Fig. 86 Tableau chronologique de la XVIIIe dynastie. 47-49), le calcul astronomique donne 1537, soit, pour le début du règne, 1546 (CAH I3,1, ch. VI et II3, 308), à condition que l'observation ait eu lieu à Memphis. Si elle a eu lieu à Thèbes, dont on peut supposer qu'elle était la capitale donc le lieu de référence, il faut tout décaler de vingt ans, ce qui donne 1517 pour le phénomène astronomique et 1526 pour le couronnement d'Amenhotep Ier (LÄ I 969). menhotep monte donc sur le trône probablement à l'été ou à l'automne 1526, avec un programme tourné vers les pays étrangers: il est l'Horus Ka-ouâf-taou, « Taureau qui subjugue les pays », et prend pour nom de nebty, aâ-nerou, « Qui inspire un grand effroi ». Plus tard Ramsès II se souviendra de ces deux noms, qu'il associera dans un nom d'Horus (Grimal : 1986, 694). Ses vingt et une années de gouvernement sont pourtant pacifiques, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. La Nubie est calme: Ahmès fils d'Abana relate une Fig. 87 Carte de l'Égypte et du Proche-Orient au début du Nouvel Empire. campagne menée contre les Iountyou, qui n'est probablement guère plus qu'un raid. Un autre guerrier de l'époque, Ahmès Pennekhbet -- concitoyen d'Ahmès fils d'Abana, qui finit précepteur de la fille d'Hatchepsout t laissa lui aussi une biographie dans sa tombe d'Elkab -- mentionne une campagne contre Kouch: peut-être est-ce la même? C'est Amenhotep Ier qui nomme Touri vice-roi et fait construire à Saï un temple qui marque la limite méridionale du pouvoir égyptien. En Asie non plus, il n'y a pas trace de guerre, même si le Mitanni est mentionné parmi les adversaires de l'Egypte. Il est encore trop tôt en effet pour un affrontement entre les deux puissances. Cela n'empêche pas le Mitanni de commencer à remettre en cause la domination égyptienne à proximité de l'Euphrate. Plus près de la Vallée, les oasis sont entièrement reconquises, comme l'atteste l'existence d'un « prince-gouverneur (haty-a) des oasis » (Stèle Louvre C 47), et les installations de Sérabit elKhadim ont été restaurées. L'essor du pays se poursuit, tant sur le plan économique qu'artistique. Malheureusement, il est difficile de juger de la production plastique des ateliers : peu de statues du roi sont datables de son vivant. Liées à son culte posthume, elles sont l'oeuvre de ses successeurs. On peut toutefois se faire une idée de la qualité de ses réalisations à travers ceux de ses monuments qui ont survécu aux remaniements postérieurs. À Karnak, Amenhotep III a réutilisé ses constructions pour le bourrage intérieur du IIIe pylône: un reposoir de barque en albâtre d'une grande finesse, sur lequel il est associé à Thoutmosis Ier, une copie en calcaire de la chapelle blanche de Sésostris Ier, divers fragments provenant de chambres reconstruites plus tard par Thoutmosis III. Il n'a pas eu plus de chances à Deir el-Bahari où le sanctuaire en briques crues qu'il avait élevé à Hathor a été supprimé par Hatchepsout. Quelques traces de ses constructions subsistent en Haute-Égypte : à Éléphantine, Kôm Ombo, dans le temple de Nekhbet d'Elkab et à Abydos. En revanche, il semble n'avoir rien entrepris en Basse-Égypte, poursuivant ainsi la politique de son père. 'est un de ses sujets, un nommé Amenemhat, qui invente la clepsydre (Helck: 1975, 111-112), dont le premier modèle connu date d'Amenhotep III (Caire JE 37525). Le Papyrus Ebers, l'une de nos principales sources de connaissance de la médecine égyptienne, qui provient de Louxor et est aujourd'hui conservé à Leipzig, a été édigé sous son règne. C'est aussi à son époque qu'est probablement achevée la version définitive du principal ivre funéraire royal, le Livre de l'Amdouat, que l'on trouve pour la première fois représenté dans la chambre unéraire de Thoutmosis Ier, et dont on a aujourd'hui tendance à faire remonter l'origine beaucoup plus haut ans le temps : au Moyen, voire à l'Ancien Empire. Le Livre de l'Amdouat est une désignation générique de l'ensemble des livres funéraires royaux. Il est destiné à prendre dans une certaine mesure la suite des grandes compositions antérieures : son but est autant de décrire, comme son nom l'indique, « ce qui est dans le monde infernal », que de fournir au mort les clefs rituelles qui lui permettront d'y accéder. Il se présente donc comme une composition descriptive, divisée en douze heures, au centre de laquelle se trouve la course nocturne du soleil. Très en vogue jusqu'à l'époque amarnienne, il sera repris, après une courte éclipse, de Séthi Ier à la fin de la XXe dynastie. Ensuite, et jusqu'à la conquête d'Alexandre, il sera adopté par les particuliers. On ne sait pas où Amenhotep Ier a été enterré. Est-ce à Dra Abou'l-Naga? Il serait le dernier de la lignée à l'avoir fait, puisque son successeur Thoutmosis Ier inaugure la nécropole de la Vallée des Rois. La tombe 'Amenhotep Ier est la première que nomme le rapport d'inspection de l'an 16 de Ramsès IX copié sur le apyrus Abbott, mais le point de repère par rapport auquel il la situe ne permet pas d'évaluer exactement sa osition (PM 1599). La seule chose sûre est qu'il apporte une modification radicale à la structure du complexe unéraire en séparant la sépulture du temple funéraire. Il sera suivi en cela par tous ses successeurs, qui onstruiront chacun sur la rive occidentale de Thèbes leur « Demeure des Millions d'Années ». Hatchepsout Ier menhotep ayant perdu son fils Amenemhat, c'est le descendant d'une branche collatérale qui lui succède : er qui confirme sa légitimité en épousant Ahmès, la soeur d'Amenhotep Ier. De ce mariage naît une Thoutmosis I ille, Hatchepsout et un garçon, Aménémès. Ce dernier ne régnera pas. Sa soeur, en revanche, épousera son demi-frère, que son père a eu d'une concubine, Moutnefret. Ce demi-frère montera sur le trône sous le nom de Thoutmosis II. À nouveau, le mariage de Thoutmosis II et d'Hatchepsout ne donnera pas d'héritier mâle, mais ne fille unique Néférourê que sa mère mariera probablement à son beau-fils, Thoutmosis III, né, lui, d'une oncubine nommée Isis. Fig. 88 La famille royale à la XVIIIe dynastie : généalogie sommaire des générations 4-9. Voilà, en quelques grands traits, les difficultés successorales des descendants d'Ahmosis. Le principe du mariage avec une demi-soeur fonctionne deux fois, à la satisfaction générale. Mais Thoutmosis II meurt, probablement de maladie, en 1479, après seulement quatorze ans de règne. Il laisse un fils, le futur Thoutmosis III, trop jeune pour assumer le pouvoir. Son épouse, la belle-mère du jeune Thoutmosis, exerce donc une régence, qu'un fonctionnaire qui fut intendant des greniers d'Amon, d'Amenhotep Ier à Thoutmosis III, Inéni, écrit ainsi dans le récit de sa vie qu'il fit graver sur une stèle placée sous le portique de sa tombe rupestre de Cheikh Abd el-Gourna (TT 81) : « [Le roi] monta au ciel et s'unit aux dieux. Son fils prit sa place comme roi des Deux Terres et il fut le souverain sur le siège de celui qui l'avait engendré. Sa soeur, l'épouse divine Hatchepsout, s'occupait des affaires du pays : les Deux Terres étaient sous son gouvernement et on lui payait l'impôt. » (Urk. IV 59,1360,3). En l'an 2 ou 3, Hatchepsout abandonne cette forme de pouvoir et se fait couronner roi, avec une titulature complète : elle est Maâtkarê, « Maât est le ka de Rê », Khenemet-Imen-hatchepesout, « Celle qu'embrasse Amon, la première des femmes ». Officiellement, Thoutmosis III n'est plus que son corégent. Pour justifier cette usurpation, elle met en quelque sorte Thoutmosis II entre parenthèses en s'inventant une corégence avec son père qu'elle intègre dans un ensemble de textes et de représentations dont elle décore le temple funéraire qu'elle se fait construire dans le cirque de Deir el-Bahari, non loin de celui de Montouhotep II. Ce « texte de la jeunesse d'Hatchepsout », dont Thoutmosis III reprendra le principe à Karnak, est un récit à la fois mythologique et politique. Dans la première scène, Amon annonce à l'Ennéade son intention de doter l'Egypte d'un nouveau roi. Thot lui recommande l'épouse de Thoutmosis Ier, Ahmès. Amon la visite et lui annonce qu'elle mettra au monde une fille de lui qu'elle appellera « Celle qu'embrasse Amon, la première des femmes ». Chnoum, le dieu potier, façonne alors à sa demande l'enfant et son double sur son tour. Ahmès met sa fille au monde et la présente à Amon. Celui-ci veille à l'éducation de l'enfant avec l'aide de Thot et de sa nourrice divine Hathor. Ensuite viennent les scènes de couronnement. Après qu'elle a été purifiée, Amon la présente aux dieux de l'Ennéade. En leur compagnie, elle se rend dans le Nord. Puis elle est intronisée par Atoum et reçoit les couronnes et sa titulature. Proclamée roi par les dieux, elle doit encore l'être par les hommes. Son père humain, Thoutmosis Ier, l'introduit devant la Cour, la désigne et la fait acclamer. Une fois sa titulature proclamée, elle subit une nouvelle purification. (Urk. IV 216,1-265-5) Elle associe son père à son propre culte funéraire en lui consacrant une chapelle dans son temple de Deir elBahari. On a retrouvé dans sa tombe (VdR 20) un sarcophage de Thoutmosis Ier, qui en possédait déjà un dans la sienne (VdR 38). On ne peut malheureusement pas dire si Hatchepsout poussa le souci de légitimation jusqu'à réensevelir son prédécesseur dans sa propre tombe, car la momie de Thoutmosis Ier fut retrouvée dans la cachette de Deir el-Bahari, réinstallée dans un troisième sarcophage (CGC 61025),... usurpé par Pinedjem quatre siècles plus tard. Elle règne ainsi jusqu'en 1458, c'est-à-dire en l'an 22 de Thoutmosis III, qui récupère alors son trône. Apparemment, elle a eu à affronter de son vivant une opposition moins grande que la rage que mettra son beau-fils à effacer son souvenir après sa mort ne le laisserait croire. Elle s'appuie pour gouverner sur un certain nombre de personnalités marquantes. Au premier rang se trouve Senmout. Issu d'une famille modeste d'Ermant, il fait sous son règne l'une des plus belles carrières qu'ait connues l'Égypte ancienne. Il est « porteparole » de la reine en même temps que majordome de la famille royale et d'Amon, dont l'ensemble des constructions est sous sa responsabilité. C'est à ce titre qu'il supervise le transport et l'érection des obélisques que la reine installe dans le temple d'Amon-Rê de Karnak et la réalisation du temple funéraire de Deir el-Bahari, face auquel il se fait creuser une seconde tombe (TT 353), en plus de celle qu'il possédait déjà à Cheikh Abd elGourna (TT 71). Les mauvaises langues suggéraient déjà à son époque qu'il devait sa faveur aux relations intimes qu'il entretenait avec la reine. En réalité, il semble que son audience venait du rôle qu'il jouait dans l'éducation de la fille unique d'Hatchepsout, Néférourê, auprès de laquelle l'un de ses frères, Sénimen, remplissait les fonctions de nourrice et de majordome. De nombreuses statues associent la princesse et Senmout, qui était un homme de culture. Ses réalisations en tant qu'architecte le montrent, mais aussi la présence dans sa tombe de Deir el-Bahari d'un plafond astronomique, et dans celle de Gourna d'environ 150 ostraca, parmi lesquels figurent bon nombre de dessins, notamment deux plans de la même tombe, des listes, calculs et mémoires divers et des copies de textes religieux, funéraires et littéraires : Satire des Métiers, Conte de Sinouhé, Enseignement d'Amenemhat Ier, etc. (Hayes : 1942). Senmout est omniprésent pendant les trois quarts du règne, puis tombe en disgrâce, sans que l'on en sache exactement la cause. On a supposé qu'après la mort de Néférourê, peut-être survenue en l'an 11, il entreprit un rapprochement avec Thoutmosis III qui lui valut d'être abandonné par Hatchepsout en l'an 19, soit trois ans avant la disparition de la reine. À Deir el-Bahari, Senmout reprend l'idée générale du temple funéraire de Montouhotep II ( Fig. 75 ) et oriente l'édifice d'Hatchepsout en fonction de son mur d'enceinte nord. La grande originalité de ce complexe est sa disposition en terrasses successives qui ménagent une série de ruptures de plans en harmonie avec le cirque naturel de la falaise. On accédait à la terrasse inférieure par un pylône flanqué probablement d'arbres ; une rampe axiale bordée de deux portiques conduit à la deuxième terrasse, surélevée par rapport à la première de la hauteur des portiques, eux-mêmes flanqués, au sud et au nord, de deux colosses osiriaques. La décoration du portique sud montre le transport et l'érection des obélisques de Karnak, celle de celui du nord des scènes de chasse et de pêche. La deuxième terrasse est aménagée selon le même principe : le portique nord contient le récit de l'expédition de Pount, l'autre les scènes de la théogamie et joue donc le rôle d'un temple de la naissance, un mammisi. La partie nord de la deuxième terrasse donne accès à un sanctuaire d'Anubis, dont la chapelle est taillée dans la falaise. La partie sud est limitée par un mur de soutènement à redans. Entre lui et le mur d'enceinte, un couloir, accessible depuis la terrasse inférieure, conduit à une chapelle consacrée à Hathor. On peut atteindre directement la seconde hypostyle de cette chapelle par le portique de la terrasse supérieure. Cette dernière est bordée par un péristyle. Au nord se trouve un temple solaire, qui comprend un autel dans une cour à ciel ouvert et une chapelle rupestre, dans laquelle Thoutmosis Ier rend le culte à Anubis. C'est dans la falaise qu'est creusé le sanctuaire principal, bordé de niches contenant des statues de la reine : une enfilade de trois chapelles, dont la première est le reposoir de la barque sacrée. Dans le parti de la reine se trouve encore le Grand Prêtre d'Amon, Hapouseneb, lui-même allié à la famille oyale par sa mère, la dame Ahhotep, et descendant d'une famille importante : son père, Hapou, n'était que rêtre-lecteur d'Amon, mais son grand-père, Imhotep, avait été le vizir de Thoutmosis Ier. Il exécute la onstruction du temple de Deir el-Bahari, puis se voit confier la charge de Grand Prêtre et installe son frère comme scribe du trésor d'Amon. Il faut également nommer le chancelier Néhésy, qui dirige l'expédition que la eine envoie, en l'an 9, vers le pays de Pount, renouant ainsi avec la tradition du Moyen Empire. Cette expédition, abondamment retracée sur les murs de son temple funéraire, a été le temps fort d'une politique extérieure qui s'est bornée à l'exploitation des mines du Ouadi Maghara dans le Sinaï et à une expédition militaire en Nubie, où la reine a remplacé le vice-roi Séni, encore en poste sous Thoutmosis II, par un dénommé Inebni. Elle est aussi assistée, entre autres, par le trésorier Djéhouty (TT 110), le chef majordome et vétéran Amenhotep (TT 73) qui mena à bien l'érection des deux obélisques de Karnak, et le vizir Ouseramon, en charge depuis l'an 5. Lorsque Thoutmosis III récupère son trône, vers 1458, il a encore trente-trois ans devant lui pour mener une politique qui fera de l'Égypte le maître incontesté de l'Asie Mineure et du Sud. Pendant le règne d'Hatchepsout, aucune action militaire n'était venue consolider les positions acquises par Thoutmosis Ier lors d'une expédition préventive dans le Retenou et le Naharina qui lui avait permis d'établir une stèle-frontière au bord de l'Euphrate. En Nubie, il avait étendu la domination égyptienne jusqu'à l'île d'Argo sur la Troisième Cataracte en y construisant la forteresse de Tombos. Il pouvait y écrire en l'an 2 que son empire s'étendait de la Troisième Cataracte à l'Euphrate (Urk. IV 85, 13-14). Thoutmosis II avait entretenu cette Fig. 89. L'Égypte et le monde antique à l'âge du Bronze Moyen