Définition: CENT1, adjectif et substantif.

Définition: CENT1, adjectif et substantif. I.— Emplois comme adjectif. A.— Adjectif numéral cardinal. Dix fois dix. Pièce de cent sous; la guerre de Cent Ans : Ø 1. « Vous n'auriez pas de la monnaie? » — « de? » — « de mille francs. » (...) Si vous pouviez me donner dix billets de cent francs? ou vingt de cinquante? ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, page 866. Remarque : Dans la documentation, on trouve beaucoup plus fréquemment onze cent(s) ... seize cent(s) que mil (le) cent ... mil (le) six cent(s) (environ 95 % contre 5 %). Pour dix-sept cent(s) ... dix-neuf cent(s) et mil (le) sept cent(s) ... mil (le) neuf cent(s), la différence est moins sensible (environ 70 % et 30 %). Il semble qu'il en soit de même dans la langue parlée. — [Avec ellipse du substantif déterminé] : Ø 2. Convoqués en hâte, les truands et les reîtres me tiraient d'embarras : ils se jetaient sur nous, cent contre un; j'en tuais quatre-vingt-dix, les dix autres enlevaient la comtesse. JEAN-PAUL SARTRE, Les Mots, 1964, page 104. — [Avec ellipse du substantif déterminant] Quand donc te casseras-tu la gueule sur ta cent-chevaux? (VALÉRY LARBAUD, A. O. Barnabooth, 1913, page 226 ). Lavelongue piquait un cent mètres (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 166 ). Sur une chaise, le menton sur le dossier, se tenait un véritable cent-kilos (ELSA TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, page 367 ). B.— Par extension. Un grand nombre (confer mille, trente-six). Cent et cent fois; il y a cent possibilités. La Discorde aux cent voix (VICTOR HUGO, Odes et ballades, 1828, page 253 ). lorsque règne l'opinion aux cent bouches, qui n' est que du bruit, sans aucune pensée. (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1921, page 237 ). O donnez-moi la foi très forte, que je croie Devoir souffrir cent morts s'il plaît à vos desseins (PAUL VERLAINE, Amour, 1888, page 8) : Ø 3.... il y a cent hommes de sens et de jugement infiniment supérieurs aux membres actuels du conseil, et qui conduiroient cent fois mieux la monarchie. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Polémique, 1818-27, page 462. SYNTAXE : Être aux cent coups*; faire les cent, les cent dix-neuf, les quatre cents coups*; faire les cent pas*; mal des cinq cents diables*. · Vieilli. Cent et un. Ma brochure (...) vaut pour la pensée cent et une fois plus que celle de M. de Chateaubriand (ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale. 1831, page 234 ). Remarque : À part cet emploi, un n'est pas relié à cent par et. · Familier. Cent sept ans. Très longtemps. Attendre cent sept ans. J'en aurais, si je m'écoutais, pour cent sept ans de laïus (JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, page 325 ). — [Avec ellipse du substantif] Je ne sais ce qui me retient de la planter là. (...) une de perdue, cent de retrouvées (HENRI DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, page 1035 ). SYNTAXE : En un mot* comme en cent; donner* en cent; il y a cent à parier; parier cent contre un. C.— Par ellipse du substantif numéro [Adjectif numéral avec valeur d'ordinal, déterminant un élément d'un ensemble numéroté] (confer centième). Page cent (= page no. 100). · Populaire. Le numéro cent, le cent. Les lieux d'aisances marqués du chiffre 100 (ou de deux zéros) à la campagne, dans les auberges. Remarque : Attesté dans Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse), Grand Larousse encyclopédique en dix volumes, DICTIONNAIRE DES DICTIONNAIRES (SOUS LA DIRECTION DE PAUL GUÉRIN) 1892, DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT. · Argot militaire. Fêter le père cent. Fêter le centième jour avant la libération (confer fêter le Père Noël). Tu te souviens du jour qu'on a cassé la gueule au père cent... Trente litres pour huit! C'qu'on était pleins (ROLAND LECALELÉ, DIT ROLAND DORGELÈS, Les Croix de bois, 1919, page 243 ). II.— Emplois substantivés. A.— Le nombre cent. Deux fois cinquante égale cent; cent en chiffres arabes (100), en chiffres romains (C). Il croise les bras, ferme les yeux, compte jusqu'à cent pour s'obliger au calme (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 691 ). B.— Pour cent. [Précédé d'un nombre cardinal, indique que le rapport entre deux grandeurs dénombrables est exprimé par une fraction ayant cent pour dénominateur] Pour cent unités. Abréviation % (confer pourcentage). Augmentation de six pour cent; taux d'intérêt de trois pour cent par an. L'année passée, notre perte a été de quatre pour cent de nos recettes brutes (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lamiel, 1842, page 185 ). Vauban recommandait la « dîme royale », c'est-à-dire un impôt de dix pour cent sur tous les revenus (JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 1, 1924, page 261 ). Dans la région, 33 pour cent des réfractaires sont dans les maquis (ELSA TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945 page 359) : Ø 4.... 46 pour cent du monde dit libre disposent de 2 000 calories par jour, soit 20 pour cent de moins que le minimum F.A.O. (2 550). FRANÇOIS PERROUX, L'Économie du XXe. siècle. 1964, page 350. 1. Cent pour cent. Le double : Ø 5. Ces dix pauvres mille francs grossissaient, s'élargissaient, avec la prospérité de la compagnie. Dès 1820, ils rapportaient cent pour cent, dix mille francs. ÉMILE ZOLA, Germinal, 1885, page 1198. — Par extension, familier. [Emploi adverbe, rarement adjectif] a) Vieilli. Beaucoup, considérablement. Vous avez gagné (...) cent pour cent dans mon esprit et encore plus dans mon faible coeur (PROSPER MÉRIMÉE, Lettres à la duchesse de Castiglione-Colonna, 1870, page 50 ). Quelques-uns de mes dessins du XVIIIe. siècle encadrés, auxquels l'or du cadre et le luisant du verre font gagner cent pour cent (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, 1896, page 919 ). b) Entièrement, totalement. Français cent pour cent (ANDRÉ LHOTE, Peinture d'abord, 1942, page 42 ). L'artiste (...) est d'accord cent pour cent (...) je vois dans son acceptation cent pour cent une sorte d'attachement (JEAN GIONO, Les Grands chemins, 1951, page 201 ). Il est cent pour cent pour Volange (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 458 ). Remarque : Le Bon Usage (Maurice Grevisse) 1969 (§ 841) cite deux exemples de à cent pour cent : " Et ainsi " taximètre " redevint hellénique à cent pour cent " (A. Thérive, Clinique du langage, [Grasset, 1956] , page 100). — Il est sûr du succès à cent pour cent (A. François-Poncet dans le Figaro littérature, 15 octobre 1960). " 2. Par métonymie. a) Tant pour cent. Pourcentage (confer guelte). Calculer le tant pour cent des vendeurs (ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, page 710 ). J'ai un tant pour cent sur les commandes que j'apporte (ÉDOUARD BOURDET, Le Sexe faible, 1931, page 442 ). b) Taux d'un emprunt, d'une rente. Remplacer les rentes à 5 pour cent par des rentes à 4 et demi pour cent (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 3, 1848, page 239 ). Le taux s'avilit, (...) le cinq pour cent normal n'est plus atteint (ÉMILE ZOLA, L'Argent, 1891, page 306) : Ø 6. Gobseck est banquier comme le bourreau de Paris est médecin. Son premier mot est le cinquante pour cent; il est de l'école d'Harpagon :... HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, 1837, page 317. Remarque : Dans cet emploi, pour cent est parfois omis. Quant aux autres quarante mille, il a la faculté de te les payer six mois après le premier payement, intérêt à cinq (Edmond et JULES DE GONCOURT, Charles Demailly, 1860, page 364). — Par métonymie. Rente. Il vous plaira placer ces fonds, moitié en trois pour cent anglais, moitié en actions du Crédit Mobilier (EDMOND ABOUT, Le Roi des montagnes, 1857, page 86) : Ø 7. En bourse, une panique subite avait fait tomber le 3 pour cent français à 80, et même, un moment, à 78 francs. Depuis 1871, jamais la rente n'avait connu un cours aussi bas. ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 279. 3. Par extension. [Le déterminé n'est pas une grandeur dénombrable] L'esprit et le génie perdent vingt-cinq pour cent de leur valeur, en débarquant en Angleterre (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le Noir, 1830, page 277 ). « Veragua, sa rocaille de Castille ne peut nourrir que des bêtes ayant soixante-quinze pour cent d'arabe... » (HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires, 1926, page 430 ). Vingt pour cent de vérité, quatre-vingts pour cent d'induction (JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, page 226) : Ø 8. Il ne pouvait se dissimuler (...) que dans sa vocation ecclésiastique, il entrait cinquante, soyons francs, soixante pour cent du désir de prêcher, de diriger les âmes, de faire en un mot les gestes du prêtre, plutôt que d'être profondément un prêtre. LOUIS ARAGON, Les Beaux-quartiers, 1936, page 66. Remarque : 1. Précédé d'un nombre cardinal autre que un, pour cent est généralement au pluriel dans les emplois autres que métonymiques (confer Elsa Triolet, opere citato, page 359 et exemple 4), mais on trouve quelques emplois au singulier Lazare, sortant du tombeau, dut avoir lui aussi son dix pour cent de non-bonheur (Henri de Montherlant, Les Lépreuses, 1939, page 1503). Le curé nous dit que dix pour cent de la population assiste à la messe (Julien Green, Journal, 1956, page 1226). 2. Dans la langue familière, pour cent est parfois précédé de l'article partitif. J'allais perdre du 15 à du 25 pour cent en ne les changeant pas à Rio [des billets de banque] (Blaise Cendrars, Bourlinguer, 1948, page 41). Un maître maçon (...) qui bâtit des maisons à vil prix pour y fourrer ses concitoyens et se faire ainsi du vingt pour cent (Léon Bloy, Journal, 1899, page 290). 3. On trouve parfois du cent qui est vieilli et populaire Vous ne pouvez me faire cinq du cent en sus de la remise ordinaire? (Anatole France, Pierre Nozière, 1899, page 136). 4. Confer également les tournures suivantes : Notre presse est le reflet de nous-mêmes que nous proposons chaque matin à des gens dont quarante sur cent considèrent que nous sommes une nation finie (François Mauriac, Le Baîllon dénoué, 1945, page 416). Sur cent personnes qui meurent de la poitrine, quatre-vingt-dix ont les cheveux bruns (Jean-Antelme Brillat-Savarin, physiologie du goût, 1825, page 221). Pour cent enfants il n'y avait pas vingt grandes personnes (Valéry Larbaud, Journal, 1934, page 294). Un insecte sur cent parvient aux noces (André Gide, Le Feuillets d'automne, 1949, page 1086). C.— Par métonymie. Ensemble de cent unités, centaine. Un cent de clous, d'oeufs. Je couds des épaulettes, six sous le cent (LÉON FRAPIÉ, La Maternelle, 1904, page 117) : Ø 9.... il s'élança vers une papeterie de la rue Médicis où il se souvenait d'avoir vu, à la devanture, promettre des cartes de visite à la minute, à trois francs le cent. ANDRÉ GIDE, Les Caves du Vatican, 1914, page 722. 1. Spécialement. a) Vieilli. Un cent (pesant). Un quintal. Papa te prie d'acheter (...) un cent de bon trèfle ou de luzerne pour sa jument (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1845, page 195 ). b) JEUX. Partie de cent points. Faire un cent de piquet après dîner (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Charles Demailly, 1860, page 309 ). Jouer un cent de dominos (GUSTAVE FLAUBERT, Bouvard et Pécuchet, tome 2, 1880, page 34 ). 2. Par extension. Ensemble d'environ cent unités, un grand nombre. Des cents et des milliers d'années (ALPHONSE DE LAMARTINE, La Chute d'un ange, 1838, page 824 ). Séparés par plusieurs cents mètres d'intervalle (EUGÈNE FROMENTIN, Dominique, 1863, page 5 ). Une fontaine, où s'écrasaient un cent de soldats (RENÉ BENJAMIN, Gaspard, 1915, page 69 ). Un cent de beaux vers politiques (ANDRÉ SUARÈS, Le Voyage du Condottière, tome 3, 1932, page 21 ). Remarque : Dans cet emploi, on trouve beaucoup plus fréquemment centaine. — Familier. Des mille et des cents. Beaucoup, une grande somme. Gagner des mille et des cents. Une magnifique opération de carambouillage qui nous rapporterait des mille et des cents (BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 71 ). D.— Par extension. [À valeur ordinale; désigne un élément d'un ensemble numéroté] Habiter au cent de la rue. Miser sur le cent. Remarque : Langues centum. " Langues indo-européennes du groupe occidental : grec, italique, celtique, germanique... dans lesquelles la gutturale palatale ancienne est représentée par une occlusive (k), ainsi à l'initiale du mot latin centum = cent " (Lexique de la terminologie religieuse (JULES MAROUZEAU) 1933, page 45).