les vallées ccidentées du Sacre et du Papagaio qui sont aussi des formateurs du Tapajoz où ils se précipitent par des chutes de oixante mètres. À Paressi, nous nous arrêtons pour inspecter les armes abandonnées par les Beiços de Pau qu'on signale à nouveau dans les environs. Un peu plus loin, nous passons une nuit blanche dans un terrain marécageux, nquiets des feux de camp indigènes dont nous apercevons, à quelques kilomètres, les fumées verticales dans le ciel impide de la saison sèche. Un jour encore pour voir les chutes et recueillir quelques informations, dans un village d'indiens Paressi. Et voici le Rio Papagaio, large d'une centaine de mètres, roulant à fleur de terre des eaux si claires que

« que lacharge neporte passurlesparties blessées.

Ilfaut enfin harnacher etcharger lesbêtes.

Alorsdébute unnouveau drame : quatreoucinq jours derepos suffisent pourquelesbœufs sedéshabituent duservice ; àpeine sentent-ils lebât que certains ruentetse cabrent, envoyant promener lacharge laborieusement équilibrée ;toutestàrecommencer. Encore s’estime-t-on heureuxquandunbœuf, s’étant libéré,nepart pasautrot àtravers lacampagne.

Carilfaudra alors camper ànouveau, décharger, pastorear, campear, etc., avant quetoute latroupe aitété rassemblée envue d’un chargement parfoiscinqousix fois répété jusqu’à ceque –pourquoi ? — unedocilité unanime aitété obtenue. Moins patient encorequelesbœufs, j’aipris dessemaines pourmerésigner àcette marche capricieuse.

Laissantla troupe derrière nous,nousarrivions àRosario Oeste,bourgade d’unmillier d’habitants, pourlaplupart noirs,nainset goitreux, logésdansdes casebres, bicoques detorchis d’unrouge fulgurant souslestoits enpalmes claires,bordant des avenues droitesoùpousse uneherbe folle. Je me rappelle lejardinet demon hôte : oneût ditune pièce d’habitation tantilétait méticuleusement arrangé.La terre avaitétébattue etbalayée etles plantes étaientdisposées aveclemême soinquelesmeubles dansunsalon : deux orangers, uncitronnier, unplant depiment, dixpieds demanioc, deuxoutrois chiabos (nos gombos, unhibiscus comestible), autantdepieds desoie végétale, deuxrosiers, unbosquet debananiers etun autre decanne àsucre.

Ily avait enfin uneperruche dansunecage ettrois poulets attachés parlapatte àun arbre. À Rosario Oeste,lacuisine d’apparat est« mi-partie » ; onnous servit lamoitié d’unpoulet rôtie,l’autre froideàla sauce piquante ; lamoitié d’unpoisson friteetl’autre bouillie.

Pourterminer, la cachaça, alcool decanne, quis’accepte avec laformule rituelle : cemitério, cadeia,cachaça nãoéfeito para umasópessoa, c’est-à-dire « lecimetière, laprison et l’eau-de-vie [lestrois C],çan’est pasfaitpour lamême personne ».

Rosarioestdéjà enpleine brousse ; lapopulation se compose d’anciens chercheurs decaoutchouc, d’oretde diamants, quipouvaient medonner desindications utilessur mon itinéraire.

Dansl’espoir depêcher çàetlàquelques informations, j’écoutaidoncmesvisiteurs évoquant leurs aventures, oùlalégende etl’expérience semêlaient inextricablement Qu’il existât dansleNord des gatos valentes, chats vaillants, issusducroisement dechats domestiques etde jaguars, je n’arrivai pasàm’en persuader.

Maisdecette autre histoire quemeconte uninterlocuteur, ilya peut-être quelque chose àretenir, mêmesice n’est rien,enfin decompte, quelestyle, l’esprit du sertão : À Barra dosBugres, bourgade duMato Grosso occidental, surlehaut Paraguay, vivaitun curandeiro, rebouteux qui guérissait lesmorsures deserpent ; ilcommençait parpiquer l’avant-bras dumalade avecdesdents de sucuri, boa. Ensuite iltraçait surlesol une croix avecdelapoudre àfusil, qu’ilenflammait pourquelemalade étendîtlebras dans la fumée.

Ilprenait enfinducoton calciné d’un artificio (briquet àpierre dontl’amadou estfait decharpie tasséedansun réceptacle encorne), l’imbibait de cachaça que buvait lemalade.

C’étaitfini. Un jour, lechef d’une turma depoaieros (troupe decueilleurs d’ipecacuanha, plantemédicinale), assistantàcette cure, demande aurebouteux d’attendre jusqu’audimanche suivantl’arrivée deses hommes qui,certainement, voudront tous sefaire vacciner (àcinq milreis chacun, soitcinq francs de1938).

Lerebouteux accepte.Lesamedi matin,onentend un chien hurler endehors du barracão (cabane collective).

Lechef de turma envoie un camarada en reconnaissance : c’est un cascavel, serpent àsonnettes, encolère.

Ilordonne aurebouteux decapturer lereptile ; l’autrerefuse.

Lechef se fâche, déclare qu’àdéfaut decapture iln’y aura pasdevaccination.

Lerebouteux s’exécute,tendlamain versle serpent, estpiqué, etmeurt. Celui quime raconte cettehistoire explique qu’ilavait étévacciné parle curandeiro et s’était faitmordre ensuitepar un serpent pourcontrôler l’efficacité dutraitement, avecunplein succès.

Ilest vrai, ajoute-t-il, queleserpent choisi n’était pasvenimeux. Je transcris cerécit, parce qu’ilillustre biencemélange demalice etde naïveté –àpropos d’incidents tragiquestraités comme demenus événements delavie quotidienne –qui caractérise lapensée populaire del’intérieur duBrésil.

Ilne faut passeméprendre surlaconclusion, absurdeseulement enapparence.

Lenarrateur raisonnecommejedevais l’entendre plustard duchef delasecte néo-musulmane desAhmadi, aucours d’undner auquel ilm’avait conviéà Lahore.

LesAhmadi s’écartent del’orthodoxie, notammentparl’affirmation quetous ceux quisesont proclamés messies au cours del’histoire (aunombre desquels ilscomptent SocrateetleBouddha) lefurent effectivement : sinonDieuaurait châtié leurimpudence.

Demême, pensait sansdoute moninterlocuteur deRosario, lespuissances surnaturelles provoquées parlerebouteux, sisa magie n’avait étéréelle, auraient tenuàle démentir enrendant venimeux unserpent qui nel’était pashabituellement.

Puisquelacure était considérée commemagique, surunplan également magiqueil l’avait toutdemême contrôlée defaçon expérimentale. On m’avait garantiquelapiste conduisant àUtiarity nenous ménagerait pasdesurprise : riendecomparable, entout cas, auxaventures rencontrées deuxansauparavant surlapiste duSão Lourenço.

Pourtant,enparvenant ausommet de la Serra doTombador aulieu ditCaixa Furada, caissepercée, unpignon del’arbre detransmission serompit.

Nousnous trouvions àtrente kilomètres environdeDiamantino ; noschauffeurs s’yrendirent àpied pour télégraphier àCuiaba, d’où l’on commanderait àRio d’envoyer lapièce paravion ; uncamion nousl’apporterait quandonl’aurait reçue.Sitout allait bien, l’opération prendraithuitjours ; lesbœufs auraient letemps denous dépasser. Nous voicidonc campant enhaut duTombador ; cetéperon rocheux terminela chapada au-dessus dubassin du. »

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