Définition / Vocabulaire: AMPUTER, verbe transitif.

Définition / Vocabulaire: AMPUTER, verbe transitif. I.— Emploi transitif. A.— Sectionner par intervention chirurgicale (une partie utile du corps). 1. [L'objet désigne un membre] Amputer un membre, un doigt : Ø 1. Le docteur Larrey, qui l'avait rencontré sur d'autres champs de bataille, lui amputa la cuisse; il était trop tard pour le sauver. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 3, 1848, page 598. Ø 2. Il avait coupé des bras, amputé des doigts, remis des poignets, rafistolé des têtes fendues en ma présence et avec mon aide. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 3, 1855, page 331. — Par analogie. HORTICULTURE. " Couper un jet, une branche d'arbre. " (Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse), Nouveau Larousse illustré) : Ø 3. J'ai trop jardiné moi-même pour ne point connaître le risque, en émondant, d'amputer des rameaux encore pleins de sève et redoute l'appauvrissement qu'entraîne une simplification trop sommaire. ANDRÉ GIDE, Journal, 1941, page 91. 2. [L'objet désigne une personne, un objet secondaire désigne le membre à sectionner] a) Amputer quelqu'un de quelque chose (d'un membre, d'un organe saillant) : Ø 4.... [Il] perdit dans la nuit ses deux compagnons, erra en pleine Forêt Noire pendant soixante-douze heures, tomba d'inanition et fut ramassé sous la neige dans un tel état qu'il fallut l'amputer des quatre membres : c'était un fier garçon de vingt-trois ans. FRANCIS AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, page 225. Remarque : Syntagmes amputer quelqu'un d'un jambe, d'une cuisse, d'un bras, d'un doigt, d'un membre, de son nez, de la langue, d'un sein, d'un pied.... b) [L'objet secondaire n'est pas exprimé] Amputer quelqu'un. Amputer un blessé, un homme, une femme... : Ø 5.... et là, dedans une petite chambre d'en haut, en tête-à-tête avec un gigot et une bouteille cachetée, il faisait à travers les cris des blessés, qu'on amputait au-dessous, il faisait le meilleur et le plus égoïste dîner qu'il ait fait de sa vie. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, août 1886, page 589. — Par métaphore : Ø 6. Ceci montre comment le Congrès de Vienne a procédé. Jamais opération chirurgicale ne s'est faite plus à l'aventure. On s'est hâté d'amputer la France, de mutiler les populations rhénanes, d'en extirper l'esprit français. On a violemment arraché des morceaux de l'empire de Napoléon;... VICTOR HUGO, Le Rhin, 1842, page 459. B.— Au figuré. 1. [L'objet désigne ce que l'on fait disparaître] Amputer quelque chose Enlever ou faire disparaître brutalement quelque chose qui est généralement considéré comme ayant de la valeur : Ø 7. Le Catholicisme suffit à toutes mes facultés, sauf ma raison critique; je n'espère pas pour l'avenir de satisfaction plus complète; il faut donc ou renoncer au Catholicisme, ou amputer cette faculté. ERNEST RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, page 389. Ø 8. On se figure que la religion est une affaire de secte et de fanatisme, qu'il faut se boucher les yeux, se rendre malade, se tenir dans un petit coin, s'amputer trois ou quatre facultés parmi lesquelles les plus nobles. PAUL CLAUDEL, ANDRÉ GIDE, Correspondance, lettre de Paul Claudel à André Gide, 1899-1926, page 184. 2. [L'objet désigne un être ou une entité affectée par le procès; un objet secondaire indique ce dont on prive cet être ou cette entité] Amputer quelqu'un ou quelque chose de. Les priver brutalement de quelque chose : Ø 9.... il se trouve que j'ai compris le sens profond du sacrifice qui n'est point de t'amputer de rien mais de t'enrichir. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 755. Ø 10. Délibérément, le monde a été amputé de ce qui fait sa permanence : la nature, la mer, la colline, la méditation des soirs. Il n'y a plus de conscience que dans les rues, parce qu'il n'y a d'histoire que dans les rues... ALBERT CAMUS, L'Été, 1954, page 112. II.— Emploi pronominal. A.— S'amputer de quelque chose : Ø 11. Mais tel qui souffre de ses membres et s'en ampute plutôt que de s'efforcer vers le remède, je ne le dis point courageux mais fou ou lâche. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 870. — Par métaphore : Ø 12. Alors, en homme qui a tout bien pesé, il lui expliqua que partir, c'était se reconnaître coupable. L'opprobre, dans ce cas, ne pouvait être évité par la famille, qu'en s'amputant du membre gangrené, en le rejetant, en le reniant, à la face des hommes. FRANÇOIS MAURIAC, Thérèse Desqueyroux, 1927, pages 250-251. — Absolument. S'amputer : Ø 13. C'est l'animal lui-même, qui, par la contraction brusque et énergique de certains muscles spéciaux, s'ampute lui-même. HENRI COUPIN, Animaux de nos pays, Dictionnaire pratique, 1909, page 397. B.— Au figuré. S'amputer de quelque chose : Ø 14. Il avait ainsi gravi les six échelons suprêmes, et le fait que Basquettot y était maintenant le premier signifiait simplement que le ministère s'était amputé de six intelligences. JEAN GIRAUDOUX, Bella, 1926, page 100. Ø 15. Un être tendre qui devient courageux par suggestion s'endurcit, souvent même il s'ampute lui-même de sa tendresse par une sorte de plaisir sauvage. SIMONE WEIL, La Pesanteur et la grâce, 1943, page 104. — Rare : Ø 16. L'image, au contraire, s'appauvrit quand elle essaie de s'intellectualiser. Car si la première [l'idée-mot] s'ajoute, par des recours au suggestif, une irradiation qui accroît sa portée, la seconde, pour la concurrencer, doit s'amputer, se dépouiller de sa force émotive. RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, page 239. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 57.