Dictionnaire en ligne: EMPÊCHER, verbe transitif.

Dictionnaire en ligne: EMPÊCHER, verbe transitif. A.— Vieux. Gêner, embarrasser physiquement quelqu'un. En vain, toute la nymphe énorme et continue Empêche de bras purs mes membres harassés (PAUL VALÉRY, Charmes, 1922, page 153 ). B.— Faire obstacle, s'opposer à. 1. Empêcher. [L'objet direct désigne une personne ou une chose] Empêcher la guerre, un mariage. Synonymes : gêner, contrarier; antonyme : permettre. Il faut souffrir ce qu'on ne saurait empêcher (NICOLAS-EDME RESTIF, DIT RESTIF DE LA BRETONNE, Monsieur Nicolas, 1796, page 86 ). Empêcher le relèvement économique (ANDRÉ MALRAUX, Les Conquérants, 1928, page 173 ). À ton âge, on aime de s'amuser et ce n'est pas moi qui t'empêcherai (MARCEL AYMÉ, La Jument verte, 1933, page 199) : Ø 1. Sans doute, le cours de la vie, la médiocrité et la fatigue des besognes quotidiennes nous empêchent, et nos chétives aventures sont moins fécondes en réflexions que la magnifique détresse de Faust et de Pascal. MAURICE BARRÈS, La Grande pitié des églises de France, 1914, page 88. — Emploi absolu, rare. La loi permet (...) la loi empêche (Code civil, 1804, article 289, page 55 ). Il y a des séparations, des poteaux, des filets pour empêcher (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1853, page 290 ). — Emploi pronominal à sens passif. Ça aurait pu s'empêcher, il aurait suffi d'un peu de discipline... (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 523 ). — Au passif. Être empêché.. Être retenu par un obstacle (maladie, obligations) qui ne permet pas d'être présent. — J'ai été empêché à la dernière minute (ROGER VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, page 254 ). Remarque : On rencontre l'emploi rare et vieilli. Empêcher quelque chose à quelqu'un. Le lui défendre, le lui interdire. Des scrupules suffisent à nous empêcher le bonheur (ANDRÉ GIDE, Journal, 1893, page 42). 2. Empêcher de + verbe à l'infinitif. a) Empêcher quelqu'un (parfois un animal) de + infinitif. Entraver dans son action, ne pas permettre de. Synonyme : interdire à. Empêcher les gens de. — [Le sujet désigne une personne ou un animal] Henri fut chargé d'empêcher les chèvres d'approcher un nid de caille (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1931, page 123 ). Je vous ordonne d'empêcher de passer le premier individu qui se présente (JEAN COCTEAU, La Machine infernale, 1934, page 38) : Ø 2. Tu comprends, Florent, j'aurais beau tricher et fermer les yeux de toutes mes forces... Il y aura toujours un chien perdu quelque part qui m'empêchera d'être heureuse... JEAN ANOUILH, La Sauvage, 1938, III, page 256. · [L'objet n'est pas exprimé] Les punaises empêchaient de dormir (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1860, page 838 ). — [Le sujet désigne un inanimé ou un neutre] Une migraine horrible l'empêchait presque de parler (BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Journaux intimes, 1814, page 399 ). Qu'est-ce qui m'empêche de prendre (...) le train de Paris? (GEORGES BERNANOS, Sous le soleil de Satan, 1926, page 77) : Ø 3.... ils auraient bien voulu s'en aller, mais ils n'osaient pas s'en aller, chacun d'eux étant retenu par une espèce de fausse honte, qui l'empêchait de faire demi-tour. CHARLES-FERDINAND RAMUZ, Derborence, 1934, page 251. Ø 4. Un gros oiseau gris s'effarouche dans la charmille et ne chante pas, de peur que je le reconnaisse : le coucou. Le printemps m'empêche de lire. Les derniers lilas, les premières aubépines passent dans le vent et le livre me glisse des mains. FRANÇOIS MAURIAC, Journal 2, 1937, page 109. · [L'objet n'est pas exprimé] La même défiance qui empêche d'agir, est aussi le grand obstacle à la parole improvisée (HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal, 1866, page 132 ). Remarque : On rencontre dans la documentation la construction vieillie et rare empêcher à quelqu'un de + verbe à l'infinitif Certains pressentiments que cet imbécile de sous-préfet lui avait empêché d'écouter (ÉMILE ZOLA, La Fortune des Rougon, 1871, page 105). Elle [la baronne] avait sous les pieds un coussin brodé, qui lui empêchait de sentir le froid de la dalle (IDEM, Nouveaux contes à Ninon, 1874, page 57). Ce qui n'empêche pas à l'auteur d'ajouter : ... (ANTOINE-LOUIS DUSSORT, Des Preuves d'une existence, manuscrit dépouillé par Gaston Esnault en 1938, 1927, page 138). b) Empêcher quelque chose de + verbe à l'infinitif. Gêner dans son déroulement, dans son comportement. — [Le sujet désigne une personne] Celui qui voudrait empêcher les cerisiers de ceriser (PAUL CLAUDEL, Jeanne d'Arc au bûcher. 1939, page 1221 ). — [Le sujet désigne un inanimé] La clavicule (...) empêche le bras de se porter trop en avant (GEORGES CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, tome 1, 1805, page 245 ). c) Emploi pronominal. S'empêcher de + verbe à l'infinitif. S'abstenir de, se dispenser de. Vous aurez peine peut-être à vous empêcher de sourire en écoutant la lecture de ces passages (PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, Procès de Paul-Louis Courier, 1821, page 115 ). Je l'entends qui fredonne, pour s'empêcher de penser (JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée, 1938, page 26) : Ø 5. On cite une marquise du commencement de ce siècle, qui prétendait qu'en le voulant bien on pouvait s'empêcher de mourir. Elle n'est peut-être morte que d'une distraction. EUGÈNE FROMENTIN, Dominique, 1863, page 192. — Souvent dans un contexte négatif. Ne pouvoir s'empêcher de + verbe à l'infinitif : admirer, demander, s'écrier, frémir, etc. La foule ne put s'empêcher de pousser un cri (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les Martyrs ou le Triomphe de la religion chrétienne, tome 3, 1810, page 185 ). Alban, (...) ne pouvait s'empêcher de pousser un soupir (HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires, 1926, page 435 ). · Rare. Ne pouvoir s'empêcher que de + verbe à l'infinitif. Je n'ai pas pu m'empêcher que de l'embrasser (MARCEL AYMÉ, La Jument verte, 1933, page 58 ). 3. Empêcher que.. Mêmes sens. a) Empêcher que + (ne) + verbe au subjonctif. Je les [des fleurs] mettrai tremper pour empêcher qu'elles se fanent (CHARLES-FERDINAND RAMUZ, La grande peur dans la montagne, 1926, page 47 ). Le crépuscule recouvrait Thérèse, empêchait que les hommes la reconnussent (FRANÇOIS MAURIAC, Thérèse Desqueyroux, 1927, page 172) : Ø 6. Ce roman, je le vois comme une masse qu'il faut sans cesse arrêter à mi-chemin d'une pente, redresser, empêcher qu'elle ne glisse et ne dévie... JULIEN GREEN, Journal, 1931, page 52. Ø 7. Peux-tu faire que tout ceci n'ait pas été? Quelque chose est arrivé que nous ne sommes plus libres de défaire. Peux-tu empêcher que nous soyons pour toujours les assassins de notre mère? ORESTE. — Crois-tu que je voudrais l'empêcher? JEAN-PAUL SARTRE, Les Mouches, 1943, II, tableauII, 8, page 84. b) Ne pas empêcher que (ne) — [+ verbe au subjonctif] Tout cela n'empêcha point qu'à Argos il [Pyrrhus] ne reçût une tuile sur la nuque (ALFRED DE MUSSET, Lettres de Dupuis et Cotonet. 1837, page 750 ). Il n'empêchait que Laure se sentît dans une atmosphère de suspicions (HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire?, 1934, page 165 ). Cela n'empêche pas qu'il n'y ait dans certains milieux néo-classiques un snobisme de Bossuet (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 108 ). — [+ verbe à l'indicatif] Cette conduite n'empêcha pas que l'on ne crut pas, dans une semblable circonstance, devoir lui confier le soin d'administrer le département (HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, tome 3, 1834, page 236 ). Remarque : 1. La présence de ne dans la complétive au subjonctif est fréquente, surtout dans la langue soignée; mais elle y est facultative lorsque empêcher est à la forme négative ou interrogative (confer Je n'empêche pas qu'il (ne) fasse ce qu'il voudra, Dictionnaire de l'Académie Française 1798-1932) et fait souvent défaut dans les énoncés de la langue familière qui " à le bien prendre, n'ont rien de fautif en soi " (DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE (ÉMILE LITTRÉ) ). 2. Il arrive que les expressions cela (ceci, ça, ce qui) n'empêche pas que, et surtout il n'empêche que, soient dépourvues de valeur verbale et fonctionnent comme locution conjonctive; dans ce cas, le verbe qu'elles introduisent est à l'indicatif ou au conditionnel (confer infra). 4. Locution conjonctive de coordination à valeur oppositive-concessive. (Il) n'empêche que, cela (ceci, ça, ce qui) n'empêche pas que. Et pourtant, malgré cela. a) [Le verbe de la proposition est à l'indicatif] Ce qui n'empêche pas que j'attends votre volume... (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1877, page 33 ). Le grand maître-nageur! N'empêche qu'hier soir, il n'a jamais osé traverser la rivière (ROGER MARTIN DU GARD, Un Taciturne, 1932, II, 4, page 1284 ). Et puis ça n'empêche pas que c'est une maladie terrible, la peste (MARCEL PAGNOL, Fanny, 1932, I, 1er. tableau, 14, 1932, page 54 ). Il n'empêche que Mussolini se réclame de Hegel (ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951, page 222 ). b) [Le verbe de la proposition est au conditionnel, pour marquer une éventualité, une hypothèse] Ce qui n'empêche pas que j'aurais aimé être belle... (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Renée Mauperin, 1864, page 108 ). Il n'empêche que, si j'entrais dans son jeu, (...) tu ne me pardonnerais jamais cette folie (FRANÇOIS MAURIAC, Les Mal aimés, 1945, II, 9, 215 ). — Familier. Il n'empêche, n'empêche. Il n'empêche. Je n'aime pas cela (ALBERT CAMUS, Caligula, 1944, I, 1, page 10 ). Il avait des excuses. N'empêche. J'ai la priorité (MARCEL AYMÉ, Clérambard, 1950, IV, 9, page 237 ). Remarque : On rencontre dans la documentation empêchant, ante en emploi adjectival. Qui empêche. Synonyme : contrariant, inhibiteur. L'hormone ovarienne de la poule exerce une action empêchante sur la pousse des ergots et du plumage masculin (Cuénot, Rostand, Introduction à la génétique, 1936, page 41). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 13 417. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 18 726, b) 19 972; XXe. siècle : a) 17 994, b) 19 555.