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DÉPOUILLÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Publié le 07/01/2016

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DÉPOUILLÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.  

I.—  Participe passé de dépouiller* 

II.—  Emploi adjectival. 

A.—  [En parlant d'un animal (confer dépouiller I A 1 a)]  Dont on a retiré la peau. Lapin dépouillé. 

B.—  [En parlant d'un paysage, de plantes (confer dépouiller I A 1 c)]  Qui a perdu sa verdure, ses fleurs, son aspect vivant et gai. Arbre dépouillé. Tout est aride, tout est dépouillé (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Mes Poisons,  1869, page 18) : 

Ø 1. Nous voilà roulant sur la route d'Arles, un peu sèche, un peu dépouillée, par ce matin de décembre...

ALPHONSE DAUDET, Lettres de mon moulin,  1869, page 233. 

C.—  [En parlant des humains (confer dépouiller I A 2 a et b  α )]  Qui a perdu ses biens, matériels ou non, volontairement ou non. Dépouillé et nu; austère et dépouillé. Un homme seul, errant, dépouillé, ruiné, terrassé, proscrit, se lève devant lui et l'attaque (VICTOR HUGO, Histoire d'un crime,  1877, page 210 ). 

—  JEUX et.  proverbial. Jouer au roi dépouillé, sorte de jeu où l'on ôte pièce à pièce les habits de celui qu'on a fait le roi du jeu; figure quand on a dépouillé un homme de tout son bien, on dit qu'on a joué au roi dépouillé (JEAN-FRANÇOIS ROLLAND, Dictionnaire du mauvais langage,  1813, page 51 ). 

D.—  [En parlant d'un objet (confer dépouiller I A 2 b  β )]  Sans ornement, d'une simplicité pouvant aller jusqu'à l'austérité. Ces robes sobres sans être dépouillées, dont on disait alors dans la couture qu'elles avaient du chien (JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les,  1946, page 40 ). 

—  Spécialement.  [En parlant d'un style]  Sans recherche ni complication. Synonyme : simple. Le fond seul importe, contente-toi d'un style clair, correct, dépouillé, qui n'attire pas l'oeil (ROGER MARTIN DU GARD, Souvenirs autobiographiques,  1955, page LXXX) : 

Ø 2. Ce style moderne si net, si dépouillé, n'exprime pas toujours, comme on le croit, une société jeune, réaliste, affairée.

FRANÇOIS MAURIAC, Journal,  1945, page 179. 

 Fréquence absolue littéraire : 1 430. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 2 496, b) 1 611; XXe.  siècle : a) 1 858, b) 1 969. 

 

Forme dérivée du verbe \"dépouiller\"

 dépouiller

DÉPOUILLER, verbe transitif.  

I.—  [L'idée dominante est celle d'un retranchement ou d'un abandon] 

A.—  [L'agent de l'action est distinct de ce qui subit cette action et que désigne le complément d'objet direct] 

1. [Ce que l'on ôte et que peut désigner un complément secondaire est quelque chose qui couvre] 

a) [Ce qui subit l'action est un animal]  Ôter la peau (d'un animal généralement mis à mort), souvent en vue d'un certain usage. Manger (...) la peau entière du saumon qu'ils dépouillaient avec beaucoup d'adresse (Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU)  tome 3, 1797, page 64 ). Soeur Ernestine dépouille et plume le gibier (JULES RENARD, Poil de carotte,  1894, page 5 ). Gaspard cependant dépouillant son lièvre, le coupait en quartiers, préparait le civet avec vin, serpolet, bouquet garni (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes,  1925, page 242 ). 

Remarque : 1. Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (Jacques-Joseph Baudrillart) 1834 fait remarquer : \" On ne dit pas écorcher un cerf, un lièvre, etc., etc., mais dépouiller, etc. \" 2. Lorsque le verbe est employé à l'actif, le terme peau apparaît rarement comme complément de la forme verbale. Chats de mer (...) qu'on a dépouillés de leur peau (Paul Morand, Londres, 1933, page 304). Lorsque le verbe est employé au passif, ce terme peut constituer le complément secondaire : La morue (...) est au préalable lavée et dépouillée de sa peau (Albert Boyer, Les Pêches maritimes, 1967, page 112), ou le sujet de la forme passive : Le poids de la peau fraîchement dépouillée (Jacques Bérard, Jacques Gobilliard, Cuirs et peaux, 1947, page 19), à comparer à : Une grenouille fraîchement dépouillée (Histoire générale des sciences (SOUS LA DIRECTION DE RENÉ TATON), 1957, page 1541). 

—  Par analogie. 

·    [Le complément d'objet direct désigne un élément dont on enlève ce qui constitue l'enveloppe]  Ils dépouillent un oeuf de sa coque (JEAN ROSTAND, La Genèse de la vie,  1943, page 144 ). 

·    [Le complément d'objet direct désigne du maïs, du chanvre dont on détache la partie récoltée]  Les contes que les paysans de Gascogne disent, dans les soirs d'automne, après souper, sur l'aire des métairies, en dépouillant le maïs (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire.  1892, page 73; confer JAMMES, Géorgiques, Chant 5, 1912, page 15 et PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, page 15 ). 

·    [Le complément d'objet direct désigne des chairs enlevées ou qui se détachent]  En dépouillant les chairs avec précaution, autour de cette piqûre (HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, tome 4, 1824, page 8 ).  Emploi pronominal à sens passif. Je sens se dépouiller mes os (PIERRE-JEAN JOUVE, Tragiques,  1922, page 19 ). 

b) [Ce qui subit l'action est un être humain, parfois défunt, ce que l'on ôte est quelque chose que l'homme porte sur lui, en particulier un vêtement]  Retirer, enlever. 

·    [Généralement avec complément secondaire désignant ce qui est enlevé]  Des serviteurs les [les jeunes princes] dépouillèrent de leurs gorgerins d'émaux, de leurs ceinturons et de leurs glaives (THÉOPHILE GAUTIER, Le Roman de la momie,  1858, page 231 ). Ses femmes la [la reine] dépouillent de son armure et la revêtent de ses ornements royaux (PAUL VALÉRY, Variété III,  1936, page 117 ). On dépouilla les cadavres de leurs habits (HENRI QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein,  1944, page 25 ). 

—   [Sans complément second]  Dévêtir, déshabiller. Il ordonna que le cadavre de l'amant fût dépouillé comme l'autre, (...) les corps (...) demeurèrent nus au bas des degrés (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Puits de Sainte Claire,  1895, page 284) : 

Ø 1. Agésilas, pour encourager ses hommes, fit un jour dépouiller les Perses prisonniers; à la vue de ces chairs blanches et molles, les Grecs se mirent à rire...

HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Philosophie de l'Art, tome 2, 1865, page 194. 

c) [Ce qui subit l'action est un végétal, ce qui est ôté est le feuillage]  Faire tomber les feuilles, la végétation. L'hiver dépouille les arbres de leurs feuilles (Dictionnaire de l'Académie française.  1798-1932). Bois silencieux que novembre dépouille (JEAN PAPADIAMANTOPOULOS, DIT JEAN MORÉAS, Les Stances, 1901, page 13 ). 

·    Par extension.  [Ce qui est ôté est l'écorce]  Scapin taillait de son couteau une baguette qu'il dépouillait d'écorce (THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 159 ). 

—  Emploi pronominal à sens passif. Se dépouiller feuille à feuille. Les troncs des platanes se dépouillent de leur écorce (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Petit Pierre,  1918, page 101 ). Les arbres se dépouillent de leurs feuilles (EDMOND FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis, 1942, page 82 ). Une futaie de hêtres se dépouillait lentement, laissant choir une à une ses feuilles (JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, La Sorcière, 1954, page 183 ). 

—  Par analogie, surtout au participe passé ou en emploi pronominal à sens passif.  Se dégarnir de ce qui normalement se trouve au sommet (comme le feuillage à la cime de l'arbre). Déjà mon front se dépouille; je sens un Ugolin, le temps, penché sur moi, qui me ronge le crâne (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND. Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1, 1848, page 427 ). Comme c'était au matin et qu'il [Fontanes] n'était ni coiffé ni poudré, sa tête parut plus dépouillée de cheveux (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Portraits littéraires, tome 2, 1844-64, page 275 ). 

d) Emplois spéciaux. 

—  LITURGIE CATHOLIQUE (cérémonie du Jeudi Saint).  Dépouiller les autels. Enlever temporairement, en les pliant, les nappes qui recouvrent normalement les autels. Après la messe, on dépouille l'autel pour signifier que le Sacrifice est suspendu et jusqu'au Samedi ne sera plus offert à Dieu (DOM G. LEFEBVRE, Missel quotidien et vespéral, Abbaye de Saint André, au mot messe du Jeudi Saint. ). 

—  SCULPTURE.  Confer dépouille2  exemple. 

2. Par extension.  [Ce que l'on ôte et que désigne le complément secondaire est quelque chose qui appartient en propre à quelqu'un ou à quelque chose] 

a) [Avec une idée de violence, de contrainte]  Priver quelqu'un ou quelque chose de ce qui lui appartient en propre, généralement par la force. 

α ) [Ce qui subit l'action et que désigne le complément d'objet direct est un être humain] 

—   [Ce que l'on ôte est une chose, un bien matériel]  Dépouiller quelqu'un de tous ses biens, dépouiller les cadavres de leurs bijoux. Synonyme : déposséder. Elle n'était venue que pour la dépouiller de son misérable petit pécule de prison (EDMOND DE GONCOURT, La Fille Élisa,  1877, page 221 ). En son absence [du roi d'Angleterre] Philippe Auguste et Jean Sans Terre avaient commencé à le dépouiller de son royaume (RENÉ GROUSSET, L'Épopée des Croisades,  1939, page 281) : 

Ø 2. Hélas! c'est l'ex-abbaye qu'il me faut dire, un des premiers exploits de la Révolution, en Artois, ayant été de dépouiller les Bénédictins de Saint-Vaast de leurs biens meubles et immeubles.

PAUL VERLAINE, Œuvres posthumes, tome 2, Souvenirs, 1896, page 236. 

—   [Sans complément second]  Enlever, arracher son argent, ses biens à quelqu'un. J'ai vu des mères dépouillant leurs enfants, des maris volant leurs femmes (HONORÉ DE BALZAC, Le Colonel Chabert, 1832, page 146 ). Le fisc nous dépouille (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Lys rouge, 1894, page 254 ). Des bandits (...) qui, pistolet au poing, viennent rafler les enjeux et dépouiller les joueurs (PAUL MORAND, New-York,  1930, page 192 ). 

—   [Ce que l'on ôte est une caractéristique, une valeur humaine]  Dans le temps où il dépouille Jésus de sa divinité (MAURICE BARRÈS, Le Voyage de Sparte,  1906, page 46 ). Vous vous obstinez, en outre, à me dépouiller de ma réalité, à m'imposer une figure qui n'est pas la mienne (JACQUES AUDIBERTI, Le Mal court,  1947, II, page 172 ). 

β ) [Ce qui subit l'action est un élément concret inanimé]  Réformer le monothéisme occidental en le dépouillant de ses meilleures institutions (AUGUSTE COMTE, Catéchisme positiviste, ou Sommaire exposition de la religion universelle,  1852, page 371 ). Démantibuler un petit appareil de pesage automatique et le dépouiller de sa recette de gros sous (ANDRÉ GIDE, Journal, 1914, page 455) : 

Ø 3. Les enfants piétinent les gazons, cassent les branches des arbres, dépouillent de leurs boutons les buissons à fleurs. Et pas un parent pour arrêter cet absurde saccage, où même ils ne prennent pas grand plaisir. Il s'agit seulement de détruire et que ce qui devrait être à tous ne soit plus à personne.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1942, page 113. 

b) [Sans idée de violence]  Enlever quelque chose, causer la disparition de quelque chose. 

α ) [Ce qui subit l'action est un être humain]  Guerre, aventure, avancement social, qui les [certains individus] dépouillent de leurs sentiments d'infériorité (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 508 ). 

β ) [Ce qui subit l'action est une chose concrète ou abstraite]  « Voulez-vous savoir si un chant est beau? Dépouillez-le de ses accompagnements... » (CAMILLE SAINT-SAËNS, Harmonie et mélodie,  1885, pages 5-6 ). Dépouiller la religion des pratiques superstitieuses qui la déshonoraient (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, page 178 ). L'analyse physico-chimique, en effet, a déjà réussi à dépouiller de leur mystère un grand nombre de phénomènes vitaux (JEAN ROSTAND, La Vie et ses problèmes,  1939, page 146) : 

Ø 4. La poésie est vérité, simplicité. Elle dépouille l'objet d'une crasse de symboles, de métaphores, au point de le rendre invisible, dur et pur.

JEAN COCTEAU, Essai de critique indirecte,  1932, page 195. 

—  Spécialement.  GRAVURE.  En principe la fonction de la pointe consiste à tracer le dessin en dépouillant le cuivre du vernis qui le recouvre (MAXIME LALANNE, Traité de la gravure à l'eau forte,  1866, page 21 ). 

Emploi pronominal à sens passif.  [En parlant de la gravure]  Perdre de sa force en abandonnant une partie de ses éléments. Quand l'encre, contenant une trop grande quantité de vernis fort ne nourrit plus assez les traits du dessin, les finesses alors disparaissent et la composition « se dépouille » (R. CHELET, Lithographie,  1933, page 43 ). 

—  En particulier.  [Avec une idée d'amélioration par purification] 

·    ESTHÉTIQUE.  en particulier.  dans le domaine des arts plastiques et littéraire  Ôter, retirer les ornements afin de simplifier l'expression. Prenez une pièce de vers ou une page de grande éloquence; dépouillez-la de ses métaphores : il ne restera qu'un squelette! (JULES COMBARIEU, La Musique,  1910, page 61 ). S'efforçant toujours de dépouiller ses discours de toute éloquence (GEORGES MAGNANE, La Bête à concours,  1941, page 234 ). 

Dans le domaine de la musique  Il serait facile de reconstituer ici l'ossature primitive de la mélodie, en la dépouillant de ses ornements (VINCENT-PAUL-MARIE-THÉODORE D'INDY, Cours de composition musicale, tome 1, 1897-1900, page 69 ). 

·    ART CULINAIRE.  \" Enlever à la cuiller les impuretés montant à la surface d'un mets pendant l'ébullition. Enlever le beurre ou la graisse apparaissant à la surface d'une sauce pendant la cuisson \" (Dictionnaire de la cuisine (HENRIETTE LASNET DE LANTY) 1970). 

—  OENOLOGIE.  emploi pronominal à sens passif.  [En parlant du vin]  Perdre sa force (tout en gagnant en qualité) en vieillissant et en déposant les impuretés restées après fermentation. Il en est parfois des hommes comme de certains vins qui ont besoin de vieillir et de se dépouiller pour avoir toute leur saveur, toutes leurs qualités (GÉRARD DE NERVAL, Le marquis de Fayolle, 1855, page 121 ). Les gouvernements sont comme les vins qui se dépouillent et s'adoucissent avec le temps (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Opinions de Monsieur Jérôme Coignard.  1893, page 77 ). 

Par métaphore.  [Sans idée d'amélioration]  Toutes les nourritures spirituelles qui l'avaient soutenue [Philomène] jusque-là, se dépouillaient de même et perdaient pour elle leurs douceurs fortifiantes (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Soeur Philomène,  1861, page 68 ). 

B.—  [L'agent de l'action est aussi l'être qui subit cette action, le complément désignant ce qui est ôté étant généralement accompagné d'un déterminant possessif réfléchi]  Perdre quelque chose, faire abandon de. 

1. [Ce qui est ôté est quelque chose qui couvre] 

a) [En parlant d'un animal, en particulier pour désigner la mue]  Abandonner, se dégager de (sa peau, son cocon, etc.) 

α ) Emploi transitif. Dépouiller sa peau. Un papillon dépouille peu à peu sa chrysalide et s'envole (PAUL-LOUIS COURIER, Lettres de France et d'Italie,  1808, page 774 ). 

Remarque : Exceptionnellement, le complément d'objet désigne le corps et non ce dont l'animal se dégage : Les serpents dépouillent leur corps dans le conduit vert d'un fourré profond (MARCEL SCHWOB , Le Livre de Monelle, 1894, page 17). 

—  Par métaphore. Vous avez dépouillé la peau de la vieille noblesse, qui n'est plus de mise aujourd'hui (HONORÉ DE BALZAC, Ursule Mirouët,  1841, page 134 ). 

β ) Emploi pronominal réfléchi. Un papillon qui s'est dépouillé de ses enveloppes (MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1820, page 290 ).  [Sans complément second]  Les serpents se dépouillent tous les ans (Dictionnaire de l'Académie française.  1835-1932). 

·    Par métaphore.  [Désiré] s'était dépouillé de la peau du provincial (HONORÉ DE BALZAC, Ursule Mirouët,  1841 page 8 ). L'humanité est en train de se dépouiller d'une de ses chrysalides (HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal, 1866, page 147 ). 

b) [En parlant d'un être humain; ce qui est ôté est quelque chose que l'on porte sur soi] 

α ) Emploi transitif. Dépouiller ses habits, sa redingote; dépouiller ses ornements sacerdotaux (Confer desservant exemple 2). Si j'avais pu me séparer de mes souvenirs de collège aussi précipitamment que j'en dépouillai la livrée... (EUGÈNE FROMENTIN, Dominique,  1863, page 129 ). Cette robe de plage (...) je la dépouille en me tortillant comme une couleuvre qui abandonne sa peau (HERVÉ BAZIN, Lève-toi et marche,  1952, page 16 ). 

—  Par métaphore.  [Par référence à Saint Paul, Épitre aux Colossiens, III, 9-10 : Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau]  Dépouiller le vieil homme. Se défaire de ses mauvais penchants, des inclinations d'une nature corrompue; par extension renoncer à ses habitudes anciennes. Il n'a pas dépouillé le vieil homme; il reste, par l'esprit, citoyen de la vieille petite planète (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire.  1890, page 43 ). On a beau s'y ingénier; jamais on ne dépouille entièrement le vieil homme (PAUL LÉAUTAUD, Essai de sentimentalisme,  1899, page 56 ). 

—  Expression analogique. Tous les jeunes gens qui se présentaient chez lui (...) étaient de petits Talma. Il fallait six mois pour leur faire dépouiller le grand acteur, et voir s'ils avaient quelque chose en propre (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Rome, Naples et Florence, tome 1, 1817, pages 12-13 ). S'étant vu inculquer autrefois, et ayant gardé à son insu, le respect de certains sujets, il croyait dépouiller l'universitaire en prenant avec eux des hardiesses qui, au contraire, ne lui paraissaient telles, que parce qu'il l'était resté (MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann,  1913, page 251 ). 

β ) Emploi pronominal réfléchi. Se dépouiller de ses vêtements. Se dépouiller de cet accoutrement de marche forcée (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Jacques,  1834, page 269 ). Le prêtre se dépouille de sa chasuble (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 1, 1891, page 64) : 

Ø 5. —  Je vois ce qu'est Monsieur le curé, soupira Céleste, trop bon, trop tendre. Par ici, les gens sont durs. Monsieur le curé devra se défendre ou sans quoi... Elle fit comiquement le geste de se dépouiller de sa jupe et de son caraco.

GEORGES BERNANOS, Un crime,  1935, page 737. 

—  Proverbe. Il ne faut pas se dépouiller avant de se coucher. \" Il ne faut pas se dessaisir de son bien de son vivant, si l'on ne veut être à la merci d'autrui \" (Jean-François Rolland, Dictionnaire du mauvais langage, 1813, page 51). Confer Dictionnaire de l'Académie Française 1798-1878. 

2. [Ce qui est ôté est quelque chose qui appartient en propre à quelqu'un]  Quitter, abandonner plus ou moins volontairement quelque chose. 

a) [Ce que l'on abandonne est un bien matériel]  Emploi pronominal réfléchi. 

—   [Avec un complément secondaire]  Le jeune abbé songeait dès lors à se dépouiller de ses bénéfices et à tout quitter (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, page 100 ). 

—   [Sans complément second]  Au temps où elle [Madame Burle] croyait à son fils, elle s'était dépouillée, il lui avait mangé ses petites rentes (ÉMILE ZOLA, Le Capitaine Burle,  1883, page 8 ). S'ils se dépouillent, c'est pour une plus grande vie (et non pour une autre vie). C'est du moins le seul emploi valable du mot « dénuement » (ALBERT CAMUS, Noces,  1938, page 83 ). 

b) [Ce que l'on abandonne est une possession non matérielle, un caractère, une attitude, etc.] 

α ) Emploi transitif. Je dépouillerai pour vous toute vanité (HONORÉ DE BALZAC, La Duchesse de Langeais,  1834, page 261 ). Quel repos ce sera de dépouiller ma défiance! (ANDRÉ GIDE, Les Caves du Vatican,  1914, page 825 ). Pour simplement dépouiller cette crainte, qui avait dominé notre enfance, des pensums et des retenues (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Courrier Sud,  1928, page 10 ). 

Remarque : Cet emploi peut parfois être rapproché de l'emploi I B 1 b α . Quant à lui, il dépouiLa sa placidité, plus vite qu'un homme n'ôte sa veste, et bondit hors des fauteuils (Maurice Barrès, Au Service de l'Allemagne, 1905, page 64). 

β ) Emploi pronominal réfléchi. Se dépouiller d'habitudes, de son nom. Ursule Creton (...) ne pouvait se dépouiller de la rancune qu'elle nourrissait contre la femme qui avait favorisé la passion de sa belle-soeur et du comte (JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Bourgeois de Molinchart,  1855, page 312 ). Cette espèce agressive de sincérité dont je tends à me dépouiller (PAUL VALÉRY, Correspondance [avec André Gide] 1899, page 355 ). Il faut se dépouiller du goût français lorsqu'on visite les églises espagnols (ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, page 42 ). 

Remarque : 1. Dans tous les cas où l'emploi transitif et l'emploi pronominal réfléchi existent parallèlement, le 1er.  est senti comme vieilli ou littéraire, le 2e.  comme usuel. 2. La documentation atteste l'emploi adjectival du participe présent La doctrine mortifiante et dépouillante de Condren (Henri de Brémont, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, page 437). 

II.—  [L'idée dominante est celle d'extraction, de sélection] 

A.—  [En vue d'une étude approfondie] 

1. CRITIQUE.   [Le complément d'objet direct désigne des documents]  Soumettre à une lecture attentive, à une analyse critique afin de dégager les éléments requis par une recherche précise. Dépouiller un dossier, un inventaire, un registre. Vous allez dépouiller cette correspondance; (...) et vous me montrerez votre classement, vos pointages (JULES VALLÈS, Jacques Vingtras, Le Bachelier, 1881, page 373 ). Sainton et Rathery ont dépouillé 230 cas de maladie de Parry et trouvé 10 cas de mydriase (ACHILLE SOUQUES. Nouveau traité de Médecine, fascicule 8 1925, 1925, page 201) : 

Ø 6. Au lieu de chercher des documents sur les actes, sur les personnes mêmes des Jacobins, il faudrait dépouiller les archives des ordres religieux qui existaient à cette époque.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route, tome 2, 1895, page 294 

2. Par extension. 

a) Par obligation ou habitude professionnelle, prendre connaissance du contenu, en en retenant l'essentiel. Ce travail consistait à dépouiller les journaux, à en extraire le moindre article, le mot, où l'on parlait de son ministre, avec le nom de la feuille consigné en marge (ALPHONSE DAUDET, L'Évangéliste,  1883, page 151 ). Élisabeth revenue d'Oxford pour servir au bureau qui dépouille la presse étrangère (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre,  1956, page 173 ). 

b) Ouvrir et lire pour une connaissance plus ou moins approfondie. Heures du courrier, chauds moments de la vie d'écrivain! Lacérées les enveloppes, dépouillées les lettres d'inconnus (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Le Fanal bleu,  1949, page 127) : 

Ø 7. M. Jules d'Escorailles, qu'il avait pris pour secrétaire, dépouillait la correspondance, sur un coin du bureau. Il ouvrait soigneusement les enveloppes avec un canif, parcourait les lettres d'un coup d'oeil, les classait.

ÉMILE ZOLA, Son Excellence Eugène Rougon,  1876, page 216. 

B.—  [En vue de connaître les résultats d'un comptage]  Dépouiller un recensement. 

·    Dépouiller un vote, un scrutin. Extraire les bulletins de vote de l'urne et compter les voix ou suffrages, afin de dégager le résultat de l'élection. Le jeudi 20 décembre 1848, l'Assemblée constituante, (...) étant en séance, à la suite d'un rapport du représentant Waldeck-Rousseau, fait au nom de la commission chargée de dépouiller le scrutin pour l'élection de la présidence de la République... (VICTOR HUGO, Napoléon le Petit, 1852, page 3 ). Ils [les secrétaires] dépouillent les votes par bulletins ou constatent le résultat des votes à main levée ou par « assis et levés » (GEORGES VEDEL, Manuel élémentaire de droit constitutionnel,  1949, page 410 ). 

Remarque : Société du Parler français au Canada, 1930 et LE PARLER POPULAIRE DES CANADIENS FRANÇAIS  (NARCISSE-EUTROPE DIONNE) 1909 attestent, entre autres, les sens suivants a) Être en pente. Le chemin dépouille; ce chemin va en dépouillant b) Glisser sur une pente. La voiture va en dépouillant Ces sens sont peut-être à rattacher à tailler en dépouille (confer dépouille2  A). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 237 (dépouillant : 128). Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 2 506, b) 1 730; XXe.  siècle : a) 1 540, b) 1 267. 

DÉRIVÉS : Dépouillage,  substantif masculin. a)  Action de retirer la peau d'une bête morte. Synonyme : dépouillement (confer ce mot I A 1 a). Après la mort de l'animal et son dépouillage (JACQUES BÉRARD, JACQUES GOBILLIARD, Cuirs et peaux,  1947, page 27 ).  Par extension. Le dépouillage d'ancienne toile, y compris le nettoyage des portes-tapisserie. Opération qui consiste à supprimer une toile posée sur des bâtis pour protéger le papier contre l'humidité (E. ROBINOT, Vérification, métré et pratique des travaux du bâtiment, tome 6, 1930, page 81 ). b)  Action d'enlever la peau ou l'écorce d'un végétal. Le dépouillage du grain à la traîne et au rouleau demandait les mêmes préparatifs (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous,  1921, page 145 ). 

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