Définition du terme: CRU2, CRUE2, adjectif, substantif et adverbe. I.— Adjectif. A.— Qui n'a pas subi de cuisson. 1. [En parlant d'aliments] Antonyme : cuit. Oignons crus. Un peu de viande crue hachée (ZOLA, Joie de vivre, 1884, page 898); légumes (...) crus ou bien cuits (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 344) : Ø 1. Nous emportions chacun une tartine de pain noir bien beurré et un grand couteau pour prendre des berniques. Un régal de son enfance qu'il voulait renouveler avec moi, des coquillages tout crus avec du pain et du beurre. JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Mon frère Yves, 1883, page 109. 2. Par analogie. a) Eau crue. Eau chargée de sels, généralement calcaire, qui n'est pas adoucie ni tempérée par quelque mélange et est impropre à dissoudre le savon, à cuire les aliments et lourde à digérer. Eaux crues et dures (PIERRE CABANIS. Rapports du physique et du moral de l'homme, tome 2, 1808, page 448 ). Peut-être était-ce la vingtième fois qu'il se chargeait de l'eau crue et lourde (HENRI, ALBAN FOURNIER, DIT ALAIN-FOURNIER, Correspondance [avec Jacques Rivière] , 1909, page 121 ). b) Régionalisme (Nord et Est de la France, Canada) [En parlant de l'air, de l'atmosphère] Qui est humide et froid. Le souffle glacial et cru de la nuit (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 348 ). 3. Au figuré. — (Vouloir) avaler/manger quelqu'un tout cru. Le traiter durement en paroles. [Le vicaire-général :] — (...) Si l'on nous savait nous mêlant d'élections, nous serions mangés tout crus par les puritains de la Gauche qui font pis (HONORÉ DE BALZAC, Albert Savarus, 1842, page 116 ). — Avaler quelque chose tout cru. Croire telle quelle une opinion, une nouvelle; l'admettre sans la discuter et sans esprit critique. Cela serait avalé tout cru, et considéré comme parole d'évangile (VALÉRY LARBAUD, Journal, 1932, page 271 ). B.— [En parlant d'un produit] Qui est à l'état brut; qui n'est pas travaillé; qui n'a pas subi de préparation (pour l'usage qu'on veut en faire), ni de transformation. 1. Domaines techniques. a) CHIMIE. Métal cru. Tel qu'il est extrait de la mine; non débarrassé des corps étrangers. Amidon cru; antimoine cru (JEAN-BAPTISTE KAPELER, JOSEPH-BIENAIMÉ CAVENTOU, Manuel des pharmaciens et des droguistes, tome 1, 1821, page 95 ). b) TANNERIE. Cuir cru ou cuir vert. Tel qu'il a été retiré de l'animal sans avoir subi de préparation (confer Proudhon, Propriété, 1840, page 270). Pieds nus dans les petits mocassins de daim cru (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, L'Ingénue libertine, 1909, page 294 ). c) TEXTILES. Chanvre cru. Qui n'a pas encore été trempé dans l'eau. Soie crue ou écrue. Qui n'a pas subi de lavage ni de teinture. — En emploi comme substantif. Teindre sur le cru. Mettre la soie à la teinture avant qu'elle ne soit entièrement décreusée. Synonyme : teindre à demi-bain. d) TECHNOLOGIE. Qui est simplement séché et n'est pas passé à l'action du feu ou du four. Briques crues. [Les] acides (...) ont une action très différente (...) sur l'argile crue et sur l'argile qui a été calcinée (ADOLPHE BRONGNIART, Traité des arts céramiques ou des poteries considérées dans leur histoire, leur pratique et leur théorie, 1844, page 58 ). Un pot à tabac en argile crue (FRANCIS DE MIOMANDRE, Écrit sur de l'eau. 1908, page 183 ). — CÉRAMIQUE. Faïences à décor sur émail cru (GEORGES FONTAINE, La Céramique française. 1965, page 142 ). Faïence au grand feu. — Le décor fut d'abord disposé sur l'émail cru, qui, lorsqu'il est sec, se présente sous une forme pulvérulente (GEORGES FONTAINE, La Céramique française. 1965page 5 ). 2. Par analogie. MÉDECINE. vieux. Qui n'a pas subi la transformation habituelle nécessaire. Excréments crus, humeurs crues, urines crues. Qui n'ont pas suffisamment de coction. C.— Au figuré. 1. Qui n'est pas atténué; qui n'a pas de nuances. Parfums rouges et crus (HENRI QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein, 1944, page 102) : Ø 2. Une cataracte sonore déferlait dans l'abbatiale. Chants rugueux et jeunets d'une rusticité pleine d'enfance, leurs sons crus semblaient la matière première, solide et de bonne qualité, dans laquelle, plus tard, on ferait des voix. Une musique d'enfants de troupe courait partout, mordait partout, prenait son élan et sautait aux clefs de voûte en quatre coups de talon. JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 1, 1933, page 66. 2. Spécialement. a) Domaines de la vue et de la peinture. Dont les contours sont brutalement découpés; dont la couleur est dure, criarde ou discordante. Lumière, clarté crue; vert cru. Tons rouges crus (MAXIME DU CAMP, Le Nil, Egypte et Nubie, 1854, page 94 ). La lune (...) si claire encore qu'elle projette des ombres crues, par-dessus lesquelles on a envie de sauter (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, page 127) : Ø 3. À Paris, c'est un mauvais éclairage, uniforme et cru, qui empêche de lire. On voit tout sur le même plan. JACQUES CHARDONNE, Éva ou le Journal interrompu, 1930, page 78. Ø 4....nous restâmes un moment debout devant la ville embrumée. Nous voyions le dôme du Panthéon, la masse indistincte des pierres grises. Pour être désengourdi par ce paysage, il lui eût fallu que celui-ci prît les tons violents et crus qu'il [le peintre] jetait jadis sur ses toiles; ici, rien que des demi-teintes; un Paris voilé de demi-joies, de demi-tristesses;... JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, page 140. b) Domaine du langage. Qui est dit, exprimé sans altération et sans détours; qui exprime les choses telles qu'elles sont, sans fard, ni affectation; qui est franc, naturel. Mots, termes crus. Le poëte s'y affirme comme un réaliste audacieux, qui ne mâche pas les mots crus, et qui appelle les choses laides par leur nom (ÉMILE ZOLA, Documents littéraires, Les Poètes contemporains, 1881, page 147) : Ø 5....lui qui a affadi avec emphase un style primesautier, cru, direct, ce style qu'ils employaient tous à la grande époque les voyageurs, les marins, les hommes d'armes, les découvreurs, tous aventuriers pas très forts sur la grammaire, chancelant sur l'orthographe d'une langue encore instable, mais qui écrivaient comme ils parlaient, les bougres, parce qu'ils étaient des grands vivants, ne faisaient de rhétorique, mais avaient quelque chose à dire et le monde entier à raconter;... BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 15. — Par extension. [En parlant de choses ou de sujets peu décents ou libres] Avec des mots qui choquent la bienséance. Les détails crus de l'adultère (ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille, 1882, page 361) : Ø 6. Le ton d'Antoine, son rire, son attitude d'homme fait, certains détails trop crus qui contrastaient avec son habituelle réserve d'aîné, provoquaient chez Jacques un malaise tout nouveau. ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, page 915. · En emploi comme substantif. — Oh!!! (...) vous êtes d'un cru!... vous parlez de ça avec une désinvolture? (SIBYLLE-GABRIELLE-MARIE-ANTOINETTE DE RIQUETTI DE MIRABEAU, COMTESSE DE MARTEL DE JANVILLE, DITE GYP, Ohé! La Grande vie!!! 1891, page 221 ). 3. Domaine abstrait [En parlant du caractère de la pensée] Qui est à l'état brut, naturel, sans mélanges; qui n'a pas été raffiné, ni altéré; qui n'est pas déguisé. Nous devons à cette maladresse d'apprendre de lui, à l'état cru, quantité de choses que de plus habiles auraient dissimulées ou arrangées à notre usage (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, tome 15, 1851-62, page 241 ). Cette lettre (...) c'est l'éloquence du coeur, toute pure et toute crue, et qui n'y va pas par quatre chemins (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, tome 1, 1863-69, page 334) : Ø 7. Il ignore jusqu'aux moindres usages : si nous sommes à une porte, et qu'il soit pressé, il passe le premier; à table, s'il a faim, il prend ce qu'il désire, sans attendre qu'on lui en offre. Il interroge librement sur tout ce qu'il veut savoir, et ses questions seroient même souvent indiscrètes, s'il n'étoit pas clair qu'il ne les fait que parce qu'il ignore qu'on ne doit pas tout dire. Pour moi, j'aime ce caractère neuf qui se montre sans voile et sans détour, cette franchise crue qui le fait manquer de politesse, et jamais de complaisance.... MADAME COTTIN, Claire d'Albe, 1799, page 95. II.— Emploi comme substantif. A.— Le cru. Ce qui est cru, par opposition à cuit : Ø 8....des catégories empiriques, telles que celles de cru et de cuit, de frais et de pourri, de mouillé et de brûlé, etc., peuvent... servir d'outils conceptuels pour dégager des notions abstraites et les enchaîner en propositions. CLAUDE LÉVI-STRAUSS, Le cru et le cuit, 1964, page 9. Remarque : Attesté dans Grand dictionnaire universel du XIXe et du XXe. siècle (Pierre Larousse) et Dictionnaire encyclopédique Quillet 1965. B.— TECHNOLOGIE. Produit simplement séché et non cuit. Le vernis [de poteries communes suisses] est (...) du minium (...) mis par saupoudration sur le cru bien sec (ADOLPHE BRONGNIART, Traité des arts céramiques ou des poteries considérées dans leur histoire, leur pratique et leur théorie, 1844, page 15 ). L'émail de ses peintures sur cru bouillonnait (GUSTAVE FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, tome 1, 1869, page 187 ). III.— Adverbe et locution adverbiale. A.— Adverbe. De manière crue; sans ménagements. Parler cru. Synonyme : crûment. — Familier. Tout cru. Tel quel; sans détours, ni arrangement. Voilà plus de six mois que j'aspire au moment De vous dire à tous deux tout cru mon sentiment (GUILLAUME-VICTOR-ÉMILE, DIT ÉMILE AUGIER, La Ciguë, 1844, page 10 ). Soulevé d'une haine subite, il eut un sourire grinçant et jeta, tout cru : — « Rassurez-vous, Madame : je n'aimais pas mon père » (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Mort du père, 1929, page 1314 ). B.— Locution adverbiale. À cru. En contact direct avec...; directement sur... Portant à cru le baudrier d'un sabre sur sa poitrine sans chemise (GUSTAVE FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, tome 2, 1869, page 127 ). Assis à cru sur l'herbe (ANDRÉ GIDE, Thésée, 1946, page 1415 ). — Spécialement. Monter à cru. Monter à cheval sans selle. Ils [les barbares] (...) montoient à cru des étalons sauvages (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les Martyrs ou le Triomphe de la religion chrétienne, tome 1, 1810, page 281 ). À onze ans, l'enfant [Gaston] en vint à monter à cru, sans même une sangle à panneau, pour être plus près de son poney (JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, Le Centaure de Dieu, 1938, page 68) : Ø 9....derrière un pli de sable, (...) la file solennelle des cavaliers de Gauguin chevauchant à cru, à longs gestes nobles, ces chevaux frères de la mer, pommelés et brusques comme elle,... JULIEN GRACQ, Un Beau ténébreux, 1945, page 35. Remarque : On rencontre dans la documentation le néologisme crudiste, substantif. Adepte d'une doctrine diététique ne tolérant dans l'alimentation que les végétaux crus. Certains végétariens sont même partisans d'une alimentation à base de végétaux crus (doctrine crudiste) (Lalainne, L'Alimentation humaine, 1942, page 107). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 798. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 946, b) 1 293; XXe. siècle : a) 1 187, b) 1 169. Forme dérivée du verbe "croire" croire CROIRE, verbe transitif. I.— Emploi transitif direct. A.— Croire + complément. 1. [Le complément est un substantif] a) [Le substantif désigne une personne] — Croire quelqu'un.. Attacher une valeur de vérité, ajouter foi à ce que dit une personne; tenir quelqu'un pour sincère, pour véridique; estimer vraies ses paroles. Si nous devions croire Jean-Jacques (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, page 161) : Ø 1. Alors, Pauline (...) lui raconta que le caissier [manchot] appuyait l'instrument [le cor] contre un mur; et il la crut parfaitement, en trouvant ça très ingénieux. ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, page 523. · Je vous/te crois; j'te crois (familier). Je considère que ce que vous dites/tu dis est vrai. Bernard Grandin répondit avec un accent badin de conviction sincère : — Je te crois qu'elle est belle! (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, L'Inutile beauté, 1890, page 1155 ). · Croyez-moi, crois-moi. Pour confirmer ce que l'on dit et inviter l'interlocuteur à se ranger à son avis. Et croyez-moi, ne louez pas tant les femmes d'ici car elles ne vous louent guère (JEAN ANOUILH, La Répétition ou l'Amour puni, 1950, II, page 52 ). — Croire + substantif + attribut du complément : croire quelqu'un + qualité.. Prêter à quelqu'un une qualité. J'ai fait ce que j'ai pu pour qu'il me croie une garce, et, même, pour être, pour de bon, méchante (JACQUES AUDIBERTI, Le Mal court, 1947, III, page 180 ). Pauvre Simon, qu'elle avait cru poète! (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 1, 1948, page 182 ). b) [Le substantif désigne une chose] Croire quelque chose. Le tenir pour véritable. J'ai de la peine à croire cela (Dictionnaire de l'Académie française. 1835, 1878). Dieu vous l'avait donnée, Dieu vous l'a reprise (...). — Je n'aurais jamais cru ça de lui (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Pierre Nozière, 1899, page 148 ). — Faire croire quelque chose à quelqu'un.. Persuader quelqu'un d'une chose (généralement inexacte ou fausse). Qui a pu vous faire croire une pareille sottise? (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 2, 1846, page 89 ). On peut leur [aux intelligences médiocres] faire croire des choses différentes (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 621 ). — Expressions. · Croire quelque chose comme l'Évangile/comme parole d'Évangile/comme article de foi. Croire quelque chose très fermement comme étant très sûr. · Croire tout comme article de foi. Être très crédule. Remarque : Attesté dans Dictionnaire de l'Académie Française 1835-1932 ainsi que dans DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE (ÉMILE LITTRÉ), DICTIONNAIRE DES DICTIONNAIRES (SOUS LA DIRECTION DE PAUL GUÉRIN) 1892. · Croyez cela et buvez de l'eau/ croyez cela et tenez-vous les pieds chauds. Ceci est absurde et vous ne pouvez le croire sans violer les lois de la raison et du sens commun. Remarque : Attesté dans Grand dictionnaire universel du XIXe. et du XX-20e. siècle (Pierre Larousse) ainsi que dans DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE (ÉMILE LITTRÉ ) et DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT) pour la 1re. expression. · J'aime mieux le croire que d'y aller voir. En parlant de quelque chose dont on doute mais que l'on préfère croire plutôt que de le vérifier. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle dont Dictionnaire de l'Académie Française 1835, 1878, ainsi que dans Larousse du xxe. siècle en six volumes et DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. · Si vous ne le croyez pas, allez y voir. En parlant à quelqu'un qui doute de ce qu'on lui affirme. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle dont Dictionnaire de l'Académie Française 1835, 1878, ainsi que dans Larousse du xxe. siècle en six volumes. — Croire + substantif + attribut du complément. Être persuadé de, que. Lénine croyait cette tendance inévitable (ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951, page 286 ). c) En croire (en explétif). Croire sur un sujet déterminé. — En croire quelqu'un.. Ajouter foi à ce que dit quelqu'un à propos d'une question et en raison de la personne; s'en rapporter à quelqu'un. Ce quelque chose, à en croire Valéry, serait essentiellement humain (PIERRE SCHAEFFER, À la recherche d'une musique concrète, 1952, page 159 ). Ces monstres qu'éveille, si l'on en croit Goya, le sommeil de la raison (RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, page 332) : Ø 2. Son origine [de la cathédrale de Tolède] se perd dans la nuit des temps, et, s'il faut en croire les auteurs indigènes, elle remonterait jusqu'à l'apôtre Santiago... THÉOPHILE GAUTIER, Tra los montes, Voyage en Espagne, 1843, page 146. · Croyez-m'en, si vous m'en croyez. Pour inviter quelqu'un à se ranger à un avis. Si vous m'en croyez, mon enfant, vous n'en ferez rien (JACQUES AUDIBERTI, Le Mal court, 1947, I, page 145 ). · À l'en croire. Locution exprimant le doute; si l'on s'en rapporte à. — En croire quelque chose. S'en rapporter à quelque chose. Lucky, son hibou, son dernier compagnon, si je dois en croire les journaux (BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 188 ). Si j'en crois l'histoire (PAUL CLAUDEL, Le Ravissement de Scapin, 1952, page 1342 ). · Ne pas en croire ses yeux/ses oreilles. Ne pas se fier à ce qu'ont vu les yeux, ou entendu les oreilles, tant c'est étonnant et difficile à croire. Il obtint son effet de surprise. Nous avions peine à en croire nos oreilles, et il nous fallut une bonne minute pour réaliser cette extravagante aubaine (FRANCIS AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, page 283 ). — En particulier, emploi pronominal. S'en croire.. Avoir une haute opinion de soi-même, de son mérite, de sa valeur. S'en croire beaucoup. C'est un caractère difficile : elle s'en croit. Il y a sa mère aussi, qui se pousse du col (JEAN-PAUL SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, page 78 ). Elle est fière. Je dirais même qu'elle s'en croit un peu (MARCEL AYMÉ, Clérambard, 1950, IV, 7, page 226 ). 2. [Le complément est une proposition] a) Croire + proposition complétive : croire que.. Penser que, sans certitude absolue; considérer comme probable : Ø 3. — Je crois que vous deviendrez aveugle, dit Ricarda. — Je le sais, dit Pujolhac. Vous dites « je crois », moi, je dis « je suis sûr ». JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, page 212. Remarque : Selon la règle commune aux verbes déclaratifs, lorsque croire est affirmatif, on admet la certitude, la possibilité de ce qui va suivre et le verbe de la subordonnée est à l'indicatif (confer supra exemple 3); lorsque croire est négatif ou interrogatif, on considère le fait comme douteux, même impossible, et le verbe de la subordonnée est au subjonctif, à l'indicatif futur ou au conditionnel. Vous croyez qu'elle accepterait? demanda-t-il (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 1, 1948, page 143). (confer également infra exemple 4). — Faire croire que. Une maladresse de Chloé lui fait croire que Caracalla soupçonne la vérité (ROGER VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, page 217 ). Elle voudrait me faire croire qu'elle est pucelle (JEAN-PAUL SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, page 150 ). — Expressions. · Croire que c'est arrivé. Prendre quelque chose au sérieux; s'imaginer que tout se déroulera selon les prévisions faites. Il a la drôle de tête de l'homme qui croit que c'est arrivé mais qui ne sait pas au juste comment ça va se terminer (JACQUES PRÉVERT, Paroles, 1946, page 147 ). · Ne croyez pas. Précaution oratoire employée pour introduire une phrase et l'atténuer : Ø 4. L'insulte est la monnaie courante, quelques très grands metteurs en scène vont jusqu'à la gifle. Et ne croyez pas que cela soit gratuit. Cela se sent toujours, après, quand on écoute la pièce, si le maître a été vraiment viril. JEAN ANOUILH, La Répétition ou l'Amour puni, 1950, II, page 50. · Ne croyez-vous pas que? Pour atténuer une question. Ne croyez-vous pas que Monsieur l'a terrorisée en entrant? (GEORGES BERNANOS, Dialogues des carmélites, 1948, 3e. tableau, 10, page 1639 ). · Il faut croire que. Il est vraisemblable que. Il faut croire que la tunique allemande leur seyait peu, puisqu'ils furent soupçonnés (FRANCIS AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, page 236 ). b) Croire + infinitif. — Croire + infinitif + complément. Avoir l'impression ou admettre que quelque chose est certain. Werbrust et Gigonnet ont cru me faire une farce (...) je vais bien rire ce soir à leurs dépens (HONORÉ DE BALZAC, Gobseck, 1830, page 410 ). Je crois voir, la nuit, sous les meubles, un chat qui me regarde (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Histoire comique, 1903, page 2 ). — Croire + infinitif + infinitif (pouvoir ou un autre verbe). Avec valeur d'auxiliaire et constituant une manière d'atténuer une affirmation. Je crois devoir vous dire très simplement que je souhaite pour la France et pour vous, mon Général, que vous sachiez et puissiez échapper au désastre (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1954, page 269) : Ø 5.... je n'étais pas seule à être exaspérée par cette habitude qu'a prise Robert de toujours dire qu'il a « cru devoir faire » tout ce que, simplement, il a fait parce qu'il en avait envie, ou bien, plus souvent encore, parce qu'il lui paraissait opportun d'agir ainsi. Ces derniers temps, il perfectionne; il dit : « J'ai cru de mon devoir de... » comme s'il n'agissait plus que mû par de hautes considérations morales. ANDRÉ GIDE, L'École des femmes, 1929, page 1280. 3. [Le complément est un adjectif] Croire + adjectif + de + infinitif. Croire nécessaire de, croire utile de. Juger, estimer le bien-fondé d'une action, d'un acte, exprimé par l'infinitif. Pour plus de sûreté, elle avait cru bon de quitter Annecy (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, page 67 ). B.— Absolument. 1. Accepter des vérités certaines comme vérité par adhésion de l'esprit, mais également par acte de volonté. Croire, c'est considérer comme vraie une certaine connaissance; c'est juger qu'elle est conforme à ce qui est (THÉODORE JOUFFROY, Nouveaux Mélanges philosophiques, 1833, page 164) : Ø 6. [James Knight à Wilfred] — (...) on peut croire d'une certaine manière, je ne sais comment, avec la tête, sans doute. Et puis on peut avoir jusque dans la moelle des os la certitude que ce qu'on croit est vrai. Ça, c'est le don de Dieu. JULIEN GREEN, Chaque homme dans sa nuit, 1960, page 236. 2. Spécialement. Avoir la foi religieuse : Ø 7. Dans la solitude, j'avais entendu la voix du Seigneur (...). Dès lors, le doute fut chassé de mon coeur; je crus et je priai! ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Paul Jones, 1838, IV, 3, page 184. 3. Par affaiblissement. · Je crois (en proposition incise). À mon avis, dans mon opinion, autant que je sache. « Quand tout le monde a tort, tout le monde a raison », dit (je crois) Mirabeau (JULIEN GREEN, Journal, 1950, page 359 ). · Tu crois? Vous croyez? Formule polie indiquant le scepticisme devant une affirmation : Ø 8.... Hamlet, Othello, Antoine et Cléopâtre. Il est indispensable que tu les connaisses au moins de cette manière-là. — Tu crois? — Mais oui. JULIEN GREEN, Moïra, 1950, page 189. · Je crois bien. Cela ne m'étonne pas. II.— Emploi pronominal. A.— Se croire + complément. Imaginer quelque chose comme réel; s'imaginer être... 1. Se croire + attribut. a) [L'attribut est un adjectif] Cet homme se croit habile (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1932). Il n'y a que des dupes qui puissent se croire utiles à leurs semblables (HONORÉ DE BALZAC, Gobseck, 1830, page 390 ). Vous vous croyez admirable, alors que votre attitude a quelque chose d'assez vil (HENRI DE MONTHERLANT, Celles qu'on prend dans ses bras, 1950, II, 4, page 804 ). b) [L'attribut est un substantif] : Ø 9. Ils [les hommes] se croient architectes, maçons, gendarmes, prêtres, tisseurs de lin, ils se croient pour leurs intérêts ou leur bonheur et ils ne sentent pas leur amour, de même que ne sent point son amour celui qui vaque dans la maison tout absorbé par les difficultés du jour. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 813. — Populaire et familier. Se croire le premier moutardier du pape. Se donner de l'importance et être persuadé qu'on en a beaucoup. 2. Se croire + complément. Je vous ferai mes compliments bien sincères sur l'ordonnance de cette fête (...). On se croirait vraiment à Versailles (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Les Demoiselles de Saint-Cyr, 1843, III, 7, page 154 ). B.— Absolument, péjoratif et familier. Avoir une haute opinion de soi-même; être rempli de vanité, de présomption, d'orgueil (confer exemple 9). III.— Emploi transitif indirect. A.— [Le complément est précédé de à] Croire + à + substantif. Être persuadé de quelque chose par adhésion de l'esprit, de manière rationnelle, mais aussi avec confiance. 1. [Le substantif désigne une personne] Croire à quelqu'un. a) Être persuadé de l'existence réelle de quelqu'un. Croire à Dieu, au diable. Il m'a même dit qu'il avait cru au diable avant de croire à Dieu (ANDRÉ GIDE, Journal, 1914, page 491 ). Certains ont cru aux anges, aux démons, aux génies (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 878) : Ø 10. — Et puis quand il va s'apercevoir que je me suis fichue de lui, dit Sylvaine, ça va être terrible! — Oh! il a cru au gosse; il croira bien à une fausse couche. MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 135. — Croire au Père Noël (confer Jean-Paul Sartre, La Mort dans âme, 1949, page 53 et 254 ). Être très naïf; se faire beaucoup d'illusions. b) Croire à une catégorie de personnes, y ajouter foi; s'y fier. Croire aux astrologues, aux médecins (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1932). Ce qui lui manquait [à Manette] pour l'aimer [Coriolis] , c'était d'y croire, d'avoir foi en lui (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Manette Salomon, 1867, page 217 ). Ne te fie pas à la jeunesse, crois aux vieillards (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire. 1890, page 357) : Ø 11. Ce groupe met à sa tête un homme que j'estime comme particulier, auquel je ne crois pas comme homme politique... AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Correspondance, tome 3, 1812-76, page 211. 2. [Le substantif désigne une chose] Croire à quelque chose. a) Penser que quelque chose a une existence réelle. Croire à l'âme, à l'immortalité. Vous m'avez dit, mon Dieu, de croire à l'enfer (PIERRE TEILHARD DE CHARDIN, Le Milieu divin, 1955, page 189) : Ø 12. Les plus grands esprits sont toujours des esprits sceptiques. Ils croient cependant à quelque chose : ils croient à tout ce qui peut les rendre plus grands. C'est le cas, par exemple, de Napoléon, qui croyait à son étoile, c'est-à-dire à soi-même. Or, ne pas croire aux croyances communes, c'est évidemment croire à soi, et souvent à soi seul... PAUL VALÉRY, Variété III, 1936, page 220. — Croire à quelque chose dur comme fer. Y croire fermement, sans en démordre. Il [Leconte de Lisle] a cru dur comme fer à une Grèce qui n'a jamais existé que dans le cerveau de son ami [Louis Ménard] (MAURICE BARRÈS, Le Voyage de Sparte, 1906, page 4 ). b) Avoir confiance en quelque chose : Croire à l'avenir, à la révolution. Ah, messieurs! croyez à l'Assemblée de vos représentants (Le Moniteur. 1789, page 347 ). [Ils] ont cru aux dés (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 569) : Ø 13. Car il [Brichot] avait cette curiosité, cette superstition de la vie, qui unie à un certain scepticisme relatif à l'objet de leurs études, donne dans n'importe quelle profession, à certains hommes intelligents, médecins qui ne croient pas à la médecine, professeurs de lycée qui ne croient pas au thème latin, la réputation d'esprits larges, brillants, et même supérieurs. MARCEL PROUST, Du Côté de chez Swann, 1913, page 251. Ø 14.... vous êtes capable de mourir pour une idée, c'est visible à l'oeil nu. Eh bien, moi, j'en ai assez des gens qui meurent pour une idée. Je ne crois pas à l'héroïsme, je sais que c'est facile et j'ai appris que c'était meurtrier. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on vive et qu'on meure de ce qu'on aime. ALBERT CAMUS, La Peste, 1947, page 1349. — Veuillez croire à..., je vous prie de croire à... (mes amitiés, mes sentiments). Formule épistolaire de politesse. [Je] vous prie de croire, mon Général, à mes sentiments profondément et fidèlement dévoués (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, page 571 ). c) Penser qu'il peut s'agir de quelque chose; penser que quelque chose est probable. On ne peut rien dire encore (...). Je croirais à une fièvre cérébrale. L'excitation nerveuse est très intense (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Pierre Nozière, 1899, page 24) : Ø 15. On peut l'avoir poussée, certes, mais sans lui donner de coups, sans qu'elle se défende... — On ne l'a pas poussée. — Vous croyez donc à l'accident? GEORGES SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, page 62. — C'est à n'y pas croire (confer Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, 1951, page 338). C'est inouï; ceci est si peu vraisemblable qu'il semble difficile à croire. B.— [Le complément est précédé de en] Croire + en + substantif. Apporter une adhésion totale mais personnelle, en y attachant une valeur éthique qui porte l'individu à se comporter en conséquence avec confiance et amour. 1. [Le substantif désigne une personne] Croire en quelqu'un.. Avoir confiance en lui. Pour aimer la gloire, il faut faire grand cas des hommes; il faut croire en eux (PAUL VALÉRY, Tel quel I, 1941, page 34 ). Vous avez perdu confiance, vous ne croyez plus en moi, on ne croit plus en moi, c'est ce qui me tue (GEORGES BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, page 939) : Ø 16. La Ville-aux-Fayes croyait d'ailleurs en son Maire. La capacité de Gaubertin n'était pas moins prônée que sa probité, que son obligeance; il appartenait à ses parents, à ses administrés tout entier, mais à charge de revanche. HONORÉ DE BALZAC, Les Paysans, 1844-50, page 176. — Croire en Dieu. Croire à son existence et avoir beaucoup d'amour et de confiance en Lui; avoir la foi : Ø 17. À peine quelque préjugé est-il détruit par le tems, qu'on le voit remplacé par d'autres. Qu'y avons-nous gagné? Nous ne croyons plus en Dieu; mais nous croyons au diable : nous nous moquons des martyrs, et nous révérons les magiciens; nous rions des mystères, et nous redoutons les prestiges; nous jouons les esprits forts, et nous sommes des illuminés. JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Les Charlatans modernes, 1791, page 258. — Croire en soi. Être confiant en soi-même, en sa valeur, en son mérite, en ses possibilités. Mais seraient-elles [les circonstances actuelles] un obstacle insurmontable si vraiment je croyais en moi avec la foi, avec l'illusion, de jadis? (ROGER MARTIN DU GARD, Souvenirs autobiographiques, 1943, page CXXI. ). 2. [Le substantif désigne une chose] Croire en quelque chose. Avoir confiance en quelque chose : Ø 18.... le temps pendant lequel tu auras cru en quelque fausse nouvelle t'aura grandement déterminé, car elle sera travail de graine et croissance de branches. Et ensuite, même si te voilà détrompé, tu seras autrement devenu. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 855. Remarque : Noter également la forme croire dans, contraction de croire en le ou, devant un nom pluriel, croire en les. — En faire croire. Abuser de la crédulité. C.— Croire + de (confer I A 3 croire nécessaire de, croire bon de). Croire de son devoir de. S'imaginer qu'on a le devoir de. Il croyait de son devoir d'accompagner l'annonce d'un petit commentaire particulier (FRANCIS AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, page 282 ). Remarque : On rencontre dans la philosophie un emploi substantival de l'infinitif du verbe au sens de « fait de croire ». Je suis venu, disait-il [Kant] , supprimer le « savoir » pour y substituer le « croire », ce qui ne signifiait pas détruire la science, mais la situer (JEAN LACROIX, Marxisme, existentialisme, personnalisme, 1949, page 96; confer également DU BOS, Journal, 1926, page 88). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 78 833. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 116 246, b) 110 528; XXe. siècle : a) 103 369, b) 114 688. Forme dérivée du verbe "croître" croître CROÎTRE, verbe intransitif. Grandir en développant de façon progressive des qualités intrinsèques par rapport à une échelle de valeur (explicitement exprimée ou non). A.— [Le sujet désigne un être, un ensemble d'êtres ou un procès doué d'une certaine autonomie; l'action est envisagée du point de vue du sujet] 1. Augmenter, devenir plus grand (en nombre, étendue, durée, intensité, qualité, etc.). L'aube croître, et le jour tomber (CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes tragiques, 1886, page 218) : Ø 1. G. Cassel a présenté le modèle d'une économie en croissance régulière et sans changements dans les proportions entre les flux. La population croît : la production globale croît dans la même proportion que la population : FRANÇOIS PERROUX, L'Économie du XXe. siècle. 1964, page 142. 2. En particulier. a) [Le sujet désigne une personne] Grandir, passer par toutes les phases du processus vital. Que nous croissons vite (EUGÉNIE DE GUÉRIN, Lettres, 1834, page 57 ). Se reproduire, ce n'est qu'une autre manière de croître (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1922, page 445) : Ø 2. Que de gens boivent, mangent et se marient; achètent, vendent et bâtissent; ont des amis et des ennemis, des plaisirs et des peines; naissent, croissent, vivent et meurent, mais endormis! (...). Il faut, tandis qu'on croît, vivre soumis à la volonté de ses parents. Il faut, plus tard, fonder, gouverner. JOSEPH JOUBERT, Pensées, tome 1, 1824, page 226. · Expression littéraire. Ne faire que croître et embellir. On dit (...) d'une jeune personne qui devient tous les jours plus belle, qu'elle ne fait que croître et embellir (JEAN-FRANÇOIS ROLLAND, Dictionnaire du mauvais langage, 1813, page 46 ). Par extension. [À propos d'une qualité humaine] Votre santé n'aura fait que croître et s'embellir (HONORÉ DE BALZAC, Correspondance, 1828, page 348 ). · RELIGION. [Par allusion à la Genèse I, 22, etc.] Croissez et multipliez. Le peuple croît (...) à vue d'oeil, comme le fils de Gargantua, et paye (...). Le peuple croît et multiplie; se peut-il autrement? (PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, Lettres au rédacteur du "Censeur", 1819-20, page 23 ). b) [Le sujet désigne un végétal] Pousser. Jusqu'aux bords de la tombe il croît encor des roses (ALPHONSE DE LAMARTINE, Harmonies poétiques et religieuses, Âme triste, 1830, page 482 ). · Par métaphore. Voilà pourtant comment naissent et croissent les anecdotes, les biographies de salon; et puis le diable ne les déracinerait plus (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 641 ). — Expression syntagmatique. Croître en + substantif) [Le substantif exprime une qualité intrinsèque du sujet] L'homme, comme l'enfant, doit croître en liberté, à mesure qu'il croît en intelligence (Lamennais, L'Avenir, 1831, page 209 ß ).) [Le substantif exprime le résultat d'une transformation] Les pelouses avaient crû en prairies; les bassins s'étaient élargis en étangs (PIERRE LOUÿS, Aphrodite, 1896, page 69 ). Verbe + croître. Aller croissant Le commencement des difficultés qui nous attendent, et qui vont toujours croissant à mesure que l'édifice de nos connaissances s'élève et s'agrandit (ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY. Élémens d'idéologie, 3. Logique, 1805, page 309 ). Faire croître. Le temps vous fera croître et le temps vous tuera : Et, comme toute chose humaine et périssable, Votre oeuvre ira dormir dans l'ombre irrévocable! (CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes antiques, 1874, page 285 ). Laisser croître. Pour laisser croître mes moustaches et ma barbe (LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale, 1842, page 10 ). — Locution. Croître comme un champignon. Croître rapidement. Mauvaise herbe croît toujours. On dit en provençal et par plaisanterie des enfans qui croissent beaucoup, mauvaise herbe croît toujours (JEAN-FRANÇOIS ROLLAND, Dictionnaire du mauvais langage, 1813, page 46 ). B.— [L'action est envisagée du point de vue d'un agent, le plus souvent avec une notion de volume ou d'intensité] 1. Être, devenir plus grand sous l'effet de facteurs extérieurs (directement désignés ou non). Ce bruit décevant, qui croît, (...) puis continue, décroît et s'éloigne (ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Climats, 1928, page 253 ). L'huile monte par capillarité le long de rotins ou de mèches et son débit, nul au repos, croît avec la vitesse (JEAN-JACQUES CHARTROU, Pétroles naturels et artificiels, 1931, page 136) : Ø 3.... L'eau vive en murmurant filtre par mille issues, Croît, déborde, et remue en son cours diligent La mélisse odorante et les cailloux d'argent. CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes antiques, 1874 page 221. · Emploi factitif, vieux et rare (Quasi-)synonyme : accroître. Je croîtrai mon bonheur dans les cieux de celui que j'aurai pu procurer aux infortunés sur la terre (JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, page 369 ). 2. Exister, être produit. Ses vaisseaux alloient lui chercher le produit crû des terres plus fécondes (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Essai sur la littérature anglaise, tome 1, 1797, page 312 ). L'homme n'apporte rien en épousant Rien, sinon sa force, ses bras et son coeur. Il est celui par qui le pain croît (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, page 65 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 881. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 4 270, b) 2 453; XXe. siècle : a) 2 049, b) 1 808.