Définition du mot: ALLUSION, substantif féminin.

Définition du mot: ALLUSION, substantif féminin. A.— RHÉTORIQUE. Figure par laquelle certains mots ou tournures éveillent dans l'esprit l'idée d'une personne ou d'un fait dont on ne parle pas expressément : Ø 1. Le poète prend sur les mots, pour son mouvement, un appui très léger qu'exprimerait le mieux, en lui donnant tout son sens étymologique, le terme d'allusion. ALBERT THIBAUDET, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours, 1789 à nos jours, 1936, page 556. Ø 2. S'il arrive souvent que l'intention soit indubitable et la signification claire sous un voile transparent, plus souvent encore il ne s'agit que d'une proposition obscure, d'un trait furtif, d'un dessin inachevé, d'une allusion, d'une analogie, d'une suggestion, parfois moins que cela, d'un mot, comme celui que se passent les initiés, d'un reflet, d'une intonation, mais qui suffit à faire tressaillir le coeur fidèle. PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix, 1938, page 205. Ø 3.... on y sent, enfin, cette fluidité dans la composition, dans le style, ce halo provenant de ce que toute chose y est image, symbole, allusion, cette qualité musicale par laquelle Jean-Paul est l'initiateur inégalé de la poésie romantique. Ces rêves ne diffèrent entre eux que par un fil conducteur, tendu à travers l'invariable paysage. ALBERT BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve, 1939, page 183. — Spécialement, vieilli : Ø 4. On distingue les allusions en historiques, quand elles rappellent un trait d'histoire; mythologiques, si elles sont fondées sur un point de la fable; nominales, si elles reposent sur un nom; verbales, si elles consistent dans le mot seulement, c'est-à-dire dans une équivoque. Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ) 1873. Remarque : DICTIONNAIRE DE POÉTIQUE ET DE RHÉTORIQUE (HENRI MORIER) 1961 classe l'allusion en quatre grandes catégories : I L'allusion de circonstance, liant deux circonstances conjointes. II L'allusion de transfert " qui nous fait passer d'un milieu à un autre, le domaine second servant de relais au rapport allusif ". III L'allusion formelle qui " établit entre la chose dite et la chose suggérée, un rapport de forme ". IV L'allusion symbolique " Tout symbole est une allusion. " — Vieux. Allusion de mots. " Jeu de mots. " (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). B.— Par extension, dans la langue courant. 1. Sans nuance péjorative. Parler par allusion, glisser, comprendre, saisir une — ; par allusion à : Ø 5. L'autre continuait à parler culture, bestiaux, engrais, bouchant avec des phrases banales tous les interstices où pouvait se glisser une allusion. GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 2, 1857, page 207. Ø 6. Les deux autres fils allaient aussi se marier; leurs fiancées étaient là, arrivées seulement pour le repas; et les invités ne cessaient de lancer des allusions à toutes les générations futures que promettaient ces unions. GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Le Baptême, 1884, page 47. Ø 7. Ces dames s'étaient levées et se retiraient. À la porte seulement, la comtesse se permit une allusion directe à la grande affaire dont on ne parlait pas. ÉMILE ZOLA, L'Argent, 1891, page 133. · Faire allusion à (quelqu'un ou quelque chose). Évoquer indirectement quelqu'un ou quelque chose; faire (une rapide) mention de : Ø 8. Elle lui écrivit, sous prétexte d'un renseignement musical que nul autre ne pouvait lui fournir; et, à la fin de la lettre, elle faisait une allusion amicale à la rareté de ses visites et au plaisir qu'on aurait à le voir. ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 432. Ø 9. À cause de la présence de Jacques, qu'il convenait de laisser dans l'ignorance, il ne fut fait aucune allusion à Maurice de tout le repas qui fut morne désespérément... MARCEL AYMÉ, Le Boeuf clandestin, 1939, page 141. Ø 10. Je ne sais pas à quoi vous faites allusion, papa. VIRELADE. — Tu es sûre de n'avoir rien à me confier mon enfant? MARIANNE. — Mais non! À quel propos? Je n'ai pas de secret... FRANÇOIS MAURIAC, Les Mal aimés, 1945, I, 5, pages 180-181. Ø 11. Il est vrai que les époques de mysticisme auxquelles vous faites allusion s'accommodaient mieux que la nôtre d'un vocabulaire instable... MARCEL AYMÉ, Le Confort intellectuel, 1949, page 44. Remarque : Syntagmes allusion amicale, claire, délicate, évidente, fine, flatteuse, heureuse, ingénieuse, juste, naturelle, personnelle, transparente. — Rare, plaisant. Pincer la corde de l'allusion. Parler par allusions légères : Ø 12.... il déployait des trésors d'ironie, pinçait la corde de l'allusion, parlait de missions et de missionnaires. Il raillait... GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Train de 8 h 47, 1883, 3e. partie, 3, page 239. 2. Avec une nuance péjorative, généralement au pluriel. Évocation, sur le ton du soupçon ou du reproche, d'une réalité qu'on ne veut pas exprimer formellement. Synonyme : insinuation(s) : Ø 13. Le ton de cette conversation était souvent aigre et blessant de sa part vis-à-vis de notre mère. C'étaient des leçons, des allusions, des insinuations, des reproches, des ironies amères et provocantes sur les plus futiles sujets... ALPHONSE DE LAMARTINE, Nouvelles Confidences, 1851, page 71. Ø 14. Cependant, peu à peu, les choses marchant avec trop de lenteur, la bande finit par s'impatienter. Les aigreurs de Du Poizat l'emportèrent. On ne reprocha pas nettement à Rougon tout ce qu'on faisait pour lui; mais on le larda d'allusions, de mots amers à double entente. ÉMILE ZOLA, Son Excellence Eugène Rougon, 1876, page 191. Ø 15.... il n'en faut pas tant pour qu'on potine autour d'elle sans bonté. Elle [Marthe] le sait, court au-devant des allusions, empoigne les amies perfides et les secoue avec l'entrain et la tenacité d'un bon ratier. GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine s'en va, 1903, page 24. Ø 16. En vérité, je le rabâche, cette harangue si candidement écoutée par l'auditoire était un chef-d'oeuvre; jamais personne à ma connaissance n'a manipulé avec une telle dextérité les toxines de l'allusion, de l'insinuation, de la malveillance. ALEXANDRE ARNOUX, Les Crimes innocents. 1952, page 49. Remarque : Syntagmes allusion blessante, cruelle, équivoque, fausse, froide, injurieuse, insipide, offensante, outrageante. C.— Au figuré, par spécialisation des emplois A et B 1 dans divers domaines : psychologie, philosophie, psychanalyse, etc. : Ø 17. Psychologiquement (et par suite d'une propriété inhérente à la construction de nos sens, ainsi qu'on l'a expliqué), l'étendue est pour nous l'objet d'une intuition immédiate, d'une représentation directe; il faut l'artifice des allusions et des signes pour que la durée devienne l'objet de notre intuition. Nous imaginons l'étendue avec le concours des images sensibles qui s'y associent naturellement... AUGUSTIN COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, 1851, page 217. Ø 18. D'autres donnaient à tous les objets des significations infinies qui supposaient une métaphysique cachée! Ils usaient d'un délicieux matériel ambigu. Ils peuplaient leurs parcs enchantés et leurs sylves évanescentes d'une faune toute idéale. Chaque chose était allusion; rien ne se bornait à être; tout pensait, dans ces royaumes ornés de miroirs; ou, du moins tout semblait penser... ailleurs, quelques magiciens plus volontaires et plus raisonneurs s'attaquaient à l'antique prosodie. PAUL VALÉRY, Variété I, 1924, page 107. Ø 19. Le rêve procède par allusions. C'est un mécanisme de substitution propre à la logique de l'irrationnel. MARYSE CHOISY, Qu'est-ce que la psychanalyse? 1950, page 163. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 792. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 916, b) 2 278; XXe. siècle : a) 3 102, b) 3 752.