Définition et usage: FAROUCHE2, adjectif.

Définition et usage:

FAROUCHE2, adjectif.

A.— [En parlant des animaux] Qui n'est pas apprivoisé; qui fuit l'approche de l'homme. Bêtes farouches; un étalon, une harde farouche. (Quasi-)synonymes : craintif, sauvage. Plus heureux encore les poulains échevelés qui bondissent légèrement dans ces broussailles et les chèvres farouches qui gravissent sans efforts les roches escarpées! (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Lélia, 1833, page 263) :

0 1. Là, vivent le chasseur et son aide, en silence, aux aguets, de l'aube au crépuscule. Car on ne rit point, on ne parle point, on respire à peine, la palombe étant inquiète et farouche.

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, page 27.

B.— Par analogie. [En parlant de pers]

1. Qui craint ou rellise les contacts humains. (Quasi-)synonymes : insociable, misanthrope, renfermé, timide. Nos nouveaux voisins semblent bien farouches (DICTIONNAIRE DU FRANÇAIS VIVANT (MAURICE DAVAU, MARCEL COHEN, MAURICE LALLEMAND) 1972) :

0 2. Il me sembla qu'en parlant de la sorte elle n'agissait pas avec moi comme elle aurait dû. Je la sentis injuste, et, par une timidité de petit garçon encore farouche et mal apprivoisé, au lieu de la ramener sur mon compte, je me crispai là, sur place, contre cette injustice.

PAUL BOURGET, Le Disciple, 1889, page 77.

— En particulier, familier. [En parlant d'une femme] Qui ne se laisse pas courtiser. Cette jeune fille, cette femme est bien farouche (Dictionnaire de l'Académie Française).

• [A la forme négative] Peu, pas farouche. Qui se laisse facilement approcher et séduire. D'autant plus que la chère dame n'est guère farouche, à ce qu'on raconte (EMILE ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, page 453 ). De belles filles brunes, pas trop farouches, habituées à courir de village en village (EMILE MOSELLY, Terres lorraines, 1907, page 193 ).

— [En parlant d'un comportement, d'un trait de caractère ou d'un sentiment] Qui dénote la crainte ou le refus des contacts humains. Un mutisme, une gravité farouche. Et pendant plusieurs jours après cet éclat, une sorte de timidité farouche lui mit un cachet sur les lèvres (ELEMIR BOURGES. Le Crépuscule des dieux. 1884, page 105 ). On travaille seul, avec une méfiance farouche. On luit les hommes dont on a le dégoût (MAURICE GENEVOIX, Raboliot, 1925, page 168) :

0 3. Imaginez donc d'abord votre propre coeur tout débordé de passions tendres et farouches; ensuite de quoi transvasez cette amoureuse lave dans le coeur du dernier Brettinoro; c'est encore là le plus sûr moyen de vous former une idée quelque peu précise de mes ravissements et de mes souffrances.

OSCAR VLADISLAS DE LUBICZ-MILOSZ, L'Amoureuse initiation, 1910, page 174.

2. Qui agit avec fermeté, intransigeance, rudesse ou brutalité. (Quasi-)synonyme : sauvage. Tous les mois, toutes les semaines, tous les jours, le gouvernement devint plus farouche et plus sanglant (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 776 ). La critique s'est étonnée parfois que d'anciens amis soient devenus de si farouches adversaires (JEAN GUEHENNO, Jean-Jacques, 1950, page 269) :

0 4.... quand il s'adossait à un sapin pour nous charmer par les accents d'une tendre musique. Les oiseaux se taisaient pour ouïr. Il ne semblait plus un farouche guerrier, sinon par les brandebourgs de son uniforme de hussard, qui collait aux plus belles formes viriles qu'on pût voir.

PAUL ADAM, L'Enfant d'Austerlitz, 1902, page 88.

— [En parlant d'un comportement, d'un trait de caractère ou d'un sentiment] Qui dénote la fermeté, l'intransigeance, la rudesse ou la brutalité. Par moments passaient des chants et des clameurs farouches et l'on entendait au loin le crépitement de la fiisillade (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Petit Pierre, 1918, page 81 ). Elle avait répondu d'une voix si farouche qu'il la dévisagea avec curiosité (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 19) : 0 5. J'étais au théâtre pour entendre Lucie de Lammermoor et sur la pauvre musique de Donizetti soudain j'ai senti monter en moi un de ces désirs farouches, absolus, impardonnables, comme j'en souhaitais du temps où j'étais avec Barrés et comme j'en ai si rarement ressenti.

JACQUES RIVIÈRE, Correspondance [avec Alain-Foumier], 1906, page 92.

SYNTAXE : Une expression, une mine, un regard farouche; une ardeur, une énergie, une obstination, une ténacité farouche; un égoïsme, un individualisme, un orgueil farouche.

• Emploi comme substantif à valeur de neutre. Le correct dans le farouche; c'est un peu toute la révolution (VICTOR HUGO, Quatre-vingt treize, 1874, page 170 ).

C.— [En parlant des choses] Qui présente un danger, une menace; qui rebute ou effraie par sa rudesse. Mais les citoyens de Genève en conviendront, l'hiver est farouche au bord du Léman (FRANÇOIS COPPÉE, La Bonne souffrance, 1898, page 81). Ils [André et ses amies] eurent ensemble la réapparition merveilleuse de Stamboul... d'abord les farouches remparts crénelés du Vieux Sérail, que baignait la nappe tout en argent rose de la Marmara (JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Les Désenchantées, 1906, page 328 ). Rien de vivant ne devait se glisser dans la farouche région où il était jeté (ANDRE MALRAUX, La Condition humaine, 1933, page 184):

0 6. L'obscurité farouche, amassée dans les coins des murailles sans fenêtres, tombait sur les lits effrayants comme un drap noir sur une bière, tandis que déjà, par la porte ouverte, entraient les plus hardis parmi ces hommes dont elles ne devaient refuser aucun.

PIERRE MILLE, Bamavaux et quelques femmes..., 1908, page 3.

Remarque : La documentation atteste a) L'emploi substantival a ) Masculin avec valeur de neutre. Il [Stéphane] le retrouvait très lointain, déjà souffreteux et cassé... d'oeil clair, un perpétuel sérieux sur le visage, une tristesse dont le farouche écartait (Estaunié, Simple, 1891, page 145 [3 ).) Masculin ou féminin désignant une personne Cela n'empêchait pas le farouche [M. Boissonade] d'avoir de temps en temps des retours, des caprices de civilisation (Charles-Amédée de Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, tome 6, 1863-69, page 102). Une gamine de huit ans s'était, l'autre jour, coupé le doigt, un farouche à poitrail velu s'est évanoui (Jules Vallès, J. Vingtras, Insurgé, 1885, page 105). Et puis quelle force ne m'aurait-il pas fallu pour interrompre cette farouche au moment juste où elle \" ne savait plus comment sauver l'honneur de sa famille \" (Louis-Ferdinand Céline, Voyage, 1932, page 325). b) Faroucherie, substantif féminin Le présent recueil avait d'abord été conçu dans un système de faroucherie et de violence à peu près illimitées (Pommier, Colères, 1844, page II). c) Faroucheté, substantif féminin Caractère de quelqu'un de farouche. Là-dessus, elle se mit en tête de séduire sa faroucheté, et elle l'amignonna si honnêtement en paroles et en quarts d'oeil qu'il en fut un peu secoué au milieu de ses ennuis (George Sand, François le Champi, 1850, page 144).