Définition du mot: ALLÉGER, verbe transitif.

Définition du mot: ALLÉGER, verbe transitif. I.— Emploi transitif. A.— Alléger quelque chose ou quelqu'un. 1. [Le complément désigne une chose matérielle] a) Rendre plus léger, moins lourd. Alléger un fardeau, alléger le poids de quelque chose : Ø 1. La guerre de Russie, c'est le navire battu de l'orage qui jette à l'eau sa cargaison pour alléger son lest. Le czar, c'est le capitaine; les ballots qu'on submerge, c'est le peuple, le navire qu'on sauve, c'est la politique du souverain. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 2, 1855, page 399. — Par métaphore : Ø 2. Je voudrais alléger en le partageant ce funeste poids qui presse habituellement votre âme. Du moins ne l'aggravez pas, en y ajoutant celui de mille réflexions qu'on peut toujours, à un certain point, écarter lorsqu'elles se présentent. FÉLICITÉ-ROBERT DE LAMENNAIS, Lettres inédites... à la baronne Cottu, 1834, page 272. Ø 3. Allé chez Mme. de L. R., avec laquelle j'ai causé intimement et de manière à m'alléger l'infâme poids d'ennui et de tristesse que je me sentais sur le coeur... JULES BARBEY D'AUREVILLY, Deuxième memorandum, 1839, page 395. b) Emplois spéciaux. AGRICULTURE. Alléger un sol, une terre, un terrain. Les rendre moins compacts, les ameublir : Ø 4. On emploie pour le binage des carrés d'asperges, la grande cesfouette. On fait pénétrer la lame de 6 à 8 centimètres dans la terre hors de la portée des racines, pour l'alléger, et dans leur voisinage pour couper les mauvaises herbes, et avec le crochet, qui ne coupe pas les racines, on ameublit le sol à une profondeur de 4 à 5 centimètres. ALFRED GRESSENT, Le Potager moderne, traité complet de la culture des légumes, 1863, page 637. — ÉQUITATION. [Le sujet désigne le cavalier] Alléger un cheval. Diminuer le poids de sa charge sur le devant en portant le poids du corps en arrière, rênes tendues, pour lui permettre d'aborder plus facilement le terrain. Remarque : 1. Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle ainsi que dans Grand Larousse encyclopédique en dix volumes et Dictionnaire encyclopédique Quillet 1965. 2. Noter, dans ce sens également, les termes allégir et allégérir. — MARINE. Alléger un câble, un grelin, une chaîne. Les soulever au-dessus d'un fond dangereux en diminuant leur pesanteur au moyen de cordes dont une extrémité est fixée au câble, au grelin, ou à la chaîne et dont l'autre extrémité est munie d'un corps flottant. Remarque : Attesté dans GLOSSAIRE NAUTIQUE (AUGUSTIN JAL) 1848 et GLOSSAIRE DES TERMES DE MARINE (JULIEN LE CLÈRE) 1960. · Alléger un cordage, par extension alléger une manoeuvre. Diminuer la tension du cordage pour faciliter son glissement dans la poulie. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle ainsi que dans Grand Larousse encyclopédique en dix volumes et Dictionnaire encyclopédique Quillet 1965. · Alléger un bateau. Le débarrasser en partie de sa charge en diminuant le poids de sa cargaison pour lui permettre de naviguer plus rapidement ou plus sûrement (au passage d'une barre par exemple) ou pour faciliter son déséchouement : Ø 5. Reïs-Ibrahim remit donc aux reïs des cataractes le commandement de la cange qu'on avait eu soin d'alléger en enlevant le lest et tous les objets pesants qui la chargeaient. MAXIME DU CAMP, Le Nil, Égypte et Nubie, 1854, page 121. — SALINES. Alléger une table. " Alléger une table, vider les tables salantes (ou cristallisoirs), soit partiellement des eaux de pluie, en cas de précipitations atmosphériques, soit totalement des eaux concentrées, pour mettre le sel à nu et permettre la récolte. (Dans l'Ouest, on dit allégir). " (Grand Larousse encyclopédique en dix volumes). — TECHNOLOGIE. [S'emploie dans plusieurs corps de métiers et notamment à propos de pièces de bois dans la langue de la menuiserie, ou à propos de pièces de métal] Diminuer sur toutes ses dimensions le volume d'un corps (par le rabot, la lime, etc.), le rendre plus léger, l'amenuiser : Ø 6. On allège une planche, une table, une porte, un châssis, etc. Dictionnaire de technologie (A. DE CHESNEL) 1857. c) BEAUX-ARTS, LITTÉRATURE. — GRAVURE. [En taille douce] Alléger la main. Buriner d'une main plus légère, sans trop peser sur l'outil, de manière à tracer des traits ou hachures moins prononcés à cet endroit. Remarque : Attesté dans Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse), DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE (ÉMILE LITTRÉ), DICTIONNAIRE DES DICTIONNAIRES (SOUS LA DIRECTION DE PAUL GUÉRIN) 1892 et Nouveau Larousse illustré. — MUSIQUE. Alléger l'attaque des doigts. La modérer, la rendre moins brutale, plus légère : Ø 7. Le travail (...) consistera (...) à alléger l'attaque des doigts inférieurs... ALFRED CORTOT, Douze études pour piano, opus 25, de Frédéric Chopin. 1917, page 73. — PEINTURE. Diminuer l'épaisseur de la pâte : Ø 8. Nous verrons que, jusqu'au soir de sa vie, le Greco demeurera fidèle à cette technique crétoise qui allège et aère sa pâte. RAYMOND ESCHOLIER, Greco, 1937, page 12. — En particulier. [L'objet désigne une oeuvre] Diminuer la matière, le contenu : Ø 9. Je n'en suis pas moins à votre service pour offrir votre manuscrit à un journal ou à un éditeur, quand vous aurez un peu allégé les vingt premières pages, qui n'entrent pas assez vite en matière. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Correspondance, tome 6, 1812-1876, page 392. Ø 10. Le coloris de Manet est tel qu'il eût allégé, stylisé les sujets les plus lourds, tout en restant littéral et en n'arrangeant pas. CAMILLE MAUCLAIR, Les Maîtres de l'impressionnisme, 1904, page 128. 2. [Le complément désigne une charge matérielle ou morale qui pèse sur une personne] a) [Une charge matérielle] Alléger les charges de quelqu'un : Ø 11. L'assemblée fut atterrée par cette conclusion, plus encore que par la peinture des désordres où achevaient de sombrer les finances. Venue pour porter remède au déficit et pour alléger les impôts, elle se trouvait devant un déficit agrandi et devant la nécessité de créer un impôt plus lourd que tous ceux qui existaient avant elle. JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 2, 1924, pages 36-37. b) [Une charge morale] Alléger l'angoisse, la douleur de quelqu'un : Ø 12. — Monsieur, je vous remercie de l'intérêt que vous prenez à ma santé, lui répondait-elle quand il lui avait fait la plus banale des demandes; mais si vous voulez rendre mes derniers moments moins amers et alléger mes douleurs, rendez vos bonnes grâces à notre fille; montrez-vous chrétien, époux et père. En entendant ces mots, Grandet s'asseyait près du lit et agissait comme un homme, qui, voyant venir une averse, se met tranquillement à l'abri sous une porte cochère : il écoutait silencieusement sa femme, et ne répondait rien. HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1834, pages 205-206. 3. Rare, littéraire. [Le complément désigne une personne] Rendre léger, dispos (au physique et au moral) : Ø 13.... la chaleur du jour ne pèse point sur ceux que la joie allège,... RODOLPHE TOEPFFER, Nouvelles genevoises, 1839, page 199. Ø 14. L'homme qui a son secret ne tient pas tout entier dans son corps, ni dans la minute présente; il est ailleurs (...) Allégé par son mystère, il pèse moins lourdement sur le présent, son être est moins oppressant.. JEAN-PAUL SARTRE, Baudelaire, 1947, page 206. B.— Alléger quelqu'un ou quelque chose de quelque chose. Soulager (un être, une chose) d'une partie ou de la totalité de la charge qui pèse sur lui. 1. [En parlant d'une charge matérielle] : Ø 15. C'est là que Maxence se proposait d'organiser sa troupe, afin qu'elle fût bien sabrante et bien volante, allégée de tout ce qui est commodité matérielle, lourde seulement des vertus qu'il voulait à des gens de guerre... ERNEST PSICHARI, Le Voyage du centurion, 1914, page 14. — En particulier. FINANCES : Ø 16. Or, à mesure que la démocratie et le prolétariat accroîtront leur influence sur l'état moderne, ils accroîtront par là même leur influence et leurs prises sur le budget de l'état moderne transformé. Ils en réduiront le plus possible les dépenses de classe, pour développer les dépenses d'intérêt commun, et pour tourner à l'émancipation de la classe ouvrière une part croissante des ressources publiques. L'effort principal évidemment sera d'alléger le budget du poids de la dette dont il est grevé au profit de la bourgeoisie rentière et du terrible poids des dépenses militaires. JEAN JAURÈS, Études socialistes, 1901, pages 178-179. — Par ironie. Alléger quelqu'un de sa bourse, de ses billets de banque, etc. Les lui dérober, les lui soustraire. Synonyme : soulager... Remarque : Familier selon Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932. 2. Au figuré, littéraire. Alléger quelqu'un de quelque chose. Le soulager, le libérer en partie de ce qui pèse sur lui : Ø 17. J'ai trouvé Jeanne tout heureuse (...) Mademoiselle Préfère l'avait affranchie du règlement et allégée de divers travaux. ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1881, page 213. Ø 18.... ce passé (...) qui nous charge dès notre naissance et dont rien ne saurait nous alléger que par effraction. ALEXANDRE ARNOUX, Visite à Mathusalem. 1961, page 13. II.— Emploi pronominal. A.— [Le sujet désigne une chose] Devenir plus léger, moins lourd, en se débarrassant de quelque chose ou de quelqu'un. 1. [Une chose matérielle] : Ø 19. Dix-huit contrebandiers, chargés chacun d'un sac de poudre de Berne, passaient par là. Le dernier en rang s'aperçut que son sac s'allégeait sensiblement, et il était déjà tout disposé à s'en féliciter, lorsqu'il vint à se douter ingénieusement que l'allégement avait peut-être lieu aux dépens de la charge. Ce n'était que trop vrai : une longue traînée de poudre se voyait sur la trace qu'il avait suivie. C'était une perte, mais surtout c'était un indice qui pouvait trahir la marche de la troupe et compromettre ses destinées. RODOLPHE TOEPFFER, Nouvelles genevoises, 1839, pages 362-363. Ø 20.... et, soudain, la voiture, au lieu de virer vers la gauche, se dirigea vers la droite, piqua dans le petit fossé, monta sur le talus, s'allégea, d'un coup de rein, de ses trois passagers et fonça vers la muraille. GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Vue de la Terre promise, 1934, page 87. — AÉRONAUTIQUE. [Le sujet désigne un appareil en vol] Se soustraire en partie à la loi de la pesanteur : Ø 21. — Depuis les dernières modifications le poids de la machine est monté à 1 100 grammes environ, sans compter le poids de l'air comprimé; elle s'allège donc en volant à peu près des trois quarts de son poids. VICTOR TATIN, L'Aéronaute, mars 1877, page 88 (LOUIS GUILBERT La formation du vocabulaire de l'aviation 1965 ). — AGRICULTURE. [Le sujet désigne une terre lourde] Devenir moins lourd, moins pénible à remuer, à labourer : Ø 22. [Mathieu :] — (...) la qualité des terres a encore gagné par la récente méthode de culture, l'humus des anciens marais s'est allégé sous la charrue... ÉMILE ZOLA, Fécondité, 1899, page 700. 2. [Une oeuvre artistique, littéraire, etc.] Devenir moins lourd, gagner en légèreté; s'épurer : Ø 23. En avançant pourtant et à force d'écrire, sa phrase [de Bayle] , si riche d'ailleurs de gallicismes, ne laissa pas de se former; elle s'épura, s'allégea beaucoup, et souvent même se troussa fort lestement. CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Portraits littéraires, tome 1, 1844-1864, page 374. B.— Rare. [Le sujet désigne une personne ou la sensibilité d'une personne] 1. Devenir moins pesant, moins pénible à supporter : Ø 24. Et l'immense douleur qui pesait sur l'âme du vieux, depuis que Pierre était parti, s'allégea un peu, faisant place à une sorte de satisfaction triste, quand il revit le coin de terre où il avait vécu. ÉMILE MOSELLY, Terres lorraines, 1907, page 267. Ø 25. J'avais gravi la première marche de l'escalier de bois, pesamment; à chacune des autres je m'allégeais... ALEXANDRE ARNOUX, Zulma, l'infidèle. 1960, page 68. — S'affaiblir, se consumer : Ø 26. Tout phtisique est un suicidé conscient : il aime s'user, s'alléger. CAMILLE MAUCLAIR, De Watteau à Whistler, 1905, page 12. 2. S'alléger de quelque chose. Se décharger, se libérer tant soit peu de ce qui pèse sur soi : Ø 27.... il se jeta à genoux, cacha sa figure dans la robe de sa mère; et, sans dire un mot, il pleura. Alors, elle comprit qu'il restait; et son coeur s'allégea d'une angoisse mortelle; — mais aussitôt, le remords y entra : car elle sentit tout ce que son fils lui sacrifiait;... ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 605. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 470. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 477, b) 523; XXe. siècle : a) 706, b) 884.