Dictionnaire en ligne: EFFLUVE, substantif masculin.

Dictionnaire en ligne: EFFLUVE, substantif masculin. A.— Émanation se dégageant des corps des êtres organisés, des matières organiques, de certaines substances. 1. MÉDECINE. vieux. [Désigne des émanations malsaines qui provoquent des fièvres ou des épidémies] Comment la maladie n'atteindrait-elle pas ces petits êtres, plongés et comme noyés au sein des effluves les plus redoutables de contagion? (DOCTEUR ERNEST CADET DE GASSICOURT, Traité clinique des maladies de l'enfance tome 1, 1880-84, page 190 ). Remarque : Selon Dictionnaire de l'Académie Française 1878, " se dit en particulier des substances organiques altérées que l'air tient en suspension dans les endroits marécageux et qui donnent lieu à des fièvres ". 2. [Désigne des émanations agissant sur le sens de l'odorat] a) [Au sujet d'êtres humains, d'animaux] Les caïmans (...) guettent (...) le jaguar qui descend au fleuve pour y boire et qui hume dans l'air leurs effluves musqués (CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes tragiques, 1886, page 103 ). Si la bécasse a des effluves assez violents (...) elle est fort paresseuse (...) pendant le jour et son immobilité contrarie (...) la force de ses émanations (FRANÇOIS VIDRON, La Chasse en plaine et au bois, 1945, page 59) : Ø 1.... le corps entier (...) exhalait la même senteur que sa chevelure (...) : une odeur enivrante et fade, avec des pointes poivrées; un relent de moiteur, qui faisait songer aux arômes les plus disparates (...) moins une odeur, à tout prendre, qu'un effluve, ou même qu'une saveur : car il en restait comme un goût d'épices sur les lèvres. ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, page 975. b) [Au sujet de parfums de natures diverses] Effluves du printemps. (Quasi-)synonyme : exhalaison. Une obscurité presque complète (...) régnait dans toute la pièce, emplie des effluves d'un parfum pénétrant (JULIEN GRACQ, Au château d'Argol, 1938, page 172 ). Humer ces effluves (...) flottants, indistincts, impossibles à analyser, qui émanaient à la fois de la peinture, du tapis, des rideaux, des fauteuils, des livres, et qui imprégnaient subtilement tout l'étage (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, page 783) : Ø 2. La nuit était pleine d'odeurs délicieuses et il respirait (...) le lourd parfum du chèvrefeuille mêlé à une âcre et fine senteur de feuilles mortes (...) octobre s'annonçait dans ces effluves qui portaient légèrement à la tête... JULIEN GREEN, Moïra, 1950, page 62. Remarque : On rencontre un emploi de l'expression par effluves. Par bouffées odorantes. Une senteur fraîche que traversait, par effluves, l'odeur des pétunias, des géraniums (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibaut, Été 14, 1936, page 327). — Par analogie. Odeur dégagée par un aliment. (Quasi-)synonymes : arôme, fumet. Aux effluves du camembert crémeux et du bleu d'Auvergne odorant, marbré de veines, de la bouteille poudreuse... le chanoine s'échauffait (ALEXANDRE ARNOUX, Zulma, l'infidèle. 1960, page 52 ). 3. [Au sujet de phénomènes naturels (vents, émanations volcaniques)] De quartier en quartier nos soldats sont chassés par les effluves du volcan (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 2, 1848, page 438 ). L'enclos peut avoir pour but de défendre la terre contre le vent (...) les haies de roseaux protégeant des effluves salés les légumes de Staoueli (ANDRÉ MEYNIER, Les Paysages agraires, 1958, page 164 ). B.— Spécialement. ÉLECTRICITÉ. Décharge électrique à faible luminescence, qui ne s'accompagne ni d'échauffement ni d'effets mécaniques, mais qui est souvent un signe précurseur du claquage des isolants (d'après Dictionnaire technique de la construction électrique (PIERRE SIZAIRE) 1968). L'oxygène pur, soumis à l'action d'effluves électriques (...) devient très oxydant (GEORGES FONTAINE, Électrolyse, 1885, page 12 ). Elle [l'hydrogénation] est réalisée par l'effluve électrique (LUCIEN PLANTEFOL, Cours de botanique et de biologie végétale, tome 2, 1931, page 343 ). C.— Au figuré. Émanation, rayonnement, influence d'ordre moral, psychologique. 1. Spécialement. OCCULTISME. Effluves magnétiques. Émanation du fluide magnétique, qui passe du magnétiseur au magnétisé. Inondée d'amour, vaincue par les effluves magnétiques d'un sentiment si chaud, la duchesse hésitait à faire naître la querelle qui devait les séparer à jamais (HONORÉ DE BALZAC, La Duchesse de Langeais, 1834, page 265 ). Aussi [le duc] l'enveloppait-il de toutes les effluves magnétiques d'une séduction (ALPHONSE DAUDET, Le Nabab, 1877, page 74 ). Les « magnétiseurs » prétendent utiliser le fluide (effluve, émanation, aura ou od) émané des mains humaines (JEAN ROSTAND, La Vie et ses problèmes, 1939, page 78 ). 2. Par extension. Influence exercée par une force supérieure, d'ordre divin, ou mystérieux. Avec [Hofmannsthal] (...) le symbole est maître. Du symbole émanent des effluves, se dégagent des suggestions qui entraînent l'imagination dans les champs du rêve (Arts et littérature dans la société contemporaine (direction Pierre Abraham) 1936, page 4803 ). Engendrés dans le sol sous l'influence des divinités célestes (...) et de leurs effluves, ces métaux sont en correspondance, d'après les alchimistes, avec les planètes dont ils portent le signe (MICHEL CARON, SERGE HUTIN, Les Alchimistes, 1959, page 167 ). Là, imprégné d'effluves divins (...) il s'exerça, frappant un gros arbre d'un sabre de bois long de deux mètres (Jeux et sports (sous la direction de Roger Caillois) 1967, page 1441 ). 3. Courant d'influence, exercé d'un élément sur un autre. a) [Une personne ou un ensemble de personne, des marques de leur affectivité, forment l'origine du courant d'influence] Cette grandiose et complexe machine à créer des effluves qu'est un orchestre (CAMILLE MAUCLAIR, La Religion de la musique, 1928, page 22 ). Notre goût varie avec l'âge et l'air que nous respirons; il dépend de la société et de ses effluves (JACQUES CHARDONNE, Le Ciel dans la fenêtre, 1959, page 167) : Ø 3.... en ce moment-ci André travaille. Certainement, beaucoup d'effluves émanent de sa personne. La pensée musicale porte au loin, même non encore formulée, embryonnaire. BLAISE CENDRARS, Les Confessions de Dan Yack, 1929, page 82. b) [Une région marque l'origine du courant d'influence] Cet échange d'effluves entre Paris centre, et la France sphère (...) indique nettement que Paris, cette tête, est plus que la tête d'un peuple (VICTOR HUGO, Actes et paroles 4, 1885, page 323 ). Remarque : 1. On note un emploi de l'expression à (...) larges effluves. Il devait avoir (...) un intarissable amour, pour en déverser sur la foule à si larges effluves (Gustave Flaubert, Madame Bovary, tome 2, 1857, page 69). a) Ce mot est surtout attesté au pluriel On rencontre cependant le singulier, supra exemple 1, voir également Plantefol et Rostand, loco citato b) En raison de sa terminaison féminine, effluve est fréquemment mis à tort au féminin Une odeur de goudron brûlé emplissait l'air, mêlée à de fortes effluves d'humanité sale et dense (Maxence Van der Meersch, Invasion 14, 1935, page 363). Partout, dans ces quartiers où je discerne l'effluve du bitume, du fer, du platine, une effluve plus forte monte des générations mortes (Jean Giraudoux, Folle, 1944, I, page 37). Les effluves émotives dont tant de ces mots nous arrivent chargés (Marc Bloch, Apologie pour l'histoire, 1944, page 87). Jean-Jacques (...) respirait ces effluves printanières (Jean Guéhenno, Jean-Jacques, 1948, page 226). 2. La documentation atteste effluvion, substantif féminin Effusion qui s'écoule, qui s'épand comme un effluve (d'après Dictionnaire des mots sauvages (MAURICE RHEIMS) 1969). L'illusion (...) ne peut être produite que par ces subtiles émanations, ces effluvions invisibles, qui entretiennent des courants perpétuels entre les différents êtres (Joubert, Pensées, tome 1, 1824, page 304). Je voyais tes yeux briller dans la nuit, j'avais le coeur tiède et mou... je buvais avec extase les longues effluvions (sic) de ta prunelle fixée sur la mienne (Gustave Flaubert, Correspondance, 1846, page 273). 1re. attestation 1824 (Joubert, loco citato); mot de formation obscure d'après effluve*. Peut-être croisement avec effusion (Dictionnaire des mots sauvages (MAURICE RHEIMS) 1969) ou alluvion, ou bien adaptation de effluvium (effluve*). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 236. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 99, b) 508; XXe. siècle : a) 438, b) 382. DÉRIVÉS : Effluver, verbe pronominal, donné comme intransitif par Grand Larousse encyclopédique en dix volumes et Larousse de la Langue française en six volumes; comme transitf et intransitif par DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. Une bobine de pellicule cinématographique enroulée sur elle-même dans sa boîte de fer-blanc qui s'effluve (...) et dont le subtil chloroforme filtre à travers la fermeture étanche pour vous toucher le cerveau (BLAISE CENDRARS, L'Homme foudroyé, 1945, page 50 ).