Définition et usage du mot: BARRICADE, substantif féminin.

Définition et usage du mot: BARRICADE, substantif féminin. A.— Retranchement improvisé avec des objets ou des matériaux divers (poutres, pieux, pavés, voitures, etc.) pour interdire l'accès d'un lieu ou pour se mettre à couvert de l'adversaire dans un combat de rues : Ø 1. C'était une barricade composée de piquets fichés en terre, de lattes, de débris de bois, reliés par la neige, qui prenait depuis le bas de la porte jusqu'en haut. Un voyageur y eût reconnu l'industrie des Lapons. JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Souffrances du professeur Delteil, 1855, page 133. Ø 2. On me faisait savoir, en outre, que le combat avait repris dans la soirée du 21, que les préfectures, les ministères, les mairies, étaient toujours aux mains des nôtres, que partout les Parisiens élevaient des barricades et que le général allemand (...) ne s'engageait nullement dans la répression. CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, page 301. Ø 3. Entre le tronçon français et le tronçon allemand, pas de barricade, de séparation. Il y a seulement une sorte de zone neutre aux deux extrémités de laquelle veillent perpétuellement deux guetteurs. HENRI BARBUSSE, Le Feu, 1916, page 223. SYNTAXE : Construire, dresser, élever, enfoncer, faire, forcer, franchir, renverser, rompre une barricade; la journée des Barricades. — Par métonymie : Ø 4. Un frisson électrique parcourut toute la barricade, et l'on entendit le mouvement des mains cherchant les fusils. VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 363. — Par analogie. Obstacle quelconque : Ø 5. Ils étaient devenus aussi affamés l'un de l'autre que jadis, lorsqu'ils se voyaient dans la journée seulement près de la presse à eau ou derrière des barricades de papier et de livres. GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soeurs Vatard, 1879, page 207. Ø 6.... cherchant au bord du petit mayo qui coule à deux cents mètres du campement, un endroit où me baigner (en vain : les bords étaient protégés par une barricade de roseaux), j'avais fait lever une perdrix. ANDRÉ GIDE, Le Retour du Tchad, 1928, page 979. B.— Au figuré : Ø 7. Cependant il [Wagner] observa bientôt qu'entre Jessie et lui d'une part, Mme. Taylor et Launot de l'autre, s'élevait « un mur infranchissable » : une nouvelle barricade, la pire de toutes, la barricade des coeurs. GUY DE POURTALÈS, La Vie de Franz Liszt, 1932, page 183. Ø 8.... il les développait avec une joie sensuelle, et amoncelait autour du premier paradoxe trouvé une barricade d'arguments qu'il puisait sans effort dans son érudition encyclopédique. ROGER MARTIN DU GARD, Devenir, 1909, page 58. — Locutions. 1. Être du même côté de la barricade, être de l'autre côté de la barricade. Appartenir au même camp, au même parti; être d'opinions, de parti opposés : Ø 9. Il [M. Clemenceau] disait aux environs du 1er. mai aux révolutionnaires : « Nous ne sommes pas du même côté de la barricade ». MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 5, 1906-07, page 13. 2. Passer de l'autre côté de la barricade. Abandonner son propre camp pour passer au parti adverse : Ø 10. Personne n'a vu Voltaire, personne n'a vu Kant passer de l'autre côté des barricades. Seul s'en est avisé le prolétariat devenu en cent ans le seul représentant et la seule masse des opprimés. PAUL NIZAN, Les Chiens de garde, 1932, page 80. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 722. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 244, b) 3 389; XXe. siècle : a) 678, b) 633. Forme dérivée du verbe "barricader" barricader BARRICADER, verbe transitif. A.— Emploi transitif. Fermer avec une barricade : Ø 1. Vendredi 12 mai. La terrasse des Tuileries est couverte de balles de chiffons, destinées à barricader le jardin sur toute la face de la place de la Concorde. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1871, page 796. Ø 2. La voix d'un capitaine domine le tumulte : « Rassemblez-moi tout ce que vous pourrez trouver de charrues, de herses... Même les faucheuses... Allez dire au lieutenant qu'il empêche les civils d'emmener les tombereaux. On en aura besoin pour barricader les routes...» ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 749. · Par métaphore : Ø 3.... comme la grande bourgeoisie, mais pour d'autres raisons, l'Église elle aussi est barricadée, hérissée de défenses... FRANÇOIS MAURIAC, Bloc-notes, 1958, page 340. 1. Par extension. Fermer solidement : Ø 4.... des gens éperdus couraient, les portes et les fenêtres se fermaient violemment. Ils aperçurent Maigrat, de l'autre côté de la route, qui barricadait son magasin, à grand renfort de barres de fer... ÉMILE ZOLA, Germinal, 1885, page 1438. Ø 5. La nuit, enfin, il barricadait sa porte à l'aide de trois fauteuils arcboutés contre les murs; il avait calculé qu'il faudrait au moins une minute aux policiers ou aux agresseurs éventuels pour enfoncer la porte ainsi calée... JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, page 384. · Par métaphore : Ø 6. Chaque jour nouvelle défiance; telle idée semble dangereuse aujourd'hui, tel homme demain, telle classe; on s'enferme de plus en plus, on barricade, on bouche solidement sa porte et son esprit; plus de jour, point de petite fente par où puisse entrer la lumière. JULES MICHELET, Le Peuple, 1846, page 155. Ø 7. Prends-le donc à ton service. C'est un pauvre rêve fou; Mais pauvreté n'est pas vice. Nul coeur ne ferme au verrou; Ton coeur, pas plus que mon âme, N'est clos et barricadé. Ouvrez donc, ouvrez, Madame, À mon doux songe évadé. VICTOR HUGO, Les Chansons des rues et des bois À Dona Rosita, 1865, page 162. Ø 8. Il est de calcul froid, mais de force soudaine : Des fers de volonté barricadent le seuil Infrangible de son orgueil. ÉMILE VERHAEREN, Les Villes tentaculaires, 1895, page 130. 2. Par analogie. [Le complément désigne une personne] Enfermer : Ø 9. L'Anaïs gémissait d'une petite voix douce. — Il va dormir, affirma Haudouin, ne t'inquiète pas. Il poussa Noël sous le lit aussi loin qu'il put et l'y barricada avec un banc et des oreillers. MARCEL AYMÉ, La Jument verte, 1933, page 300. B.— Emploi pronominal. Se mettre à couvert derrière une barricade : Ø 10. On appelle archere d'étroites ouvertures en formes de meurtrières, ménagées entre de grosses bûches avec lesquelles on bouche la partie inférieure d'une fenêtre. Lorsqu'on craint quelque attaque, on se barricade de la sorte et l'on peut, à l'abri des bûches, tirer à couvert sur les assaillans. PROSPER MÉRIMÉE, Colomba, 1840, page 70. — Par extension. S'enfermer : Ø 11. Oh! Je jure bien par ce que j'ai souffert et par le respect que je dois à mon âme, que c'est là ma dernière sortie. Je veux me barricader chez moi, m'y murer pour m'ôter toute tentation, ne bougeant pas plus qu'un terme, dussé-je sécher sur pied. MAURICE DE GUÉRIN, Journal intime, 1833, page 174. · Par métaphore : Ø 12. Menacé d'abolition, chacun de mes amis se barricadait dans le présent, découvrait l'irremplaçable qualité de sa vie mortelle et se jugeait touchant, précieux, unique; chacun se plaisait à soi-même; moi, le mort, je ne me plaisais pas... JEAN-PAUL SARTRE, Les Mots, 1964, page 165.