Dictionnaire en ligne: ÉPARGNER, verbe transitif.

Dictionnaire en ligne: ÉPARGNER, verbe transitif. Faire en sorte que quelque chose ou quelqu'un ne soit pas touché par une chose ou une action. I.— [Le but de l'action est de constituer ou de ménager une réserve de quelque chose] A.— [L'objet désigne une chose] Réduire l'usage de quelque chose afin de constituer ou de conserver une réserve. 1. Réserver un bien, généralement une somme d'argent. a) [Le complément désigne une somme d'argent] Ne pas dépenser tout son argent de manière à en mettre de côté une partie. Épargner son bien, son argent. C'est autant d'épargné (Dictionnaire de l'Académie française. ). J'ai épargné les vingt centimes que coûte une tasse de café (PAUL BOURGET, Essais de psychologie contemporaine, 1833, page 239 ). — Spécialement, surtout en emploi absolu. Faire des économies et les placer. Épargner une certaine somme (Confer épargne exemple 1) : Ø 1. Les « agents » : particuliers, entreprises, collectivités... dont les opérations courantes se sont traduites par un excédent, ceux qui ont donc pu épargner, ont fourni au marché à peu près 2 600 milliards de francs qui ont servi à la formation de capital fixe. L'Univers économique et social. 1960, page 2212. b) [Le complément désigne un bien matériel évaluable en argent] Épargner le combustible : Ø 2. David descendit à la cave. Il y faisait à peine clair. On n'avait pas l'électricité pendant le jour. Les Allemands épargnaient le charbon. MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 157. — Épargner sur quelque chose. Faire des économies sur un bien de consommation. Il est si avare qu'il épargne même sur sa nourriture (Dictionnaire de l'Académie française. ). — Par litote. Ne pas épargner quelque chose L'employer, en user avec largesse, sans tenir compte de la dépense que cela représente. Une gaieté qu'il entretient et réveille deux fois par jour par deux longs repas, où le vin du Rhin n'est pas épargné (GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797, page 1572) : Ø 3. La soupe à l'oignon, Dieu merci! Ne m'a jamais porté dommage. Ainsi, la mère, encore un coup, Insistez, faites en beaucoup, Et n'épargnez pas le fromage. RAOUL PONCHON, La Muse au cabaret, La Soupe à l'oignon, 1920, page 156. 2. [Le complément désigne un bien non évaluable en argent] User avec modération d'une chose précieuse. Épargner son temps, sa peine, la fatigue : Ø 4. Aussi est-ce un dessein naturel à l'homme que d'obtenir, avec toute la précision possible et par contrainte, le concours des forces étrangères. S'effaçant pour ainsi dire lui-même, il cherche à épargner son effort, afin de leur laisser produire ce qu'il a prédéterminé rigoureusement et d'être, lui seul, la volonté de ce qui n'en a pas. MAURICE BLONDEL, L'Action, Essai d'une critique de la vie, 1893, page 217. — Par litote. Ne rien épargner pour. Employer tous les moyens nécessaires, ne négliger aucun moyen utile pour aboutir au résultat recherché. Il se décide à ne rien épargner pour contraindre la princesse à l'hymen qu'il désire (MADAME COTTIN, Mathilde, tome 2, 1805, page 287 ). 3. Emplois techniques. Laisser sans traitement une partie d'un objet. a) CÉRAMIQUE. Laisser en biscuit certaines parties d'une pièce de céramique : Ø 5. Avant lui [Mortelègue] , le peintre en émail n'avait pas de blanc susceptible de se mêler aux autres couleurs (...) il était donc contraint d'épargner le blanc du fond, de le réserver comme on dit... CHARLES BLANC, Grammaire des arts du dessin, 1876, page 589. b) GRAVURE. Ne pas tailler certaines parties qui, en restant en relief, apparaîtront seules sur le dessin ou la gravure (Confer épargne exemple 7). c) PEINTURE. Laisser en blanc certaines parties d'un tableau ou mettre des taches de lumière : Ø 6.... les tableaux de chevalet sont les seuls où l'on puisse épargner la lumière, parce que le spectateur, devant les regarder de près, y découvre des profondeurs qui à distance se résoudraient en une masse de noir. CHARLES BLANC, Grammaire des arts du dessin, 1876 page 551. B.— Vieilli. [L'objet désigne une personne] Ne pas s'épargner.. Ne pas ménager sa peine, se donner tout entier à sa tâche. Quant à la bien soigner, elle qui parlait ne s'y épargnait point, comme c'était son devoir de le faire (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, François le Champi, 1850, page 122) : Ø 7.... pendant ces quinze jours, Rambert travailla sans s'épargner, de façon ininterrompue, les yeux fermés en quelque sorte, depuis l'aube jusqu'à la nuit. Tard dans la nuit, il se couchait et dormait d'un sommeil épais. ALBERT CAMUS, La Peste, 1947, page 1382. II.— [Le but ou le résultat de l'action est de soustraire quelqu'un ou quelque chose à une atteinte dommageable ou désagréable] A.— [Le complément d'objet désigne une ou plusieurs personnes] 1. Ne pas traiter quelqu'un aussi mal qu'on en aurait le pouvoir ou la possibilité, afin de lui éviter une souffrance (physique ou morale), un tort; ménager la sensibilité de quelqu'un. Peut-être le médecin la trompait-il [la mère] pour l'épargner (ÉMILE ZOLA, Une Page d'amour, 1878, page 1806 ). — En particulier. Laisser la vie sauve à quelqu'un qu'on aurait le droit ou la possibilité de faire mourir. L'impératrice (...) répétait : « Qu'importe! Il vaut mieux épargner un coupable que de tuer un innocent! » (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Moiron, 1887, page 1147 ). Judith. — Épargne les Juifs, Holopherne, et ton nom sera accolé au leur pour l'éternité (JEAN GIRAUDOUX, Judith, 1931, II, 2, page 131 ). — Par litote. · Emploi réciproque. Dans cette lutte, les deux adversaires ne se sont pas épargnés (Dictionnaire de l'Académie française. ). · N'épargner personne (dans ses propos). Médire de tout le monde (Confer choléra exemple 5). 2. [En parlant d'une force hostile] Ne pas faire de mal à quelqu'un : Ø 8. Le début du XXe. siècle va connaître l'assaut d'une vague d'opinion nettement anticléricale qui n'épargnera pas l'enseignement privé. Encyclopédie pratique de l'éducation en France (IPN ET SEDE, 1960) 1960, page 68. — Par analogie. Ne pas causer de dommage à quelque chose. Napoléon, (...). — Laissez brûler, messieurs, et, si le feu épargne quelque chose, anéantissez ce que le feu épargnera. (...) Moscou n'existe plus (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Napoléon Bonaparte, ou trente ans de l'histoire de France. 1831, III, 2, page 72 ). B.— [Le complément d'objet est un nom abstrait désignant un attribut humain] Ne pas porter atteinte à, ménager. Car c'est une chose rare qu'une femme qui vous aime pour vous, rien que pour vous. — Comme toi, est-ce pas? — Épargne ma modestie (PETRUS BOREL, Champavert, les contes immoraux, 1833, page 204 ). Vous direz à Maurice tout ce qu'il faut lui dire (...) Parlez-lui de sa petite femme, de l'avenir, de ma vieillesse à épargner (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Correspondance, 1870, page 45 ). C.— Épargner quelque chose à quelqu'un.. Faire en sorte que quelqu'un n'ait pas à subir de désagrément. Épargner à quelqu'un la peine, l'ennui de. Je lui épargnerai cette humiliation (CHARLES-FRANÇOIS DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes, 1796, page 416 ). Je t'épargne les commentaires (ANDRÉ GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, page 1067 ). Les partis, au cours du débat (...), ne nous épargnèrent pas leurs critiques (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, page 248 ). Remarque : On rencontre dans la documentation l'expression argotique épargner le Poitou au sens de « prendre ses précautions » (confer BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, page 543). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 345. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 3 965, b) 3 103; XXe. siècle : a) 3 109, b) 3 050. DÉRIVÉS : Épargneur, -euse, adjectif et substantif, rare (Personne) qui épargne de manière habituelle; (personne) qui dépense avec parcimonie. Nous sommes un peuple de paysans, un peuple d'épargneurs (LÉON GAMBETTA, Discours prononcé au Cercle national, 24 mai 1878 dans L. RIGAUD, Dictionnaire de l'argot moderne, 1881, page 152 ). Remarque : On rencontre dans la documentation le néologisme épargnateur, euse, substantif Synonyme de épargneur. Vous n'avez plus connu que la parcimonie, Et les épargnateurs et les conservateurs (CHARLES PÉGUY, Ève, 1913, page 722).