DÉPÔT, substantif masculin.

DÉPÔT, substantif masculin.  

[Correspond à déposer2 ]  

A.—  Action de déposer quelque chose en un lieu. Le dépôt du corps dans ce caveau n'est que provisoire (Dictionnaire de l'Académie française.  1835-1932). 

1. En particulier.  Action de déposer quelque chose en un lieu sûr ou auprès d'une instance compétente. Dépôt d'une motion, d'un testament. Des ordres donnés pour le dépôt du capital à la banque d'Angleterre (JULES VERNE. Les Cinq cents millions de la Bégum, 1879, page 15 ). Dépôt au Sénat d'une demande en autorisation de poursuites (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Orme du mail.  1897, page 200) : 

Ø 1. Un instant, messieurs, je vais envoyer la lettre fatale en dépôt dans un paquet bien cacheté à M. l'abbé Pirard.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le Noir,  1830, page 324. 

2. Emplois techniques. 

a) COMMERCE.  Dépôt de bilan. Acte par lequel un commerçant se déclare en cessation de paiement. Le dépôt du bilan était inévitable (HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, 1837, page 341 )  Dépôt d'une marque, d'un modèle, etc. Formalité administrative par laquelle un commerçant acquiert la propriété de sa création et la protection de sa marque, de son modèle, etc. 

b) DROIT et LÉGISLATION.  Contrat par lequel une personne (le dépositaire) reçoit une chose mobilière d'une autre personne (le déposant), à charge de la garder et de la restituer quand celle-ci la réclamera. Le dépôt proprement dit est un contrat essentiellement gratuit (Code civil des Français (ou Code Napoléon)  1804, article 1917, page 346 ). 

—  Dépôt légal. Disposition administrative obligeant un éditeur ou un imprimeur à déposer plusieurs exemplaires des ouvrages publiés, au bénéfice des collections nationales. Que serait-ce au Louvre si l'on obligeait les peintres de faire également un dépôt légal? (BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 323 ). 

B.—  Par métonymie.  [Avec souvent un complément ou un adjectif déterminatif précisant la nature de ce qui est déposé]  Choses déposées. 

1. a) Matières solides accumulées qui se déposent par décantation au fond d'un liquide au repos. Quand les dépôts sont rassemblés sur le bouchon de la bouteille de champagne on procède à l'opération du dégorgement (RAYMOND BRUNET. Le Matériel vinicole et les soins à donner au vin.  1925, page 520 ). 

—  Par analogie.  Résidu qui se dépose sous forme solide. Une barbe de quelques jours semblait un dépôt de sel sur les joues avalées (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 1, 1948, page 34) : 

Ø 2. Des cordes de halage rasaient le chemin rouillé, durci, noirci, teint de toutes couleurs, par les décharges de charbon, les résidus de minerais, les dépôts de produits chimiques.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Renée Mauperin,  1864, page 12. 

Ø 3. Le visage [du pycnique] , comme le corps, tend à la mollesse et à la rotondité des formes. Avec l'âge, des dépôts graisseux se forment aux joues et sous le menton (bajoues, double menton).

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 218. 

b) Emplois scientifiques et techniques. 

—  GÉOLOGIE.  Amas de matériaux à la surface du globe, causés notamment par les eaux et l'érosion. Synonymes : alluvion, sédiment :  

Ø 4. Cette garantie d'un bon atterrissage était due à la présence d'un sable résistant, aux grains lourds, amas énorme de minuscules coquillages. Intacts encore à la surface du plateau, on les découvrait qui se fragmentaient et s'aggloméraient, à mesure que l'on descendait le long d'une arête. Dans le dépôt le plus ancien, à la base du massif, ils constituaient déjà du calcaire pur.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes,  1939, page 175. 

SYNTAXE : Dépôts calcaires, marins (sédiments situés au fond des mers), métallifères, sédimentaires, tertiaires. 

—  MÉDECINE.  Amas de pus dans un tissu cellulaire. Synonyme usuel : abcès. Le coup de pointe à la cuisse menaçait d'un dépôt considérable (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme,  1839, page 69 ). 

—  TECHNOLOGIE.  Revêtement métallique déposé par électrolyse sur un métal pour le protéger (d'après Dictionnaire de métallurgie (OLIVIER BADER, MICHEL THÉRET) 1962). Un dépôt électrolytique de cuivre (HIPPOLYTE FONTAINE, Électrolyse,  1885, page 175 ). 

2. Ce qui est confié à un dépositaire pour être gardé et restitué ultérieurement. Je dissémine mes dépôts avec précaution, je fais des placements sûrs (LÉON GOZLAN, Le Notaire de Chantilly,  1836, page 178 ). L'augmentation des dépôts dans les caisses d'épargne (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 3, 1902-04, page 72 ). 

a) En particulier.  FINANCES.  Versement à titre de caution. Pour la location de la bicyclette, je vais toujours vous faire un dépôt (GEORGES BERNANOS, Un Mauvais rêve,  1948, page 992 ). 

SYNTAXE : Dépôt bancaire (fonds déposés dans une banque), de cautionnement; banque de dépôts; caisse des dépôts et consignations (confer BELORGEY, Gouvernement et administration en France, 1967, page 124); avoir, confier, conserver, garder, recevoir un dépôt. 

b) Au figuré. La mémoire ne rend pas le dépôt qu'on ne lui a pas confié (VICTOR COUSIN, Histoire de la philosophie moderne, tome 1, 1829, page 109 ). 

—  THÉOLOGIE.  Dépôt de la foi, de la révélation. Ensemble du donné révélé que l'Église doit garder, préciser et transmettre. Garder intact le dépôt de la foi que nous avons reçue (PAUL CLAUDEL, Processionnal pour saluer le siècle nouveau,  1910, page 300 ). L'Église se présente comme ayant reçu le dépôt de la révélation qu'elle doit transmettre (FRANÇOIS MAURIAC, Journal 1,  1934, page 50 ). 

C.—  [Avec souvent un complément déterminatif précisant la destination du lieu] 

1. Lieu où l'on dépose quelque chose ou quelqu'un. Dépôt de documentation. Lire au dépôt des manuscrits de la bibliothèque nationale (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature,  1936, page 118) : 

Ø 5. Le principal dépôt des archives de Hollande est celui de La Haye. Ce dépôt comprend six sections distinctes :...

JULES MICHELET, Journal,  1837, page 783. 

2. Emplois techniques. 

a) ART MILITAIRE.  Lieu de garnison d'un corps de troupe, servant de base d'accueil et d'instruction, et d'où partent des renforts; par métonymie les soldats de cette garnison. Le régiment de lanciers dont le dépôt est à Colmar (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lucien Leuwen, tome 1, 1836, page 157 ). La caserne Babylone (...) n'était gardée que par un dépôt de recrues suisses (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 3, 1848, page 605 ). Sur aucun navire, dans aucun dépôt d'équipages, dans aucun établissement (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre,  1954, page 223 ). 

b) COMMERCE et INDUSTRIE.  Lieu où sont entreposées des marchandises. (Quasi-)synonyme : entrepôt : 

Ø 6.... cette cuisine servait de dépôt à un marchand de grains et de pommes de terre. Lui-même logeait au premier. (...) Ses dépôts, ses hangars pour camions, prenaient jour sur une ruelle paysanne conduisant vers des jardins;...

JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 18. 

c) DROIT.  Lieu où sont détenus les prisonniers de passage. Les deux enfants, ramassés par quelque sergent de ville et mis au dépôt (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 297 ). Voilà l'homme qui (...) eût roulé jusqu'à la tombe, de dépôt en dépôt, de prison en prison (JULES VALLÈS, Le Réfractaire,  1865, page 66 ).  Mandat de dépôt. Ordre d'incarcération d'un prévenu, donné par le juge d'instruction. La délivrance de mandats de dépôt ou d'arrêt (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre,  1959, page 409 ). 

d) TRANSPORTS.  Ensemble des installations nécessaires au garage et à l'entretien des locomotives ou d'autres véhicules. Jacques était là, debout sur la plate-forme [de la locomotive] , attendant pour rentrer au dépôt (ÉMILE ZOLA, La Bête humaine,  1890, page 96 ). Un autobus à vide fonce vers son dépôt (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit,  1932, page 368 ). 

e) Domaine social.  Dépôt de mendicité. Établissement public accueillant des indigents. Ces messieurs allèrent achever l'inspection du dépôt de mendicité (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le Noir,  1830, page 10 ). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 057. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 2 262, b) 984; XXe.  siècle : a) 1 470, b) 1 152.