Dictionnaire en ligne: DISCOURS, substantif masculin.

Dictionnaire en ligne: DISCOURS, substantif masculin. A.— Vieilli. 1. Écrit didactique traitant d'un sujet précis. Synonyme usuel : traité. Petit discours de Jansénius intitulé « De la réformation de l'homme intérieur » (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 2, 1842, page 475) : Ø 1. Sa vision de l'univers, M. France nous la découvre ici en un long chapitre d'un rythme subtil, au cours duquel, à ce qu'il dit, on voit se dérouler les destinées du monde « en un discours aussi large et magnifique dans ses vues que le « discours sur l'histoire universelle » de Bossuet est étroit et triste dans les siennes ». HENRI MASSIS, Jugements, 1923, page 155. 2. Paroles adressées à une ou plusieurs personnes. Le bon ton, c'est le bon goût appliqué aux discours et à la conversation (NICOLAS-SÉBASTIEN ROCH, DIT DE CHAMFORT, Maximes et pensées, 1794, page 68 ). B.— Usuel. 1. Développement oratoire sur un thème déterminé, conduit d'une manière méthodique, adressé à un auditoire; par métonymie texte écrit d'un discours. (Quasi-)synonymes : allocution, conférence. J'avais ce discours dans ma poche (PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, 1822-24, page 200 ). Écrire des articles de journaux, (...) prononcer des discours de meetings (JEAN GUÉHENNO, Journal d'une révolution, 1937, page 16) : Ø 2. Mais il [Joseph] ira présider la distribution des prix et il prononcera un discours. Il prononce des discours presque tous les jours. Il ne donne que peu d'argent. Peu ou pas. Mais il ne refuse pas de prononcer des discours. GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, page 124. Ø 3. Le marquis parle ou, plutôt, il entonne... Ce discours dure une heure. Je vous en fais grâce. Mais le speech du maire, l'homélie de l'évêque, le compliment des enfants des écoles, le laïus du chef de la branche aînée, à nous, on ne nous en fit pas grâce. HERVÉ BAZIN, Vipère au poing, 1948, page 238. — En particulier. · Discours de réception. Discours prononcé par un membre nouvellement élu, lors de son entrée dans une Académie : Ø 4. Je vais m'occuper, si je le puis, d'écrire mon discours de réception dans quelques semaines. On m'a envoyé force notes. Donnez-moi, je vous prie, les renseignements suivants à l'égard de tout ceci. Combien faut-il que dure ce discours? À quelle censure passe-t-il, et combien de temps y reste-t-il? Suffira-t-il que j'aille à Paris dix jours avant de le prononcer? (...) Lit-on le discours, ou le récite-t-on? ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale. 1830, page 4. · Domaine homilétique. Sermon, prêche particulièrement élaborée en vue d'une circonstance donnée. Discours de mariage. Le discours de Jésus sur la montagne (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 749 ). Le curé (...) braille un discours pompier fait de tous les lieux communs patriotiques (LÉON BLOY, Journal, 1903, page 170) : Ø 5.... on médite toute sa vie, on feuillette nuit et jour les « oraisons funèbres » de Bossuet, et les sermons de Bourdaloue et de Massillon. Les discours des orateurs chrétiens sont des livres, ceux des orateurs de l'antiquité ne sont que des discours. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 2, 1803, page 106. — Par métonymie. RHÉTORIQUE. Genre littéraire auquel appartient le discours. Un genre [d'éloquence] authentiquement français, le discours académique (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 51 ). · Domaine scolaire, vieilli. Exercice écrit destiné à former les élèves à la composition. Synonyme usuel : dissertation. Prix de discours français au concours général (JULES RENARD, Journal, 1902, page 724 ). SYNTAXE : Discours d'apparat, d'inauguration, aux morts, d'ouverture, du trône; discours du chancelier, du député, du ministre, du président, du prince; discours édifiant, éloquent, étudié, improvisé, politique, préliminaire, véhément; discours écrits, insensés, officiels, passionnés, publics; un discours persuade; admirable, beau, fameux, petit, premier discours; interminables, vains discours; adresser, commencer, composer, improviser, poursuivre, tenir, suivre, terminer un discours. 2. Propos suivis, d'une certaine longueur, que l'on tient en conversation; par extension propos tenus dans un entretien. Entre deux coeurs charmés, il faut peu de discours (MARCELINE DESBORDES-VALMORE, Élégies, 1833, page 196 ). Ce discours s'adressait à sa petite amie (RAYMOND QUENEAU, Pierrot mon ami, 1942, page 29) : Ø 6. Ainsi se termina cet entretien; il ne fut plus question de ces femmes, et Henri retomba bientôt dans un sombre abattement. Mais depuis ce jour nos relations furent moins fréquentes et nos conversations moins intimes. Il avait trouvé mes discours et plus encore mon silence cruels... RODOLPHE TOEPFFER, Nouvelles genevoises, 1839, page 431. Ø 7. La « Karabassen » allait de l'avant, piétinant les scrupules, ne s'occupant que d'assener sur son interlocuteur un long discours, une suite de phrases, l'empêchant de reprendre pied. HENRI QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein, 1944, page 84. — Au pluriel, parfois péjoratif. [Généralement par opposition à un acte ou à un fait concret] Synonyme : bavardage (confer argutie exemple 5). Je compris ce geste mieux que de longs discours (ALPHONSE DE LAMARTINE, Confidences, 1849, page 218 ). La petite-maîtresse qui fait des discours à son amour de chien (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1913, page 157) : Ø 8. Crois-tu donc que les dieux se soucient de tes discours? Tais-toi. Accomplis les rites, faiseur de phrases. Voilà tout ce qu'on te demande. ERNEST RENAN, Drames philosophiques, Le Prêtre de Nemi, 1885, IV, 2, page 589. — Locution, péjorative. Beaux discours. Propos en l'air ou propos flatteurs qui cherchent à persuader. Ce garçon (...) est venu vous faire de beaux discours, mais il ne faut pas vous laisser prendre (LOUIS HÉMON, Maria Chapdelaine, 1916, page 193 ). · Perdre le fil de son discours. S'interrompre dans ses propos ou faire une digression. Cette apparition et cette disparition [d'une femme] impressionnèrent Volpatte qui en perdit le fil de son discours (HENRI BARBUSSE, Le Feu, 1916, page 65 ). C.— Emplois particuliers. 1. LINGUISTIQUE. a) Actualisation du langage par un sujet parlant Par métonymie résultat de cette actualisation. Discours écrit, parlé : Ø 9. Nous savons que tout système de signes est un langage : ajoutons maintenant que tout emploi d'un langage, toute émission de signes, est un discours; et faisons que notre grammaire soit l'analyse de toutes les espèces de discours. Puisque tout discours est la manifestation de nos idées, c'est la connaissance parfaite de ces idées qui peut seule nous faire découvrir la véritable organisation du discours... ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY. Élémens d'idéologie, 2. Grammaire, 1803, page 23. Ø 10. Honneur des hommes, saint langage, Discours prophétique et paré, Belles chaînes en qui s'engage Le dieu dans la chair égaré... PAUL VALÉRY, Charmes, 1922, page 136. · Partie du discours. Catégorie servant à classer les mots du point de vue du sens et de l'emploi grammatical : Ø 11. On s'aperçoit moins de la rudesse de leur langue lorsqu'ils chantent. Je n'ai pu faire que très-peu d'observations sur les parties du discours, vu la difficulté de communiquer des idées abstraites par des signes : j'ai cependant reconnu qu'ils avaient des interjections pour exprimer les sentiments d'admiration, de colère, ou de plaisir; je ne crois pas qu'ils ayent des articles... Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU) 1797, page 212. b) STYLISTIQUE. Discours direct. Mode d'expression selon lequel un narrateur rapporte les propos d'autrui dans leur forme originale. (Lorsqu'il s'agit d'un texte écrit, ces propos sont généralement placés entre guillemets). Synonyme : style direct. Discours indirect. Mode d'expression selon lequel un narrateur rapporte les propos d'autrui en les faisant entrer dans la dépendance grammaticale de son propre énoncé (par la subordination, la substitution des pronoms, la transposition des personnes, des modes et des temps des verbes; la référence grammaticale est faite à la personne du narrateur). Synonyme : style indirect : Ø 12.... autant sa manière [à Françoise] d'écouter nos assertions témoignait de son incrédulité, autant l'accent avec lequel elle rapportait (car le discours indirect lui permettait de nous adresser les pires injures avec impunité) le récit d'une cuisinière qui lui avait raconté qu'elle avait menacé ses maîtres et, en les traitant devant tout le monde de « fumier », en avait obtenu mille faveurs, montrait que c'était pour elle parole d'évangile. MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 2, 1921, page 359. 2. LOGIQUE. Mode de pensée qui atteint son objet par une suite d'énoncés organisés. Par métonymie. Exposé de la pensée ainsi conduite, raisonnement. Synonyme : pensée discursive; antonyme : intuition. La mathématique (...), qui n'est après tout qu'un discours à règles exactes (PAUL VALÉRY, Variété III, 1936, page 170 ). Ce Dieu que le discours [apophatique] n'appréhende qu'en le niant (GEORGES BATAILLE, L'Expérience intérieure, 1943, page 19 ). 3. Par analogie. Le discours grave de l'orgue (ANDRÉ PIRRO. Esthétique de Jean-Sébastien Bach, 1919, page 7 ). Le discours musical est divisé en (...) phrases musicales (DICTIONNAIRE GÉNÉRAL DE L'ART MUSICAL (PAUL ROUGNON) 1935). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 6 237. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 11 192, b) 6 660; XXe. siècle : a) 7 986, b) 8 602. Forme dérivée du verbe "discourir" discourir DISCOURIR, verbe intransitif. A.— Vieilli. 1. Parler sur un sujet déterminé, en le développant de manière méthodique. Synonyme : disserter : Ø 1. L'auteur de l'Histoire Naturelle, le grand écrivain qui a si admirablement discouru de la langue devant l'Académie française, ne manquait d'aucune des qualités du style. CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Chateaubriand et son groupe littéraire sous l'Empire, tome 1, 1860, page 245. 2. S'entretenir de choses diverses, échanger des propos sans chercher à approfondir le(s) sujet(s). Synonyme : converser. Pendant que la mère et la fille discouroient ainsi, Charles racontoit les événements de la matinée à sa manière (HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, tome 2, 1824, page 72 ). Ils parlèrent (...) de toutes les choses courantes sur lesquelles on peut discourir infiniment sans se fatiguer l'esprit (GUY DE MAUPASSANT, Bel-Ami, 1885, page 33 ). B.— Usuel, péjoratif. Parler longuement, inutilement ou avec recherche, de façon lassante pour ses auditeurs. Synonymes : palabrer, pérorer; Synonyme : populaire baratiner. Il ne fallait plus discourir, mais se décider (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 1, 1811, page 182 ). Le professeur Haddock se mit à discourir, il assomma tout le monde (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, page 328 ). Ne faire que discourir. " Ne dire que des choses frivoles et inutiles " (Dictionnaire de l'Académie Française) : Ø 2. Je m'assis avec résignation : depuis qu'elle était guérie, Paule discourait à perte de vue sur des niaiseries; c'était consternant de la voir se passionner pour cette histoire idiote... SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 505. — En particulier. [Le sujet désigne un malade] Tenir des propos incohérents. Synonyme : divaguer. La nuit (...) n'a pas été bonne. Il a discouru, il a chanté (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Rôtisserie de la Reine Pédauque 1893, page 348 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 211. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) a) 278, b) 229; XXe. siècle : a) 324, b) 356.