Dictionnaire en ligne: DÉBAUCHE, substantif féminin.

Dictionnaire en ligne: DÉBAUCHE, substantif féminin. A.— Au singulier. 1. Usage excessif ou déréglé de tous les plaisirs des sens, notamment de ceux de l'amour et de ceux de la table. S'adonner, se livrer à la débauche; mener une vie de débauche. Les évêques de Mingrelie sont journellement en fêtes, et passent leur vie en repas de débauche (CHARLES-FRANÇOIS DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes, 1796, page 550 ). En amour, tout ce qui n'était pas vice et débauche le rasait (OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, page 243) : Ø L'apprentissage de la débauche ressemble à un vertige; on y ressent d'abord je ne sais quelle terreur mêlée de volupté, comme sur une tour élevée. Tandis que le libertinage honteux et secret avilit l'homme le plus noble, dans le désordre franc et hardi, dans ce qu'on peut nommer la débauche en plein air, il y a quelque grandeur, même pour le plus dépravé. ALFRED DE MUSSET, La Confession d'un enfant du siècle, 1836, page 104. SYNTAXE : Sombrer, tomber dans la débauche; lieu, maison de débauche; compagnon(s) de débauche; incitation, excitation de mineurs à la débauche. — Par plaisanterie, familier. [Sans nuance péjorative] Petit écart, petit excès (de table, de conduite) inaccoutumé. Nous avons fait hier une petite débauche (Dictionnaire de l'Académie Française). Un petit rentier maniaque dont l'unique débauche était d'acheter de la peinture (ÉMILE ZOLA, L'Œuvre, 1886, page 91 ). Valentin venait de manger une côtelette, de grand appétit, véritable débauche qu'il ne se permettait pas depuis des mois (ÉMILE ZOLA, Le Docteur Pascal, 1893, page 49 ). 2. Au figuré. Usage excessif ou déréglé de quelque chose. Cet ouvrage est une débauche d'esprit (Dictionnaire de l'Académie Française). Il ne cessait de fumer. Il faisait une débauche de cigarettes et d'allumettes (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1928, page 38 ). — Par extension. [Exprimant la quantité] Une débauche de + substantif Synonymes : profusion, surabondance. C'était une gigantesque débauche de fleurs, une colossale orgie aromale (THÉOPHILE GAUTIER, Le Roman de la momie, 1858, page 235 ). Débauche de couleurs : toutes les nuances de l'arc-en-ciel (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, page 942 ). B.— Par métonymie, au singulier ou au pluriel. Acte de débauche. Une nuit dépensée en débauches raffinées et coûteuses (OSCAR VLADISLAS DE LUBICZ-MILOSZ, L'Amoureuse initiation, 1910, page 225 ). Une société secrète qui se livrait à de dégoûtantes débauches (ALBERT CAMUS, Les Possédés, 1959, page 1008 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 866. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 1 345, b) 1 373; XXe. siècle : a) 1 604, b) 829. Forme dérivée du verbe "débaucher" débaucher DÉBAUCHER, verbe transitif. A.— Détourner (une personne) de son travail, de ses occupations. Carrier-Belleuse (...) ne fait que débaucher les ouvriers pour les mener au café, où il joue au billard dix heures de suite (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1882, page 168 ). 1. Entraîner (une personne) à rompre ses engagements, à manquer à son devoir, à quitter un service pour un autre. Débaucher une femme de chambre. Partout où ils se glissent [les chrétiens] , ils font naître des troubles; ils débauchent les soldats de nos armées (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les Martyrs ou le Triomphe de la religion chrétienne, tome 3, 1810, page 15) : Ø 1. La princesse de Caprarola, qui avait fait la connaissance de Mme. Verdurin à propos d'une grande exposition qu'elle avait organisée, avait bien été rendre à celle-ci une longue visite, dans l'espoir de débaucher quelques éléments intéressants du petit clan et de les agréger à son propre salon,... MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922, page 744. — Au figuré, familier. Détourner (quelque chose) de son but, de son emploi habituel. Il ne faut pas (...) que les meubles ou les tapisseries trop prodiguées viennent débaucher l'attention du visiteur (LOUIS RÉAU, Archives, bibliothèques, musées, 1909, page 42) : Ø 2.... les diseurs de profession presque toujours me sont insupportables, qui prétendent faire valoir, interpréter, quand ils surchargent, débauchent les intentions, altèrent les harmonies d'un texte; et qu'ils substituent leur lyrisme au chant propre des mots combinés. PAUL VALÉRY, Variété II, 1929, page 177. 2. Congédier un (des) salarié(s). Il avait, lui aussi, débauché des ouvriers non syndiqués (RENÉ BAZIN, Le Blé qui lève, 1907, page 116 ). — emploi absolu. Quand l'usine débauchait, on n'était plus sûr de son pain (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 91 ). 3. Emploi intransitif absolu, régionalisme. Quitter le travail : Ø 3. Sa journée terminée, Jos-Mari, aidé parfois de son fidèle et naïf Aloys, qui débauchait plus tôt, lavait ses truelles à la fontaine, riant aux enfants qui l'éclaboussaient. — Alors, tu débraies, Jos-Mari? Tu viens boire un verre? lui proposait Rudi. JOSEPH PEYRÉ, Matterhorn, 1939, page 41. Remarque : On rencontre dans la documentation débauchée, substantif féminin, régionalisme (Ouest). Cessation journalière du travail. Le soir, à la débauchée, certains [tonneliers] passeront sur leur vêtement de travail la blouse bleue du paysan (Jacques Chardonne, Les Destinées sentimentales, La Femme de Jean Barnery, 1934, page 14). Attesté dans la plupart des dictionnaires du XIXe. siècle et Dictionnaire encyclopédique Quillet 1965. B.— Par analogie, péjoratif. Détourner (une personne) de ses devoirs en l'entraînant ou la poussant à la débauche, à l'inconduite. Débaucher une jeune fille. C'est la fainéantise qui l'a débauché (Dictionnaire de l'Académie Française). Jésus-Christ et son ami Canon, occupés à débaucher le père Fouan, tous les trois autour d'un litre d'eau-de-vie (ÉMILE ZOLA, La Terre, 1887, page 464) : Ø 4. Si elle eût osé, elle aurait débauché les collégiens qu'elle rencontrait, car il entrait dans sa passion pour les enfants un appétit de voluptés honteuses, un besoin d'enseigner le vice et de goûter d'étranges plaisirs... ÉMILE ZOLA, Madeleine Férat, 1868, page 116. · Emploi pronominal réfléchi, familier. S'adonner à la débauche, devenir débauché. La mauvaise compagnie est souvent cause que les jeunes gens se débauchent (Dictionnaire de l'Académie française. ). — Par extension, familier. Détourner (quelqu'un) de ses occupations, en l'entraînant à se distraire, à se divertir. Nous voulons vous débaucher un de ces jours (Dictionnaire de l'Académie française. ). · Emploi pronominal. Je pense aussi que ça m'avait fait beaucoup de bien de me débaucher, de me distraire, de changer d'air (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 272 ). Remarque : On rencontre dans la documentation le participe présent adjectivé débauchant, ante. Qui incite à la débauche. La grand'mère de Nohant [George Sand] ne pensait guère écrire là quelque chose de débauchant (ANDRÉ GIDE, Si le grain, 1924, page 387). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 102. DÉRIVÉS : Débaucheur, -euse, substantif. vieilli. Personne qui débauche quelqu'un, qui excite quelqu'un à la débauche, à l'inconduite. C'est un débaucheur de filles (Dictionnaire de l'Académie française. 1835, 1878). Oui! c'est elle [Henriette] , la débaucheuse, la libertine, qui s'est emparée de ce misérable enfant par les sens (FRANÇOIS COPPÉE, Henriette, 1889, page 355 ).