Dictionnaire en ligne: ENTENDU, -UE, participe passé et adjectif. I.— Participe passé de entendre* Remarque : Fréquemment, au sens de entendre II B, en construction d'apposition avec valeur proche de l'adjectif. Tout se rapporte à cette grande distinction fondamentale du « sujet » et de l'« objet », entendus comme il faut; savoir le « moi » qui veut et agit, et le terme quelconque de cette action (MAINE DE BIRAN, Journal, 1821, page 333). Entendue dans son sens étymologique, elle [la philologie] ne comprendrait que la grammaire, l'exégèse et la critique des textes (ERNEST RENAN, L'Avenir de la science, 1890, page 128). II.— Emploi adjectival. A.— [Correspond à entendre II] 1. Vieux. [En parlant d'une personne, de ses qualités] Qui manifeste de la compétence dans un domaine donné. a) emploi absolu. Oui, si la pernicieuse donzelle ne valait point tant seulement la corde pour la pendre, elle n'en était pas moins une magicienne fort entendue (LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs, 1879, page 363 ). Tu as grandi sur cette propriété (...) et, sans t'en douter, tu es averti sur bien des choses (...) Tu seras assisté par Condé qui est un homme fort entendu (JACQUES CHARDONNE, Les Varais, 1929, page 173 ). Seulement, il ne fallait pas descendre bien au fond de ces manières gaies et brillantes pour se heurter à des principes arrêtés et à une faculté parfaitement entendue de se refuser aux choses (JACQUES DE LACRETELLE, Amour nuptial, 1929, page 158) : Ø 1. Puis, comme un acheteur entendu, se recueillant pour délibérer en lui-même et choisir avec discernement, il maniait les étoffes, essayait sur lui les bijoux, soupesait la vaisselle de prix, et quand son choix était fixé, il reprenait d'un ton haut et avantageux : « Ceci est bien; mettez ceci à part; je me propose de prendre tout cela ». AUGUSTIN THIERRY, Récits des temps mérovingiens, tome 2, 1840, page 351. — Emploi comme substantif, péjoratif. Faire l'entendu, son entendu. Jouer au connaisseur, faire l'important Cette singulière petite femme qui aimait à se vanter à tout propos et à faire l'entendue sur toutes choses (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Le Péché de Monsieur Antoine, 1847, page 118 ). Seulement, voilà; l'orgueil, l'éternel orgueil, le besoin de briller et d'étonner le monde par des mérites que l'on n'a pas!... Faire le malin et l'entendu (GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Boubouroche, 1893, I, 1, page 15 ). b) [Avec complément substantif préposition à ou en, infinitif préposition à] Jeune homme, j'ai bien connu monsieur votre Père. C'était un homme entendu en affaires (HONORÉ DE BALZAC, Œuvres diverses, tome 2, 1830-35, page 228 ). Cet homme si mêlé et si entendu aux controverses (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 4, 1859, page 316 ). C'est pour redevenir un grand propriétaire toscan qu'il avait (...) recherché la main de miss Bell, qu'il savait très habile à gagner de l'argent et très entendue à tenir une maison (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Lys rouge, 1894, page 254 ). 2. Usuel. [En parlant d'un trait du comportement] Qui manifeste que l'on comprend quelque chose qui souvent n'a pas été exprimé ou qui n'a pas besoin de l'être. Clin d'oeil entendu; regards discrets et entendus; un air malin et entendu; prendre son air entendu. (Quasi-)synonyme : complice. Mais son époux disait parfois : « Ma femme, c'est une gaillarde! » avec un certain air entendu qui éveillait des suppositions (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, La Serre, 1883, page 674 ). À ce moment, Mme. Pauque eut un sourire encore plus fin et plus entendu que celui de tout à l'heure (JULIEN GREEN, Le Malfaiteur, 1955, page 123 ). B.— [Correspond à entendre II] Sens passif. 1. Domaine moral. — Bien entendu. Compris comme il faut. J'avais plusieurs motifs (...) pour changer de nom (...), des raisons diverses et qui toutes ne tenaient pas seulement à des considérations de prudence littéraire et de modestie bien entendue (EUGÈNE FROMENTIN, Dominique, 1863, page 33 ). Comme si les hommes étaient poussés, en tout ce qu'ils font, par la règle de l'intérêt bien entendu (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1930, page 919 ). — Mal entendu. Mal compris, pratiqué mal à propos. Prosélytisme mal entendu; pudeur, vertu mal entendue; principes, scrupules mal entendus. La perversité n'était qu'un égoïsme mal entendu; la sainteté, l'amour de soi parfaitement compris (MARCEL JOUHANDEAU, Monsieur Godeau intime, 1926, page 278) : Ø 2. Je suis fâché que l'entêtement et le zèle mal entendu d'un agent subalterne aient créé cette circonstance qui m'a valu quatre mois de peines et de privations journalières. EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 627. 2. Domaine concret, vieux. Bien ou mal agencé, ordonné avec ou sans goût. Habillage, toilette bien entendu(e); appartement bien entendu, fête bien entendue. Le duc d'Orléans, prince spirituel et digne d'avoir des amis, partageait avec eux des repas aussi fins que bien entendus (JEAN-ANTELME BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante, 1825, page 277 ). Tout l'intérieur [d'un château] est entendu avec goût (GUSTAVE FLAUBERT, Par les champs et par les grèves, 1848, page 180 ). C.— [Correspond à entendre II A 2 b] 1. Sens actif, rare. [En parlant d'un milieu humain] Où l'on s'accorde bien. Ainsi, jamais famille ne fut plus unie, mieux entendue ni plus cohérente que cette sainte et noble famille (HONORÉ DE BALZAC, Béatrix, 1839-45, page 33 ). 2. Sens passif, usuel. Qui a été l'objet d'une entente, sanctionné par un accord. Mais j'avais toujours cru que cette augmentation était une chose acquise, entendue (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 44) : Ø 3. Ce n'est pas une affaire en l'air. J'en ai parlé depuis deux jours. C'est même une affaire entendue. Il manque seulement un papier que je vais aller chercher, dès demain, moi-même, au Havre, chez le notaire,... GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Notaire du Havre, 1933, page 195. · Cause entendue (par extension du sens juridique confer entendre I B 1 a). Affaire réglée, sur laquelle il n'y a pas à revenir. Si je pouvais me mépriser sans arrière-pensée, la cause à jamais serait entendue (FRANÇOIS MAURIAC, Le Noeud de vipères, 1932, page 162 ). Il se mit à rire, avec bonhomie; puis, estimant sans doute la cause entendue, il tira son étui à cigarettes (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 527 ). SYNTAXE : Il est (bien) entendu que, il demeure entendu que, étant bien entendu que, restant (bien) entendu que. 3. Locutions. — [Dans un dialogue] C'est entendu. Synonyme : c'est convenu. — Alors c'est entendu pour samedi... ça ne va plus faire que trois jours (CHARLES-FERDINAND RAMUZ, Derborence, 1934, page 17 ). · Par ellipse. Entendu. Synonyme familier : d'accord. — J'ai à te parler, mon petit. Je ne te tiens pas quitte. — Entendu, papa (JEAN COCTEAU, Les Parents terribles, 1938, I, 3, page 202 ). — Locution conjonctive. Bien entendu que (vieilli). Bien entendu qu'il ne faudrait lui faire aucun mal... un ou deux jours de prison (EUGÈNE SCRIBE, Bertrand et Raton, 1833, I, 9, page 143 ). — Locution adverbiale (généralement détachée par une virgule de la proposition où elle figure) Bien entendu. Synonymes : évidemment, naturellement. Les mots qu'ils se disent, elle et son père, Augustin ne les retrouvera jamais, bien entendu (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 1, 1933, page 23 ). — Qu'est-ce que tu as répondu? — Non, bien entendu (ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir, 1937, page 695 ). Remarque : C'est entendu, bien entendu peuvent avoir une valeur concessive. Bien entendu, c'est beau aussi, mais c'est autre chose (MARCEL PROUST, Le Temps retrouvé, 1922, page 807). J'ai mes défauts, c'est entendu. Mais je crois que personne ne m'a jamais accusé d'être vaniteux (HENRI DE MONTHERLANT, Malatesta, 1946, IV, 4, page 514). — Locution adverbiale populaire. · De bien entendu. D'accord et de bien entendu, ce n'est pas des choses à faire (GEORGES BERNANOS, L'Imposture, 1927, page 468 ). · Comme de bien entendu. Jmonte donc, jpaye ma place comme de bien entendu (RAYMOND QUENEAU, Exercices de style [Vulgaire] , 1947, page 77 ). Cette expression est le leitmotiv d'une chanson chantée par les gens du milieu dans le film Circonstances atténuantes (1939). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 11 879. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 12 981, b) 14 940; XXe. siècle : a) 17 472, b) 20 931. Forme dérivée du verbe "entendre" entendre ENTENDRE, verbe transitif. I.— Domaine de l'audition. A.— [Le sujet a une attitude passive, son oreille est frappée par un son ou un bruit perceptible dans son aspect purement physique ou dont on ne retient que l'aspect physique] Percevoir par l'oreille. 1. [Le complément d'objet est un substantif] a) [L'objet de la perception est un bruit dont on identifie plus ou moins bien l'origine, la nature] a ) [L'objet désigne le bruit directement, souvent en le spécifiant] Entendre un cri; entendre un bruit (de), n'entendre aucun bruit. Le tiers-point et la lime sonnent, et on entend aussi le cliquetis des anneaux bruts d'aluminium (HENRI BARBUSSE, Le Feu, 1916, page 191 ). Bientôt je commençai à entendre sa respiration égale (MARCEL PROUST, La Prisonnière, 1922, page 360 ). Sans doute, en entendant des pas, l'homme suivant mon conseil s'était réfugié dans les granges (HENRI BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, page 238 ). ß ) [L'objet désigne le bruit indirectement par la source de ce bruit (personne, animal, élément naturel, instrument, arme, machine, etc.)] Entendre le rossignol, les grillons, le tonnerre, le cor, la cloche. J'entendais les grives dans le lierre du peuplier carolin (FRANÇOIS MAURIAC, Le Noeud de vipères, 1932, page 19 ). Elle n'était descendue qu'en entendant la voiture (FRANÇOISE SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, page 28 ). SYNTAXE : Entendre les battements de son coeur, un râle, une toux; entendre des aboiements, un bourdonnement, des clameurs, des sanglots, des craquements, un grincement, un piétinement, un sifflement, le ronron (d'une voix), le tic-tac (d'une montre); pénible à entendre; empêcher d'entendre; entendre à peine, confusément, faiblement, vaguement, clairement, distinctement, nettement, parfaitement. — Emploi pronominal à sens passif : Ø 1. Ainsi secoué par elle, le vieil instrument, dont les cordes frisaient, s'entendait jusqu'au bout du village si la fenêtre était ouverte,... GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 1, 1857, page 46. · Se faire entendre. (Quasi-)synonymes : de être entendu (mais plus expressif, avec insistance sur l'effort ou sur l'événement qui se produit). Enfin, un mouvement de pas se fit entendre en dehors du cachot (VICTOR HUGO, Han d'Islande, 1823, page 546 ). Mais vient un moment où un chant trop uniforme ne se fait plus entendre et où il faut un cri pour attirer l'attention (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 732 ). — Expressions. · Faire entendre un son (un cri, un rire). Faire en sorte qu'on l'entende. (Quasi-)synonyme : émettre. Augustin fit entendre ce léger hum! nasal qui ressemble à un petit rire triste (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, t 2, 1933, page 254 ). · Entendre quelque chose de ses (propres) oreilles (pour souligner l'authenticité d'un témoignage). Je ne fais que raconter en témoin ce que j'ai vu de mes yeux et entendu de mes oreilles (ALEXIS DE TOCQUEVILLE, Correspondance avec Henry Reeve, 1851, page 122) : Ø 2. En ce moment-là, ô prodige! j'ai entendu, mais entendu de mes propres oreilles, ce qui s'appelle entendu, un vague frémissement métallique, le son faible et à peine distinct d'une cloche,... VICTOR HUGO, Le Rhin, 1842, page 131. — Proverbe. Qui n'entend qu'une cloche n'entend (ou n'a) qu'un son. Une opinion qui ne se fonde que sur une seule version des faits est sujette à caution : Ø 3. Il paraît que ce grabuge a été causé précisément par votre bonhomme de musicien, qui a voulu déshonorer, par vengeance, la famille du président. Qui n'entend qu'une cloche n'a qu'un son... Votre malade se dit innocent, mais le monde le regarde comme un monstre... HONORÉ DE BALZAC, Le Cousin Pons, 1847, page 183. b) [L'objet de la perception est la parole humaine] a ) [L'objet désigne une personne] Mais entrez donc, on nous entend de tout l'escalier (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 4, Louise Leclercq, 1886, page 151 ). — Oui, docteur... Allo, docteur, je ne vous entends pas bien (GEORGES SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, page 164 ). · Emploi pronominal réfléchi : Ø 4. Il est rare que l'on reconnaisse sa propre voix, voyez-vous, lorsqu'on l'entend pour la première fois. — Le phono déforme? — Ce n'est pas cela, car chacun reconnaît sans peine la voix des autres. Mais on n'a pas l'habitude, voyez-vous, de s'entendre soi-même... ANDRÉ MALRAUX, La Condition humaine, 1933, page 190. — Expression. · [Avec une idée d'agacement] On ne s'entend pas/plus. " Le bruit empêche ceux qui veulent converser d'entendre mutuellement leurs paroles " (Dictionnaire de l'Académie Française). — Avec le vacarme de la rue, on ne s'entend plus (ANDRÉ GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, page 1060 ). On n'entend que (quelqu'un). C'est toujours la même personne (dans un groupe) qui parle. À jeun, je parle. À jeun on n'entend que moi (JEAN GIRAUDOUX, Électre, 1937, I, 4, page 78 ). Il faut l'entendre : Ø 5.... à présent, elle tremblait, car son affaire était claire, si on la pinçait encore. Il fallait l'entendre. Les agents, pour avoir des gratifications, arrêtaient le plus de femmes possible;... ÉMILE ZOLA, Nana, 1880, page 1314. · [Avec une idée de réprobation, parfois ironique] Si (quelqu'un) vous entendait. — Voulez-vous vous taire? Si ma femme vous entendait! (MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922, page 922 ). ß ) [L'objet désigne ce qui est dit] Entendre une conversation, un mot, une question, une réponse; n'avoir jamais rien entendu de pareil, d'aussi drôle. Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l'on entend à peine leurs paroles (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 1, Les Fêtes galantes, 1869, page 97 ). « Assassin!... Assassin! » qu'elle m'a appelé (...). La fille en entendant ça elle avait comme peur que je la bute sur place sa mère (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 560 ). — Expressions. · [Avec une idée d'authenticité] Entendre quelque chose de la bouche de quelqu'un. Beaucoup de gens allèrent se faire inscrire chez Mme. de Villefort afin d'avoir le droit de renouveler leur visite en temps utile et d'entendre alors de sa bouche tous les détails de cette pittoresque aventure (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 1, 1846, page 702 ). · [Avec une idée de divulgation large, mais indéterminée] Dire à qui veut l'entendre. Je disais aussi, à qui voulait l'entendre, mon regret qu'il ne fût plus possible d'opérer comme un propriétaire russe dont j'admirais le caractère (ALBERT CAMUS, La Chute, 1956, page 1520 ). — [Dans des énoncés de la langue parlée, souvent familière] · En entendre. Essuyer des reproches. Il eût fait beau voir qu'un camarade invoquât l'amour pour s'excuser d'un retard dans le service, il en eût entendu (ROGER VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, page 242 ). · En entendre de vertes et de pas mûres, en entendre de raides (par ellipse de histoires). Les quatre messieurs avaient fini par verser du vin fin à une demi-douzaine de ménages, rêvant de les griser, pour en entendre de raides (ÉMILE ZOLA, Nana, 1880, page 1303 ). · En entendre (bien) d'autres (par ellipse de choses). Parlez-moi comme on parle à un mur (...). D'ailleurs, j'en ai entendu bien d'autres! (GEORGES BERNANOS, La Joie, 1929, page 641 ). · Ce qu'il faut entendre! Qu'est-ce qu'il faut pas entendre! Confer Raymond Queneau, Zazie, 1959, page 117. · Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd! (par ironie pour marquer son désaccord avec ce qui vient d'être dit). Et le gaullisme peut être un régime anticapitaliste si des hommes de gauche en prennent les commandes. — Il faut mieux entendre ça que d'être sourd, dit Henri; mais c'est tout juste! (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 459 ). 2. [Le complément d'objet est une forme verbale ou un syntagme verbal] a) [Le sujet, agent du procès (différent de celui d'entendre), n'est pas exprimé] En m'entendant annoncer, elle se leva par un mouvement brusque (HONORÉ DE BALZAC, Gobseck, 1830, page 424 ). J'ai entendu remuer dans les broussailles, et il m'a semblé que c'était un pas de biche (ALFRED DE MUSSET, On ne badine pas avec l'amour, 1834, II, 5, page 37 ). · Entendre dire quelque chose Tout à l'heure j'ai entendu dire que les pêcheurs venaient de ramasser dans l'eau une jeune fille (PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin, 1929, 4e. journée, 11, page 927 ). Ce qu'il faut entendre dire! et par une jeune personne qui dit au premier venu qu'il est beau! (JEAN GIRAUDOUX, L'Apollon de Bellac, 1942, 5, page 58 ). · Entendre parler de quelqu'un, de quelque chose Avoir des nouvelles de quelqu'un, être informé de quelque chose. Je serais venu sûrement, si j'avais entendu parler d'un crime dans le quartier (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1932, page 134 ). Vous n'entendriez plus parler de moi, si vous le désiriez (HENRI DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, page 1001 ). · Ne pas vouloir en entendre parler. Rejeter quelque chose sans même l'examiner. Cette visite m'effraye (...). Tu m'as dit que ta mère ne voulait pas en entendre parler. Une minute après, elle se décide (JEAN COCTEAU, Les Parents terribles, 1938, II, 1, page 236 ). b) [Le sujet, agent du procès, est exprimé] a ) [Dans une proposition relative] Je l'entendis qui parlait longuement à son cheval (HENRI BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, page 168) : Ø 6. On n'entend aucun ruisseau, aucune chute; on n'entend que le vent qui souffle là rude et violent,... JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1925, page 178. ß ) [Dans une construction participiale] Rare. Ne t'ai-je pas entendu causant avec Lisbeth du baron Montès (HONORÉ DE BALZAC, La Cousine Bette, 1846, page 361 ). ? ) [Dans une construction infinitif] — [Le sujet précède l'infinitif] On n'entendait que la pluie tomber sur le pavé (GUSTAVE FLAUBERT, La Première éducation sentimentale, 1845, page 233 ). Quand il entendait son fils chanter dans la maison, il lui semblait que la maison volait par les airs (HENRI DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, page 989 ). · Expressions. · Ne pas entendre Dieu tonner (pour souligner que quelqu'un est sourd ou que le bruit environnant est assourdissant). Faisant un vacarme à ne pas entendre Dieu tonner (PROSPER MÉRIMÉE, Carmen, 1847, page 32 ). · Entendre quelqu'un venir avec ses gros sabots. Au figuré (pour souligner que les intentions de quelqu'un sont trop claires) : Ø 7. Dès lors Mathilde avait été en alerte : Félicité n'avait jamais su cacher son jeu, et sa belle-fille se flattait de « l'entendre toujours venir de loin avec ses gros sabots. » FRANÇOIS MAURIAC, Génitrix, 1923, page 367. — [Le substantif suit l'infinitif] Je me mis au travail, sans répondre; et bientôt on entendit craquer la paille, et grincer le rouleau sur son essieu de fer (HENRI BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, page 163 ). · Expression. Entendre voler une mouche (au conditionnel, pour souligner le silence régnant dans un lieu). Si profond était le recueillement de la foule immobile sur les gradins, qu'on eût entendu voler une mouche dans l'enceinte (LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs, 1879, page 136 ). Remarque : 1. Quand l'infinitif qui suit entendre est un verbe d'affirmation l'agent du procès qu'il exprime peut être construit soit directement entendre quelqu'un dire quelque chose, l'entendre dire quelque chose, soit indirectement entendre dire à quelqu'un quelque chose, lui entendre dire quelque chose, la construction indirecte présentant un caractère plus recherché. J'ai entendu dire la même chose au roi, il y a seize ans (ALFRED DE VIGNY, Le Journal d'un poète, 1846, page 1243). Confer aussi dire exemple 1. 2. Comme le souligne LITTRÉ, la construction j'ai entendu dire à quelqu'un, je lui ai entendu dire est amphibologique, car elle peut signifier aussi bien j'ai entendu qu'il disait que j'ai entendu qu'on lui disait. Ainsi dans l'exemple de Vigny (supra) seul le contexte permet de déterminer qu'il s'agit d'une phrase prononcée par le roi et l'ambiguïté de la phrase : je m'entendis répondre : — oui ... (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, page 364) n'est levée qu'à l'aide du contexte qui fait apparaître que le sujet de répondre est le même que celui d'entendis. d ) [Dans une proposition complétive (+ indicatif ou conditionnel)] — [L'objet de la perception est un bruit] Le silence de la seule voix qui importât pour eux, les détournait d'entendre que le reste du monde les acclamait (FRANÇOIS MAURIAC, Journal 1, 1934, page 6 ). — [Le complément d'objet désigne ce qu'on apprend par ouï-dire] Ayant entendu des médecins qu'un air salubre exercerait une action bienfaisante sur sa santé (GEORGES D'ESPARBÈS, La Chevauchée du grand siècle, 1937, page 11 ). e ) [Le complément d'objet désigne ce qu'on apprend par ouï-dire : Par un énoncé en discours direct (par ellipse de ces mots ou du verbe dire)] . De temps en temps, on entendait : « passez-moi le sel. » (JULES RENARD, Journal, 1895, page 259) : Ø 8. Et tout à coup je faisais silence, je m'arrêtais, attentif, quand dans le lointain j'entendais : — gâteaux, gâteaux, mes bons gâteaux tout chauds! JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Le Roman d'un enfant, 1890, page 102. 3. emploi absolu. Percevoir les sons produits par les ondes sonores qui frappent le tympan : Ø 9. L'audition est l'impression produite par les mouvements oscillatoires sur les organes de l'ouïe; (...) s'ils arrivent jusqu'à notre oreille nous en percevons une image exacte et fidèle en un mot, nous entendons;... JEAN-GEORGES KASTNER, Grammaire musicale, 1837, page 1837. a) [En réponse à la question implicite : son ouïe fonctionne-t-elle normalement? Fait habituel (antérieur et postérieur à la situation présente) qui concerne le fonctionnement normal du sens de l'ouïe] Jouir (plus ou moins bien) du sens de l'ouïe. · Entendre exactement, juste. Synonyme : avoir l'oreille musicale. Oui, il faut entendre d'abord, entendre bien exactement et juste, pour pouvoir reproduire (LÉON MELCHISSÉDEC, Pour chanter; ce qu'il faut savoir..., 1913, page 121 ). · Entendre mal (usuel), entendre dur (vieux). Être un peu sourd. Les étourdissements surtout m'inquiètent, la vue baisse, j'entends mal (GEORGES BERNANOS, L'Imposture, 1927, page 489 ). Remarque : Le participe présent, employé substantivement s'écrit en 1 mot un malentendant*. · Ne pas entendre. Être sourd. Mais moi, je suis sourde et je n'entends pas! (PAUL CLAUDEL, L'Annonce faite à Marie, 1912, III, 3, page 77 ). — Au figuré, vieilli. Ne pas entendre de cette oreille. Feindre d'ignorer une demande, agir à l'encontre de ce qui est souhaité. Il était le gendre rêvé. Malheureusement, Gaspard ne paraissait pas entendre de cette oreille (JULES SANDEAU, Sacs et parchemins, 1851, page 11 ). — Locution. Avoir des oreilles pour ne pas entendre, par allusion à la Bible (notamment Ézéchiel XII 2, Marc VIII 18). Se refuser par obstination au témoignage de l'évidence : Ø 10. Eveline (...) sortit de cette épreuve méconnaissant la grâce de Dieu et plus entêtée qu'auparavant, pareille à ceux que signale l'Écriture, qui ont des yeux pour ne point voir, des oreilles pour ne pas entendre... ANDRÉ GIDE, Robert, 1930, page 1340. — Proverbe. (Il n'y a ou il n'est) point de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre : Ø 11. « L'Empereur sait — mieux que personne — l'innocence de Dreyfus; et (...) il cherche à le crier aussi souvent et aussi haut qu'il le peut. « Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre... » ROGER MARTIN DU GARD, Jean Barois, 1913, page 423. b) [En réponse à la question implicite : perçoit-il ce qui est dit au moment du discours? Fait relatif à la situation actuelle, le complément est suggéré par le contexte antérieur et concerne en général des paroles] Ne pas avoir bien entendu, avoir entendu de travers. J'ai du coton dans les oreilles, j'ai peut-être mal entendu, répète ce que tu as dit (VICTOR HUGO, Les Travailleurs de la mer, 1866, page 420 ). Otto attendit une réflexion de Christophe; mais celui-ci semblait n'avoir pas entendu (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Matin, 1904, page 164 ). San Antonio entend très mal à cause des parasites. J'entends mal aussi (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Vol de nuit, 1931, page 114 ). — En particulier. [En proposition incise sous forme interrogative ou exclamative, avec ou sans inversion du sujet, pour attirer l'attention de l'interlocuteur sur un mot, un propos, pour appuyer un avertissement] Vous entendez? Entendez-vous? Vous entendez (bien)! Tu n'as rien d'elle, rien de rien, entends-tu? ni la couleur des cheveux, ni le grain de la peau, ni l'odeur, ni un geste, ni une inflexion de voix (FRANÇOIS MAURIAC, Les Mal aimés, 1945, page 194 ). Qu'est-ce qu'il dit, qu'on va rentrer chez nous, bien sûr qu'on va rentrer chez nous, merde, Julien, t'entends, on rentre chez nous (JEAN-PAUL SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, page 202) : Ø 12. « Julie, dit-il, je ne te permets point de parler ainsi de ta maîtresse. Tu entends, n'est-ce pas? ne l'oublie plus à l'avenir. » GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Monsieur Parent, 1886, page 590. Remarque : Dans cet emploi, à l'idée de la perception du propos, s'ajoute celle de sa compréhension (on pourrait parfois remplacer la formule par le synonyme familier compris?). 4. Par extension. a) [L'objet de la perception par le sujet n'est pas contrôlable par autrui] Je ne dois pas mourir sans avoir fait rugir quelque part un style comme je l'entends dans ma tête (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1852, page 440 ). Vous développerez votre faculté d'entendre dans le silence les sonorités simultanées que font les accords (CHARLES KOECHLIN, Traité de l'harmonie, tome 1, 1927, page 2 ). · Entendre des cloches. Avoir la tête qui bourdonne (souvent après un coup). De prêter comme ça l'oreille lui faisait entendre des cloches (ELSA TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, page 170 ). · Entendre des voix. Elle était immobile, l'oeil fixe, comme si elle avait entendu des voix (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 344 ). b) [L'objet de la perception est un fait de mémoire ou d'anticipation] · (Croire) entendre encore, toujours; il me semble entendre encore. Mais le bon chevalier (...) me fit un signe de la tête Et me cria (j'entends encore cette voix) : « Du moins, prudence! Car c'est bon pour une fois. » (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 1, Sagesse, 1881, page 182 ). · Entendre d'avance, d'ici, déjà. J'entends d'avance l'objection (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1859, page 363 ). J'entends le lecteur qui se récrie (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 258) : Ø 13. J'entends d'ici Mme. Louise : « Votre neveu s'est toqué de Mme. Alfieri... » GEORGES BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, page 878. c) Par analogie. Percevoir une chose par une voie autre que celle de l'oreille. L'oeil qui entend (GUY DE POURTALÈS, La Vie de Franz Liszt, 1925, page 88 ). Vous avez devant vous des spectateurs-auditeurs qui entendent aussi bien par les yeux que par les oreilles (DOCTEUR A. WICART. Les puissances vocales : l'orateur, 1936, page 382 ). — En particulier. Percevoir une chose dont l'appréhension ne relève pas du sens de l'ouïe (inanimé concret, pensées, désirs). Entendre pousser l'herbe, entendre son âme. Il [l'ouvrier] marche sous l'averse, sans la sentir, n'entendant que sa faim (ÉMILE ZOLA, Contes à Ninon, 1864, page 113 ). C'est aux repas qu'il [le « Monsieur-seul »] me gêne le plus, parce que je l'entends penser à moi pendant qu'il mange (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, L'Entrave, 1913, page 12 ). Il y a tout d'un coup tellement de silence qu'on entend marcher la fumée (JEAN GIONO, Le Grand troupeau, 1931, page 248 ). B.— [Le sujet, tout en percevant par l'oreille des sons, a une attitude active en prêtant attention au contenu de ce qu'il perçoit] 1. Prendre connaissance de quelque chose. a) [L'objet désigne soit un propos, un message, un rapport destiné au sujet, soit la personne qui le lui adresse] Ce sont là de ces choses qu'il ne faut pas entendre (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Mes Poisons, 1869, page 24 ). Chaque compagnie était convoquée immédiatement à l'effet d'entendre son capitaine (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 4, Louise Leclercq, 1886, page 132) : Ø 14. Jean Valjean l'écoutait sans l'entendre. Il entendait la musique de sa voix plutôt que le sens de ses paroles;... VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 729. — Spécialement. · ADMINISTRATION. Le Conseil (des Ministres/d'État) entendu, après consultation du Conseil. Le Président de la République française, sur le rapport du Ministre des Travaux publics; vu la loi du (...); le Conseil d'État entendu, décrète (Code de la pêche fluviale. 1875, page 53 ). · DROIT. Recueillir les dépositions d'un témoin, d'un accusé dans une des phases de la procédure de jugement. Citoyens, je demande que la citoyenne Tison soit entendue; je demande qu'elle parle (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Chevalier de Maison-Rouge. 1847, II, 3, page 86 ). — Non, non, il convient d'entendre d'abord la fille de vaisselle. Nous allons savoir par elle (JEAN GIRAUDOUX, Ondine, 1939, III, 4, page 208 ). Une cause est entendue. Une cause est jugée (après audition des témoins, du procureur, des avocats et des juges). Confer cause I B 1 et, pour le sens par extension, entendu II C 2. · RELIGION. [En parlant d'un prêtre] Entendre quelqu'un (en confession); entendre la confession de quelqu'un. Elle l'entraîna dans la chapelle, où fra Cattaneo l'entendit en confession (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Puits de Sainte Claire, 1895, page 252 ). Je n'ai pas besoin de confidences qui vous font souffrir et je ne suis pas un prêtre pour entendre votre confession (LÉON BLOY, La Femme pauvre, 1897, page 201 ). b) [Le sujet assiste comme auditeur à une représentation, qui ne lui est pas particulièrement destinée] Entendre une conférence, un concert, un opéra. Et cette merveille du grand rire, « Les Héritiers de Rabourdin, » quatre actes de Zola, qu'il faut entendre (STÉPHANE MALLARMÉ, La Dernière mode, 1874, page 790 ). · Entendre la messe. Assister à sa célébration. Petite pièce terrible où ils entendaient la messe avant de se mettre en route [pour l'échafaud] (JULIEN GREEN, Journal, 1935, page 31 ). — [Par métonymie de l'objet; le complément désigne un acteur, un conférencier, un musicien] Entendre quelqu'un jouer, parler. Quand j'ai entendu Talma, j'attends que le feuilleton me dise qu'il a bien joué (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 1, 1811, page 65 ). On m'a dit que vous étiez musicien, et j'ai eu envie de vous entendre... Voulez-vous vous mettre au piano? (OCTAVE FEUILLET, Scènes et proverbes, 1851, page 157 ). 2. Accueillir avec sympathie les propos de quelqu'un et agir en conséquence. a) [Entendre + complément d'objet direct] a ) De manière à comprendre quelqu'un, à donner son adhésion à ce qu'il dit. Quelqu'un m'avait entendu, compris. Nous nous étions rejoints (FRANÇOIS MAURIAC, Le Noeud de vipères, 1932, page 286 ). · À l'entendre. Si on l'en croit. La semaine ne pouvait, à l'entendre, se passer sans que nous allions à Doncières (MARCEL PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 867 ). ß ) De manière à satisfaire une demande. — [Le complément désigne une personne] : Ø 15. — Oh! encore, dit Rodolphe. Ne partons pas! restez! (...) — J'ai tort, j'ai tort, disait-elle [Emma] . Je suis folle de vous entendre. GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 1, 1857, page 183. — [Le complément désigne une chose] · Ne vouloir rien entendre. Mais je suis un infirme aussi, de ces mauvais qui ont leur idée et qui ne veulent rien entendre (PAUL CLAUDEL, L'Otage, 1911, II, 1, page 252 ). · Entendre la voix de la raison, entendre raison. Prêter attention à des conseils judicieux, avoir un comportement dicté par la raison. — Puisque tu ne veux entendre raison, je saurai bien te soustraire à cette influence (JACQUES DE LACRETELLE, Silbermann, 1922, page 145) : Ø 16. C'est le malheur des temps où toutes les passions sont follement déchaînées qu'on ne veut pas entendre la voix de la raison, qu'on s'injurie, qu'on s'accuse. GEORGES CLEMENCEAU, L'Iniquité, 1899, page 208. · " N'entendre ni rime, ni raison. Refuser par humeur, par entêtement, etc. de se rendre aux propositions les plus raisonnables " (Dictionnaire de l'Académie Française). ? ) [En parlant de la puissance divine] De manière à exaucer quelqu'un, une prière. Dieu vous entende! Que le ciel vous entende! Oh! que le ciel et l'enfer m'entendent, et qu'ils soient tous maudits (VICTOR HUGO, Han d'Islande, 1823, page 446 ). Dans un jour de prospérité qui ne tardera pas à se lever pour toi, si Dieu daigne entendre les prières que je lui adresserai journellement (HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, 1837, page 335 ). b) [Entendre + complément d'objet indirect] Vieilli. · Ne savoir auquel entendre. " Avoir affaire à plusieurs personnes à la fois et éprouver quelque embarras à les satisfaire " (Dictionnaire de l'Académie Française). Synonyme : ne savoir à qui entendre (Dictionnaire de l'Académie Française 1932). Et son idée lui réussissait, car il ne savait plus auquel entendre. En effet, les villageois, qui avaient chaud, se disputaient ces sièges (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 1, 1857, page 159 ). · Ne vouloir entendre à rien. Et elle dit tout ce qu'elle put imaginer pour le consoler. Il ne voulait entendre à rien (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, La Petite Fadette, 1849, page 36 ). II.— Domaine de l'intellection, en général dans la langue soutenue. A.— Comprendre, indépendamment de la perception physique. 1. [Le complément désigne une chose] Saisir intellectuellement la signification, la portée de quelque chose. a) [Le complément est un substantif] Daubenton le représente [Buffon] comme n'ayant pas bien entendu la méthode de Linné (EDMOND PERRIER, La Philosophie zoologique avant Darwin, 1884, page 56) : Ø 17. Ces hommes qui passent leur temps à établir des textes, l'idée ne leur viendra jamais de servir un texte, d'entendre un texte... CHARLES PÉGUY, Clio, 1914, page 199. — Emploi pronominal à sens passif. Être compris. Il se gardera pourtant de la frapper [sa femme] et de la maltraiter (...) car elle a deux vengeances toutes prêtes. L'une s'entend assez; l'autre est le poison (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Rabelais, 1924, page 15 ). b) [Le complément est une proposition interrogative] Il fut besoin d'un peu de temps pour que Madeleine entendît ce que son mari voulait dire (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, François le Champi, 1850, page 77 ). — Par extension. Comprendre quelque chose par intuition. Qui l'obligeoit à se battre, ce vieux roi aveugle? L'honneur : toute l'armée entendra ceci (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mélanges politiques, 1816-24, page 126 ). — Expressions. · Entendre (quelque chose) au premier mot. Comprendre dès la première explication. À six ans, M. le curé lui enseigna lui-même à lire [à Méniquette] (...) je la menais garder la chèvre dans les champs, lui montrant à coudre, à tricoter, à filer (...) Elle entendait toutes choses au premier mot, cette petite tête (FERDINAND FABRE, Julien Savignac, 1863, page 167 ). · Entendre la plaisanterie, entendre raillerie. Savoir accepter une plaisanterie, une raillerie quand on en est l'objet. Bon! bon! Riez à votre aise; j'entends raillerie (FRANÇOIS PONSARD, L'Honneur et l'argent, 1853, II, 7, page 46 ). On le blaguait. Il entendait la plaisanterie (MAXENCE VAN DER MEERSCH, L'Empreinte du dieu, 1936, page 102 ). Par extension. Ne pas entendre raillerie sur quelque chose Ne pas admettre que l'on prenne quelque chose à la légère. Confer assassiner exemple 6. · Entendre (ou n'entendre pas) la devise (vieux). " Se laisser (ou non) conter fleurette " (Rat, Vieilles locutions, mais qui vivent toujours dans Défense de la Langue française, 1965, n° 27, page 10). · Faire entendre, donner à entendre, laisser entendre (quelque chose à quelqu'un). Induire plus ou moins explicitement quelqu'un à comprendre quelque chose. Il ne veut même point dire, ni laisser entendre que le miracle lui fera plaisir (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1923, page 467 ). Il m'a fait entendre quelque chose de ce genre une fois, à sa manière étrange et détournée (PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin, 1929, 1re. journée, 5, page 670 ). Quelques mots brefs, presque durs, m'ont aussi donné à entendre qu'elle regrettait ses confidences de l'autre nuit (JULIEN GRACQ, Un Beau ténébreux. 1945, page 44 ). Remarque : 1. Au lieu de laisser entendre, on dit aussi, plus rarement, laisser à entendre, par analogie avec donner à entendre. Je laisse donc à entendre dans mon article que... (ALFRED DE MUSSET, Lettres Dupuis Cotonet, 1837, page 751). 2. On rencontre dans la documentation un emploi substantival de l'infinitif laisser entendre. Il n'y a cependant rien d'officiel, tout est en demi-mots; même moins que cela : en laisser entendre (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Journal, 1805, page 197). — Locution familière. Entendre ce que parler veut dire. Comprendre la signification d'une chose dite à mots couverts. Synonyme plus courant : savoir ce que parler veut dire. Il me faut du poussier (...) ou si tu aimes mieux, je t'enverrai des chalands de la préfecture... Tu entends ce que parler veut dire (FRANÇOIS VIDOCQ, Mémoires de Vidocq, chef de la police de sûreté jusqu'en 1827, tome 2, 1828-29, page 227 ). 2. [Le complément désigne une personne] a) Par un acte d'attention particulier, réussir à comprendre la pensée de quelqu'un, les mobiles de ses actes. Mais vous ne m'entendez guère, si vous vous imaginez que je crois à l'effondrement final, parce que je montre les plaies et les lézardes (ÉMILE ZOLA, Le Docteur Pascal, 1893, page 98) : Ø 18.... il m'a, sans doute, mal entendu, quoique je pense m'être expliqué très-clairement; ce mot de Brutus, isolé de ce que j'ai dit, pourroit présenter une équivoque qui n'étoit ni dans mes pensées, ni dans mes paroles... MAXIMILIEN DE ROBESPIERRE, Discours, Sur la guerre, tome 8, 1792, page 146. · Se faire entendre. Faire en sorte qu'on soit compris. Mais que ce terrain est brûlant! Qu'il est difficile de se faire entendre entièrement! (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 10, 1913, page 31 ). · Je vous entends (bien). Je comprends ce que vous voulez dire (sans avoir besoin d'un discours plus explicite). Lieutenant, ma patience est plus courte que mon épée. — Je vous entends, mon brave damoisel (VICTOR HUGO, Han d'Islande, 1823, page 60 ). Oh! vous m'entendez bien! Oh! vous savez comme on y vient (JULES LAFORGUE, Poésies complètes, 1887, page 141 ). · Entendre (quelqu'un) à demi-mot. Comprendre ce que quelqu'un veut dire sans qu'il se soit entièrement expliqué. Gaspard n'avait parlé que de soupçons sur le bossu, mais elle l'avait entendu à demi-mot (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1931, page 215 ). Par extension (pour d'autres moyens d'expression que la parole) Plus Mozart est pur et parfait et moins il supporte l'enflure. Il faut savoir l'entendre à demi-mot (HENRI GHÉON, Promenades avec Mozart, 1932, page 154 ). · Emploi pronominal à valeur réciproque. Se comprendre mutuellement. Tous retranchés dans leur façon de s'entendre à demi-mot, de se référer à des rites connus d'eux seuls (HENRI DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, page 1061 ). · Emploi pronominal à valeur réfléchi. Saisir sa propre pensée. À force de vouloir s'écarter des opinions reçues (...) on finit par ne plus s'entendre soi-même (LOUIS DE FONTANES, Œuvres, tome 2, Littérature et critique, 1821, page 192 ). Je m'entends (pour indiquer que l'on refuse de s'expliquer plus clairement ou que l'on en est incapable). Synonyme : je sais ce que je veux dire. — Pour vivre! interrompit Marius. Vous n'avez pas besoin de ce nom pour vivre? — Ah! je m'entends, répondit Jean Valjean (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 667) : Ø 19. « (...) Les femmes honnêtes... c'est-à-dire nos femmes... sont... ne sont pas... manquent de... enfin ne connaissent pas assez leur métier de femme. Voilà... Je m'entends. » GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, La Porte, 1887, page 1077. — En particulier. Avoir une pleine compréhension de l'oeuvre d'un artiste et de sa personnalité. À Venise, on penche pour Véronèse; en Flandre, on entend mieux Rubens (EUGÈNE FROMENTIN, Les Maîtres d'autrefois, 1876, page 11 ). b) Emploi pronominal réciproque. [La compréhension va au-delà de l'acte d'intellection et vise l'action; l'accent est mis sur l'idée d'accord] a ) Se mettre d'accord avec quelqu'un. — par la discussion, à propos de l'emploi ou du sens d'un mot, en vue de prévenir un malentendu. Mais, si le fer est « prescrit », — non « proscrit », entendons-nous bien (EUGÈNE VIOLLET-LE-DUC, Entretiens sur l'architecture, 1872, page 125 ). Enten-dons-nous d'ailleurs. Je n'appelle pas beyliste quiconque écrit sur Stendhal (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 256 ). · Familier. Il faut, il faudrait s'entendre! (pour souligner la contradiction entre les affirmations de deux antagonistes) : Ø 20. — Alors, qu'il dit comme ça Gabriel, alors comme ça vous êtes flic? — Jamais de la vie, s'écria l'autre d'un ton cordial, je ne suis qu'un pauvre marchand forain. — Le crois pas, dit Zazie, c'est un pauvre flic. — Faudrait s'entendre, dit Gabriel mollement. RAYMOND QUENEAU, Zazie dans le métro, 1959, page 79. — en nouant une entente momentanée avec quelqu'un. S'entendre à l'amiable. C'est « avant » qu'on risque de compromettre une femme (...) Après, on s'entend, on se concerte, on s'avertit (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Au Petit bonheur, 1898, page 12) : Ø 21. Un jour, lorsqu'il aurait monté au Matterhorn une charge suffisante de clients, il aurait peut-être assez d'argent pour s'entendre avec son beau-frère, et exhausser le chalet. On s'arrangeait ainsi, dans les familles. JOSEPH PEYRÉ, Matterhorn, 1939, page 38. · Péjoratif. Être de complicité avec quelqu'un. S'entendre avec les ennemis. Seuls les faux coupables qui s'entendent répondent par les mêmes mots (JEAN GIRAUDOUX, Ondine, 1939, III, 4, page 203 ). Locution. S'entendre comme larrons en foire (pour faire quelque chose, généralement pour des actions plus ou moins malhonnêtes) : Ø 22. Albrecht et lui étaient bons camarades, s'entendaient comme larrons en foire pour piller les produits de la ferme. MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 23. ß ) Avoir des affinités de caractère l'un avec l'autre, vivre en bonne intelligence. Notre différence d'âge s'effaçait d'année en année. On s'entendait à merveille (ROGER MARTIN DU GARD, Confidence africaine, 1931, page 1116 ). — Locution familière. S'entendre comme chien et chat. Ne pas vivre en bonne intelligence (Confer chat II A 4). B.— Comprendre quelque chose dans un sens donné. 1. Interpréter d'une certaine manière (un mot, une phrase). Ce que nous entendons en France par type espagnol n'existe pas en Espagne, ou du moins je ne l'ai pas encore rencontré (THÉOPHILE GAUTIER, Tra los montes, 1843, page 92 ). Si l'on entend ce mot selon l'usage, l'imagination n'est pas seulement (...) un pouvoir contemplatif de l'esprit, mais surtout l'erreur et le désordre (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Système des beaux-arts, 1920, page 15 ). · Entendre (par là) que. Si le seigneur vivait mieux que le paysan, il faut surtout entendre par là qu'il était nourri plus abondamment (HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932, page 318 ). — Emploi pronominal à sens passif (Devoir) être interprété d'une certaine manière. Cette dernière expression [puissance de la pauvreté] peut surprendre, mais pas longtemps. Pauvreté s'entend dans un sens relatif (FRANÇOIS PERROUX, L'Économie du XXe. siècle. 1964, page 585 ). Ces prix (...) s'entendent retouches éventuelles en sus (Jours de France, n° 1240, 22 septembre 1978, page 115 ). · (Cela) s'entend. Que cela soit bien entendu, cela va de soi. Et vous, monsieur l'abbé, il ne vous déplaira pas sans doute de traduire du grec : moyennant salaire, s'entend (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Rôtisserie de la Reine Pédauque. 1893, page 60 ). — Expression. Ne pas entendre finesse/malice à quelque chose Faire ou dire quelque chose sans mauvaise intention, ne pas voir de mal dans quelque chose qui est dit ou fait par autrui. Bon, sans défiance, je n'y entendais pas finesse (NICOLAS-EDME RESTIF, DIT RESTIF DE LA BRETONNE, Monsieur Nicolas, 1796, page 180 ). Il se souvint d'une parole que Solange avait dite à sa mère, et que celle-ci avait répétée sans y entendre malice (HENRI DE MONTHERLANT, Les Lépreuses, 1939, page 1418 ). 2. En particulier. Se faire de quelque chose une certaine conception qui retentit sur le comportement. Entendre la vie d'une certaine façon. Est-ce comme cela que vous entendez la justice? (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, La Liberté de la presse, 1818, page 155 ). Parbleu, pour un début, voici qui n'est pas mal, et vous entendez vos futures fonctions comme il faut (ANDRÉ GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, page 1040) : Ø 23. Ceux-ci et Désaugiers le dernier, dans leur manière d'entendre le vin, c'est-à-dire de le boire et de le chanter, tenaient un peu plus directement (...) des façons du bon Homère et de celles du bon Rabelais. CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Portraits contemporains, tome 5, 1846-69, page 45. 3. Donner une interprétation précise à un terme, à une phrase lorsqu'on s'exprime et vouloir la faire partager par ses auditeurs (pour éviter un malentendu). Par « sentiment national », M. Boulenger entend le sentiment du pays, le sentiment de la terre natale (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 226) : Ø 24. CÉLIMARE. — Je dis que madame Bocardin est une femme un peu légère. EMMA. — Qu'est-ce que tu entends par là? CÉLIMARE. — Elle a des intrigues... EUGÈNE LABICHE, Célimare le bien-aimé, 1863, III, 7, page 114. · J'entends (par là). Synonymes : je veux dire, comprenez. Cet effort suprême, pour la victoire, la liberté et le renouveau, exige l'union de tous les Français. J'entends l'union sincère et fraternelle (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, page 421) : Ø 25.... un artiste consommé dans le bel art de faire des vers à l'état pur. Je dis : Faire des vers à l'état pur, et j'entends par là qu'il n'y a de lui dans l'oeuvre dont je parle, exactement que la façon de la forme. PAUL VALÉRY, Variété V, 1944, page 178. C.— Bien comprendre une technique ou une activité, être compétent dans un domaine donné. 1. [Entendre + complément d'objet direct (désignant un art, une science)] Entendre l'architecture, entendre les affaires. Ah! la duchesse entendait à merveille son métier de femme (HONORÉ DE BALZAC, La Duchesse de Langeais, 1834, page 255 ). Personne n'entend, comme Boucher, l'art de la lumière et des ombres (PIERRE DE NOLHAC, François Boucher, premier peintre du Roi, 1907, page 168) : Ø 26. Don Juan me donne à l'esprit le fin et délicat plaisir que doit donner, je suppose, à ceux qui entendent la musique, la musique de Rossini. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1859, page 523. Remarque : On rencontre dans la documentation un emploi de entendre avec un complément désignant des personnes — Ce bon docteur! Voilà un homme qui entend les malades! (ÉMILE ZOLA, L'Héritage Rabourdin, 1874, I, 1, page 139). 2. [Entendre + complément d'objet indirect] Entendre quelque chose à, ne rien entendre à. Le XVIIIe. siècle n'a rien entendu à la poésie, rien entendu au coeur humain (GUSTAVE FLAUBERT, Souvenirs, notes et pensées intimes, 1841, page 52 ). Comment! Vous avez entendu quelque chose à toute cette science, madame? (ÉDOUARD PAILLERON, Le Monde où l'on s'ennuie, 1869, II, 1, page 81 ). Remarque : On rencontre chez Fabre l'emploi régionalisme adjectival du participe présent entendant à, synonyme de entendu (confer ce mot II A 1 b) : entendant aux bêtes (Chevrier, 1867, page 223); entendant à la terre (ibidem, page 241). 3. Emploi pronominal à valeur subjective. — [Le complément est un substantif] S'entendre à, en. S'entendre aux affaires. Il ne s'entendait guère plus en culture qu'en indienne (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 1, 1857, page 5 ). « Vous entendez-vous aux vers? (...) Feriez-vous rimer trône et couronne? » (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les désirs de Jean Servien, 1882, page 162) : Ø 27. Et comment se mêler de peindre la femme, si l'on ne s'entend un peu aux paniers, aux rubans et aux mouches : Messieurs de Goncourt s'y entendent beaucoup. CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, tome 4, 1863-69, page 5. — [Le complément est un syntagme verbal] S'(y) entendre à. Elle s'y entendait déjà, l'Évangéliste, à détacher les âmes de leurs affections naturelles (ALPHONSE DAUDET, L'Évangéliste, 1883, page 82 ). 4. En particulier. [L'objet désigne une langue] Connaître, après avoir étudié : Ø 28. Il ne suffit pas d'entendre l'anglais pour comprendre ce grand homme, il faut entendre le Shakespeare, qui est une langue aussi. Le coeur de Shakespeare est une langue à part. ALFRED DE VIGNY, Le Journal d'un poète, 1838, page 1098. · N'entendre un (traître) mot de/à quelque chose Ne pas comprendre un mot de/à quelque chose (en raison de l'ignorance d'une langue ou de la difficulté d'une science). Que je sois pendu, dit-il, si j'entends un mot de ce patois infernal! (JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 1, 1868, page 130 ). Les personnes qui ont introduit sa gloire [celle de Sidney Webb] en France n'entendaient pas un mot au socialisme (GEORGES SOREL, Reflexions sur la violence, 1908, page 175 ). Tu lisais avidement, sans y entendre un traître mot, les privilèges hollandais des in-folio de Diafoirus (GASTON BACHELARD, La Poétique de l'espace, 1957, page 134 ). III.— Domaine de la volition, dans la langue soutenue. Avoir une certaine conception de quelque chose et vouloir faire partager son point de vue à autrui. A.— [Dans des locutions figées] · Faire, agir comme on l'entend. Faire, agir comme on le juge à propos, comme il vous plaît. Chacun fait comme il l'entend (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1932) : Ø 29. Enfin, Grandet, vous ferez comme vous l'entendrez. Nous sommes de vieux amis : il n'y a pas, dans tout Saumur, un homme qui prenne plus que moi d'intérêt à ce qui vous concerne; j'ai donc dû vous dire cela. Maintenant, arrive qui plante, vous êtes majeur, vous savez vous conduire,... HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1834, page 209. · Ne pas l'entendre ainsi. Avoir sur un point donné une volonté différente de celle d'autrui. D'Athis (...) voulut prendre la chose en riant et ramener tout de suite ses deux fugitifs avec lui. Mais Irma ne l'entendit pas ainsi (ALPHONSE DAUDET, Les Femmes d'artistes, 1874, page 218 ). Remarque : On rencontre aussi, par croisement entre ne pas l'entendre ainsi et ne pas entendre de cette oreille (confer entendre I A 3 a), l'expression ne pas l'entendre de cette oreille-là « refuser de faire ce qui est demandé, en raison d'une volonté contraire » : Ø 30. Isabelle (...) fixait sur lui ses yeux bleus pleins de caresses et de supplications muettes pour arracher le serment désiré; mais le baron ne l'entendait pas de cette oreille-là,... THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, page 253. B.— [Le complément est un infinitif] Avoir la ferme intention, la volonté arrêtée de faire une chose. Il [Fred] sait qu'à sa majorité il sera duc de Nevers, et il entend porter haut ce titre et ce nom (SIBYLLE-GABRIELLE-MARIE-ANTOINETTE DE RIQUETTI DE MIRABEAU, COMTESSE DE MARTEL DE JANVILLE, DITE GYP, Monsieur Fred, 1891, page 7) : Ø 31. Et Françoise, en bonne et honnête servante qui entend faire respecter son maître comme elle le respecte elle-même, s'était drapée de cette majesté qui ennoblit les entremetteuses dans les tableaux des vieux maîtres,... MARCEL PROUST, La Prisonnière, 1922, page 141. C.— [Le complément est une proposition complétive dont le verbe est au subjonctif] Avoir la volonté arrêtée qu'une chose se réalise. La France qui combat entend que la victoire soit le bénéfice de tous ses enfants (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1954, page 677 ). — [En tournure négative] Ne pas admettre, refuser absolument qu'une chose se fasse. Or la grande Mademoiselle n'entendait pas qu'on la plaisantât de la sorte (...) son premier soin fut de chasser impitoyablement Lully (LAURENT GRILLET, Les Ancêtres du violon, tome 2, 1901, page 51 ). Remarque : Entendre dénote généralement une volonté plus nettement affirmée que vouloir, exiger, impliquant le refus de toute objection, de toute discussion. Fréquence absolue littéraire Entendre : 42 421. Entendant : 1 340. Fréquence relative littéraire Entendre : XIXe. siècle : a) 54 478, b) 62 698; XXe. siècle : a) 64 121, b) 61 768. Entendant : XIXe. siècle : a) 2 212, b) 2 349; XXe. siècle : a) 1 964, b) 1 369.