Dictionnaire en ligne: LUI2, ELLE3, EUX, ELLES3, pronom personnel. Pronom personnel non-prédicatif de la troisième personne, forme tonique (lui masculin singulier, elle féminin singulier, eux masculin pluriel, elles féminin pluriel) correspondant aux pronoms personnels il(s), elle(s), de forme atone (voir il1 ); peut assumer toutes les fonctions du substantif et s'employer avec toutes les prépositions et locutions prépositives, excepté les prépositions temporelles depuis, dès, durant, passé, pendant, aussitôt; représente le plus souvent des animés ou des inanimés personnifiés. I.— Emploi non réfléchi. A.— Emploi prépositionnel. [Lui, elle(s), eux représentent le plus souvent des personnes, parfois des animaux ou des choses, surtout personnifiées ou déterminées; en fonction de complément d'objet indirect, de complément circonstanciel, de complément déterminatif ou de complément d'adjectif] 1. À lui, à elle, à elles, à eux. a) [Complément d'objet indirect de verbes conjugués à un mode personnel construits avec la préposition à] — [exprimant le mouvement (avec des verbes comme aller, arriver, courir, etc.)] Vers cette/ces personne(s). Allez à lui; il courut à elle. Car tout vient du Seigneur, et tout retourne à lui (ALFRED DE VIGNY, Poèmes antiques et modernes, 1837, page 207 ). Ils y vont, ils le touchent juste de la voix, sans s'approcher, et c'est mon Alphonse qui va à eux (JEAN GIONO, Le Grand troupeau, 1931, page 32 ). Remarque : Pour désigner des choses ou des lieux, y remplace à lui, à elle, etc. Il s'y est adonné (aux sciences); il y est parvenu (au sommet). — [exprimant une activité mentale (avec des verbes comme penser, rêver, songer à)] Ces fameux tilleuls la faisaient pleurer le dimanche, puis elle songeait à eux tout le reste de la semaine (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lamiel, 1842, page 54) : Ø 1. Simone montait l'avenue de Laon, pour gagner le bureau où elle était dactylo, juste à l'heure où je partais pour le lycée, je n'ai jamais osé lui parler. Je pensais à elle, je pensais à elle... ROGER VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, page 211. — [comme complément d'objet d'autres verbes transitifs indirect ou de certains verbes pronominaux construits avec la préposition à] Adressez-vous à elle; renoncez à lui; personne ne fait attention à lui; se fier à, s'attacher à, s'intéresser à lui, à elle, à elles, à eux. En approchant des fermes, ils apercevaient une ou deux personnes les attendant pour se joindre à eux (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Le Père Amable, 1886, page 222 ). Les non-anarchistes préféraient avoir affaire à lui plutôt qu'aux chefs de la F.A.I. (ANDRÉ MALRAUX. L'Espoir, 1937, page 450 ). Qu'est-ce qu'un dieu pour que je désire m'égaler à lui? (ALBERT CAMUS, Caligula, 1944, I, 2, page 27 ). Remarque : Renforcé par même ou seul. Agnès : Comme il est beau! Le Monsieur de Bellac : Dites-le à lui-même (JEAN GIRAUDOUX, Apollon, 1942, 2, page 30). — [comme complément d'objet second de verbes à double construction] Nous parlerons de vous ce soir avec le chancelier; ayez patience, c'est moi qui vous recommande à lui (ALFRED DE MUSSET, La Quenouille Barberine, 1840, I, 3, page 290) : Ø 2. — Quel est donc ce Valdo dont tu parles à tout propos? — Je vais te le présenter à l'instant, ou, plutôt, je vais te présenter à lui. GEORGES DUHAMEL, Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, page 18. b) [Pour indiquer l'identité ou l'appartenance, avec le présentatif c'est] · C'est + adjectif + à lui/à elle(s)/à eux. C'est gentil à lui (de + infinitif); c'est aimable à elle. Voir aimable exemple 66. [Avec ellipse de c'est] Que le poète ou le romancier se contente ici d'une confusion répugnante, libre à lui (JEAN PAULHAN. Les Fleurs de Tarbes, 1941, page 9 ). · C'est à lui que. C'est à lui qu'ils souhaitèrent heureux voyage, c'est à lui qu'ils dirent adieu (JEAN GIRAUDOUX, Simon le Pathétique, 1926, page 15 ). Mon coeur, si ma raison lui donne tort de battre, c'est à lui que je donne raison (ANDRÉ GIDE, Les Nouvelles nourritures, 1935, page 260 ). · C'est à lui/à elle(s)/à eux + à/de + infinitif Il lui/leur incombe de, il lui/leur appartient de. Voir ce1 II A 1 A EXEMPLE DE JULES VERNE ET ÊTRE EXEMPLE 105. [Avec ellipse du présentatif] À lui de jouer; à elle de s'arranger. Je suis décidé à accepter la place; à eux de juger si elle vaut mieux que ce que j'avais en vue (MAURICE DE GUÉRIN, Correspondance, 1834, page 160 ). Suis-je de marbre? À eux de me faire de chair! (JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, page 70 ). — [ou avec le verbe être, exprimé ou non] Et ils me donneront en échange le royaume des cieux, car il est à eux (ALFRED DE MUSSET, On ne badine pas avec l'amour, 1834, III, 7, page 74 ). À eux les expéditions maritimes, c'est bien ce qu'il leur faut (HENRI DE MONTHERLANT, Le Maître de Santiago, 1947, I, 6, page 620) : Ø 3. À l'esclave, à ceux dont le présent est misérable et qui n'ont point de consolation dans le ciel, on assure que le futur, au moins, est à eux. L'avenir est la seule sorte de propriété que les maîtres concèdent de bon gré aux esclaves. ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951, page 241. c) [Pour indiquer la possession, la parenté, l'appartenance, après un substantif] Qui lui/leur appartient en propre (confer sien). Une maison à lui; un ami, un oncle à elle; une allure bien à lui, bien à elle; il n'a pas un moment à lui. Une de leurs nièces (...), fille d'un cousin à eux, nommé Miel (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lamiel, 1842, page 39 ). Il avait une façon bien à lui de leur prendre la tête sous le bras ou de leur tirer les cheveux ou de leur donner de gracieux coups de pied au derrière (GEORGES DUHAMEL, Suzanne et les jeunes hommes, 1941, page 27 ). — En particulier. [Employé en corrélation avec un adjectif possessif de la 3e. personne, pour renforcer ou préciser l'idée de possession] En sa propre chambre, à lui, Augustin (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 379 ). Cette touche familière, quelque peu vulgaire qui mettait le jeune homme sur son plan à elle (GABRIELLE ROY, Bonheur d'occasion, 1945, page 11) : Ø 4.... c'est pour une raison que j'ignore, mais que je pressens, pour une raison qui lui ressemble, par servitude stoïque à quelque point d'honneur — son honneur, son honneur à lui, car il n'est qu'un honneur à son usage... GEORGES BERNANOS, Dialogues d'ombres, 1928, page 51. · [ou pour renforcer un pronom possessif de la 3e. personne] L'allusion à la mémoire impressionnante de M. Henri Desgrès l'inquiétait autant La sienne, à lui Augustin, n'était-elle pas exposée aux mêmes épithètes? (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 171 ). d) [Après un terme de même fonction, substantif ou pronom, coordonné, juxtaposé ou en proposition comparative] Ne dites rien ni à sa femme, ni à lui; je l'ai dit à son frère et à lui; adressez-vous à lui plutôt qu'à elle. C'est un brave militaire, c'est l'honneur du pays, et jamais on ne s'aviserait de manquer à lui et aux siens (EUGÈNE SCRIBE, FRANÇOIS VARNER, Le Mariage de raison, 1826, II, 8, page 402 ). e) [En apposition au complément d'objet indirect (leur repris par à eux/à elles; lui (ATONE) repris par à lui/à elle)] Quel bonheur avait-il goûté, quelle grandeur lui restait-il, à lui qui voulait tout mettre à ses pieds? (ÉLÉMIR BOURGES. Le Crépuscule des dieux. 1884, page 333 ). Tremblante à la pensée de ce qui aurait pu lui arriver à elle (MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922, page 1031 ). Oh! à eux, je le leur dirai, soyez sûr (JEAN ANOUILH, La Répétition ou l'Amour puni, 1950, II, page 44) : Ø 5. — Tu ne lui as pas demandé de reçu. — C'est vrai. Pas de pièces de caisse : ma société me fait confiance. — Sans doute. Et à lui? Tu lui fais confiance? GEORGES DUHAMEL, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, page 30. — [Coordonné à un substantif ou à un autre pronom] Il leur arrivait souvent à Lancelot et à lui, en causant, de juger M. Bourdoise (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 423 ). L'ébranlement et la fissure de ces murailles autour de lui qui lui barraient le salut, Je dis à lui et à cette multitude avec lui qu'il implique obscurément (PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin, 1929, 1re. journée, 1, page 654 ). Remarque : En antéposition, à lui/à eux peut se réduire à lui/eux (dans la langue parlée). Eux on ne leur dit rien (HENRI DE MONTHERLANT, Ville dont prince, 1951, I, 1, page 853). f) [Dans les tours à valeur d'apposition] — À lui (tout) seul, à elle (toute) seule, à eux (tout) seuls, à elles (toutes) seules. [Pour indiquer que des personnes ou des choses produisent d'elles-mêmes un effet quelconque sans qu'il soit nécessaire d'ajouter autre chose] · [En parlant d'animés] Sans se faire aider, sans l'aide, sans la coopération d'autrui. Il en avait consommé déjà (...) plus de trois mille boîtes à lui tout seul (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 225 ). · [En parlant de choses] Sans l'aide ou l'adjonction d'autre chose. Le service à la russe, où les hors-d'oeuvre sont à eux seuls tout un véritable repas (ABEL HERMANT. Monsieur de Courpière. 1907, II, 11, page 20 ). Je continue avec méthode mes efforts de réadaptation. Exercice de volonté qui, à lui seul, est déjà salutaire (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, page 914 ). — À eux deux, à eux trois, à eux tous. [Pour indiquer, par le nombre cardinal ou par tous, que ce que l'on dit n'est vrai que si l'on prend ce nombre en entier] Ils ont quarante ans à eux deux (CLAUDE FARRÈRE, L'Homme qui assassina, 1907, page 94 ). 2. De lui, d'elle, d'elles, d'eux. [Avec toutes les fonctions d'un complément introduit par la préposition de, complément d'adjectif (je suis content de lui, d'elle, d'elles, d'eux), de substantif (un portrait d'elle), de verbes et de locutions verbales construits avec de (complément d'objet indirect, complément circonstanciel, etc.)] Voyez-vous, mes filles, les bonnes gens nous jugent très différentes d'eux (GEORGES BERNANOS, Dialogues des carmélites, 1948, 3e. tableau, 6, page 1627 ). Je suis sans nouvelles d'eux depuis le 1er. juin (JEAN-PAUL SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, page 12 ). Remarque : Dans ces emplois, le pronom ne représente ni un animal (montez dessus et non montez sur lui) ni une chose (n'en approchez pas [de cet arbre] ). — En particulier. a) [Pour marquer l'appartenance ou la provenance, comme complément déterminatif ou à la place de l'adjectif possessif quand celui-ci n'est pas de mise] L'idée est de lui; cela vient d'elle. Et que nous obtenons, en quelque sorte, des paroles de lui que le souvenir n'aura même pas à déformer (ANDRÉ GIDE, Robert, 1930, page 1316 ). Il y a de lui [Euripide] une tragédie perdue, intitulée également Les Crétois, dont nous ne savons rien ou presque rien (HENRI DE MONTHERLANT, Pasiphaé, 1938, avant-propos, page 105 ). b) [Pour marquer le point de départ d'un mouvement] Si je n'avais pas Cécile, je m'en irais, oui, je m'en irais d'eux tous (GEORGES DUHAMEL, Vue de la Terre promise, 1934, page 169 ). c) [En alliance avec les indéfinis, d'eux, d'elles est à rattacher à l'emploi partitif de la préposition de1] Aucun d'eux, aucune d'elles, chacun d'entre eux; un d'eux, l'un d'eux, l'un d'entre eux, l'une d'entre elles, la plupart d'entre eux; quelqu'un d'eux, quelqu'un d'entre eux, nul d'eux, tel d'eux. À qui d'eux eût-on persuadé que je ne travaillais pas pour moi seul, pour mes avantages personnels? (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 463 ). Sa rêverie, d'abord éparse sur tous les praticiens qu'il avait connus, se rassembla et convergea sur l'un d'entr'eux (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À rebours, 1884, page 65 ). · Populaire. Quelques-uns d'eux autres. Depuis le commencement, y en a quelques-uns d'eux autres qui ont été tués par un malheureux hasard (HENRI BARBUSSE, Le Feu, 1916, page 138 ). d) [Dans le gallicisme exclamatif pauvre d'eux! pauvres d'elles!] Voir pauvre et moi. Remarque : 1. Pour en, substitut de de lui pour des personnes, voir en. 2. Lui tonique peut représenter un inanimé en l'absence d'un tour concurrent après une locution prépositive contenant déjà de. Je peux citer ce fait parce que mon séjour à Balbec me mit au courant de lui (MARCEL PROUST, Guermantes 1, 1920, page 268). 3. [Avec d'autres prépositions ou locutions prépositives] Par lui, avec lui, en lui; excepté lui; quant à elle; entre eux, entre lui et elle. a) [Très souvent avec un substantif représentant des personnes] Il était drôle et amusant, et, avec lui, il y avait toujours — comme disait l'Abbé — de l'imprévu (SIBYLLE-GABRIELLE-MARIE-ANTOINETTE DE RIQUETTI DE MIRABEAU, COMTESSE DE MARTEL DE JANVILLE, DITE GYP, Souvenirs d'une petite fille, 1927, page 72) : Ø 6. Vous savez comme j'aime les lettres en général et tout lettré en particulier. Je me sens vivre en eux; quand ils souffrent, je souffre avec eux; quand ils espèrent, j'espère avec eux; quand ils travaillent je suis avec eux. Il me semble que mon coeur a des fibres qui répondent au coeur de chacun d'eux. VICTOR HUGO, Correspondance, 1845, page 619. — Entre eux, entre elles. Mutuellement, réciproquement, l'un avec l'autre, les uns avec les autres. Quelques poètes et un jeune et grand peintre réellement unis entre eux et avec lui par des rapports intimes d'amitié et de voisinage (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Poésies complètes, 1829, page 65 ). Et les pleurs et les chants sont les voix éternelles De ces filles de Dieu qui s'appellent entre elles (ALFRED DE MUSSET, La Coupe et les lèvres, 1832, I, 1, page 272 ). b) Rare. [Avec un substantif représentant un animal ou une chose, surtout personnifiée] Le solitaire se ramasse (...). Deux balles coup sur coup l'abattent. Le limier se jette sur lui (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, page 11 ). Remarque : 1. " Après les prépositions, on emploie souvent cela, mais l'emploi de lui tend à se répandre. Lui se dit néanmoins des choses avec les prépositions avec, après, devant, derrière, au-dessus de, etc. " (Dictionnaire des difficultés de la langue française (ADOLPHE VOIR THOMAS) 1956). 2. L'omission du pronom personnel tonique est fréquente, notamment dans la langue familière, et lorsque le substantif désigne un animal ou une chose non personnifiés, après des prépositions comme après, avec, devant, derrière, dessous, dessus, qui ont alors un emploi adverbial : contre peut devenir là(-) contre; dans la langue populaire, autour de, en face de deviennent autour, en face. Un écheveau de crins rattaché à un anneau de cuivre que le musicien passe dans son pouce, il tire dessus en jouant pour lui donner le degré de tension nécessaire (Maxime du Camp, Nil, 1854, page 117). c) Chez lui, chez elle, chez eux. — À la maison, à son/leur domicile. Je la remis chez elle; je lui souhaitai le bonsoir (NICOLAS-EDME RESTIF, DIT RESTIF DE LA BRETONNE, Monsieur Nicolas, 1796, page 186 ). J'ai pris pour vous rendez-vous jeudi à 3 heures, chez eux, 33 rue de Seine (HONORÉ DE BALZAC, Correspondance, 1841, page 260 ). Le café qu'on buvait chez lui était exquis (HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Notes sur Paris, 1867, page VII. ). — Au figuré. Dans sa/leurs personne(s), son/leur esprit, son/leur caractère, son/leur clan, sa/leur classe. Chez eux [des conseillers] , c'est la tête et non le bras qui agit (HONORÉ DE BALZAC, Spendeurs et misères des courtisanes, 1844, page 13 ). L'ascenseur, dont il me pria de le laisser manoeuvrer les boutons, c'était chez lui une manie (MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 2, 1921, page 314 ). Chez lui le geste ou la parole précédait toujours l'émotion ou la pensée (ANDRÉ GIDE, Geneviève, ou la Confidence inachevée, 1936, page 1352 ). 4. Littéraire (ou dans la langue juridique ou administrative) [Devant un participe passé sans auxiliaire, le pronom personnel tonique complément d'objet indirect ou complément d'attribution introduit par la préposition à, ou plus rarement avec d'autres prépositions comme de, par, pour, etc., est antéposé] Ils rempliront les conventions par eux souscrites (JEAN-LOUIS LAYA, L'Ami des loix, 1793, II, 3, page 38 ). Cette société d'illustres égaux (...) s'entretenant ensemble dans une langue d'eux seuls comprise (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1, 1848, page 502 ). Un coffre rempli de poulets flairant le musc et le benjoin, à lui adressés par une foule de personnes de qualité (THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, page 33 ). — [Devant un adjectif] Des raisons à lui particulières. Son tourment à lui spécial, c'était les fourmis rouges (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 224 ). B.— Emploi non préposition. [Le pronom personnel tonique peut assumer toutes les fonctions non préposition d'un substantif ou d'un pronom dans la phrase; à l'opposé des formes atones, les formes toniques peuvent être séparées du verbe par une apposition, par une relative, ou peuvent être coordonnées] 1. [En fonction de sujet] a) [Sujet prédicatif; forme d'insistance, ou pour s'opposer à un autre pronom personnel; parfois séparé du verbe par une virgule ou par un membre de phrase, à la différence du pronom atone il(s)1, elle(s); non commutable avec moi ou toi, ces pronoms ne pouvant être qu'apposés à un sujet] À l'asile, on les plaisantait, on disait à Pérez : « C'est votre fiancée ». Lui riait (ALBERT CAMUS, L'Étranger, 1942, page 1132) : Ø 7. Les passans qui me voyaient auraient pu dire : Voilà un fidèle croyant Mais eux priaient, et moi j'écoutais; eux adoraient, et moi je cherchais à adorer... EDGAR QUINET, Allemagne et Italie, 1836, page 196. — [Parfois séparé du verbe] Eux, nous étonnaient par leurs principes dégénérés; et nous, nous les étonnions par nos idées et nos moeurs nouvelles (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 112 ). Il la boudait (...). Elle pourtant, à chaque minute, (...) semblait l'inviter à être aimable (ÉMILE ZOLA, Germinal, 1885, page 1180 ). — Lui + relatif. Lui qui aimait faire l'homme d'importance, s'oubliait (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1925, page 12 ). — Lui renforcé par aussi, au moins, du moins, non plus, seul, ou par un adjectif numéral cardinal, ou par tous. Eux deux, elles toutes. Napoléon : (...) Je demande mes maréchaux (...). Santini : Ils ont pris la route de Paris (...). Caulaincourt : Vous le voyez, sire; eux aussi vous abandonnent (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Napoléon Bonaparte, ou trente ans de l'histoire de France. 1831, IV, tableau14, 2, page 99 ). · Lui-même (non réfléchi; voir aussi même). Marguerite : je ne reverrai jamais mon fils! et qui peut en répondre, madame? La marquise : Lui-même ignorera qui il est (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Paul Jones, 1838, V 2, page 195 ). Et que veux-tu savoir, quand lui-même ne sait rien encore? (PAUL CLAUDEL, Le Père humilié, 1920, I, 1, page 485 ). b) [Sujet coordonné à un substantif ou un pronom] Eux et moi serons contents (PHILIPPE AUGUSTE MATHIAS DE VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Correspondance, 1878, page 242 ). Pas une minute, ni eux, ni personne, ne soupçonnèrent l'épouvantable vérité (OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, page 147 ). — [ou sujet d'une proposition comparative elliptique] Frère sombre et pensif des arbres frissonnants, Tu laisses choir tes ans ainsi qu'eux leur feuillage (VICTOR HUGO, Les Contemplations, tome 2, 1856, page 129) : Ø 8. Et moi aussi, je suis comme eux. Mais quoi! La mort n'est rien pour les hommes comme moi. C'est un événement qui leur donne raison. ALBERT CAMUS, La Peste, 1947, page 1316. c) [Sujet d'une proposition elliptique] La soirée était chaude, et des papillons venus du jardin tournoyaient autour des bougies. Eux aussi! répliqua ironiquement le petit bossu (ANDRÉ THEURIET, Le Mariage de Gérard, 1875, page 49) : Ø 9. Quelles tourtes, ces examinateurs! L'esprit le plus obtus aurait compris que, par ce temps écrasant, nous composerions en français plus lucidement le matin. Eux, non. GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine à l'école, 1900, page 199. d) [Sujet d'un infinitif de narration] Et lui de renchérir, de répliquer, de conclure. Et lui de cornemuser et nous tous de trépigner comme des fous (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Les Maîtres sonneurs, 1853, page 96 ). Eux, alors, de lâcher leur fardeau (...) et puis de s'enfuir à toutes jambes (JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Mon frère Yves, 1883, page 46 ). e) [Sujet d'une proposition participiale absolue, elliptique du verbe être] La jeune fille qu'il a conduite à cette ferme, il y a six semaines, lui déguisé en ouvrier (EUGÈNE SUE, Les Mystères de Paris, tome 2, 1842-43, page 280 ). Cependant, lui parti, M. Baslèvre n'aurait pu agir autrement (ÉDOUARD ESTAUNIÉ, L'Ascension de Monsieur Baslèvre, 1919, page 18 ). Je ne parviens pas à résister à dire, à formuler, eux absents, ce fond de ma pensée (CHARLES DU BOS, Journal, 1926, page 31) : Ø 10. En vain Rachel, puis Théophile Gautier ou Victor Hugo ont-ils tenté de rendre à l'enclos déserté une vogue éphémère : eux partis, un abandon définitif s'est appesanti sur ce lieu plein d'histoire. ÉDOUARD ESTAUNIÉ, L'Ascension de Monsieur Baslèvre, 1919 page 3. 2. [Dans les autres fonctions, toujours en contexte prédicatif] a) [En tournure elliptique, dans des phrases interrogatives, exclamatives, le pronom formant à lui seul la question ou la réponse] Vous l'avez joint au téléphone? — Lui-même (? en personne). Oh! lui alors! Encore lui! Toujours lui! Impossible... Dites-lui que je ne pense recevoir aucun journaliste... Non, même pas lui! (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 473 ). — En particulier. [Phrases exclamatives à valeur affective] Cette grossesse l'exaspérait. Lui qui prenait tant de précautions! (ÉMILE ZOLA, La Terre, 1887, page 242 ). — Mais tous semblaient ravis? — Oh! Eux!... (ANDRÉ MALRAUX, Les Conquérants, 1928, page 19 ). b) [En coordination avec un substantif ou un pronom] J'embrasse ton mari, et toi, et lui, et toi encore (VICTOR HUGO, Correspondance, 1843, page 607 ). Vous lui donnez un emploi chez vous (...) en vertu d'un traité qui n'engage ni lui ni vous pour un temps déterminé (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 2, 1855, page 436 ). c) [En tournure comparative] Je vous confie la lettre ci-jointe écrite à Dubochet, prenez-en connaissance car elle vous regarde ainsi que lui (HONORÉ DE BALZAC, Correspondance, 1844, page 664 ). d) [Après le présentatif c'est ou il y a ou dans la tournure c'est... qui/que] C'est bien elle. Toutes lui ressemblaient, — ce n'était jamais elle (ALFRED DE MUSSET, Namouna, 1832, page 433 ). Ils jouaient l'indifférence, ce n'étaient pas eux (ÉMILE ZOLA, Une Page d'amour, 1878, page 1041 ). On a sonné! On vient! C'est eux! (JEAN GIRAUDOUX, Pour Lucrèce, 1944, II, 4, page 129 ). · [Par allusion littéraire à Montaigne (Essais, i, 27, De l'amitié)] Inutile de chercher d'autres raisons que celle-ci : « Parce que c'était eux, parce que c'était moi... » (FRANÇOIS MAURIAC, Thérèse Desqueyroux, 1927, page 253 ). — C'est lui qui/que/dont, etc. Ce n'étaient pas eux qui fuyaient les détails, mais les détails qui les fuyaient (CHARLES BAUDELAIRE, Salon de 1845, 1846, page 150 ). Les idées nouvelles ne peuvent être vaincues que par elles-mêmes, ou plutôt ce sont elles qui vainquent leurs adversaires (ERNEST RENAN, L'Avenir de la science, 1890, page 521 ). C'est bien lui surtout que je suis venu voir (ANDRÉ GIDE, Journal, 1905, page 151) : Ø 11. Était-ce lui qui avait discrètement renvoyé Marika? N'était-ce pas elle plutôt qui s'était enfuie, effrayée par l'aspect du pays, ou doutant de mes promesses, ou craignant la colère des personnes dont je dépendais? VALÉRY LARBAUD, A. O. Barnabooth, 1913, page 185. · En particulier. [En phrase exclamative] C'est lui qui sera content! C'est lui, oui, qui a de la chance! (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 1, 1933, page 79 ). — [Après le tour présentatif il y a servant de mise en relief] Oh! mon Dieu, s'il n'y avait pas Vous! Il s'entendit murmurer à voix presque haute : « S'il y a Lui, il est bien caché » (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 315 ). — Emploi comme substantif. Dira-t-on que pour Dieu ces adhérences se rompent? Mais il est facile de voir que Dieu ainsi défini n'est en rien pour moi et que je ne suis en rien pour lui. Rien si ce n'est un lui qui ne pourra jamais devenir un toi (GABRIEL MARCEL, Journal, 1918, page 137 ). e) [Après le tour restrictif ne... que] Je n'ai trouvé que lui qui m'ait parlé sentiment d'une manière attachante et vraie (GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797, page 1630 ). Et je n'ai plus trouvé de grand dans l'univers que lui et son auteur (EUGÈNE DELACROIX, Journal, 1822, page 19 ). Il n'y avait plus qu'eux sur la terre (JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Bourgeois de Molinchart, 1855, page 293 ). f) [En fonction d'apposition] a ) [au sujet, ce dernier étant un substantif, un pronom, ou un pronom atone de la même personne et du même genre : lui, il..., elle, elle..., eux, ils..., elles, elles...; le pronom tonique est parfois séparé du verbe par une virgule ou par un membre de phrase] Et ceux qui ont perdu la vie, n'ont-ils rien perdu, eux? (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 2, 1846, page 311 ). Vous sauvez la vie aux gens, et après vous les oubliez! Oh! c'est mal! eux ils se souviennent de vous! (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 562) : Ø 12. Pour un blessé que nous soignons par hasard, pour un enfant à qui nous donnons à manger, la guerre infatigable en fait par centaines, elle, et tous les jours, des blessés, des malades et des abandonnés. CHARLES PÉGUY, Le Mystère de la charité de Jeanne-d'Arc, 1910, page 20. — [Accompagné d'un complément circonstanciel de construction direct] Nous passâmes encore un pont, lui, son sac de jouets sur l'épaule, moi, un fragile carton aux doigts (BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 254 ). — En particulier. · [Dans les propositions participiales (lui + participe présent ou participe passé)] Et nous allions tous deux, lui pensant, moi rêvant (VICTOR HUGO, Les Feuilles d'automne, 1831, page 775 ). Ils couraient par la plaine vide et rase, lui ballonné dans sa blouse, elle échevelée, son bonnet au poing, tous les deux répétant les mêmes mots, grondant comme des bêtes traquées (ÉMILE ZOLA, La Terre, 1887, page 449 ). · [Dans une énumération, pour expliciter un pronom personnel singulier ou pluriel] Il est certain qu'elle me déplaît, elle, sa foulure et son bouillon (ALFRED DE MUSSET, Il ne faut jurer de rien, 1840, II, 1, page 126 ). Nous étions restés orphelins, moi à cinq ans, lui à dix-huit (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 1, 1846, page 633 ). Il périt tout entier, lui et sa vile carcasse! (PAUL CLAUDEL, Les Choéphores, 1920, page 924 ). · Familier. [Après un autre sujet en apposition et le renforçant] Les Japonais, eux, ils ne demandent pas tant de choses (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1876, page 1151 ). Remarque : On relève a) une forme populaire eusses : Eusses, ils ne connaissent rien (FRANCE, Crainquebille, 1905, tableau 1, 3); b) une forme populaire ou régionalisme (Canada) eux autres : Et eux autres maintenant, (...) ils disent que nous sommes morts (PAUL CLAUDEL, Agamemnon, 1896, page 882). Ce sont des dames riches qui apportent des jouets aux petits garçons malades, ou d'autres enfants, qui en ont plus qu'ils en veulent, eux autres (GABRIELLE ROY, Bonheur d'occasion, 1945, page 277). ß ) [au complément d'objet direct (souvent pour reprendre un pronom personnel atone)] Vous verrez le directeur général lui-même. Mais eux ça les tentait pas l'aventure (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 232) : Ø 13. Les aquarelles de Cézanne constituent un chapitre à part, et pour lequel mes connaissances actuelles sont encore trop déficientes. Je les admire, elles, sans réserve... CHARLES DU BOS, Journal, 1928, page 134. — En particulier. · [En coordination (souvent pour dédoubler un pronom personnel atone au singulier ou au pluriel)] Je les considérais avec surprise, eux, leurs armes et leur accoutrement (JEAN DUSAULX, Voyage à Barège et dans les Hautes-Pyrénées fait en 1788, tome 1, 1796, page 229 ). On les accuserait tous deux, lui d'un manque de franchise, elle de l'oubli de ses devoirs (LOUIS-ÉMILE-EDMOND DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, page 103 ). Je sais qu'il déteste le bruit, qu'il désire qu'on ne le mette, ni lui, ni les siens, en scène (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route, tome 1, 1895, page XIV. ). · Lui qui. Pourquoi l'avaient-ils crucifié, lui qui chérissait les enfants (...)? (GUSTAVE FLAUBERT, Un Coeur simple, 1877, page 26 ). · Vieux. Lui + adjectif numéral ordinal. Quel beau rôle Que celui d'un nigaud qui gémit et qui piaule, Et qui de vers connus dans un livre-glaçon, Nous donne, lui centième, une contrefaçon! (AMÉDÉE POMMIER, Crâneries et dettes de coeur, 1842, page 161 ). On le ramassa sous les balles, lui troisième, à l'assaut d'un village (PAUL MARGUERITTE, Simple histoire, page 297 dans LE BIDOIS 1967, tome 1, § 288) : Ø 14. Zeus ayant rempli son coeur de l'art divin L'établit, lui quatrième en ce siège par ordre chronologique, Prophète du dieu son père, Loxias, tel qu'encore il est aujourd'hui même. PAUL CLAUDEL, Les Euménides, 1920, I, page 950. g) [En fonction d'attribut prédicatif] Tout ce qui n'est pas lui; je ne voudrais pas être lui (= je ne voudrais pas être à sa place). Dans sa création le poëte tressaille; il est elle, elle est lui (VICTOR HUGO, Les Contemplations, tome 1, 1856, page 74) : Ø 15. Bouvard et Pécuchet m'emplissent à un tel point que je suis devenu eux! Leur bêtise est mienne et j'en crève. GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1875, page 237. h) Familier. [En fonction de thème, ne renforçant ni le sujet ni le complément d'objet et signifiant, dans des tours elliptiques, " pour lui, quant à lui "] Lui, très troublé; elle... ses lèvres tremblaient un peu (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, page 1437 ). Chacun ses monstres, eux c'était l'Amérique leur bête noire (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 233) : Ø 16. Et lui aussi, le vieux Peuch, il a tout son menu sur son gilet. Mais, lui, ce n'est pas de l'oeuf. Il n'en mange plus, à cause du foie. C'est de la sauce béchamel ou quelque autre saleté de cette espèce. GEORGES DUHAMEL, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, page 21. i) [Avec valeur d'opposition] Racine s'est trouvé là : autant valait, je crois, pour modèle choisir lui qu'un autre (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Charles VII chez ses grands Vassaux, 1831, préface, page 230 ). Remarque : Pour éviter soit une équivoque, soit un sens trop concret, on emploie après le verbe le pronom complément d'objet direct tonique et on laisse devant le verbe le pronom atone de la 1re ou de la 2e. personne complément d'objet indirect ou d'attribution. Cette lettre m'apporte, lui tel que je l'ai connu; elle me rappelle lui en ce moment. " Ces cas sont (...) assez rares et leur correction sera contestée par beaucoup " (Syntaxe du français contemporain (KRISTIAN SANDFELD) tome 1 1965, § 43). II.— Emploi réfléchi. A.— Lui/elle (-même), eux/elles (-mêmes) 1. Emploi réfléchi déterminé. a) [Comme complément prépositionnel] a ) [Le substantif déterminé masculin ou féminin désigne une personne] Il est maître de lui, sûr de lui. Elle attira Jean contre elle (...) et, d'un coup de hanche l'élevant de terre, se mit à danser avec lui (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les désirs de Jean Servien, 1882, page 53 ). La concierge, qui était une brave femme, le lava et tenta de le faire revenir à lui (JEAN COCTEAU, Les Enfants terribles, 1929, page 17 ). Il ne faut pas que nos hôtes parisiens soient des étrangers parmi nous, il faut qu'ils se sentent chez eux (PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1937, page 23) : Ø 17. Le peuple de l'esprit (...). C'est le seul peuple qui subsiste sans frontières; c'est le seul peuple qui soit chez lui partout, ce qui revient à n'être nulle part chez soi. ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1933, page 1156. Remarque : Pour l'emploi de soi avec un substantif déterminé désignant une personne, voir soi. ß ) [Le substantif déterminé masculin ou féminin désigne une chose] La terre tourne sur elle-même. Si petit que soit le fragment d'une oeuvre romaine, il porte en lui un monde qui m'apparaît comme sans limites (JULIEN GREEN, Journal, 1935, page 23 ). Les grands sentiments promènent avec eux leur univers, splendide ou misérable (ALBERT CAMUS, Le Mythe de Sisyphe, 1942, page 24 ). La vertu a en elle ce qu'il faut pour la rendre aimable (ALBERT DAUZAT. Grammaire. 1958, page 263 ). Remarque : Pour un substantif déterminé désignant une chose, on emploie soi (emploi archaïque) ou lui/elle (voir soi); l'emploi de lui/elle est de règle si le sujet est un animal. " Au féminin, on emploie plutôt elle " (ENCYCLOPÉDIE DU BON FRANÇAIS DANS L'USAGE CONTEMPORAIN (PAUL DUPRÉ ) 1972). b) [Comme attribut réfléchi (souvent sous la forme renforcée avec même)] Sainte-Beuve ne fut lui que par ses disgrâces auprès des jeunes femmes (MAURICE BARRÈS, Un Homme libre, 1889, page 90 ). Bremond — qui me quitte à l'instant, qui est plus adorablement lui que jamais (CHARLES DU BOS, Journal, 1927, page 288 ). La façon naturelle qu'ils [des amis] ont d'être « eux » et de compter pour rien dans la transformation qu'ils accomplissent en moi (JOE BOUSQUET, Traduit du silence, 1936, page 54) : Ø 18. J'ai avancé (...) que jamais homme n'a été plus lui-même que le Dante, qu'Alfieri n'était pas lui, pour la langue, que même pour les idées il était bien moins lui qu'il ne croyait. HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Rome, Naples et Florence, tome 2, 1817, page 158. 2. Emploi réfléchi indéfini. [Pour représenter un pronom indéfini (surtout suivi d'un déterminatif : chacun de..., aucun de..., celui qui...) ou un substantif à valeur générale à la place de soi (plus rare que soi)] Chacun de nous appartient à la société autant qu'à lui-même (HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932, page 7 ). Il me semble qu'à la première conscience qu'il aurait de lui-même, l'homme retomberait en poussière (GEORGES BERNANOS, Journal d'un curé de campagne, 1936, page 1184 ). B.— Lui-même, elle-même, eux-mêmes, elles-mêmes. Remarque : Même est obligatoire chaque fois que l'équivoque peut naître et que lui, elle... peut s'interpréter comme renvoyant à autre chose que le sujet. 1. [Sert à renforcer le sujet désignant une personne ou une chose] Il est imbu de lui-même, en contradiction avec lui-même. Tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change, Le poëte suscite... (STÉPHANE MALLARMÉ, Poésies, 1898, page 70 ). Voilà donc une malheureuse population qui est entièrement abandonnée à elle-même au point de vue hygiénique et prophylactique! (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Knock, 1923, II, 2, page 9 ). a) En particulier. — [En apposition] Les meilleurs libraires de Leyde, sont, disent-ils eux-mêmes, des antiquaires (JULES MICHELET, Journal, 1837, page 237 ). À ce moment le do lui-même est remplacé par un indistinct son intermédiaire (ANDRÉ GIDE, Retour du Tchad, 1928, page 887 ). Depuis Marie, soeur de Moïse, jusqu'à cette parfaite Marie elle-même qui fut la mère du Christ (PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la croix, 1938, page 190 ). — [En emploi attribut] Il n'est plus lui-même. Il est tout à fait changé. Nos rêves sont la meilleure et la plus douce partie de notre vie. C'est le moment où chacun de nous est le plus lui-même (ERNEST RENAN, Drames philosophiques, L'Eau de jouvence, 1881, IV, 3, page 497 ). — [En emploi nominal] Louise : Qui êtes-vous, monsieur? Dubouloy : Un ami intime de Saint-Hérem, un autre lui-même (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Les Demoiselles de Saint-Cyr, 1843, I, 9, page 114 ). C'est trop souvent cet homme officiel qui fait la leçon au lui-même d'autrefois (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Chateaubriand et son groupe littéraire sous l'Empire, tome 1, 1860, page 109 ). — [Après ne... que] Les visages n'affirment qu'eux-mêmes (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1923, page 548 ). On dit que les Arnauld n'estiment qu'eux-mêmes (HENRI DE MONTHERLANT, Port-Royal, 1954, page 1012 ). b) Expressions diverses. — De lui-même, d'elle(s)-même(s), d'eux-mêmes. · [En parlant de pers] De son/leur propre chef, de sa/leur propre initiative, tout seul, spontanément. En apprenant que son père voulait céder son commerce, elle vint d'elle-même lui demander la préférence (ÉMILE ZOLA, La Terre, 1887, page 48 ). Le cousin Lachassaigne (...) jugeait inconcevable que le professeur ne songeât pas de lui-même à démissionner (FRANÇOIS MAURIAC, Génitrix, 1923, page 333 ). · [En parlant de choses] Sans l'aide ou l'adjonction d'autre chose. Chaque barreau, plutôt d'acier que d'or, semblait luire de lui-même (ANDRÉ GIDE, La Tentative amoureuse, 1893, page 79) : Ø 19. Les feux de cheminée et les inondations devenaient plus rares; les lustres ne tombaient plus d'eux-mêmes et spontanément sur le plancher... ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie en fleur, 1922, page 309. — En/par lui/elle-même, en/par eux/elles-mêmes. · [En parlant de pers] Personnellement. Il est venu voir par lui-même. Esprits capables de vérifier en eux-mêmes et par eux-mêmes (PAUL NIZAN, Les Chiens de garde, 1932, page 157 ). · [En parlant de choses] Par sa/leur propre nature. C'est [Une Bataille, de Salvator Rosa] la bataille en elle-même, personnifiée pour ainsi dire (THÉOPHILE GAUTIER, Guide de l'amateur au Musée du Louvre, 1872, page 111 ). Les résultats généraux (...) ont de la valeur en eux-mêmes (ERNEST RENAN, L'Avenir de la science, 1890, page 135 ). Ces théorèmes sévères ne sont pas intéressants par eux-mêmes; c'est que par eux-mêmes ils ne sont pas; il faut les faire et les soutenir (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1931, page 1009 ). — Pour lui/elle-même, pour eux/elles-mêmes. · Pour sa propre personne, indépendamment de toute considération d'intérêt. M. Thiboust-Gouron était dur pour lui-même comme pour autrui (JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée, 1938, page 123 ). En leur propre nom. C'est qu'ils ne parlent pas seulement pour eux-mêmes, ils parlent aussi pour M. Claudel (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 133 ). · Pour la chose considérée isolément. S'il restait encore de lui quelques os, ils existaient pour eux-mêmes, en toute indépendance (JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée, 1938 page 127 ). 2. [Sert à renforcer le pronom réfléchi se] a) [Se est complément d'objet direct] Avant de se trouver eux-mêmes, ils s'étaient rencontrés les uns les autres (ROGER MARTIN DU GARD, Devenir, 1909, page 26 ). Il leur demande un grain de blé et en échange Il Se donne Lui-même, Il est le Pain des anges (FRANCIS JAMMES, Les Géorgiques chrétiennes, Chant I, 1911, page 31 ). b) [Se est complément d'objet indirect (à + le pronom)] Pour se justifier à lui-même les soupçons qu'il a (PROSPER MÉRIMÉE, Arsène Guillot, 1847, page 11 ). La demeure qu'ils se sont donnée à eux-mêmes, est (...) la demeure de l'absolu (ERNEST PSICHARI, Le Voyage du centurion, 1914, page 116 ). STATISTIQUES : Lui1 et 2. Fréquence absolue littéraire : 303 549. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 395 544, b) 440 000; XXe. siècle : a) 460 064, b) 440 999.