Définition et Usage du mot: APPELÉ, -ÉE, participe passé, adjectif et substantif. I.— Participe passé de appeler* II.— Adjectif. Qui est appelé : Ø 1. L'opératrice enfonce sa fiche, entre en conversation. L'opératrice prend les ordres, enfonce sa deuxième fiche dans le jack de l'abonné appelé et fait un appel magnétique. A. LECLERC, Manuel de télégraphie et téléphonie, 1924, page 230. III.— Substantif. A.— Celui qui est appelé, celle qui est appelée : Ø 2. Enfin une sorte de tohu-bohu, de bruit de chaise renversée, de pas, de jurements grommelés, de pot qui se brise naquit au plus lointain de l'appareil [de téléphone] s'enfla et la respiration même de l'appelé souffla dans l'écouteur. ALEXANDRE ARNOUX, La Nuit de Saint-Avertin, 1942, page 26. B.— DROIT. " Personne désignée par le donateur ou le testateur comme devant recueillir, au décès du donataire ou légataire, dit grevé, les biens donnés ou légués à celui-ci à charge de substitution. " (Vocabulaire juridique (HENRI CAPITANT)) : Ø 3. 1053. Les droits des appelés seront ouverts à l'époque où, par quelque cause que ce soit, la jouissance de l'enfant, du frère ou de la soeur grevés de restitution, cessera : l'abandon anticipé de la jouissance au profit des appelés, ne pourra préjudicier aux créanciers du grevé antérieurs à l'abandon. Code civil des Français (ou Code Napoléon) 1804, page 191. C.— ADMINISTRATION MILITAIRE. Celui qui est appelé à rejoindre son corps (confer appeler I B 3 c). Plus spécialement, celui qui accomplit son service militaire : Ø 4. Toute l'armée se trouvait, en effet, éprouvée et affaiblie par les conséquences du service à court terme et par la pénurie de soldats de carrière; partout, les effectifs étaient insuffisants; la libération de la classe ne laissait dans les rangs qu'un seul contingent d'appelés instruits, de sorte que, pendant la période d'hiver, notre couverture se trouvait dans une situation précaire. MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 1, 1931, page 86. D.— THÉOLOGIE (doctrine de la prédestination). Créature destinée à être sauvée. — Locution figurée. RELIGION. Il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus. (Matthieu, XXII, 14) : Il y a beaucoup d'invités au banquet du royaume de Dieu, mais peu qui soient définitivement choisis : Ø 5. Les justes ne peuvent craindre cela, mais les méchants ont raison de trembler. Dans l'immense grange de l'univers, le fléau implacable battra le blé humain jusqu'à ce que la paille soit séparée du grain. Il y aura plus de paille que de grain, plus d'appelés que d'élus, et ce malheur n'a pas été voulu par Dieu. Trop longtemps, ce monde a composé avec le mal, trop longtemps, il s'est reposé sur la miséricorde divine. Il suffisait du repentir, tout était permis. Et pour le repentir, chacun se sentait fort. ALBERT CAMUS, La Peste, 1947, page 1295. · Par extension. [En dehors du domaine religieux] Il y a/aura peu de personnes retenues parmi celles qui pouvaient être choisies. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 4 862. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 9 293, b) 5 676; XXe. siècle : a) 5 894, b) 6 160. Forme dérivée du verbe "appeler" appeler APPELER, verbe transitif. I.— [Le substantif correspondant est appel; le sujet et l'objet désignent généralement des personnes] Appeler quelqu'un.. S'adresser à quelqu'un en vue d'un certain résultat. A.— [Le résultat recherché est de l'ordre de la communication] S'adresser à quelqu'un à haute voix (ou par quelque autre moyen frappant son attention). 1. En le nommant par son nom, de manière à entrer en communication avec lui. Dieu appela Samuel pendant qu'il dormait (Dictionnaire de l'Académie Française.) Synonyme : interpeller : Ø 1. J'ai passé la nuit près de lui : il a prononcé souvent votre nom; il vous appelait; il a aussi prononcé le nom de sa soeur, m'a donné un paquet pour elle, écrit avant qu'il fût si mal. BARBARA JULIANE VON VIETINGHOFF, BARONNE DE KRÜDENER, Valérie, 1803, page 269. Ø 2. La terre s'en ira par l'espace sublime. Oh! Combien rouleront dans le brûlant abîme! Mais l'ange par nos noms nous appellera tous, Et la face de Dieu resplendira pour nous! CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes barbares, Les Ascètes, 1878, page 300. 2. En le nommant par son nom, de manière à obtenir de lui une information relative à sa présence (réponse à haute voix attendue : " Présent "). — Par métonymie. [L'objet désigne le contenu d'une information] Communiquer à haute voix à un public (qu'il est inutile de nommer) une information attendue. · DROIT. Appeler une cause. À l'audience, prononcer à haute voix le nom des parties dont l'affaire va être plaidée : Ø 3. Je n'avais plus de temps à perdre : la cause devait être appelée dans le cours de la semaine, et je ne voulais pas, en demandant une remise, avoir l'air de reculer devant une attaque aussi puérile qu'injuste. La défense était d'ailleurs des plus simples, et je pensais que quelques explications des deux côtés suffiraient pour mettre le tribunal en mesure d'apprécier les faits. LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale, 1842, page 215. · Usuel. Appeler les unités d'une série (personnes ou choses). Les dire à haute voix. Je ne me suis point entendu appeler quand on a lu cette liste (Dictionnaire de l'Académie Française) : Ø 4.... elle reconnut le bureau des omnibus; il y avait beaucoup de monde sur le trottoir, debout, attendant, se précipitant dès qu'une voiture arrivait. Elle entendait la voix rude du contrôleur appeler les numéros, puis les tintements du compteur lui arrivaient en sonneries cristallines. ÉMILE ZOLA, La Curée, 1872, page 450. B.— [Le résultat recherché est un mouvement vers un lieu] 1. Faire comprendre à quelqu'un à haute voix (ou par quelque autre moyen de communication immédiatement perceptible) qu'on lui demande de venir auprès de soi. a) Usuel. Appeler les voisins (Dictionnaire de l'Académie Française) : Ø 5. Heureux d'avoir une raison pour remettre l'exécution, le Procureur-général appela par un geste monsieur Gault près de lui. HONORÉ DE BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, page 607. — Absolument : Ø 6. Alors, ne pouvant plus résister au feu qui le dévorait, il appela. La sentinelle ouvrit la porte; c'était un nouveau visage. ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, tome 2, 1846, page 746. — Par métaphore : Ø 7. Paris, au moyen des chemins de fer, les attire, les appelle (...) ces petites gaillardes... GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Le Fermier, 1886, page 656. Ø 8. Seul dans la vaste salle à manger, assis dans un fauteuil à torsades, buvant à petits coups un verre de son meilleur vin, il [le grand-père] appelait ses souvenirs un à un, en tournant les pages de ses livres de comptes... ANDRÉ MALRAUX, La Voie royale, 1930. — Par euphémisme. RELIGION. [Expression indiquant que la personne désignée par le complément d'objet meurt ou va mourir] Dieu appelle quelqu'un à lui ou absolument Dieu appelle : Ø 9. — Si Dieu voulait appeler à lui ce Cibot, qui est bien malade déjà, reprit Rémonencq, j'aurais une fière femme pour tenir un magasin, et je pourrais entreprendre le commerce en grand... HONORÉ DE BALZAC, Le Cousin Pons, 1847, page 228. Remarque : 1. [L'objet et/ou le sujet peuvent désigner un animal] — [L'objet peut désigner un animal domestique] : Ø 10. La plage, un troupeau, poussé par un bambin, regard sombre, l'épaule nue sous le haillon. Il siffle pour appeler sur ses talons deux chiens blancs. ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, page 1174. · Locution. [Se dit de quelqu'un qui s'éloigne quand on veut l'attirer à soi] C'est le chien de Jean de Nivelle, il s'enfuit quand on l'appelle. — VÉNERIE. [L'objet peut désigner une bête de chasse] Attirer des animaux en les imitant au moyen d'un appeau ou de tout autre moyen. Remarque : 2. [Le sujet et l'objet désignent des animaux] Pousser des cris pour attirer l'attention d'un animal de même espèce en vue d'une rencontre. La brebis appelle son agneau (Dictionnaire de l'Académie Française) : Ø 11. Les mâles quittent les troncs où ils nichent, gagnent les branches hautes, et, dès qu'ils savent les autres oiseaux couchés, appellent les femelles disséminées dans l'ombre. Celles-ci répondent. Les mâles volent de cime en cime vers elles, aux lueurs de l'astre ami. JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, tome 2, 1923, page 211. b) En particulier. Pour demander une aide, un secours. Appeler à l'aide, à son secours; appeler des renforts. — [L'objet désigne une personne] Appeler le médecin, un chirurgien en consultation; appeler la police : Ø 12. Mes craintes, pendant la nuit, de rester malade si loin de chez moi avec mes enfants. Au matin, j'envoie demander l'adresse du médecin à M. Fléchelle, malade lui-même. Je vais moi-même appeler M. Coupé, médecin de l'hôpital :... JULES MICHELET, Journal, 1839, page 320. Ø 13. Nous nous précipitâmes à l'envi dans l'eau pour courir plus vite au bateau et pour porter sur le rivage la malade naufragée. Le pauvre batelier consterné nous appelait à son aide avec des gestes d'affliction et des cris de détresse. Il nous montrait de la main le fond de sa barque, que nous ne pouvions pas apercevoir encore. ALPHONSE DE LAMARTINE, Raphaël, 1849, page 150. · Absolument. Appeler au secours : Ø 14. Il a retrouvé des témoins, non de l'enlèvement de Prince, mais du transfert du malheureux qui se débattait et appelait au secours au fond d'une auto, qu'accompagnaient deux autres voitures;... LÉON DAUDET, Le Bréviaire du journalisme, 1936, page 200. · Appeler + complément d'objet interne désignant les mots qui constituent l'appel : Ø 15.... Prince était entouré d'une sorte de chemise blanche, sans doute une camisole de force, et appelait « à moi, à moi! » LÉON DAUDET, Le Bréviaire du journalisme, 1936, page 200. — Par métonymie. [L'objet désigne une chose] Appeler un taxi, une ambulance. S'adresser à quelqu'un, à une entreprise, etc., en lui demandant d'envoyer un taxi, une ambulance. · Par analogie. MARINE. Appeler le vent. Siffler de manière à faire souffler le vent dans la direction désirée (confer appelant III A 2) : Ø 16. Près du beaupré, le mousse regardait dans le foc et sifflait pour appeler le vent; debout, à l'arrière, le patron faisait tourner la barre. Le vent ne venait pas. GUSTAVE FLAUBERT, Par les champs et par les grèves, 1848, page 246. · Par métaphore. Appeler une chose à son secours. Mettre en oeuvre un moyen important pour venir à bout d'une difficulté : Ø 17. Il [le virologue] le fait enfin, en appelant à son secours les autres sciences et en cherchant à s'approprier les moyens les plus efficaces qu'elles peuvent lui offrir :... PAUL MORAND, Aux Confins de la vie, 1955, page 12. — Au figuré. [L'objet désigne une chose abstraite] Faire venir, attirer à ou sur quelqu'un ou quelque chose. · [Une faveur] Appeler les bénédictions du ciel sur quelqu'un : Ø 18. Le pontife commence par invoquer l'assistance divine. Il ôte sa mitre et appelle sur l'ordinand la bénédiction du ciel :... ANDRÉ BILLY, Introïbo, 1939, page 147. · Appeler quelque chose de ses voeux : Ø 19. — On entend des jeunes peintres enflammés par une idéologie sociale appeler de leurs voeux la fin du capitalisme, l'instauration d'un régime étatiste où ils seraient, chacun selon ses forces, chargés d'accomplir des oeuvres décoratives, monumentales, ou de moindre envergure pour l'État, patron et mécène équitable, généreux, mais ménager de ses munificences. Arts et littérature dans la société contemporaine (direction Pierre Abraham) 1936, page 7208. · [Un moment d'attention] Appeler l'attention de quelqu'un sur quelque chose : Ø 20. « Mes amis, je crois devoir appeler votre attention sur certains faits qui se sont passés dans l'île, et au sujet desquels je serais bien aise d'avoir votre avis. JULES VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, page 411. · [La faveur de l'attention] : Ø 21. Son éclat [d'Hortense] tenait de celui de la nacre (...) Hortense appelait le regard. HONORÉ DE BALZAC, La Cousine Bette, 1846, page 27. 2. TÉLÉCOMMUNICATIONS. Appeler quelqu'un (au téléphone). S'adresser à quelqu'un (ou à un service) par un signal (sonnerie, avis, etc.) téléphonique pour l'inviter à entrer en communication avec vous. Appeler un abonné; appeler les " réclamations ". 3. S'adresser à quelqu'un par une invitation ou une convocation lui demandant de se rendre en un lieu déterminé. a) DUEL. Appeler en duel, au combat. Provoquer quelqu'un en duel, lui envoyer un défi (confer appelant III A 1); (s'emploie aussi absolument) : Ø 22.... personne ne l'estimait, mais on avait une si haute idée de ses facultés, que nul n'osait l'attaquer, si ce n'est ceux des aristocrates qui, ne se servant point de la parole, lui envoyaient défi sur défi pour l'appeler en duel. GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, tome 1 1817, 1817, page 209. b) DROIT. Faire venir quelqu'un devant le juge, citer quelqu'un en Justice. Appeler quelqu'un en garantie, en témoignage : Ø 23. Étant appelé à témoigner, à l'occasion d'une sorte de crime, il a gardé une certaine réserve, comme il convient à un témoin de bonne volonté. ALBERT CAMUS, La Peste, 1947, page 1466. c) ADMINISTRATION MILITAIRE. Convoquer, ordonner de se rendre sous les drapeaux. Appeler sous les drapeaux : Ø 24. Proposée par Jourdan, la loi du 10 messidor (28 juin) réalisa, comme il disait, « la levée en masse » : les cinq classes de conscrits furent appelées intégralement et le remplacement supprimé. GEORGES LEFEBVRE, La Révolution française, 1963, page 541. — Par analogie. [Le sujet désigne un signal ou une entité morale ayant valeur de signal, de force invitante ou contraignante] : Ø 25. Les autres jours, il récitait les heures canoniales dans sa loge, mais pas aux heures qui lui plaisaient et seulement quand la cloche appelait, pour ces services, les religieux au choeur. GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Oblat, tome 1, 1903, page 172. Ø 26. Ne m'avez-vous pas dit vous-même que vos devoirs vous appellent en Catalogne? PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin, 1929, Ire. partie, 1re. journée, 2, page 947. C.— [Le résultat recherché est une action, un état, un changement sans idée de mouvement vers un lieu] 1. [Sujet et objet désignent des personnes] Quelqu'un appelle quelqu'un à (faire) quelque chose. a) [Avec une idée d'invitation ou d'obligation plus ou moins contraignante] Inviter, obliger quelqu'un à faire quelque chose. — [Le complément indirect est un infinitif; appeler est fréquemment au passif] Appeler quelqu'un (être appelé) à faire quelque chose : Ø 27. Cette vie nous plaisait et endormait en nous ces mouvements fiévreux de l'âme, qui usent inutilement l'imagination des jeunes hommes avant l'heure où leur destinée les appelle à agir ou à penser. ALPHONSE DE LAMARTINE, Les Confidences, Graziella, 1849, page 151. Ø 28. Les directeurs des services agricoles seront appelés à organiser dans leur département, des essais plus simples (démonstrations) que ceux des centres nationaux ou régionaux d'expérimentation,... Quelques aspects de l'équipement agricole en France, 1951, page 10. · Par analogie. [En parlant de choses] Être appelé à. Être destiné à : Ø 29. Le ciment joue aussi un rôle important en technique routière, les revêtements en béton de ciment étant particulièrement indiqués, concurremment avec les pavages, pour les chaussées appelées à supporter un trafic lourd et intense. JACQUES THOMAS, La Route, 1951, page 317. — [Le complément indirect est un nom d'action] Appeler quelqu'un à l'action, au combat, à la prière. · Appeler aux armes. Inviter à prendre les armes : Ø 30.... nos cris de ralliement parviendront jusqu'à toi. Quand des Alpes aux Alpes des signaux de feu nous appelleront aux armes, tu entendras tomber les citadelles de la tyrannie. GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 3, 1810, page 9. b) [Avec une idée de choix] — Appeler quelqu'un à assumer une charge, à jouer un rôle (capital, essentiel). Le désigner par choix. Il fut appelé à siéger au conseil (Dictionnaire de l'Académie Française). — RELIGION. [Le sujet désigne Dieu] Inviter à une destinée particulière ou privilégiée dans l'ordre spirituel. Dieu appelle les chrétiens à la vie éternelle (Dictionnaire de l'Académie Française) : Ø 31. — « Vous parlez comme tous les autres; vous ne pouvez pas deviner... » (S'exaltant avec des réminiscences.) « Je suis une privilégiée : cela crée des devoirs... Toutes ne sont pas appelées; mais celles que Dieu choisit doivent se donner sans restriction. Elles sont le rachat de tous ceux qui vivent en faisant à Dieu la plus petite part possible... Et de ceux qui ne lui en font pas du tout... » ROGER MARTIN DU GARD, Jean Barois, 1913, page 486. 2. [Sujet et objet désignent des choses abstraites] Quelque chose appelle quelque chose Rendre obligatoire, en raison d'une contrainte inhérente à la chose désignée par le sujet. a) [La contrainte est de l'ordre de l'action] Les circonstances appellent des mesures urgentes : Ø 32. Cela ne signifie pas cependant qu'il s'agit là de postes sans importance et n'appelant aucune surveillance. FERNAND BAUDHUIN, Crédit et banque, 1945, page 174. b) [La contrainte est d'ordre intellectuel] Cette question appelle un commentaire, des réserves. D.— Appeler de (quelque chose) à (quelqu'un); en appeler à (quelqu'un). Faire entendre sa voix pour obtenir un jugement plus équitable. 1. DROIT. Recourir à une juridiction supérieure pour faire réformer une décision rendue en premier ressort. Appeler d'un jugement : Ø 33. Du Croisier, stimulé par le Président du Ronceret, appela du jugement de non-lieu en Cour royale et perdit. HONORÉ DE BALZAC, Le Cabinet des antiques, 1839, page 165. — DROIT ANCIEN. Appeler de faux jugement. " Provoquer les juges au combat judiciaire, pour les convaincre de faux jugement. " (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)); attesté également dans DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE (ÉMILE LITTRÉ), DICTIONNAIRE DES DICTIONNAIRES (SOUS LA DIRECTION DE PAUL GUÉRIN) 1892). · Appeler comme d'abus (Confer appel comme d'abus). — (En) appeler à (quelqu'un). Faire appel auprès de (quelqu'un). · Locution figurée. En appeler à Philippe à jeun, ou à Philippe (ou à César) mieux informé. S'élever contre un jugement précipité. — Absolument. Appeler. Interjeter appel : Ø 34. — Je le veux bien, dit le baron (...) maintenant que le tribunal nous a mis d'accord avec la commune des Riceys en fixant mes limites à trois cents mètres à partir de la base de la Dent de Vilard (...). La commune n'a pas appelé, le jugement est définitif. HONORÉ DE BALZAC, Albert Savarus, 1842, page 121. 2. Par extension. a) Rare. Appeler de quelqu'un. Ne pas accepter le jugement de quelqu'un : Ø 35. Ceux qui sont satisfaits de la nature, ou qui, sans en être satisfaits, l'acceptent comme un maître, un arbitre, un juge souverain, dont il n'est pas possible d'appeler... PIERRE LEROUX, De l'Humanité, de son principe et de son avenir, tome 1, 1840, page 47. b) Usuel. En appeler à (une instance morale). S'en remettre à une telle instance pour obtenir un jugement autorisé. J'en appelle à votre honneur, à votre témoignage, à la raison : Ø 36. L'artiste méconnu de son temps en appelle à la postérité, c'est-à-dire à un public futur. Sans penser aux cénacles, académies, concours et prix, dont l'action est réelle, mais artificielle et secondaire,... Arts et littérature dans la société contemporaine (direction Pierre Abraham) 1935, page 6412. II.— [Le substantif correspondant est appellation] Attribuer un nom, une qualité à quelqu'un ou à quelque chose. A.— [Le verbe est construit avec un attribut de l'objet] Appeler quelqu'un ou quelque chose. 1. [L'attribut de l'objet est un nom propre] : Ø 37. Ayant oublié son véritable nom, je l'appellerai Michaël. JEAN DUSAULX, Voyage à Barège et dans les Hautes-Pyrénées fait en 1788, tome 2, 1796, page 187. Ø 38. Le 19 au soir, nous eûmes connaissance d'un cap qui paraissait terminer la côte d'Amérique : l'horizon était très-clair, et nous n'apercevions au-delà que quatre ou cinq petits îlots auxquels je donnai le nom d'îlots Kerouart, et j'appelai la pointe cap Hector. Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU) tome 2, 1797, page 229. Remarque : Dans cet emploi, on rencontre aussi la construction appeler quelqu'un ou quelque chose du nom de... (Dictionnaire de l'Académie Française). 2. [L'attribut (substantif, verbe à l'infinitif, etc.) de l'objet est une dénomination classificatrice] : Ø 39. Or, sachant tout cela, si nous avions à nommer les mots qui représentent ces êtres, nous ne les appellerions pas des substantifs. Nous leur donnerions plutôt un nom tiré de leur fonction. Nous dirions que ces mots sont des noms absolus ou subjectifs, ou tout simplement des noms, puisque ce sont eux et eux seuls qui nomment les choses existantes par elles-mêmes. ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY. Élémens d'idéologie, 2. Grammaire, 1803, page 58. Ø 40.... étant incapables de créer un atôme de matière, nous n'opérons jamais que des transmutations et des transformations, et (...) ce que nous appelons produire, c'est, dans tous les cas imaginables, donner une utilité plus grande, par rapport à nous, aux éléments que nous combinons et manipulons, à l'aide des forces de la nature que nous mettons en jeu par l'emploi des nôtres;... ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY, Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu 1807, page 286. 3. [L'attribut (adjectif, substantif) de l'objet désigne une qualité] : Ø 41. Je n'estimais pas beaucoup l'amour, je l'avoue, et le regardais même comme une de ces faiblesses auxquelles on a tort de céder; j'appelais lâches ceux qui le font. Peut-être n'avais-je pas tort; seulement ceux que j'appelais lâches, je les méprisais. JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Les Pléiades, 1874, page 211. Ø 42. Dans un livre sur Mallarmé, l'auteur appelle Edgar Poe « le plus difficile des poètes », mais Poe n'a rien de difficile. JULIEN GREEN, Journal, 1945, page 189. SYNTAXE : Appeler une chose autrement, communément, couramment, familièrement, improprement, ordinairement, plaisamment, pompeusement, proprement, souvent, à tort, volontiers, vulgairement; — une chose en langage (administratif, animal, bancaire, courant, journalistique, technique), en langue...; ce qu'il est convenu (ce qu'on est convenu) d'appeler. B.— [Le verbe est construit sans attribut de l'objet] Nommer une personne ou une chose par le nom qui lui a été ou aurait dû lui être attribué. 1. Vieux. Appeler les lettres. Les désigner par leur nom. Synonyme usuel : épeler. 2. Appeler une chose par son nom. Lui donner le nom qu'elle porte ou mérite. — Locution. Appeler les choses par leur nom. Ne pas se servir d'euphémismes, dire nettement la vérité : Ø 43. Hauduin, conscient d'épauler les bonnes moeurs, dénonçait le péché avec une certaine verve, en appelant les choses par leurs noms. MARCEL AYMÉ, La Jument verte, 1933, page 26. III.— Emploi pronominal. A.— [Correspond aux emplois I supra] Emploi réciproque. S'appeler l'un l'autre. 1. [Le sujet et l'objet désignent des êtres animés] Adresser la parole l'un à l'autre : Ø 44. Une bande de poules était accourue, gloussant, s'appelant, piquant les brins verts qui pendaient. ÉMILE ZOLA, La Faute de l'Abbé Mouret, 1875, page 1457. 2. [Le sujet et l'objet désignent des choses] Être l'un et l'autre dans un rapport d'inclusion réciproque : Ø 45. Elles [la guerre et la paix] s'appellent l'une l'autre, se définissent réciproquement, se complètent et se soutiennent, comme les termes inverses, mais adéquats et inséparables d'une antinomie. PIERRE-JOSEPH PROUDHON, La Guerre et la paix, 1861, page 63. B.— [Correspond aux emplois II supra, avec un mot postposé au verbe pour indiquer le nom] 1. Rare, emploi réfléchi ou réciproque. Se donner pour nom ou qualificatif : Ø 46. Elle se promettait d'être la protectrice de ses protecteurs, l'ange sauveur qui ferait vivre la famille ruinée; elle s'appelait elle-même Madame la comtesse ou Madame la maréchale! En se saluant dans la glace. HONORÉ DE BALZAC, La Cousine Bette, 1846, page 273. Ø 47.... ces hommes, ou ces femmes, qui sont derrière ces quatre murs, ils s'habillent de bure, ils sont égaux, ils s'appellent frères;... VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 617. 2. Usuel, emploi passif. Être appelé, avoir pour nom. a) [En parlant de pers] : Ø 48. — Comment s'appelle-t-il, car sans doute vous savez son nom? — Parfaitement, le comte de Monte-Cristo. ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, tome 1, 1846, page 518. — Emploi factitif. Se faire appeler : Ø 49. Un seul des trois, qui se faisait appeler Thaunier, faisait preuve d'une certaine hardiesse, et pouvait bien avoir refusé de se rendre par patriotisme. Les autres n'étaient que des capons. MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 45. · Argot. " Se faire appeler Jules : se faire traiter de tous les noms. " (Vocabulaire technique de l'éditeur en sept langues 1967). b) [En parlant de choses] Cette fleur s'appelle anémone (Dictionnaire de l'Académie Française). — Par extension. [En parlant de choses abstraites] Avoir pour nom véritable : Ø 50.... juger et combattre s'appellent servir. LOUIS-GABRIEL A. DE BONALD, Législation primitive considérée dans les derniers temps par les seules ténèbres de la raison, tome 1, 1802, page 80. — Locution. [Dans un débat longtemps confus, pour qualifier les énoncés clairs et décisifs ou les propositions plus avantageuses que prévues que quelqu'un vient de formuler] Cela s'appelle parler; c'est ce qui (ou voilà qui) s'appelle parler. Voilà des paroles bonnes à entendre. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 27 070. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 38 127, b) 39 644; XXe. siècle : a) 34 711, b) 40 399.