Dictionnaire en ligne: ÉLITE, substantif féminin.

Dictionnaire en ligne: ÉLITE, substantif féminin. I.— [Avec ou sans déterminant] Ce qu'il y a de meilleur dans un ensemble composé d'êtres ou de choses; produit d'une élection qui, d'un ensemble d'êtres ou de choses, ne retient que les meilleurs sujets. A.— Usuel. [À propos d'êtres humains] 1. Au singulier. Minorité d'individus auxquels s'attache, dans une société donnée, à un moment donné, un prestige dû à des qualités naturelles (race, sang) ou à des qualités acquises (culture, mérites). Synonymes : crème, fleur. a) [Sans déterminant] La jeune tribu du désert était déjà une élite (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 3, 1848, page 424 ). Il n'y a que l'élite qui compte et l'élite ne se constitue pas avec des diplômes (PAUL LÉAUTAUD, Passe-temps, 1929, page 219) : Ø 1. Ainsi quand on oppose l'élite à la masse, on est sans ressource pour comprendre comment un individu se hausse au-dessus de ses propres représentations collectives. PAUL RICOEUR, Philosophie de la volonté, 1949, page 118. — Domaine militaire, régional. (Suisse romande). Troupe formée des hommes âgés de vingt à trente deux ans. Incorporé dans l'élite. La compagnie, réduite de moitié par l'absence de l'élite occupant le poste, prend possession du matériel (ALBERT HALLER, À l'extrême frontière, La Chaux-de-Fonds, 1948, page 183 ). · Cours d'élite. Périodes de service que le soldat doit accomplir pendant qu'il est incorporé dans cette classe d'âge. Remarque : La documentation atteste un emploi du mot pour désigner un individu déterminé. Mon Dieu! j'aime tant Cécile que j'aurais souhaité pour elle un mari absolument parfait, une exception, une élite exquise (FEUILLET, Journal femme, 1878, page 56). b) [Avec adjectif épithète ou complément] [Qualificatif] Élite cultivée; brillante, fausse élite. Une élite intelligente, une aristocratie d'artistes (JULES MICHELET, L'Insecte, 1857, page 330 ). Je n'avais pas pensé aux raffinements de la « haute bourgeoisie » et de « l'élite pensante » (HENRI DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, page 1027 ). c) [Déterminatif] — [Le déterminant désigne l'ensemble, le milieu d'où est issue l'élite] L'élite polytechnicienne, rurale; l'élite de la nation, de la roture. C'était surtout aux Camaldules que l'élite des hautes classes se plaisait à l' [le cardinal Annibal] entendre (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Lélia, 1839, page 507 ). L'élite ouvrière éveillée aux réalités sociales (JACQUES MARITAIN. Humanisme intégral, problèmes temporels et spirituels d'une nouvelle chrétienté, 1936, page 249) : Ø 2. Oui, malgré les difformités de mon intelligence, qui me vouaient au mépris de M. Beaussier et me retranchaient à jamais de l'élite scolaire, j'aurais voulu briller sur les bancs de la classe et recueillir les lauriers comme un héros antique. ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie en fleur, 1922, page 359. — [Le déterminant désigne les sujets qui composent l'élite] Élite de gens riches. Vous ne partagez votre rare compétence et votre scrupuleuse susceptibilité qu'avec une élite restreinte de connaisseurs (ALEXANDRE ARNOUX, Roi d'un jour, 1956, page 184 ). — [Le déterminant désigne le domaine dans lequel l'élite manifeste sa prééminence] Élite morale, politicienne. L'élite intellectuelle militaire d'alors (MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 1, 1931, page 31 ). Remarque : Le mot est souvent employé dans une intention ironique, par allusion au sentiment de suffisance des individus ou des groupes qui s'attribuent le titre d'élite; dans ce cas, il est parfois mis entre guillemets. De ces jeunes gens qui se figurent de bonne foi constituer « l'élite » et restaurent en faveur de l'argent la théorie du droit divin (FRANCIS AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, page 135). 2. Au pluriel avec article défini (néologisme début XXe. siècle). Classe minoritaire composée de gens qui, du fait de leur naissance et de leurs mérites, de leur culture et de leur capacité sont reconnus (ou se reconnaissent) comme les plus aptes soit à occuper les premières places de la société à laquelle ils appartiennent, soit à donner le ton à leur milieu. Les élites ouvrières, locales; le poids des élites. Son astuce a été de persuader nos élites que l'anticléricalisme était « primaire » (ROGER VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, page 72 ). Il me fallait donc prendre appui dans le peuple plutôt que dans les « élites » qui, entre lui et moi, tendaient à s'interposer (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, page 8 ). — En particulier, péjoratif. Milieux restreints d'une société dont les membres s'arrogent le droit de juger des choses de l'esprit, de faire et de défaire les réputations. Son [de Jean Marais] instinct le dresse contre le choeur, le vox populi, le verdict des élites (JEAN COCTEAU, Poésie critique1 1959, page 236 ). B.— Vieilli ou rare. [S'appliquant à des choses] Dans un lot d'objets, ceux qui sont choisis parce que, par leur qualité, ils en constituent la partie la plus saine, la meilleure ou la plus belle. L'élite de leurs fruits [des hommes d'après le déluge] , le choix de leurs troupeaux (ABBÉ JACQUES DELILLE. Le "Paradis perdu" de Milton, 1804, pages 313-315 ). En plaçant dans le grand salon une élite de tableaux, on doit bien se garder d'ôter à la grande galerie toutes ses oeuvres capitales (PROSPER MÉRIMÉE, Mélanges historiques et littéraires, 1855, page 349 ). II.— Locution adjectivale. D'élite. D'une valeur hors ligne, d'une qualité supérieure. A.— Usuel. [En parlant d'un être humain] Âme, bataillon, homme, troupe d'élite. Comme tous les hommes, triés pour la cavalerie d'élite, sa taille [de Michaud] , belle et svelte encore, pouvait faire dire du garde qu'il était bien découplé (HONORÉ DE BALZAC, Les Paysans, 1844, page 96) : Ø 3. L'Allemagne restait le grand pays, au-dessus des autres (...). Et la race allemande méritait de dominer. Ces choses, il ne les voyait pas par lui-même. Il ne voulait bien entendu pas se citer, ni ses camarades, ni personne de ceux qu'il connaissait autour de lui. Tous ces gens-là étaient des gens comme les autres, exactement pareils aux Français. Mais il devait y avoir au-dessus de tout cela des êtres d'élite, représentant cet idéal. MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 331. B.— Vieilli et rare. [En parlant d'une chose] Dans certaines années on arrivait à vider les fûts que donnait ce vignoble d'élite (GUY DE MAUPASSANT, Mont-Oriol, 1887, page 33 ). Ses eaux-fortes [de Guérard] méritent une place d'élite aux cartons des bons collectionneurs, elles sont vigoureuses et larges (CAMILLE MAUCLAIR, Les Maîtres de l'impressionnisme, 1904, page 178 ). Remarque : La documentation atteste a) Élitaire, adjectif. Qui caractérise l'élite, réservé à une/l'élite. Art élitaire. La conception élitaire de Comte avec sa théocratie du savoir (M. YOUNG, L'Europe de l'an 2000, Paris, Fayard, 1972, page 204). b) Élitisme, substantif masculin, péjoratif Politique qui vise avant tout à former et à sélectionner une élite intellectuelle. Une autre caractéristique néfaste du système scolaire français tient à son élitisme (Entreprise, 21 mars 1971, page 9, colonne 3). c) Élitiste, adjectif et substantif masculin (Celui) qui est favorable à l'élitisme. La vieille société hiérarchique et élitiste (G. Suffert dans L'Express, 19 avril 1971, page 74, colonne 2). Les « élitistes », soit 7 %. C'est l'aristocratie, le sang bleu de la culture (M. Motte dans L'Express, 19 octobre 1970, page 58, colonne 2). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 868. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 847, b) 873; XXe. siècle : a) 1 434, b) 1 637.