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des faits, des documents historiques.

Publié le 06/01/2014

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des faits, des documents historiques. J'avais dit, Certaines histoires ne sont pas toute l'histoire. Meg avait répliqué, Et qu'est-ce qu'il y a derrière ces histoires ? Je peux vous raconter des tas d'histoires de ce qu'il y a derrière ces histoires. Il y a des rancunes personnelles. Si quelqu'un n'aimait pas votre famille, il se mettait à raconter des histoires. C'était comme si elle avait lu mes pensées, qui n'avaient rien à voir, à ce moment-là, avec l'information qu'elle prétendait trouver scandaleuse : le fait que Frydka avait été enceinte de l'enfant de Ciszko. Mais, bien évidemment, je n'avais rien dit. Elle avait dit, Et comment savaient-ils qu'elle était enceinte ? Qui l'a vue ? Qui l'a vue ? Si quelqu'un savait, c'était elle, et Ciszko aussi, et c'était tout. Dans l'appartement d'Anna Heller Stern, Shlomo m'avait parlé de l'histoire d'un homme qu'il avait connu, originaire d'une autre ville et membre de la police juive dans cette ville. Il ne s'était pas bien comporté (avait dit Shlomo), mais il avait recommencé sa vie et s'était engagé dans l'armée polonaise. Apparemment, pendant la période où cet ancien de la police juive s'était caché, après avoir quitté la police juive, s'être enfui de cette ville pour sauver sa peau, il avait écrit un récit de tout ce qu'il avait vu. Il a écrit ça pendant qu'il se cachait dans une cave, avait dit Shlomo. Des mots très, très forts ! Très. Il ne parle que des choses qu'il a vues, des choses qu'ils ont vues et que personne d'autre n'a vues, que personne d'autre n'a été en mesure de voir. Il a décrit des choses qui étaient horribles. J'avais pensé à ça et j'avais envie de dire à Meg qu'un membre de la police juive pouvait avoir vu Frydka enceinte, le jour où elle avait été arrachée de sa cachette dans la maison du professeur de dessin, Mme Szedlak (ou Szedlakowa, comme avait dit Adam). Mais, bien entendu, je ne pouvais pas évoquer le sujet de la police juive. Je n'avais donc rien dit. Meg avait dit, Quand les gens parlent, cela reste oral. Mais quand on voit le mot écrit, c'est différent. J'avais répondu, Je sais.     ... Donc Meg N'était pas prête à partager cette histoire, disais-je à présent à Alena avec un sourire narquois, alors que nous étions assis dans sa salle à manger à Copenhague. Matt a dit, Mais quelle histoire a-t-il entendue ? Adam et Alena ont parlé pendant un moment. Elle a dit, Il a entendu dire que Ciszko avait essayé de l'aider. Et l'idée, c'était que Frydka et son papa devaient se cacher chez la Szedlakowa. « Son papa » a eu un gros effet sur moi, pour une raison quelconque, et pendant un moment j'ai été incapable de dire quoi que ce soit. Au bout du compte, c'est tout ce qu'il avait été : le papa de quelqu'un. J'ai pensé à ça et j'ai relevé sa formule mi-anglaise mi-yiddish « Devraient se cacher bay Szedlakowa », a-t-elle dit ; et je me suis souvenu de ce qu'Anna Heller Stern avait dit, il y a huit mois. Zey zent behalten bay a lererin. Alena a dit, C'était une professeur. Puis elle a ajouté, de manière déconcertante, Je suis désolée, c'est un cliché ! Je n'avais pas idée de ce qu'elle voulait dire. C'est un cliché, mais je dois aller jeter un coup d'oeil à mon four ! J'ai souri, soulagé, et Alena s'est levée et a foncé dans la cuisine pour voir où en était son dessert. Pendant qu'elle était partie, sa mère a parlé et, dans un anglais à la fois hésitant et véhément, elle a traduit ce qu'Adam avait dit. Et ils ont été ensemble, Frydka et Ciszko, chez la professeur Szedlakowa. Quelqu'un a dit ça aux Allemands, et l'Allemagne a tué Frydka et Ciszko, tous les deux. Il a entendu, mais si l'histoire est vraie ou pas, il ne peut pas dire. L'Allemagne, avait-elle dit, bien qu'elle ait voulu dire les Allemands. Bon, me suis-je dit : les deux. Elle se cachait dans la maison de ce professeur ? Oui, dans la maison, a dit Zofia. J'ai hoché la tête et dit, Donc, l'histoire, c'est que cette femme avait pris Frydka chez elle, et Ciszko aussi ? Alena est venue se rasseoir et a dit, Oui. Ce qui est arrivé à cette Szedlakowa, mon père ne le sait pas. Il sait seulement qu'ils ont tué Frydka et Ciszko. Alena m'a passé le plat et, en se penchant vers moi, a dit, C'est une histoire héroïque ! Quand nous avons commencé à manger le dessert, elle s'est tournée vers moi pour dire, Mais comment allez-vous la raconter ? Avant même que j'aie eu une chance de lui répondre, elle m'a parlé d'amis qu'elle avait à New York, des gens de son âge, dont la famille avait connu des histoires - des histoires horribles, a-telle dit - pendant la guerre. Ces gens avaient eu un enfant, a poursuivi Alena, une fille d'une vingtaine d'années aujourd'hui, qui venait d'obtenir un diplôme en littérature et qui avait écrit sa thèse sur sa grand-mère, la femme qui avait subi les choses horribles. Alena a dit que la jeune fille lui avait donné sa thèse à lire et, en la lisant, Alena avait été frappée par une chose. Elle a dit, On aurait dit qu'elle ne s'intéressait pas tant à l'histoire de sa grand-mère qu'à la façon de raconter l'histoire de sa grand-mère -- à la façon d'être le narrateur. J'ai pensé à mon grand-père et j'ai dit que, oui, c'était un problème très intéressant. Elle a décrit la façon dont elle avait été progressivement fascinée par la thèse, en dépit de ses réserves initiales. Avec une grande animation, elle a ajouté, J'avais l'impression en lisant, vers la fin, qu'on se rapprochait des choses importantes, des choses concernant la guerre. Au début, elle racontait une histoire banale, une histoire que tout le monde aurait pu raconter, mais les choses se resserraient de plus en plus. Au bout d'un moment, j'ai dit, Oui, c'était comme ça que mon grand-père nous racontait des histoires. La longue préparation, tout l'arrière-plan, toutes ces boîtes chinoises, et puis, soudain, la descente rapide et habile vers le final, la ligne d'arrivée où les liens entre les détails découverts tout du long, les faits apparemment sans intérêt et les anecdotes subsidiaires sur lesquels il s'était attardé au début, devenaient brusquement évidents. J'ai dit à Alena, Je sais, je sais. Cette fille dont elle me parle, me suis-je dit, doit être très intelligente. Tant de gens connaissent ces horribles histoires à présent, après tout. Que dire de plus ? Comment les raconter ? Une des façons de procéder, j'imagine, consistait à resserrer de plus en plus à la fin, comme le faisait mon grand-père. A cet instant précis, Alena a dit, De plus en plus resserré, oui. C'est toujours les petites choses. C'est ce qui fait la vie. La chose la plus intéressante, ce sont toujours les détails. J'ai dit à Alena, C'est un problème délicat, très délicat. Mais, ai-je poursuivi, l'histoire que nous avons apprise au cours de ce voyage est bien plus dramatique que tout ce dont nous avions pu rêver lorsque nous nous sommes mis à chercher des informations. C'était une histoire qui allait se raconter toute seule. Je me suis dit que c'était un peu un mensonge, ce que je venais de dire : nous étions à la fin de tous nos voyages et je n'avais toujours pas une histoire définitive à raconter. Le final manquait toujours, l'élément qui allait permettre de tout fixer, de rendre compte des versions contradictoires : Ciszko l'avait cachée, un professeur de dessin l'avait cachée, elle était enceinte, elle était enceinte de quelqu'un d'autre que Ciszko. Je n'ai rien su, je n'ai rien vu. Mais au moment même où je me disais ça, j'ai pensé, Pour le bénéfice de qui, exactement, suis-je en train de chercher désespérément cette totalité ? Les morts n'ont pas besoin d'histoires : c'est le fantasme des vivants qui, à la différence des morts, se sentent coupables. Même s'ils avaient besoin d'histoires complètes, mes morts, Shmiel, Ester et les filles, avaient certainement plus d'une histoire à présent et s'étaient enrichis de bien plus de détails que quiconque aurait pu l'imaginer, ne serait-ce qu'il y a deux ans ; sans doute cela comptait-il pour quelque chose, à supposer, comme le pensent certains, que les morts ont besoin d'être apaisés. Mais, bien entendu, je ne le crois pas : les morts reposent dans leurs tombes, dans les cimetières ou les forêts ou les fossés au bord des routes, et tout cela ne présente aucun intérêt pour eux, dans la mesure où ils n'ont plus désormais d'intérêt pour rien. C'est bien nous, les vivants, qui avons besoin des détails, des histoires, parce que ce dont les morts ne se soucient plus, les simples fragments, une image qui ne sera jamais complète, rendra fous les vivants. Littéralement fous. Mon grand-père a fait une dépression nerveuse à la fleur de l'âge, peu de temps après ce jour de 1946 où ma mère, rentrant de l'école, l'avait trouvé en pleurs, la tête appuyée contre ses bras croisés sur la table de la cuisine de leur appartement du Bronx ; une lettre, comme aucune de celles qu'il avait reçues de Bolechow pendant toutes ces années passées à écrire et à répondre à Shmiel - une correspondance dont nous n'avons, après tout, qu'une moitié et dont l'autre moitié aurait pu avoir été constituée de lettres disant, Cher frère, Nous avons tout essayé, mais nous ne pouvons pas trouver l'argent, nous n'abandonnerons pas cependant, ou encore, Pourquoi ne demandes-tu pas aux frères d'Ester en premier ?, une incomplétude qui m'a empêché de dormir pendant un certain nombre de nuits, quand bien même je ne prétendrais jamais que cela m'a rendu fou. Mon grand-père a fait une dépression nerveuse quand il n'était pas beaucoup plus âgé que moi aujourd'hui, et je ne suis pas sûr que c'était à cause de difficultés professionnelles, comme je l'ai entendu dire, tout comme je ne suis plus tout à fait sûr que, lorsqu'il s'est suicidé, ce vendredi 13 à Miami, c'était seulement parce que le cancer le dévorait. Je pensais à tout ça, mais je me suis contenté de dire, Oui, c'est une histoire héroïque ! Nous n'aurions jamais pu imaginer jusqu'où elle nous conduirait ! (je voulais dire géographiquement

« dit, ilya huit mois.

Zey zent behalten bayalererin.

Alena adit, C'était uneprofesseur.

Puiselleaajouté, demanière déconcertante, Jesuis désolée, c'estuncliché ! Je n'avais pasidée decequ'elle voulait dire. C'est uncliché, maisjedois aller jeter uncoup d'œil àmon four ! J'aisouri, soulagé, etAlena s'est levée etafoncé danslacuisine pourvoiroùenétait sondessert.

Pendant qu'elleétait partie, samère aparlé et,dans unanglais àla fois hésitant etvéhément, elleatraduit ce qu'Adam avaitdit. Et ils ont étéensemble, FrydkaetCiszko, chezlaprofesseur Szedlakowa.

Quelqu'unadit çaaux Allemands, etl'Allemagne atué Frydka etCiszko, touslesdeux.

Ilaentendu, maissil'histoire est vraie oupas, ilne peut pasdire. L'Allemagne, avait-elledit,bien qu'elle aitvoulu direlesAllemands.

Bon,mesuis-je dit:les deux. Elle secachait danslamaison deceprofesseur ? Oui, dans lamaison, adit Zofia. J'ai hoché latête etdit, Donc, l'histoire, c'estquecette femme avaitprisFrydka chezelle,et Ciszko aussi? Alena estvenue serasseoir etadit, Oui.

Cequi estarrivé àcette Szedlakowa, monpère nele sait pas.

Ilsait seulement qu'ilsonttuéFrydka etCiszko. Alena m'apassé leplat et,ensepenchant versmoi, adit, C'est unehistoire héroïque ! Quand nousavons commencé àmanger ledessert, elles'est tournée versmoipour dire,Mais comment allez-vous laraconter ? Avant même quej'aie euune chance deluirépondre, ellem'a parlé d'amis qu'elle avaitàNew York, desgens deson âge, dont lafamille avaitconnu deshistoires –  des histoires horribles, a-t- elle dit– pendant laguerre.

Cesgens avaient euun enfant, apoursuivi Alena,unefilled'une vingtaine d'annéesaujourd'hui, quivenait d'obtenir undiplôme enlittérature etqui avait écrit sa thèse sursagrand-mère, lafemme quiavait subileschoses horribles.

Alenaadit que la jeune filleluiavait donné sathèse àlire et,enlalisant, Alenaavaitétéfrappée parune chose. Elle adit, Onaurait ditqu'elle nes'intéressait pastant àl'histoire desagrand-mère qu'àla façon de raconter l'histoire desagrand-mère —àla façon d'être lenarrateur. J'ai pensé àmon grand-père etj'ai ditque, oui,c'était unproblème trèsintéressant. Elle adécrit lafaçon dontelleavait étéprogressivement fascinéeparlathèse, endépit deses réserves initiales.Avecunegrande animation, elleaajouté, J'avaisl'impression enlisant, versla fin, qu'on serapprochait deschoses importantes, deschoses concernant laguerre.

Audébut, elle racontait unehistoire banale,unehistoire quetout lemonde auraitpuraconter, maisles choses seresserraient deplus enplus. Au bout d'unmoment, j'aidit, Oui, c'était comme çaque mon grand-père nousracontait des histoires.

Lalongue préparation, toutl'arrière-plan, toutescesboîtes chinoises, etpuis,. »

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