Dictionnaire en ligne: ENDORMI, -IE, participe passé et adjectif.

Dictionnaire en ligne: ENDORMI, -IE, participe passé et adjectif. I.— Participe passé de endormir* II.— Adjectif. A.— [En parlant d'une personne ou de son attitude] 1. Qui est plongé dans le sommeil, qui dort. Un garçon, à moitié endormi (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 3, 1813, page 133 ). 2. Au figuré. a) Familier. Qui fait preuve d'apathie, de mollesse, qui manque de vivacité. Air endormi. Ce même regard (...) si éteint et si endormi (VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, page 232 ). Les troupes endormies de prolétaires se réveilleront comme aux fanfares du jugement dernier (ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951, page 262 ). — Emploi comme substantif. — Réveille-toi donc, l'endormi! (LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs, 1879, page 226 ). b) Littéraire. Mort Maurice de Guérin endormi depuis un siècle (FRANÇOIS MAURIAC, Mes grands hommes, 1949, page 127 ). B.— Au figuré. 1. [En parlant d'un inanimé concr] a) [En parlant d'un lieu dont les habitants dorment ou sur lequel est tombée la nuit] Qui est plongé dans le repos de la nuit. Coucher de la lune sur les rizières endormies (ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes, 1927, page 88 ). Le palais semblait tout à fait endormi. Mes appels n'éveillaient personne (JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, page 152 ). b) [En parlant d'un instrument] Qui n'est pas utilisé. Le vieux clavecin endormi (GEORGES RODENBACH, Le Règne du silence, 1891, page 195 ). c) [En parlant d'un volcan] Qui n'est pas en activité. Le haut Guatémala, avec ses volcans endormis (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 436 ). d) [En parlant de l'eau] Qui stagne. Synonyme usuel : dormante. Eaux endormies de ces mares mystérieuses (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 3, 1855, page 412 ). e) [En parlant d'un élément de la nature] Qui manque de force, d'intensité. Les parfums, endormis pendant le jour, semblaient s'éveiller à l'approche du soir (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, En famille, 1881, page 350 ). 2. [En parlant d'un inanimé abstrait] Qui a perdu sa vivacité, sa force. Ce large trottoir (...), cette asphalte grise où lui semblait passer le galop des plaisirs et des amours faciles, réveillaient ses désirs endormis (ÉMILE ZOLA, La Curée, 1872, page 446 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 885. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 3 368, b) 5 223; XXe. siècle : a) 4 565, b) 3 850. Forme dérivée du verbe "endormir" endormir ENDORMIR, verbe. I.— Emploi transitif. A.— [Le sujet désigne généralement une personne; l'objet désigne une personne ou un animal] 1. Faire dormir, entraîner au sommeil : Ø 1. Nulle ne berce mon chagrin et ne me parle. Ailleurs, je le sais bien, au fond de claires chambres, Les mères ont des voix apaisantes qui chantent Pour endormir les enfants tristes dans leurs larmes. DICTIONNAIRE DES DICTIONNAIRES (PAUL GUÉRIN), Le Coeur Solitaire, 1904, page 86. — Par analogie. [Le sujet désigne un état de la personne] La fatigue qui l'endormait debout (ÉMILE ZOLA, La Joie de vivre, 1884, page 382 ). — Usuel, emploi pronominal subjectif. · [Aspect inchoactif] Commencer à dormir, avoir envie de dormir. Synonyme : s'assoupir : Ø 2. La lumière, dans cet air humide et épais, colorait les objets de teintes un peu pâles et en émoussait les angles, comme il arrive quand on s'endort et que rien ne se voit plus distinctement. JULES MICHELET, Journal, 1820, page 95. · [Aspect inchoactif et duratif] Commencer à dormir et dormir. S'endormir dans les bras de, sur les genoux de; s'endormir paisiblement, profondément; finir par s'endormir. Quand la fatigue les accablait, ils s'endormaient pendant une ou deux heures dans des fauteuils, pour s'éveiller en sursaut (ÉMILE ZOLA, Thérèse Raquin, 1867, page 148 ). Les oiseaux chantaient avant de s'endormir (ÉMILE MOSELLY, Terres lorraines, 1907, page 185) : Ø 3. Il [Christophe] tombait de sommeil et s'endormit à peine rentré. Mais il fut réveillé deux ou trois fois dans la nuit, comme par une idée fixe. Il se répétait : « J'ai un ami »; et il se rendormait. ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Matin, 1904, page 154. Par métaphore. Le lobélia bleu s'endort comme un mulot, L'anémone se ferme (ANNA DE NOAILLES, Les Éblouissements, 1907, page 205 ). [Avec un complément d'objet interne] S'endormir du sommeil du juste*. Elle s'endormit d'un sommeil de plomb jusqu'au lendemain matin (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Marthe, histoire d'une fille, 1876, page 69 ). · [Aspect imperfectif] Être dans un état intermédiaire entre la veille et le sommeil : Ø 4. « — Il faut vous dire que je dors très mal. Quand il m'arrive de m'endormir, je ne perds pas le sentiment de mon sommeil. Ce n'est pas vraiment dormir, n'est-ce pas? Celui qui dort vraiment ne sent pas qu'il dort; simplement, à son réveil, il s'aperçoit qu'il a dormi. (...) » ANDRÉ GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, page 1218. 2. En particulier. [Le sujet désigne une personne ou un moyen physique ou chimique; l'objet désigne une personne ou un animal] Provoquer artificiellement le sommeil de. a) (Quasi-)synonyme : de anesthésier. Le narcotique endormit le parfumeur (HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, 1837, page 351 ). On endormait les malades avec du chloroforme (GEORGES FEYDEAU. La Dame de chez Maxim's, 1914, I, 18, page 21 ). b) (Quasi-)synonyme : de hypnotiser. Il [Janet] endormait les serpents (JEAN GIONO, Colline, 1929, page 63 ). Les médecins réussirent à endormir et à réveiller sur ordre mental leur sujet (ROBERT AMADOU, La Parapsychologie, 1954, page 101 ). B.— Par extension. Donner envie de dormir à, faire dormir une personne à force d'ennui. Synonymes familiers : barber, raser. Il m'endormait avec son Brahma, ce vieux bonze (ÉDOUARD PAILLERON, Le Monde où l'on s'ennuie, 1869, II, 1, page 80 ). Sermon fort ennuyeux qui, la chaleur aidant, endormait les plus fanatiques (JULIEN GREEN, Journal, 1937, page 96 ). — Emploi pronominal. Je lis sans m'endormir « La Tentation de Saint Antoine » (JULES RENARD, Journal, 1890, page 58 ). C.— Par analogie. [L'objet désigne un membre ou un organe] Diminuer ou supprimer la sensibilité de. (Quasi-)synonymes : anesthésier, insensibiliser. — Par extension. Altérer la mobilité ou la sensibilité de. Synonymes : ankyloser, engourdir. Ne pas savourer du faux bien-être qui vous endorme les jambes et vous attache à votre chaise (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En ménage, 1881, page 61 ). · Par métaphore, emploi pronominal. Les mouvements des hommes de quart s'endormaient ralentis par les épaisseurs d'eau (JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, page 213 ). D.— Au figuré. 1. [L'objet désigne une sensation ou un sentiment pénibles] Atténuer ou supprimer. Synonyme : calmer. Endormir la souffrance. Paroles magiques, qui endorment toutes les douleurs (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 2, 1803, page 183 ). J'endors les brûlures rien qu'avec la salive (JEAN GIONO, Solitude de la pitié, 1932, page 154 ). — Par métaphore. Les neuf vierges de l'île de Sain, endormaient à leur volonté, ou éveillaient la tempête (JULES MICHELET, Histoire romaine, tome 2, 1831, page 235 ). 2. [L'objet désigne une personne] Tromper la vigilance de quelqu'un par la ruse ou en lui faisant illusion; le bercer d'illusion. Les citoyennes de Rome allaient endormir, à Capoue, Annibal entre leurs bras (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Boule de suif, 1880, page 144 ). On ne pouvait pas ruser avec lui, ni l'endormir (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Copains, 1913, page 283) : Ø 5. Mais voici quelque chose qui me tourmente encore plus, c'est le reproche que vous me faites sans cesse d'endormir des gens qui ne sont déjà que trop somnolents. Si je les endors, ce n'est pas en les caressant, toutefois. JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Correspondance [avec Alexis de Tocqueville] , 1856, page 258. — Emploi pronominal réfléchi. Se laisser aller à, se relâcher. Le sultan Mustapha s'endormait dans les voluptés (ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 2, 1835, page 371 ). Il s'agit de prendre un nouveau départ, de ne pas s'endormir dans le terminus de la réussite (FRANÇOIS MAURIAC, Journal, 1934, page 63 ). · S'endormir sur le fricot, le rôti. Négliger l'occasion propice. Tu vois, (...) que je ne m'endors pas sur le fricot (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1871, page 291 ). Ne nous endormons pas sur le rôti (JEAN GIONO, Le Bonheur fou, 1957, page 143 ). — Par extension. [L'objet désigne un sentiment, une disposition d'esprit] Atténuer ou supprimer l'effet d'une attitude. Endormir les soupçons. Il réussit à endormir la vigilance de ses chefs et de ses gardiens (AUGUSTIN THIERRY, Récits des temps mérovingiens, tome 2, 1840, page 196 ). Je m'applique à endormir sa méfiance par des propos anodins (MARCEL AYMÉ, Le Vaurien, 1931, page 212 ). Voir berlinois exemple. · Absolument. Manquer de vigilance, d'attention. Mon amitié ne s'endort pas (HONORÉ DE BALZAC, Correspondance, 1839, page 576 ). Remarque : On rencontre la construction rare endormir à. Les rabbins forcent les riches à donner, quand nos curés les endorment à tout garder (Marcel Jouhandeau dans Vie et Langage, 1973, page 44). II.— Emplois pronominaux spécifiques, au figuré. A.— Littéraire. [Le sujet désigne une personne] Mourir Les héros grecs ne s'endorment pas comme les patriarches bibliques à côté de leurs pères (LOUIS MÉNARD, Rêveries d'un païen mystique, 1876, page 222 ). — [Généralement accompagné d'un complément prépositionnel indiquant qu'il s'agit du dernier sommeil] Six cents ans ont passé depuis que le vieil Alighieri s'est endormi, à Ravenne, sous le marbre sépulcral (FRÉDÉRIC OZANAM, Essai sur la philosophie de Dante, 1838, page 282 ). · Langage religieux. S'endormir dans le Seigneur. Mourir chrétiennement : Ø 6.... ils s'endormirent dans le Seigneur tous trois presque en même temps; le comte Longin trépassa le premier, Romulus mourut deux mois plus tard... ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Étui de nacre, Sainte Euphrosine, 1892, page 76. B.— [Le sujet désigne un inanimé concret] 1. [Le sujet désigne un lieu habité où la nuit tombe] Entrer dans le repos de la nuit. Les lueurs et les bruits allaient toujours en se mourant, la ville s'endormait (ÉMILE ZOLA, La Curée, 1872, page 454 ). Un coin de forêt, qui s'endormait dans la poussière chaude du couchant (ÉMILE MOSELLY, Terres lorraines, 1907, page 110 ). 2.— [Le sujet désigne un élément de la nature] Diminuer de force, d'intensité, offrir les apparences du sommeil. À l'automne, quand la feuille tombe et la sève s'endort (JULES MICHELET, L'Insecte, 1857, page 10 ). Quand je vois s'éteindre ces lumières et tous ces feux s'endormir sous la cendre (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 583 ). — Par métaphore. La rivière s'endort aux caresses des prés (FRANCIS JAMMES, Clairières dans le ciel, 1906, page 133 ). 3. [Le sujet désigne un inanimé abstrait] Perdre de sa vivacité, de son importance. Synonymes : s'atténuer, s'estomper. Un souvenir ne meurt jamais, il s'endort simplement (MAURICE MAETERLINCK, Le Sablier, 1936, page 95 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 3 151. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 3 677, b) 5 461; XXe. siècle : a) 5 491, b) 4 033.