Définition: ESPRIT, substantif masculin. 1re. Section. I.— Souffle. A.— [En particulier chez les Anciens] Vieux. Souffle vital, principe de vie. Esprit de vie, esprit vital : Ø 1. L'esprit de vie souffle partout et dans les degrés où il veut; c'est lui qui produit et entretient tous les mouvements de l'univers, qui sent dans les animaux, agit et pense en nous; suivant que cet esprit de vie souffle plus ou moins en nous, nous sommes des génies ou des automates, forts ou faibles, courageux ou timides, etc... La volonté n'y peut rien. MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1818, page 154. — Vieilli. Rendre l'esprit. Mourir Synonymes : rendre l'âme*, rendre le dernier soupir*. Aphrodisia ferma les yeux. (...) Un sourire inexprimable allongea ses paupières bleues, et dans un soupir elle rendit l'esprit (PIERRE LOUÿS, Aphrodite, 1896, page 160) : Ø 2.... les maîtres de la scène actuelle estiment à livres, sous et deniers, ce que tel de leurs contemporains pourra leur valoir le jour où il aura rendu l'esprit. VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 5, 1814, page 291. — Spécialement. GRAMMAIRE GRECQUE. " Souffle caractéristique d'une certaine prononciation de l'initiale vocalique (...) " (Lexique de la terminologie religieuse (JULES MAROUZEAU) 1933). — Esprit dur, esprit rude. Attaque aspirée de l'initiale vocalique. Je ne peux pas, par respect pour le lecteur français, écrire Hannibal et Hamilcar sans h, puisqu'il y a un esprit rude sur l'alpha (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1862, page 60 ). Esprit doux. Attaque non aspirée de l'initiale vocalique. Par métonymie. Signe [esprit doux, esprit rude] qui indique ce mode de prononciation. En français, l'esprit rude grec est transcrit en général par un h (Dictionnaire de linguistique (JEAN DUBOIS, MATHÉE GIACOMO, LOUIS GUESPIN, CHRISTIANE MARCELLESI, JEAN-BAPTSITE MARCELLESI) 1972). B.— [Terme biblique] 1. ANCIEN TESTAMENT. Souffle provenant de Dieu, en particulier souffle créateur, action créatrice et bienfaisante de Dieu. Ce saint Georges plein de feu, de matérialité, est l'âme de tout, son souffle vivifie tout. Le vent de l'esprit passe sur lui (JULES MICHELET, Sur les chemins de l'Europe, 1874, page 237) : Ø 3. Veni Creator Spiritus! Cet esprit en qui Dieu a créé le monde en soufflant dessus, (...) il n'a pas cessé de passer sur nous, et c'est le grand Alizé qui, depuis le jour de la Pentecôte, gonfle les voiles de l'Église. PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la croix, 1938, page 253. — Par extension. Les odes des grands lyriques furent écrites sans retour, à la vitesse de la voix du délire et du vent de l'esprit soufflant en tempête (PAUL VALÉRY, Variété V, 1944, page 159) : Ø 4. Barrès parlait des « lieux où souffle l'esprit ». Je ne crois pas qu'il en eût imaginé aucun où l'esprit soufflât davantage qu'en l'Université d'Oxford. CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1954, page 565. Remarque : De tels emplois dérivent d'un passage de l'Évangile selon saint Jean (III, 8), littéralement : « l'Esprit souffle où il veut ». Il est ordinairement fait allusion à ce passage pour signifier que l'intelligence est une faculté inégalement répartie. — Au figuré. Inspiration d'origine divine. Je vous jure que l'esprit m'inspire ceci! (...) Je vous vois! Je vois périr votre âme! (GEORGES BERNANOS, L'Imposture, 1927, page 356) : Ø 5.... poussé d'ailleurs par l'esprit prophétique qui lui montroit d'avance la célébrité de la parole et la puissance évangélique, David ne cesse de s'adresser au genre humain et de l'appeler tout entier à la vérité. JOSEPH, COMTE DE MAISTRE, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, tome 2, 1821, page 71. · Chercher l'esprit. " (...) se disait, entre les puritains, d'un recueillement mental de dévotion où l'on attendait quelque inspiration du Seigneur " (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). · Par analogie. Choulette, (...) parut, joyeux et comme plein de l'esprit d'un dieu (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Lys rouge, 1894, page 201 ). 2. NOUVEAU TESTAMENT, THÉOLOGIE CATHOLIQUE et PROTESTANTE. Saint(-)Esprit ou Esprit(-)Saint ou, absolument, Esprit. Troisième personne de la Sainte Trinité, procédant du Père et du Fils. Esprit vivifiant, consolateur. L'Esprit Saint descendit sur les apôtres, pour leur infuser le don des langues (LOUIS-CLAUDE DE SAINT-MARTIN, L'Homme de désir, 1790, page 407) : Ø 6.... quand vient la saison favorable où souffle l'Esprit Saint, il faut savoir tirer parti de ce vent céleste et lever l'ancre à temps... VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, page 124. · Jour du Saint-Esprit. Dimanche de la Pentecôte. · Par métonymie. Représentation du Saint-Esprit. Elles étaient vêtues de bleu avec un bonnet blanc et un saint-esprit de vermeil ou de cuivre fixé sur la poitrine (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 584 ). Il l'obligeait (...) à porter au col, le dimanche, le saint-esprit d'or rouge enrichi de grenats (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1922, page 188 ). Remarque : 1. Pour NOUVEAU DICTIONNAIRE DES DIFFICULTÉS DU FRANÇAIS (JEAN-PAUL COLIN) 1971, " (...) Esprit saint, variante de Saint-Esprit, (...) ne prend pas de trait d'union ". 2. La religion orthodoxe admet aussi l'existence du Saint-Esprit, mais refuse qu'il procède du Père et du Fils (querelle du filioque). II.— Par analogie. Substance, émanation de certains corps comparables, par leur subtilité, au vent, au souffle de la respiration, à une flamme. A.— Au singulier ou au pluriel. 1. Essence, vapeur subtile; émanation odorante. Dans le temps des amours, les mâles et les femelles (...) se reconnaissent de loin, par l'intermède des esprits exhalés de leurs corps (PIERRE CABANIS. Rapports du physique et du moral de l'homme, tome 2, 1808, page 339 ). Ce peu de miel où notre nez grossier ne distingue rien, il en émane un esprit subtil qui remplit le ciel et la mer (PAUL CLAUDEL, Sous le rempart d'Athènes, 1927, page 1128) : Ø 7. Dieu propice, ô Bacchus! toi, dont les flots divins Versent le doux oubli de ces maux qu'on adore; Toi, devant qui l'amour s'enfuit et s'évapore, Comme de ce cristal aux mobiles éclairs Tes esprits odorants s'exhalent dans les airs. ANDRÉ CHÉNIER, Élégies, 1794, page 75. 2. CHIMIE, PHARMACOLOGIE. vieux. Substance liquide volatile obtenue par distillation. Il (...) les [des bouteilles] divisa en deux séries : celle des parfums simples, c'est-à-dire des extraits ou des esprits, et celle des parfums composés (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À rebours, 1884, page 149 ). — Esprits parfumés. " (...) alcoolats employés en parfumerie, et surtout pour la fabrication des liqueurs : esprit ou alcoolat de fleur d'oranger, de lavande, etc. " (Larousse ménager, dictionnaire illustré de la vie domestique). — Esprit (-) de (-) bois. " Synonyme d'alcool méthylique " (Dictionnaire français de médecine et de biologie (ALEXANDRE MANUILA, LUDMILLA MANUILA, M. NICOLE, H. LAMBERT) tome 2 1971). Du ragoût de la veille qu'elle réchaufferait à l'atelier sur sa lampe à esprit de bois (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soeurs Vatard, 1879, page 59 ). Esprit (-) de (-) sel. Acide chlorhydrique. Esprit (-) de (-) soufre. " Synonyme désuet d'anhydride sulfureux " (Dictionnaire français de médecine et de biologie (ALEXANDRE MANUILA, LUDMILLA MANUILA, M. NICOLE, H. LAMBERT) tome 2, 1971). Esprit (-) de (-) vitriol. " Synonyme d'acide sulfureux " (Dictionnaire français de médecine et de biologie (ALEXANDRE MANUILA, LUDMILLA MANUILA, M. NICOLE, H. LAMBERT) tome 2, 1971). On calmera les hémorragies par l'usage de quelque acide minéral, comme l'esprit de vitriol dulcifié (ÉTIENNE-LOUIS GEOFFROY. Manuel de médecine pratique, 1800, page 461 ). — Esprit volatil (d'une substance animale). Sous-carbonate d'ammoniaque obtenu par distillation de cette substance (confer Nysten 1814 et 1824 et Étienne-Louis Geoffroy, Manuel de médecine pratique, 1800, page 493). — Esprit-de-vin. Alcool éthylique. Esprit ardent. Alcool très rectifié (confer Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, de l'art vétérinaire (ÉMILE LITTRÉ) 1858 et 1865). — Absolument et au pluriel. Les esprits. Les liqueurs alcooliques (Dictionnaire de l'Académie Française). — Esprits ou eaux spiritueuses. " (...) alcools chargés, par la distillation de substances aromatiques, de principes médicamenteux, de drogues simples, etc. " (Dictionnaire universel des Sciences, des Lettres et des Arts (MARIE-NICOLAS BOUILLET) 1859). · Par plaisanterie : Ø 8.... l'ivresse du mouvement, la chaleur communicative de l'air, les esprits cachés dans les boissons les plus innocentes ont amolli les callosités des vieilles femmes qui, par complaisance, entrent dans les quadrilles et se prêtent à la folie d'un moment... HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, 1837, page 216. B.— Au pluriel. 1. HISTOIRE DE LA PSYCHO-PHYSIOLOGIE. Esprits. Éléments d'une matière très subtile, légère, chaude, mobile et invisible, considérés comme les agents de la vie et du sentiment qu'ils portent dans les différentes parties du corps qu'ils animent. La perte, la dissipation des esprits (Dictionnaire de l'Académie française. 1878-1932). — En particulier. Esprits vitaux, animaux. Me relevant de toute ma hauteur, je me roidis pour rappeler dans mes membres engourdis les esprits animaux (JEAN DUSAULX, Voyage à Barège et dans les Hautes-Pyrénées fait en 1788, tome 1, 1796, page 133 ). Il est en nage et hors de lui après chaque discours; (...) il est épuisé comme après une dépense prodigieuse d'esprits électriques et vitaux (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Mes Poisons, 1869, page 95) : Ø 9. Mais tous mes esprits animaux sont désordonnés. Une haine les transporte d'un bout à l'autre de mon individu. Je voudrais tenir et punir, — et il faut rester sur sa chaise... PAUL VALÉRY, Correspondance [avec André Gide] , 1898, page 316. 2. Emplois, expressions et locutions (issus de cette théorie et encore plus ou moins usités) [Le plus souvent avec le possessif] a) [Ces esprits en tant que principe de l'activité physique et psychique] · La peur glace les esprits (Dictionnaire de l'Académie Française). La peur paralyse, fige. · Perdre ses esprits. [Au plan physique] Perdre connaissance, s'évanouir. [Au plan psychique] Être très troublé par quelque violente émotion. Reprendre ses esprits. [Au plan physique] Reprendre connaissance, revenir à soi. Recouvrer ses esprits. Il est évanoui; jetez-lui de l'eau, afin de lui faire revenir les esprits (Dictionnaire de l'Académie française. 1878). Regardons si cette bonne Isabelle est grièvement navrée; mais non, la voici qui rouvre l'oeil et reprend ses esprits (THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, page 164 ). [Au plan psychique] . Se reprendre, se remettre, se ressaisir après quelque violente émotion. Apaisez-vous, monsieur, et reprenez vos esprits et veuillez me dire en ordre et posément ce que vous avez à me marquer (PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin, 1944, 4e. journée, 4, page 871) : Ø 10.... je fus tellement ahuri de cette apparition quasi-fantastique, que le prince Cernuwicz eut le temps de me saluer à son tour et de se nommer avant que j'eusse bien recouvré mes esprits. CLAUDE FARRÈRE, L'Homme qui assassina, 1907, page 62. b) [Ces esprits en tant que principe de la vie affective et de la vie spirituelle] Esprits inquiets; esprits incertains qui s'adoucissent. La flûte dont il avoit coutume de jouer pour ranimer ses esprits abattus (GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 3, 1810, page 135 ). Et je laissais flotter, au bord des flots assis, Dans le doute et l'effroi mes esprits indécis (CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes antiques, 1852, page 279 ). c) [Ces esprits en tant que principe de la vie intellectuelle] Esprits trop lents. Une grave occupation (...) (la licence ès lettres à préparer en vue du doctorat) va donner une direction différente à mes esprits (STÉPHANE MALLARMÉ, Correspondance, 1869, page 314) : Ø 11.... j'aurais pu augurer le mouvement et le fracas de l'ouvrage qui devait me faire un nom, aux bouillonnements de mes esprits et aux palpitations de la muse. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1, 1848, page 494. III.— Par extension. PHILOSOPHIE, RELIGION. Principe immatériel. A.— [Par opposition à la matière, à la substance corporelle; en particulier dans la religion chrétienne, en parlant de Dieu ou de l'âme de l'homme — faite à l'image de Dieu — en tant que principe de vie qui anime le corps et en tant que principe de la vie surnaturelle] Substance incorporelle. La divinité fit couler un souffle de sa vie dans l'univers, et en composa un troisième principe mixte, à la fois esprit et matière, appelé l'âme du monde (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Essai sur la littérature anglaise, tome 2, 1797, page 222) : Ø 12. Ajoutons à cela que le dieu chrétien est esprit, que l'homme ne peut donc s'unir à Dieu que par l'esprit et qu'en effet c'est bien en esprit et en vérité que Dieu veut être adoré. ÉTIENNE GILSON, L'Esprit de la philosophie médiévale, 1931, page 173. — En particulier, dans un contexte religieux. [Par opposition à la chair (ou au corps), symbole de l'homme déchu, principe de l'activité instinctive considérée d'un ordre de perfection inférieur à celui de l'âme, ou esprit, principe des aspirations élevées] L'esprit est plus noble que le corps. Marchez selon l'esprit et non selon la chair. Les fruits de la chair sont l'adultère, l'impureté, etc., et les fruits de l'esprit sont la charité, la tempérance, la joie, la paix, etc. (Dictionnaire de l'Académie française. ). Le père du Verbe, source de tout esprit et dont la chair est l'ennemie (GUSTAVE FLAUBERT, La Tentation de Saint Antoine, 1856, page 515) : Ø 13. L'abbé Boutarel l'avait mise en garde (...) : à perdre ainsi la messe et les sacrements, elle risquait de succomber un jour aux tentations : on se croit tout esprit et soudain on se voit tout chair. HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1925, page 218. — Expression, locution dans le langage théologique ou mystique. En esprit. Spirituellement. Être ravi en esprit. " Avoir une vision qui transporte l'âme dans les régions célestes " (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). En esprit et en vérité. Le temps est venu où l'on n'adorera le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem, mais en esprit et en vérité (ERNEST RENAN, L'Avenir de la science, 1890, page 474 ). Confer aussi supra exemple 12. · [Allusion biblique] a ) [Saint Matthieu, V, 3] Heureux/bienheureux les pauvres en esprit (les pauvres/simples d'esprit). Ceux qui, acceptant ou choisissant de vivre dans une pauvreté qu'ils assument pleinement dans l'esprit de renonciation de l'Évangile, sont aimés de Dieu. Bienheureux les simples d'esprit, dit l'Écriture. Ils ont l'illusion du bonheur. Ils ne sentent pas, ceux-là, notre misère solitaire (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Solitude, 1884, page 924 ). ß ) L'esprit est prompt mais la chair est faible*. · Spécialement. Esprits bienheureux. Âmes des saints qui jouissent, au Paradis, du bonheur éternel. Toute lumière ruisselle du sein de la divinité pour éclairer les contemplations des esprits bienheureux (FRÉDÉRIC OZANAM, Essai sur la philosophie de Dante, 1838, page 224 ). Remarque : Se dit aussi des anges. Confer infra B 2 a. [Dans le même sens] Esprits immortels. Le ricanement de l'orgie a pris la place des larmes saintes des esprits immortels (EDGAR QUINET, Allemagne et Italie, 1836, page 115 ). — Par métonymie. L'homme, étant esprit, doit se retirer des choses mortelles. Toute action le dégrade. Je voudrais ne pas tenir à la terre, — même par la plante de mes pieds! (GUSTAVE FLAUBERT, La Tentation de Saint Antoine, 1874, page 42 ). B.— Être incorporel conscient de lui-même, de son existence, et doué d'une vie psychique, en particulier d'intelligence et de volonté. Pur esprit. Un souffle vague émeut les sphères vagabondes, Mais nul esprit n'existe en ces immensités (GÉRARD DE NERVAL, Les Chimères, 1854, page 706) : Ø 14. Il [Dieu] connaissait toutes les choses à sa façon, c'est-à-dire absolument : mais il me semblait que, d'une certaine manière, il avait besoin de mes yeux pour que les arbres aient des couleurs. La brûlure du soleil, la fraîcheur de la rosée, comment un pur esprit les eût-il éprouvées, sinon à travers mon corps? SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 127. · Pur esprit (au figuré et familier). Être humain qui n'est pas soumis à certaines contingences d'ordre physique ou matériel, ou qui affecte de ne pas l'être. — Enfin (...) vous n'avez pas l'air d'un pur esprit. — J'en suis pourtant un (...) Plusieurs Pères (...) ont pensé que les anges ne sont pas purement spirituels (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Révolte des anges, 1914, page 103 ). Il est difficile d'être un pur esprit et de nourrir de pures amitiés (GEORGES DUHAMEL, Les Maîtres, 1937, page 151 ). 1. Divinité. Céluta pria donc. Tantôt elle demandoit des conseils au grand esprit des Indiens, tantôt elle s'adressoit au grand esprit des Blancs (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les Natchez, 1826, page 462) : Ø 15. Qui suis-je? Réponds-moi, Raison des Origines! (...) Parle, fixe à jamais mes voeux irrésolus, Afin que je m'oublie et que je ne sois plus, Et que la vérité m'absorbe et me consume. — Il se tut, et l'Esprit suprême, l'Être pur, Fixa sur lui ses yeux d'où naissent les Aurores... CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes antiques, 1874, page 61. — [Dans le monothéisme judéo-chrétien; généralement avec une majuscule] L'Esprit; Esprit incréé, créateur, éternel, divin. Dieu*. Tu vois les diverses passions des hommes, (...) tu pénètres toutes ces misères, ô Esprit créateur! (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les Martyrs ou le Triomphe de la religion chrétienne, tome 2, 1810, page 142 ). Esprit divin qui régnez dans les anges et dans les saints du ciel, je vous adore de tout mon coeur (ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, page 462 ). · Péché/pécher contre l'Esprit/le Saint-Esprit. Mopse prétend pécher contre l'Esprit : c'est être Bien fat. Pour L'offenser, il faudrait Le connaître (PAUL-JEAN TOULET, Les Contrerimes, 1920, page 127 ). Remarque : Par allusion à Matthieu 12, 31 : " Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné. Quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné; mais quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir "; et à Marc 3, 29 : " (...) mais quiconque blasphémera contre le Saint-Esprit n'obtiendra jamais de pardon : il est coupable d'un péché éternel ". 2. Être incorporel inférieur à la divinité, unique ou principale, mais supérieur à l'homme. a) [Dans le monothéisme judéo-chrétien] Synonyme : ange*. a ) [Cet être incorporel est de nature bienfaisante, il est au service de Dieu et il joue le rôle d'intermédiaire entre Dieu et les hommes] Esprits célestes, angéliques, bienfaisants, bienheureux, etc. : Ø 16. Marguerite retira l'anneau de son doigt, et le donna au pauvre. L'étranger poussa un cri de rage, — et étendit la main vers la jeune fille. Mais le pauvre, qui n'était autre que l'ange gardien de Marguerite, métamorphosé, — la couvrit de ses ailes. Et Satan, venu pour la tenter, recula devant l'esprit céleste... HENRI MURGER, Les Nuits hiver, 1861, page 245. ß ) [Cet être incorporel est de nature malfaisante] — L'esprit du Mal, l'esprit malin (ou malin esprit) l'esprit mauvais, immonde; l'esprit tentateur, l'esprit des ténèbres... Le diable*, le démon*, Satan*. Le saint évêque reconnut le malin esprit. Il fit le signe de la croix et aussitôt le petit diable (...) éclata avec un bruit horrible (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Miracle du grand Saint Nicolas, 1909, page 70) : Ø 17. Comme vous ne croyez pas en Dieu, vous ne croyez pas non plus à Satan; vous n'avez fait aucun pacte avec l'esprit du mal, car rien n'est mal, comme rien n'est bien à vos yeux. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Lélia, 1839, page 524. · Par extension. Malin esprit, esprit du démon. Inspiration provenant de Satan. Être possédé du malin esprit. " Ce n'est point l'esprit de Dieu qui agit en lui, c'est l'esprit du démon " (Dictionnaire de l'Académie Française). Il est animé par l'esprit du démon (DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE (ÉMILE LITTRÉ) ). N'avons-nous pas aussi nos exorcistes, qui chassent le malin esprit du corps des possédés (CHARLES-FRANÇOIS DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes, 1796, page 431 ). — Esprit de l'abîme, des ténèbres; esprit infernal, immonde... Mauvais ange*, ange déchu, démon. Calme, il [Jésus] forçait l'essaim invisible et hideux Des noirs esprits du mal, rois des ténébreux mondes (VICTOR HUGO, La Fin de Satan, 1885, page 815 ). b) [Dans les croyances ou religions polythéistes] Être incorporel inférieur aux dieux principaux, supérieur à l'homme, représentant selon les cas la puissance immanente à certains phénomènes naturels, ou certains objets, certains animaux, certains défunts, etc., et auquel on attribue une influence sur la destinée des hommes; divinité*, dieu* secondaire. De puissance malfaisante et redoutée, le mort devient un esprit tutélaire prié avec respect et vénération (Philosophie, Religion (sous la direction de Gaston Berger), 1957, page 3207) : Ø 18. Il a sans doute fallu bien du temps, chez les Grecs, pour que l'esprit de la source devînt une nymphe gracieuse et celui du bois une hamadryade. Primitivement, l'esprit de la source n'a dû être que la source même, en tant que bienfaitrice de l'homme. Plus précisément, il était cette action bienfaisante, dans ce qu'elle a de permanent. HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932, page 189. 3. Par extension. Être imaginaire, légendaire, le plus souvent inspiré du paganisme, des mythologies, des croyances magiques. a) Esprit familier. Génie supposé attaché à une personne pour l'inspirer et la guider. On a dit que Socrate avait un esprit familier (Dictionnaire de l'Académie française. ) : Ø 19. De Cellini moderne émule, Quand j'entre dans ton atelier, Je crois visiter la cellule Où Faust, Flamel et Raimond Lulle Avaient leur esprit familier. AMÉDÉE POMMIER, Océanides et fantaisies, 1839, page 101. b) Esprit follet. Lutin supposé attaché à une personne ou une maison et que la croyance populaire considère plus rusé que malveillant On prétendait qu'il y avait dans cette maison un esprit follet (Dictionnaire de l'Académie française. ). Esprit du feu. Esprit supposé habiter l'intérieur igné de la terre par les adeptes moyenâgeux de la magie qui lui donnèrent le nom de la salamandre à laquelle on attribuait alors la faculté de vivre dans le feu. 4. Spécialement. SPIRITISME. Âme des défunts désincarnée après la mort sans être devenue tout à fait immatérielle et qui se manifeste auprès des vivants, leur parle, leur apparaît. Croire aux esprits; craindre, évoquer, interroger les esprits. Esprit es-tu là? On leur dit qu'il revenait des esprits dans cette maison-là. Avoir peur des esprits (Dictionnaire de l'Académie Française). Une masure visitée par la mort et hantée des esprits (THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, page 50) : Ø 20. Enfin, après plus de quarante minutes d'attente, M. Mouillard demanda de la voix qui convenait : — Esprit de Lénine, es-tu là? Qui sont ces deux nouveaux camarades? répondit une voix presque masculine, imitant assez bien l'accent des chauffeurs de taxi sarmates. RAYMOND QUENEAU, Odile, Paris, Gallimard, 1937, page 94. — Esprits frappeurs. Âmes des morts qui manifestent leur présence et expriment leurs volontés en frappant un certain nombre de coups. À première vue, les tables tournantes, les esprits frappeurs ne semblent pas fournir un sujet bien intéressant d'étude (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire, tome 3, 1891, page 144 ). 2e. Section. I.— Principe de la pensée et de l'activité réfléchie de l'homme. A.— [Dans un sens impersonnel; par opposition à la réalité pensée, à l'objet de la connaissance] La substance pensante, la réalité pensante, sujet de la connaissance. Une idée n'existe pas en soi, elle existe en tant qu'elle est pensée dans un esprit (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 13, 1920-22, page 62 ). Comprendre c'est unifier, et notre esprit est tel qu'il ne peut connaître sans systématiser (JEAN LACROIX, Marxisme, existentialisme, personnalisme, 1949, page 52) : Ø 21. L'esprit et le corps forment les deux pôles opposés et absolument contraires, l'esprit étant le divin impersonnel qui est en nous, le corps tout ce qui, dans notre être, est perceptible aux sens. ALBERT BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve, 1939, page 92. · Locution. Vue de l'esprit. Conception abstraite et toute théorique ne s'appuyant pas suffisamment sur le réel. C'est là l'origine commune des systèmes ou des doctrines médicales qui donnent toujours une prépondérance aux explications, aux vues de l'esprit, aux dépens de la réalité des faits (CLAUDE BERNARD, Principes de médecine expérimentale, 1878, page 57 ). — [Par opposition à la matière, objet de la pensée] L'esprit s'approprie la matière, la monte à son niveau, l'annihile par abstraction (GUSTAVE FLAUBERT, La Tentation de Saint Antoine, 1849, page 418) : Ø 22.... en séparant l'homme de la nature et l'esprit de la matière, on finit toujours par creuser à l'intérieur de l'homme et de l'esprit eux-mêmes des failles et des abîmes nouveaux. JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort, 1949, page 241. — [Par opposition à l'âme] : Ø 23.... la question se pose de savoir quelle est la relation de l'âme aux idées (l'âme étant conventionnellement définie comme sujet de ce devenir, de cette création de soi qui est l'esprit; l'âme serait en quelque sorte la matière de l'esprit, ce que l'esprit trouve en soi). L'âme apparaît ici comme la base du vouloir, l'esprit comme l'unité transcendante et achevée du vouloir... DICTIONNAIRE DE CULTURE RELIGIEUSE ET CATÉCHISTIQUE (LOUIS E. MARCEL), Journal, 1914, page 120. SYNTAXE : Éveil, développement, évolution, progrès de l'esprit (humain); étude, connaissance de l'esprit; besoin, exigences, facultés, grandeur, dignité de l'esprit; assujettissement, émancipation, liberté de l'esprit; structure, organisation, constitution, complexité de l'esprit humain; fonctionnement, activité, travail, gymnastique, démarche de l'esprit; propriété, aptitude, capacité de l'esprit; domaine, champ, limitation, limites, bornes de l'esprit; produit, production, chef-d'oeuvre, monument, création, conquête de l'esprit; les choses de l'esprit; l'esprit procède par déduction, opère par abstraction; pure conception, création, construction de l'esprit; pur jeu de l'esprit; ce n'est qu'une abstraction de l'esprit. B.— 1. Principe de la vie psychique; ensemble des facultés psychologiques tant affectives qu'intellectuelles. J'ai l'esprit plein de tristesse (JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Souffrances du professeur Delteil, 1855, page 104 ). Il lui suffisait d'une bonne amitié; elle avait des sens tranquilles et un esprit affectueux (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Matin, 1904, page 183) : Ø 24.... j'étais dans un état de stupeur en quelque sorte mécanique qui, me laissant l'esprit libre de toute émotion, mettait entre ma conscience et moi comme une barrière. HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire?, 1934, page 340. SYNTAXE : a) Liberté, calme, sérénité, tranquillité d'esprit; fraîcheur d'esprit; inquiétude, tourments d'esprit; esprit aimable, agréable, doux, paisible, tolérant, compréhensif; esprit primesautier, enjoué; esprit incertain, timide, timoré, changeant; esprit audacieux, aventurier; esprit désenchanté, aigri, ombrageux, soupçonneux, belliqueux, impatient; esprit souple, facile; esprit tranchant, entier, froid, inquiet; esprit sombre, tourmenté; esprit abattu; esprit porté à s'assombrir, agité de mille craintes; alarmer, attrister, agiter, calmer l'esprit; avoir l'esprit plein de tristesse; avoir l'esprit calme, dispos; avoir l'esprit préoccupé; ne pas avoir l'esprit tranquille; avoir, mettre l'esprit en repos, en fête; laisser l'esprit libre de toute émotion; laisser dans l'esprit une impression triste; se torturer l'esprit; garder l'esprit libre; mettre une crainte dans l'esprit de quelqu'un; remplir l'esprit de quelqu'un d'étonnement, d'effroi; frapper l'esprit de quelqu'un de terreur; jeter le désarroi dans l'esprit de quelqu'un; lire, pénétrer dans l'esprit de quelqu'un; esprit qui s'agite; impression qui traverse l'esprit; soupçon, inquiétude qui s'empare de l'esprit. b) Santé, pathologie, psychologie de l'esprit; désordre, dérangement, égarement de l'esprit; esprit sain et reposé; esprit fatigué et malade; esprit en délire; esprit aliéné; (être) sain de corps et d'esprit; perdre l'esprit; avoir l'esprit dérangé, égaré, troublé; esprit qui bat la campagne; esprit malade qui chavire. — Locutions. · Disposition, état d'esprit. Manière d'être, à un certain moment, qui détermine une façon de voir les choses et de se comporter. Une manière vive de sentir n'est pas compatible avec cette disposition d'esprit et de l'ame qu'on appelle gaieté (GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797, page 1886 ). La variété « riche amateur » est plutôt un état d'esprit qu'un fait social économique (VALÉRY LARBAUD, Journal, 1935, page 350 ). Laulerque rappela en deux mots par quels états d'esprit il était passé durant des années qui avaient précédé la guerre (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1939, page 151 ). · Tour, tournure, forme d'esprit. Manière d'envisager les choses, d'agir et d'être, caractéristique d'une personne. Il est une satisfaction, une joie de tempérament qui s'allie quelquefois avec une tournure d'esprit inquiet et des idées sombres (MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1820, page 289) : Ø 25. — Mais enfin, qu'y a-t-il de commun entre vous et un ouvrier? — Les différences sont en effet sensibles, moins fortes toutefois qu'entre le tour d'esprit d'un fonctionnaire, par exemple, et le mien. MAURICE BARRÈS, Le Jardin de Bérénice, 1891, page 143. · Présence d'esprit. Promptitude à agir, à parler avec à-propos. Tisselin eut seul la présence d'esprit de fermer la pièce qui précédait le salon et d'en emporter la clef (JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, page 302 ). Ah! son trouble, ce manque de présence d'esprit, ce désarroi! Il me fit pitié (HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire?, 1934, page 337 ). · Vieilli. En esprit, d'esprit. Par la pensée, par l'imagination. Je fus transporté en esprit dans les temps anciens (FÉLICITÉ-ROBERT DE LAMENNAIS, Les Paroles d'un croyant, 1834, page 84 ). Marché-je comme le bourgeois attardé qui d'esprit goûte la soupe déjà et le cercle habituel de visages et se réjouit de son feu? (PAUL CLAUDEL, Tête d'or, 1890, 1re. partie, page 39 ). · Vieux. État d'âme passager, humeur momentanée, disposition intérieure particulière. Changer d'esprit. Ne te dirai-je pas : Prends un esprit plus doux? Vois : cette paix. Respire. Une parfaite tranquillité est commune, au grand ciel et à la terre (PAUL CLAUDEL, La Ville, 1893, I, page 309 ). · Avoir/ne pas avoir l'esprit à... Être/ne pas être dans de bonnes dispositions pour... Et je vous voyais peindre et le voyais Maman Vous n'aviez pas l'esprit à ce bouquet de fleurs (LOUIS ARAGON, Le Roman inachevé, 1956, page 27 ). · Se mettre dans l'esprit de + infinitif Prendre la décision bien arrêtée de + infinitif (confer se mettre en tête de...). Un vieil agoyate se mit dans l'esprit de le rejoindre (EDMOND ABOUT, La Grèce contemporaine, 1854, page 142 ). Se mettre bien dans l'esprit de quelqu'un. Lui donner une bonne opinion de soi. Être bien dans l'esprit de quelqu'un; rester au mieux dans l'esprit de quelqu'un. Quoiqu'une pareille demande fût contre les principes de la mère, j'étais encore si bien dans son esprit, que j'osai la faire, et qu'elle me fut accordée (NICOLAS-EDME RESTIF, DIT RESTIF DE LA BRETONNE, Monsieur Nicolas, 1796, page 70 ). Perdre quelqu'un dans l'esprit de quelqu'un. Faire perdre à quelqu'un la confiance, l'estime de quelqu'un. Madame Aquet employait tous les moyens pour perdre le fils dans l'esprit de son père (JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Aventures de Mademoiselle Mariette, 1853, page 114 ). Monter l'esprit de quelqu'un contre quelqu'un. Lui inspirer de l'animosité contre quelqu'un : Ø 26. De ce moment, le procès Dreyfus ne signifie plus rien, sinon qu'on veut monter l'esprit des jurés contre Zola et le faire condamner à toute peine qu'il plaira... GEORGES CLEMENCEAU, Vers la réparation, 1899, page 20. — [L'esprit considéré d'un point de vue moral] Les cravates vert-pomme d'Arcangeli, son esprit bas, étroit, mesquin, et qui puait par trop, (...) commençaient à fatiguer le duc (ÉLÉMIR BOURGES. Le Crépuscule des dieux. 1884, page 153) : Ø 27. Procure-toi le numéro de la Revue des deux mondes du 1er. décembre. Tu y liras un article de Renan que je trouve incomparable comme élévation d'esprit et hauteur morale. GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1876, page 372. SYNTAXE : Grandeur, noblesse d'esprit; force, faiblesse d'esprit; largeur, étroitesse d'esprit; bassesse d'esprit; esprit élevé, noble, généreux; esprit fort; esprit courageux, bien trempé, lâche; esprit large, étroit; esprit frivole; esprit retors, méchant; esprit dégradé, avili; avoir l'esprit large; être d'esprit large. 2. [Par restriction de sens] Intention, point de vue particulier déterminant une attitude, une action ponctuelle. Tel est l'esprit que j'ai porté dans cette discussion : j'ai mieux aimé la traiter sous ce point de vue (MAXIMILIEN DE ROBESPIERRE, Discours, Sur la guerre, tome 8, 1792, page 98 ). · Dans un esprit de + substantif. Avec une idée de..., dans une intention de..., dans un but de... Dans un esprit de + adjectif. Dans une intention..., d'un point de vue... Il écrivit, dans un esprit satirique, cet opéra où Walpole et ses ministres figurent, déguisés en bandits et en vagabonds (PAUL MORAND, Londres, 1933, page 95 ). — Tu vois dans quel esprit impersonnel je tâche de t'expliquer ça (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1938, page 212 ). · C'est dans cet esprit que... C'est sous cet angle, dans cette perspective, de ce point de vue que... : Ø 28. On sentira que ce n'est pas assez qu'une idée soit bonne, mais qu'il faut encore qu'elle soit exprimée avec clarté pour être facilement comprise et avec charme pour être généralement adoptée. C'est dans cet esprit qu'il faut commencer la lecture des ouvrages de belles-lettres. PIERRE-AMBROISE-FRANÇOIS CHODERLOS DE LACLOS, De l'Éducation des Femmes, 1803, page 475. 3. [L'accent est mis sur une faculté en particulier] a) Mémoire. Avoir l'esprit en proie à mille souvenirs; éveiller, réveiller des souvenirs dans l'esprit; laisser une trace dans l'esprit; souvenirs, pensées qui reviennent à l'esprit. La figure hagarde des Verlaine, des Villiers, et autres épaves est toujours restée gravée pour moi dans mon esprit en traits ineffaçables (PAUL CLAUDEL, Correspondance [avec André Gide] , 1910, page 118 ). b) Attention, application mentale. Avoir l'esprit distrait, absent; ne plus avoir l'esprit présent; ne pas avoir l'esprit à ce que l'on fait. Il travailla un peu, mais il avait l'esprit ailleurs (EUGÈNE DABIT, L'Hôtel du Nord, 1929, page 201 ). · Vieilli " Figuré, familier. Il a l'esprit aux talons, se dit d'un homme qui, par étourderie ou par préoccupation, ne pense point à ce qu'il dit " (Dictionnaire de l'Académie Française). · [Formules utilisées pour s'excuser d'un manque d'attention] Où ai-je l'esprit? Où avais-je l'esprit? [Pour s'excuser d'une conduite inconsidérée] J'ai eu tort de m'emporter tout à l'heure, je ne sais où j'avais l'esprit, j'ai été beaucoup trop loin, j'ai dit des extravagances (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 951 ). c) Imagination. Esprit porté au rêve, rempli de rêveries; avoir l'esprit occupé de rêveries, perdu dans des rêveries, des visions. Mon esprit voyageait partout, dans les forêts pleines de fougères de l'île délicieuse, dans les sables du sombre Sénégal (JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Le Roman d'un enfant, 1890, page 307 ). C.— [Par restriction des sens A et B : par opposition aux manifestations de la sensibilité] Principe de l'activité intellectuelle. Les soins du maître tendaient à développer l'esprit de l'enfant (JULES VERNE. Les Cinq cents millions de la Bégum, 1879, page 172 ). Concevoir bien est la suprême fonction de l'esprit (JEAN-RICHARD BLOCH, Destin du siècle, 1931, page 20) : Ø 29. Quand l'intelligence n'a plus de poids intérieur, la réflexion au lieu d'en concentrer le regard, l'épuise. Elle dissipe toute assurance de l'esprit, le prive de son assiette. EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 669. SYNTAXE : 1. a) Éducation, culture de l'esprit; étendue, ouverture, qualités de l'esprit; travail, activité, concentration de l'esprit; vivacité, clarté, finesse de l'esprit; joie, délices de l'esprit; lenteur, lourdeur, épaisseur, défaillance de l'esprit. b) Précocité, maturité d'esprit; discipline, solidité, puissance, sagacité, profondeur d'esprit; hauteur, supériorité d'esprit; travers, fausseté d'esprit. 2. a) Esprit bien/mal fait, actif, infatigable, lent, lourd, sclérosé; esprit solide, puissant; esprit vif, prompt; esprit ouvert, universel, curieux, éclectique, borné, obtus; esprit réfléchi, profond, mûr, pondéré, logique, cartésien, clair, lucide, subtil, pénétrant; esprit superficiel, creux, raisonneur, compliqué, tortueux, confus, brouillon, fumeux; esprit médiocre, vulgaire, original; esprit orné, cultivé, brillant, fin, raffiné; esprit inculte, illettré. b) Esprit accoutumé à réfléchir, porté aux considérations générales; esprit plein de pensées toutes faites. 3. a) Former, développer, entretenir, nourrir, orner l'esprit; se reposer, s'occuper, se fatiguer l'esprit; mettre de l'ordre dans son esprit; laisser parler son esprit; s'élever, être grand par l'esprit; être jeune d'esprit; avoir quelque chose présent à l'esprit; fixer son esprit sur un sujet; arrêter son esprit à/ sur quelque chose; agiter une question dans son esprit, rouler dans son esprit mille projets; ouvrir son esprit à une pensée, faire pénétrer quelque chose dans son esprit; chercher quelque chose dans son esprit, trouver des idées dans son esprit; écarter, repousser, chasser, effacer, ôter une idée de son esprit; détourner son esprit d'une question; garder, graver quelque chose dans son esprit; épuiser son esprit à réfléchir continuellement, faire le vide dans son esprit. b) Éveiller, former, façonner l'esprit de quelqu'un; mettre quelque chose dans l'esprit de quelqu'un, faire naître une idée dans l'esprit de quelqu'un; ôter une idée de l'esprit de quelqu'un. c) Esprit qui pense, se concentre, se disperse, se développe, mûrit; esprit qui s'échauffe, conserve sa vigueur, retrouve toute sa lucidité; esprit qui nourrit de vastes pensées, se remplit d'idées vagues; esprit qui excelle dans quelque chose d) Idée qui se présente, (re)vient à l'esprit; idée qui s'insinue, entre, se forme, grandit, jaillit dans l'esprit; idée qui effleure l'esprit; idée qui s'impose à, s'empare de l'esprit; idée qui envahit l'esprit; idée qui se fixe, se grave dans l'esprit; idée qui traverse l'esprit, sort de l'esprit; idée qui dérange, accable, agite l'esprit; fatigue qui paralyse l'esprit. — [Par opposition au coeur ou à l'âme en tant que principes de la sensibilité, de l'affectivité] J'éprouve que mon imagination a tout à fait vieilli en ce qu'il n'y a plus aucune sympathie entre les idées de l'esprit et les sentiments de l'âme (MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1818, page 109) : Ø 30. On répétera qu'il est infiniment bon. Je le sais bien, mais je voudrais qu'il fût permis de dire qu'il a aussi l'intelligence de sa bonté, entendant par là qu'il n'a pas moins d'esprit que de coeur, ou, si l'on veut, que le coeur, chez lui, élève l'esprit, comme aussi bien l'esprit élève le coeur. ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, page 241. — Par métonymie. La personne même, du point de vue intellectuel. Un esprit orné, éclairé, distingué, éminent, brillant, rare, supérieur, inférieur : Ø 31. C'était [le général Ruffey] un esprit brillant très imaginatif, dont les qualités de technicien auraient à s'employer utilement dans les opérations que son armée serait amenée probablement à exécuter dans la région de Metz... MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 1, 1931, page 205. — Locutions. a) Grand esprit. Esprit supérieur, élevé et de large envergure. Par métonymie. Personne douée d'un tel esprit : Ø 32. À George Sand. Vous venez de m'écrire, dans l'Avenir national, une admirable lettre. Cette page me paye mon livre. Vous êtes un des plus grands esprits de la France et du monde... VICTOR HUGO, Correspondance, 1865, page 506. · Proverbe. Les grands (ou les beaux) esprits se rencontrent. · Petit esprit. Esprit médiocre, mesquin. Madame Trevor était extrêmement coquette et avait le petit esprit fin et maniéré que la coquetterie donne aux femmes qui n'en ont pas d'autre (BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE. Le "Cahier rouge" , 1830, page 19 ). Ce gros homme de petit esprit [Louis XVIII] (HONORÉ DE BALZAC. La Duchesse de Langeais, 1834, page 323 ) Par métonymie. Personne douée d'un tel esprit : Ø 33. Depuis qu'on veut tout savoir, tout connaître, depuis que chaque petit esprit tend à tout rabaisser à son niveau, à tout comprendre dans sa petite capacité, la sphère des croyances ou du monde invisible s'est rétrécie de plus en plus. MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1820, page 280. · Simple d'esprit. Personne dont les facultés intellectuelles ne se sont pas développées normalement et qui souffre d'arriération ou de débilité mentale. Ce Sieurin, qui a subi trente-sept condamnations pour vagabondage, est incapable de tuer une mouche. Il n'a jamais commis de vol. C'est un simple d'esprit, un être inoffensif (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Orme du mail. 1897, page 210 ). Faible* d'esprit. b) Esprit droit. Esprit au raisonnement rigoureux, au jugement sain. Cette enfant est absurde, on aura bien de la peine à lui rendre l'esprit droit! (LOUIS-ÉMILE-EDMOND DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, page 123 ). Par métonymie. Il admirait qu'aucune difficulté ne résiste à un esprit droit et qui raisonne juste (FRANÇOIS MAURIAC, Thérèse Desqueyroux, 1927, page 250 ). · Par opposition. Esprit faux. C'est un esprit faux et malveillant (MARCEL PROUST, À l'Ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 573 ). c) Bon esprit. · Vieilli. Capacité de l'esprit de porter des jugements sains, de bon sens : Ø 34. Ce dont on a le plus horreur en France, c'est d'être dupe. On aime mieux passer pour leste et dégagé que pour un honnête nigaud, et, du moment que l'on associe à la morale quelque idée de pesanteur d'esprit, c'est assez pour qu'on la tienne en suspicion. De là l'extrême rabais où est tombé le titre de bon esprit. Ce titre, qui devrait être le plus beau des éloges est devenu presque synonyme d'esprit faible, et est accordé avec une étrange libéralité; on accorde, en effet, volontiers aux autres les qualités auxquelles on ne tient pas pour soi-même, et on pense qu'en accordant aux autres le bon esprit, on fera entendre qu'on est soi-même un grand ou brillant esprit. ERNEST RENAN, L'Avenir de la science, 1890, page 444. · De nos jours. Avoir le bon esprit de + infinitif Avoir la perspicacité, l'intelligence de + infinitif Il [Pascal] eut à son lit de mort un curé très prudent (de Saint-Sulpice?) qui eut le bon esprit d'oublier de lui parler de signature (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 7, 1908, page 36 ). d) Bel esprit. [Souvent ironiquement] Finesse et distinction de l'intelligence jointe à la culture des belles-lettres. L'esprit même devenu plus général, tout le monde y prétend bientôt; de là le bon esprit devient rare et la pointe, le faux bel esprit et la prétention prennent sa place (JULIEN BENDA, La France byzantine ou le Triomphe de la littérature pure, 1945, page 225 ). · Par métonymie. Un bel esprit lui [le curé de Costerel-sur-Meuse] donna même un nom : il l'appela le « confesseur de bonnes ». Le mot fit fortune; il courut les salons bien pensants (GEORGES BERNANOS, L'Imposture, 1927, page 339 ). Emploi adjectival. Il avait vu récemment une jeune femme de Neuchâtel, savante et bel esprit, et qui avait « la manie de s'afficher » (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, page 145 ). Péjoratif. Faire le bel esprit. Chercher, avec affectation, à paraître brillant, spirituel. J'ai eu tort, j'en conviens et je fais le bel esprit mal à propos (JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Pléiades, 1874, page 5 ). e) Esprit fort. Personne qui croit faire preuve de force d'esprit en se situant au-dessus des croyances religieuses : Ø 35. Par ailleurs, on avait beau s'afficher matérialiste, libertin ou esprit fort, le monde, autour de vous, était tellement croyant, on baignait dans une si générale promesse de justice distributive au-delà, que tout conspirait à vous assurer un usage sans trouble des biens de la terre. JEAN-RICHARD BLOCH, Destin du siècle, 1931, page 105. · Emploi adjectival. Hippolyte étant déjà assez esprit fort, et moi ayant été habituée par ma mère et ma grand'mère (...) à regarder l'existence du diable comme une imposture (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 2, 1855, page 375 ). — Par extension. Personne qui se place au-dessus des idées communément reçues. Faire l'esprit fort : Ø 36.... il est bien trop fin pour ne pas comprendre qu'avec certains il en serait pour ses frais, aussi proportionne-t-il ses effets au crédit dont il sent qu'il dispose. Avec Marchant, il ne se risque guère, mais fait l'esprit fort et plaisante; il réserve le pathétique pour l'abbé qui le trouve « édifiant », pour papa qui le trouve « antique »... ANDRÉ GIDE, L'École des femmes, 1929, page 1292. f) Avoir l'esprit de + infinitif. Avoir l'intelligence de (+ infinitif), être assez intelligent pour (+ infinitif). — Mais, mon pauvre Téran, reprit Madame d'Hocquincourt (...) on ne menace pas de s'enivrer, on s'enivre. Il faut avoir l'esprit de voir cette différence (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lucien Leuwen, tome 2, 1835, page 111 ). D.— [Par restriction du sens C] 1. [Avec un complément de nom sans article ou avec un adjectif] Esprit de + substantif ou esprit + adjectif. Disposition intellectuelle dominante déterminant l'orientation de l'intelligence lorsqu'elle s'applique à un objet. L'esprit d'abstraction (Barrès avait admirablement attrapé l'apparence de cet esprit; il a volé l'outil, a dit un philosophe) (JULIEN BENDA, La Trahison des clercs, 1927, page 85 ). L'esprit mystique qui déifie chaque chose a du bon, et même, en un certain sens, du vrai (RAYMOND RUYER, Esquisse d'une philosophie de la structure, 1930, page 224) : Ø 37. Qui nous a appris à connaître les analogies véritables, profondes, celles que les yeux ne voient pas et que la raison devine? C'est l'esprit mathématique, qui dédaigne la matière pour ne s'attacher qu'à la forme pure. C'est lui qui nous a enseigné à nommer du même nom des êtres qui ne diffèrent que par la matière... HENRI POINCARÉ, La Valeur de la science, 1905, page 142. SYNTAXE : Esprit d'examen, de doute, de méthode, de comparaison, d'analogie, de classification, de généralisation, de synthèse; esprit critique, analytique, synthétique. — Spécialement. Esprit de géométrie. APetititude au raisonnement logique, déductif. Esprit de finesse. Intuition synthétique, inspiration. Un art aussi catégorique que subtil, où l'esprit de finesse et l'esprit géométrique se confondent (ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes, 1927, page 230) : Ø 38.... j'ai expliqué à mes élèves le début de la section I des Pensées sur la différence entre l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse. Je me suis efforcé de leur faire sentir la prodigieuse probité de la pensée de Pascal en général... CHARLES DU BOS, Journal, 1922, page 105. 2. Absolument. a) Vieilli. Valeur intellectuelle. Oxford n'est qu'un collège, la cité de l'esprit, d'un doux repos avant les agitations de la vie, ses combats, ses orages (JULES MICHELET, Sur les chemins de l'Europe, 1874, page 57 ). Ernst n'était point sot. Sans culture, il n'était pas sans esprit (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, L'Adolescent, 1905, page 350 ). · Homme, femme d'esprit. Personne douée de qualités d'esprit et de coeur particulières, cultivée, au goût excellent. Je vois des hommes d'esprit qui ne croient qu'en eux-mêmes; ils sont bouffis d'orgueil (MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1820, page 276 ). À moins d'une grande passion, prise peu à peu et dans la première jeunesse, une femme d'esprit n'aime pas longtemps un homme commun (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, De l'amour, 1822, page 108 ). · Ouvrage d'esprit. Ouvrage littéraire. Œuvres de l'esprit; travaux d'esprit. Au fond, il y a de la métaphysique dans tous les ouvrages d'esprit, depuis les méditations de Descartes jusqu'aux poésies de Dorat (LOUIS-GABRIEL A. DE BONALD, Essai analytique sur les lois naturelles de l'ordre social, 1800, page 19 ). b) Spécialement. [De nos jours] Forme d'intelligence aiguë, vive et mordante, qui excelle dans l'art d'opérer des rapprochements inattendus et drôles, dans l'art d'exposer des idées, de converser avec une verve piquante pleine d'ingénieuses saillies. On ne doit mettre dans un livre que la dose d'esprit qu'il faut; mais on peut en avoir, dans la conversation, plus qu'il ne faut (JOSEPH JOUBERT, Pensées, tome 1, 1824, page 240 ). Prêter de l'esprit aux sots est le plus sûr moyen de les flatter (JULES SANDEAU, Sacs et parchemins, 1851, page 33) : Ø 39. On peut pourtant faire des calembourgs avec de l'esprit, ou quoiqu'on ait de l'esprit : M. de Bièvre l'a prouvé; mais qu'en conclure, lorsque tant de sots y réussissent? Que le calembourg prouve quelque esprit dans une bête? Ne prouverait-il pas plutôt qu'il y a toujours un petit coin de bêtise dans un homme d'esprit? VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 5, 1814, page 233. SYNTAXE : Homme (plein) d'esprit; réponse, répartie (pleine) d'esprit; tour plein d'esprit, jeu d'esprit, plaisanteries sans esprit; esprit scintillant, vif, mordant; esprit comique, gaulois; esprit de saillie; esprit d'emprunt, de boulevard; avoir de l'esprit, beaucoup d'esprit; être plein d'esprit, faire assaut d'esprit, pétiller d'esprit, (ne pas) manquer d'esprit, déployer son esprit le plus scintillant, montrer de l'esprit à peu de frais, conversation qui ne brille pas par l'esprit. — Trait, mot d'esprit. Pensée fine et ingénieuse, pointe, saillie. Et des mots d'esprit qui sont des mots des Goncourt au forceps (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1889, page 913 ). Un trait d'esprit annonce toujours la mort d'une idée (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1923, page 462 ). — Bureau d'esprit (vieilli). Salon dans lequel évoluent des personnes pleines d'esprit. Tenir bureau d'esprit. Par ironie. Hier j'allai passer un quart-d'heure au grand club où tant de sots tiennent bureau d'esprit (JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Pamphlets, Charlatans modernes, 1791, page 279 ). — Faux esprit. Pensée à la fois fausse et recherchée (confer Littré). — Avoir de l'esprit jusqu'au bout des doigts, des ongles. Avoir beaucoup d'esprit en toutes circonstances, jusque dans les moindres choses. Avoir de l'esprit à revendre. Un homme qui, comme un frère, avait du coeur et de l'esprit à revendre, un jour sur trois, sur quatre, ou sur cinq, selon « le vent », disaient-ils (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 4, 1855, page 64 ). Je préfère mille fois la petite étude de M. Vibert que nous avons vue à l'exposition des aquarellistes. Ce n'est rien si vous voulez, cela tiendrait dans le creux de la main, mais il y a de l'esprit jusqu'au bout des ongles (MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes, 1921, page 501 ). — Faire de l'esprit (péjoratif). Vouloir absolument se montrer spirituel, chercher avec affectation à faire preuve d'esprit : Ø 40. MADELEINE. — Tu as bien changé depuis! RICHARD. — Non!... C'est l'honneur qui a changé de côté!... Faut croire que ça se déplace... MADELEINE. — Ne fais pas d'esprit. RICHARD. — Je n'en ai jamais moins fait... HENRY BATAILLE, Maman Colibri, 1904, IV, 6, page 30. — Proverbe. L'esprit court les rues. L'esprit est chose commune, chacun se pique d'en avoir. À l'heure qu'il est, je suis écoeuré par la population qui se rue sous mes fenêtres à la suite du boeuf gras! Et on dit que l'esprit court les rues! (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1868, page 356 ). — [Allusion littéraire] · [Montesquieu, Variétés] Quand on court après l'esprit, on attrape la sottise : Ø 41. Ainsi, quand l'Europe est en feu, quand Paris est en rumeur, quand la propriété chancelle, quand le droit divin trébuche, quand on perd l'esprit en courant après le bon sens, quand il n'y a plus rien de stable, plus rien de certain au monde, quand tout est remis en question, les lois, les moeurs, les richesses et les gloires, tout un quartier s'obstine à parfiler! ALFRED DE MUSSET. dans Le Temps, 1831, page 55. · [Delavigne, Les Enfants d'Édouard, I, 2] Quand ils ont tant d'esprit les enfants vivent peu. " Se dit d'un enfant qui a beaucoup d'esprit, et, plus souvent ironiquement, d'un enfant qui n'a guère de dispositions. Cet enfant a trop d'esprit, il ne vivra pas " (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). · [La Fontaine, Conte] Comment l'esprit vient aux filles. " (...) l'amour fait venir l'esprit aux filles " (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)) : Ø 42. Indépendamment des affections, ou des idées qui se rapportent aux fonctions particulières de ces organes, l'époque qui nous occupe produit souvent une révolution complète dans les habitudes de l'intelligence. Ce n'est pas sans fondement, qu'on a dit que l'esprit venait alors aux filles; et les plaisanteries relatives au moyen par lequel ce prétendu miracle s'opère, porte sur un fond réel et physique. PIERRE CABANIS. Rapports du physique et du moral de l'homme, tome 1, 1808, page 311. Par analogie : Ø 43.... 89 montra comment l'esprit vient aux villes. Mais, au bon vieux temps, la capitale avait peu de tête; elle ne savait faire ses affaires ni moralement ni matériellement, et pas mieux balayer les ordures que les abus. Tout était obstacle, tout faisait question. VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 514. II.— Principe de pensée et d'action. A.— [Avec un complément de nom sans article ou avec un adjectif] Esprit de + substantif ou esprit + adjectif. Disposition psychique dominante d'une personne ou d'un groupe, déterminant le choix d'une attitude et l'orientation de l'action. Esprit d'indépendance, de soumission; esprit conciliateur, chicanier. Il réclama le travail comme d'autres enfants réclament des jouets, non par esprit de devoir, mais par instinct, par besoin de nature (ÉMILE ZOLA, Thérèse Raquin, 1867, page 11 ). Mais elle passa outre, comme elle faisait parfois, poussée par un goût du risque et un esprit de décision qu'elle confondait avec le courage (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Cahier gris, 1922, page 596) : Ø 44. Nos messieurs sont à Oron. J'en ai profité pour prier ma soeur de m'accorder un bout de causerie après souper. Mais bah! l'esprit de contradiction fait dans ces cas-là désirer exactement le contraire de ce qui est demandé. HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal, 1866, page 243. — Par métonymie. C'était sans nul doute l'esprit le plus positif du groupe. Il disposait, dans les milieux de la finance, de la politique, du barreau et du livre, de relations sur lesquelles il ne comptait jamais en vain (MARCEL ARLAND, L'Ordre, 1929, page 158 ). — Locutions. · Esprit d'à-propos. Synonyme : présence d'esprit (confer supra). J'avais été séduit par sa haute et brillante intelligence; sur la carte, il avait été merveilleux de clarté, de lucidité, de jugement et d'esprit d'à-propos (MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 1, 1931, page 370 ). Esprit de suite. Continuité, suite dans une idée, une attitude, une action. En politique extérieure, une vraie démocratie, bien républicaine, demeure dépourvue de la continuité et de l'esprit de suite qui permet aux aristocrates et aux monarchies de se marquer un but politique (CHARLES MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, page 12 ). Esprit de clocher. Attachement borné, excessif à son village, à sa ville. L'esprit de clocher, mon ami, n'est pas autre chose que le patriotisme naturel. J'aime ma maison, ma ville et ma province par extension, parce que j'y trouve encore les habitudes de mon village (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Le Rosier de Madame Husson, 1887, page 684 ). Sans esprit de retour. Sans avoir l'intention de revenir. Les deux tiers de ses enfants l'ayant abandonnée sans esprit de retour, la malheureuse ville est comme un corps qui a perdu son sang (MAURICE MAETERLINCK, La Vie des abeilles, 1901, page 165 ). Esprit de sacrifice. Disposition intérieure à l'abnégation qui porte à se dévouer, à se sacrifier pour autrui. Mais ce départ que je voulais à tout instant effectuer, M. et Mme. de Guermantes poussaient l'esprit de sacrifice jusqu'à le reculer en me retenant (MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes, 1921, page 543 ). · Avoir bon esprit. Être naturellement enclin à apprécier, juger les intentions ou les actes d'autrui avec bienveillance; accepter de bonne grâce une autorité, une discipline. La proclamation (...) produisit une impression excellente. Elle se terminait par un appel au bon esprit des citoyens (ÉMILE ZOLA, La Fortune des Rougon, 1871, page 244 ). Le commandant d'armes, le préposé au maintien du bon ordre, du bon esprit et de la bonne tenue des troupes (GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Train de 8 h 47, 1888, 2e. partie, page 206 ). Avoir mauvais esprit. Être enclin à apprécier, juger les intentions ou les actes d'autrui avec malveillance (familier avoir l'esprit mal tourné). Se rebeller plus ou moins sourdement contre une autorité, une discipline. Faire du mauvais esprit. Il me met surtout en garde contre le mauvais esprit de la population qui, gavée depuis la guerre, dit-il, a besoin de cuire dans son jus (GEORGES BERNANOS. Journal d'un curé de campagne, 1936, page 1063 ) : Ø 45. Elle regardait les autres garçons, aussi, quelquefois. Quand, à la lecture du communiqué, elle en voyait « faire du mauvais esprit », elle se disait (...) que leur moralité devait être sur tous les points également basse... HENRI DE MONTHERLANT. Le Songe, 1922, page 72. · [Par allusion à la formule utilisée par le ministre Spuller en 1894 pour définir la politique du gouvernement à l'égard de l'Église] L'esprit nouveau : Ø 46. — Il y a une question de droit. Je l'eusse tranchée en faveur des congrégations. Il y a aussi une question de fait. Les congrégations faisaient beaucoup de bien. Le préfet concluait dans la fumée de son cigare : — Il n'y a pas à revenir sur ce qui a été fait. Mais l'esprit nouveau est un esprit de conciliation. ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Orme du mail. 1897, page 36. B.— Ensemble des dispositions psychiques dominantes qui déterminent et caractérisent les sentiments et les actions d'une personne ou d'un groupe social. Tu seras donc toujours le même fou que j'ai connu, (...) il y a en toi l'esprit de ton père : c'était un vieux braque (ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, L'Ami Fritz, 1864, page 5 ). Vieil esprit français de clarté et de bon sens (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 13, 1920-22, page 168) : Ø 47. Sa confiance était absolue dans un outil militaire supérieur à tout ce qui avait été vu jusqu'alors par le nombre des unités mobilisées, le degré de leur instruction, (...) l'esprit qui les animait, le savoir qui les guidait. MARÉCHAL FERDINAND FOCH, Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de 1914-1918, tome 1, 1929, page 10. SYNTAXE : Esprit du groupe, de la société, d'une nation; esprit de Port-Royal; esprit de la république, de l'Église, de l'armée; esprit civique; esprit moderne. — Vieilli. Esprit du monde. " Humeur égale, manières affables, habitudes de souplesse et de ménagement " (Dictionnaire de l'Académie Française). Esprit national, social, général, public. Synonyme moderne : opinion publique : Ø 48. Les historiens qui traitent du moyen âge ne parlent guère de cette opinion qui se forme dans une nation sur les objets qui l'intéressent et qu'on appelle l'esprit public. EDMOND FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis, 1942, page 213. · Bureau d'esprit public. " (...) salon, réunion dont les habitués paraissent avoir la prétention de diriger l'opinion en fait de politique " (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). Bureau de l'esprit public. " (...) s'est dit d'une division du ministère de l'intérieur ou de la police où l'on s'occupe de faire ou de diriger l'esprit public par des pièces de théâtre, des fêtes, par la presse, etc. " (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). Confer supra I D 2 b. — Esprit du temps/de son temps, de l'époque, du siècle. Ensemble des tendances générales caractéristiques du temps, de l'époque, du siècle. Je demande, une fois de plus, l'indépendance pour être en état de faire mon oeuvre qui est de combattre l'esprit du siècle (LÉON BLOY, Journal, 1902, page 126 ). « Ne pas être poire ». Le mot courait autour de lui et symbolisait l'esprit de l'époque (MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 467 ). — Esprit de famille, d'équipe. [Souvent péjoratif] Esprit de parti, de corps (confer ce mot III B 2), de clan, de secte : Ø 49.... l'esprit de parti présente les opinions par ce qu'elles ont de saillant pour les faire comprendre au vulgaire; et l'esprit de secte, (...) tend toujours vers ce qu'il y a de plus abstrait (...) L'esprit de parti excite dans les hommes de certaines passions communes qui les réunissent en masse. (...) L'esprit de secte n'aspire qu'à convaincre; l'esprit de parti veut rallier. L'esprit de secte se dispute sur les idées; l'esprit de parti veut du pouvoir sur les hommes. Il y a de la discipline dans l'esprit de parti, et de l'anarchie dans l'esprit de secte. GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 5, 1810, pages 139-140. — Avoir l'esprit de..., prendre l'esprit de...; entrer, cadrer (bien) dans l'esprit de... Banville se bouchant l'oeil chez Buloz pour tâcher de prendre l'esprit de la maison (JULES RENARD, Journal, 1893, page 147) : Ø 50.... les vieux officiers passaient leurs soirées chez moi et préféraient mon appartement au café. Je ne sais d'où cela venait, n'était peut-être de ma facilité à entrer dans l'esprit et à prendre les moeurs des autres. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1, 1848, page 67. · Avoir l'esprit de son âge, avoir l'esprit de son état. Avoir la connaissance, la conscience des idées, des sentiments, des façons d'être et d'agir qui sont ordinairement considérés comme convenant à son âge ou à sa situation, et s'y conformer. Qui n'a pas l'esprit de son âge, de son âge a tout le malheur, dit Voltaire; et non-seulement il faut avoir l'esprit de son âge, mais aussi l'esprit de sa fortune et de sa santé (JOSEPH JOUBERT, Pensées, tome 1, 1824, page 229) : Ø 51. Cet homme n'a jamais eu l'esprit de son état; dans le gouvernement il ne fut pas magistrat, et dans l'ermitage il ne fut pas ermite... ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Obermann, tome 2, 1840, page 51. — Dans le domaine du théâtre. Esprit d'un personnage, esprit d'un rôle; entrer dans l'esprit d'un rôle. Pour mieux faire comprendre à Fanny l'esprit du personnage dont elle devait jouer le rôle (HENRI MURGER, Scènes de la vie de jeunesse, 1851, page 92 ). Du moment où l'esprit du rôle lui échappait, il vaudrait mieux pour tout le monde qu'il ne le jouât pas (ÉMILE ZOLA, Nana, 1880, page 1340 ). — Par métonymie, au pluriel. [Pour désigner un ensemble de personnes considérées par rapport à leurs dispositions, leurs idées, leurs sentiments, leurs réactions communes] Les esprits. Échauffer, remuer, égarer les esprits. Calmer les esprits. Il se fit une grande révolution dans les esprits. Éclairer les esprits (Dictionnaire de l'Académie Française). Les esprits s'échauffaient chaque jour davantage parmi le peuple et la bourgeoisie de Paris (PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 3, 1821-24, page 120 ). Cet argument inattendu frappa les esprits (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Copains, 1913, page 43 ). C.— Par analogie. Pensée dominante, idée centrale, principe qui anime une oeuvre et lui donne son sens profond; inspiration dominante et caractéristique d'un auteur, essence de sa pensée. C'est l'esprit de Locke qui anime et dirige toute l'école sensualiste de ce siècle (VICTOR COUSIN, Histoire de la philosophie moderne, tome 1, 1829, page 66 ). Jésuites et ultras travaillaient efficacement à détruire l'esprit de la charte, à falsifier la loi (PAUL ADAM, L'Enfant d'Austerlitz, 1902, page 245 ). Il reste à pénétrer l'esprit même de l'oeuvre, c'est-à-dire sa qualité (ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes, 1927, page 210) : Ø 52. La pensée d'autrefois circulait à travers les consciences d'aujourd'hui. L'esprit de Pascal était vivant, non seulement chez l'élite raisonneuse et religieuse, mais chez d'obscurs bourgeois, ou chez les syndicalistes révolutionnaires. ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Dans la maison, 1909, page 962. SYNTAXE : Esprit d'une institution, d'un traité, d'une loi; esprit d'un livre, d'un texte; esprit d'un cours, d'une doctrine; saisir l'esprit de...; entrer, pénétrer dans l'esprit de...; fausser, détruire l'esprit de... — [Le complément de nom désigne une publication] Tendance dominante, orientation générale, intention principale. — Pourquoi donc t'amuses-tu à changer l'esprit de mes articles? dit Lucien, qui n'avait fait ce brillant article que pour donner plus de force à ses griefs (HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, page 432 ). — [Par allusion à la 3e. épître de Saint Paul aux Corinthiens, III, 6] La lettre tue, mais l'esprit vivifie. C'est au sens profond d'un texte qu'il y a lieu de s'attacher, et non à son sens littéral, apparent, à sa forme. C'était un homme de sens et d'esprit, un prêtre facile et qui accommodait tout au précepte : « la lettre tue et l'esprit vivifie » (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Renée Mauperin, 1864, page 68 ). Je cherchai (...) s'il était possible, en dégageant l'esprit de la lettre du décret du 2 décembre 1915, de donner à mes attributions toute l'ampleur et toute l'autorité qui me paraissaient indispensables (MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 2, 1931, page 431 ). — Spécialement, vieux. Recueil de textes et de pensées extraits de l'oeuvre d'un auteur pour faire connaître et comprendre l'essence de sa pensée. L'Esprit de Montaigne, de Jean-Jacques Rousseau (Dictionnaire de l'Académie Française). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 47 687. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 80 600, b) 61 658; XXe. siècle : a) 58 551, b) 65 780.