Dictionnaire en ligne: DURETÉ, substantif féminin.

Dictionnaire en ligne: DURETÉ, substantif féminin. Caractère, état de ce qui est dur. A.— [En parlant d'attributs de choses] 1. Propriété de ce qui est dur, résistant au toucher, à la pression, au choc, à l'usure. Dureté du diamant, du fer, du verre; degré de dureté d'une matière, d'un métal. Quasi-synonymes : consistance, résistance, solidité; antonymes : mollesse, tendreté. Le messager tomba mort, malgré la dureté proverbiale du crâne des Égyptiens (THÉOPHILE GAUTIER, Le Roman de la momie, 1858, page 285 ). Il se dressa, (...) sondant de ses poings la dureté des murs (LÉON DIERX, Poèmes et poésies, 1864, page 62) : Ø 1. Ils [les palais] sont bâtis, comme tous les édifices de Caceres, d'un granit jaune brûlé, très dur et très résistant C'est à cette dureté de la pierre autant qu'à la mentalité des constructeurs qu'on doit la grande simplicité des ornements... ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1963, page 192. · Par métaphore : Ø 2. La pureté, la dureté du texte [Polyeucte] ne se laisse entamer en rien. Elle ne se laisse pas ronger d'un grain, dissoudre d'un grain. La ligne est aussi pure, la pierre est aussi nette, aussi dure, aussi exacte; aussi dure sous l'ongle... CHARLES PÉGUY, Victor-Marie, comte Hugo, 1910, page 795. — Spécialement. a) Aspect dur, éclat minéral, résistant d'une pierre précieuse. En Amérique, le ciel est pur et vide et la mer ressemble à une pierre précieuse par sa dureté et son éclat (JULIEN GREEN, Journal, 1945, page 228) : Ø 3.... un instant après les petits vitraux en losange avaient pris la transparence profonde, l'infrangible dureté de saphirs qui eussent été juxtaposés sur quelque immense pectoral, mais derrière lesquels on sentait plus aimé que toutes ces richesses, un sourire momentané de soleil... MARCEL PROUST, Du Côté de chez Swann, 1913, page 60. b) [En parlant des muscles] Fermeté. Enfant, il se distinguait déjà par la dureté et la souplesse de ses muscles autant que par la vivacité de son intelligence (JULES VERNE. Les Cinq cents millions de la Bégum, 1879, page 21 ). c) PATHOLOGIE. Tumeur durcie. d) PHYSIQUE. Propriété d'un corps de résister à la compression, à l'écrasement, notamment à la production d'une empreinte par pression, à la rayure par un autre. Échelle de dureté Shore (pour les matières plastiques), de Mohr (Dictionnaire des sciences (E.B. UVAROV, D.R. CHAPMAN) 1956 et Terminologie de la pierre de taille (Pierre Noël) 1968). 2. Caractère de ce qui manque. a) de tendreté (à propos d'un aliment, notamment d'une viande). Des individus qui se plaignaient de la dureté de ses tranches de rosbif (JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Aventures de Mademoiselle Mariette, 1853, page 89 ). b) de souplesse. Synonyme : rigidité. Une dureté cassante de plis (ÉMILE ZOLA, L'Œuvre, 1886, page 242 ). c) de douceur au contact. Dureté de poils, de barbe. Malgré la dureté que l'âge avait imprimée à la peau de son visage presque jaune et ridé, le vieillard rougit excessivement (HONORÉ DE BALZAC, Madame de la Chanterie, 1844, page 268 ). — Par analogie. Dureté d'une eau. Teneur d'une eau en ions calcium et magnésium, la rendant impropre à mousser au savon et à cuire certains aliments. d) de confort, de moelleux. Dureté d'un lit. La dureté des banquettes (...) envahit le wagon (ROGER MARTIN DU GARD, Jean Barois, 1913, page 429 ). — Spécialement. MARINE. Dureté de la mer. État d'une mer forte, agitée. La mer était courte, clapoteuse, et d'une dureté effroyable (THÉOPHILE GAUTIER, Tra los montes, 1843, page 346 ). 3. [En parlant d'attributs de choses concrètes] Caractère de ce qui est pénible à faire ou à supporter, de ce qui demande un effort physique ou intellectuel. Dureté d'un chemin, d'une côte. Synonyme : difficulté. Elles savaient la dureté épuisante du voyage, et celles d'entre elles qui se poseraient de fatigue sur les flaques d'eau (HENRI DE MONTHERLANT, Les Célibataires, 1934, page 905 ). La dureté de la pente à gravir dans la montagne (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 797 ). 4. Caractère de ce qui blesse par sa rudesse les organes des sens, qui provoque une sensation, une impression désagréable. Synonymes : rudesse, antonyme : douceur. a) [En parlant du climat] Synonymes : rigueur, rudesse; antonymes : douceur, clémence. Des peuplades presque sauvages, que la dureté de leur climat éloigne des douceurs d'une civilisation perfectionnée (ANTOINE MARQUIS DE CONDORCET, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, 1794, page 208) : Ø 4. Pour comprendre que dix degrés de froid font à Stockholm un temps très doux, il faudrait commencer par sentir la dureté habituelle du climat; il faudrait sentir la dureté des moeurs antiques. HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Histoire de la peinture en Italie, tome 2, 1817, page 108. — Au pluriel. Manifestations concrètes, actives, de la rigueur du climat. Synonyme : rigueurs. Toujours l'engainer [le fusil de chasse] quand il le transportait au grand air, afin de ne pas trop l'exposer aux duretés des intempéries (GERMAINE GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, page 74 ). — Dureté du vent. Âpreté, violence. Un coude du Nil affaiblissait pour nous la dureté de ce vent incessant (MAXIME DU CAMP, Le Nil, Egypte et Nubie, 1854, page 210 ). b) [Par rapport à l'ouïe] Manque de douceur, d'harmonie. Dureté d'un son, de la voix, d'un accord. Avec les duretés ou les aspirations haletantes de la langue arabe, entre hommes du peuple, on a toujours l'air de se vomir des torrents d'injures (JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Au Maroc, 1889, page 10) : Ø 5. Sa superbe voix [de Mme. Fodor] a quelquefois un peu de dureté (école française), et la dureté n'est pas tout à fait hors de place dans le chant d'une fille aussi résolue. HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Vie de Rossini, 1823, page 243. — Par extension. [Dans le domaine artistique ou littéraire] Défaut de douceur, de grâce, d'harmonie. Dureté de style. Des critiques ont condamné le style prétentieux de Pindare; d'autres la dureté qui règne dans celui d'Eschyle (PAUL DE KOCK, L'Âne à Monsieur Martin, 1862, page 65 ). c) [Par rapport à la vue] Rudesse. Dureté d'une couleur, d'une lumière. Certains éclairages de la nuit ont des duretés très-nettes : la mer était de l'acier, les falaises étaient de l'ébène (VICTOR HUGO, L'Homme qui rit, tome 1, 1869, page 50 ). Sous la dureté des ombres et des lumières qui lui travaillaient le visage, il avait l'air vieux et robuste (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Lys rouge, 1894, page 251) : Ø 6.... c'est le coloriste le plus inharmonique qui soit. Il [Delacroix] a (...) des bleus à la dureté du bleu de Presse (...) et ces éclairages de parties de nus avec des hachures de blanc pur, sont, je l'ai déjà dit, tout ce qu'il y a de plus insupportable, de plus cruel pour l'oeil. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1885, page 435. — Par extension. · [En parlant du visage, de la physionomie] Dureté des traits, du visage. Antonymes : douceur, grâce, harmonie. Une rivale aurait peut-être accusé de dureté d'épais sourcils qui paraissaient se rejoindre (HONORÉ DE BALZAC, La Peau de chagrin, 1831, page 119 ). · [Dans le domaine des arts plastiques, en dessin, en peinture] Dureté de lignes d'un dessin. Le prince Gabrielli (...) brunit les duretés d'une eau-forte (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1867, page 374 ). 5. Caractère de ce qui est pénible à supporter, physiquement et/ou moralement. Synonymes : cruauté, rigueur, sévérité. Remarque : Le pluriel marque les manifestations concrètes de ce caractère (choses pénibles). — En particulier. a) Vieux. Austérité. Aux instants de son instruction religieuse, inventive de petites peines journalières, elle [Sabine] souhaitait toutes les duretés du Carmel (ANNA DE NOAILLES, La Nouvelle espérance, 1903, page 16 ). b) Sévérité excessive. Dureté d'une loi, d'un châtiment. Il ne faut pas croire que l'on proteste contre la dureté de la discipline, ou contre la durée du service militaire (GEORGES SOREL, Reflexions sur la violence, 1908, page 162 ). c) Rigueur, caractère de ce qui est pénible, voire douloureux. La dureté de ses premières années lui a rendu la vie plus douce (ABBÉ JACQUES DELILLE, Œuvres complètes, tome 1, Discours sur l'Éducation, 1766, page LXVII. ). Au pluriel. Événements rudes, pénibles. Les duretés de la carrière militaire lui avaient appris la hiérarchie sociale et l'obéissance au sort (HONORÉ DE BALZAC, Un Début dans la vie, 1842, page 487 ). · Dureté des temps. Difficulté à vivre, cherté de la vie (Confer les temps sont durs*, difficiles*). Je me plaignais de la dureté du temps et du renchérissement des denrées (LOUIS-BENOÎT PICARD, Les Aventures d'Eugène de Senneville et de Guillaume Delorme, 1813, page 299 ). Ils dépensent énormément (...) puis ils se plaignent de la dureté des temps (HONORÉ DE BALZAC, La Cousine Bette, 1846, page 65 ). Situation malheureuse. La dureté des temps est telle que nous imaginons mal (...) qu'il en pût être d'aussi tragiques en aucun autre moment de l'Histoire (ANDRÉ GIDE, Feuillets d'automne, 1949, page 313 ). B.— [En parlant d'attributs de personne] 1. [En parlant d'une qualité physique] Rare. Dureté physique, dureté de cuir. Très grande résistance physique (à la fatigue, au mal, etc.). Napoléon voyageait la plupart du temps, dans le désert, sur un dromadaire. La dureté physique de cet animal fait qu'on ne s'occupe nullement de ses besoins, il mange et boit à peine (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 135 ). Remarque : Sens non signalé dans les dictionnaires excepté DICTIONNAIRE DE FRANÇAIS CONTEMPORAIN (JEAN DUBOIS); ce dernier précise que c'est le seul sens qui n'ait pas son corrélatif à l'adjectif dur. · Dureté d'oreille. Difficulté d'entendre, début de surdité. 2. [En parlant d'un défaut moral, d'un caractère, d'une disposition d'esprit] Manque de sensibilité, de bonté ou de douceur; caractère, comportement dur, brutal. Dureté de quelqu'un pour, envers, à l'égard de quelqu'un; traiter, repousser quelqu'un avec dureté; parler, répondre avec dureté. Synonymes : insensibilité, sécheresse, inhumanité; brutalité, rudesse; antonymes : aménité, bonté, bienveillance, charité, coeur, cordialité, douceur; humanité, indulgence, sensibilité, tendresse. La religion modifie la dureté des contacts sociaux (HONORÉ DE BALZAC, Le Médecin de campagne, 1833, page 159 ). Ses accès de dureté et puis ses retours de gentillesse (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 7, 1909, page 320) : Ø 7. Quant à Poil de Carotte, il est spécialement chargé d'achever les pièces [de gibier] blessées. Il doit ce privilège à la dureté bien connue de son coeur sec. JULES RENARD, Poil de carotte, 1894, page 5. — Locution verbale. Avoir la dureté de + infinitif. Avoir l'audace, la cruauté, l'indélicatesse de. Il avait la dureté de louer son bordeaux en ma présence (HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Notes sur Paris, 1867, page 338 ). — Dureté de + substantif. Dureté de caractère. L'esprit dur est un marteau qui ne sait que briser. La dureté d'esprit n'est pas quelquefois moins funeste et moins odieuse que la dureté de coeur (JOSEPH JOUBERT, Pensées, tome 1, 1824, page 172 ). · Spécialement. [La dureté dans ses manifestations extérieures] Dureté (de + substantif). Dureté de l'expression, du ton, de la voix, du visage; dureté d'une parole, d'un reproche. Cette sérénité naturelle, cette disposition conciliante, ce regard sans brusquerie ni dureté (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, page 1215 ). — Par métonymie, littéraire, vieux (surtout au pluriel). Actes, attitudes, paroles blessantes, ou d'une rudesse excessive, qui expriment la dureté de coeur ou de caractère. Dire, répondre des duretés à quelqu'un. Synonymes : méchancetés, vacheries (populaire). J'ai remarqué vingt fois dans les salons qu'on dit aux femmes des duretés ou des indélicatesses en riant (HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Notes sur Paris, 1867, page 225 ). Tenez, Francelin, je suis bonne fille, moi, et je ne vous garde pas rancune de vos duretés; faisons la paix (ANDRÉ THEURIET, Le Mariage de Gérard, 1875, page 108) : Ø 8. Mon père se chargea du sort de son frère, quoiqu'il eût contracté, par l'habitude de souffrir, une rigueur de caractère qu'il conserva toute sa vie; le non ignara mali n'est pas toujours vrai : le malheur a ses duretés comme ses tendresses. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1, 1848, page 25. — Par extension. [La dureté exprimée dans une oeuvre humaine; sentiment littéraire, style] J'ouvre au hasard un volume des Lettres de Mme. de Sévigné. Quelle dureté! Nulle trace de la sensiblerie qui s'étalera un siècle plus tard (FRANÇOIS MAURIAC, Bloc-notes, 1958, page 103 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 979. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 1 395, b) 1 278; XXe. siècle : a) 1 265, b) 1 527.