crucifix sur un pont d'Abbeville, le chevalier de La Barre,
Publié le 06/01/2014
Extrait du document
«
Par
ailleurs, onl’adit, Voltaire enaconnu d’autres.
Onpourrait s’amuser àsuivre latrace detoutes lesattaques
dont ila fait l’objet deson vivant etdepuis samort, etconstater àquel point elles’adapte auxpréoccupations de
l’époque.
Danslemanuel d’histoire deFrance deSegond, diffuséàdes milliers d’exemplaires audébut du
xx e
siècle, l’auteur s’offusque d’aborddeceque ce« brillant touche-à-tout fitun mauvais usagedeson génie en
s’attaquant àla religion chrétienne ».
Ilajoute ensuite : « Onnepeut oublier enfinqu’ileutletriste courage
d’applaudir auxvictoires deFrédéric II surlaFrance. » Lepoint estexact, ille fit.
Au xviii e
siècle, onconsidère
encore lescampagnes militairescommedenos jours lesmatchs defootball, onsesent ledroit d’être d’uncamp
ou d’un autre, lenationalisme absoluduxixe
siècle n’estpasné,etVoltaire parailleurs n’estjamais enretard d’un
compliment àtous ceux dont ilcherche laprotection.
Oncomprend l’intérêtdebalancer l’anecdote àla veille de
1914 : c’était unmauvais Français ! Aujourd’hui, toutlemonde s’enfout bien.
Onadonc changé d’accusation.
Cela
la rend-elle plusjuste ?
Soyons clair.Aucune critique n’estinterdite contrequiconque.
Lesphilosophes ontsouffert dansleurchair deslois
réprimant leblasphème.
Onnevapas lesrétablir pourpunir ceuxquiblasphèment lesphilosophes.
Enoutre, ilya
tant devraies critiques àfaire desLumières.
Laplupart despenseurs luttaientpourleslibertés individuelles, de
pensée, decroire, maisquand ilsse sont piqués des’engager danslapolitique deleur temps, ilsse sont bien
trompés.
Catherine II deRussie pouvait fairecroire àson ami Diderot àquel point ilinspirait sonaction, ellea
écrasé laRussie comme touslesautres avantelle.Voltaire, dansunrôle fantasmé deconseiller suprêmedeson
cher Fréderic, chezquiilvivait àBerlin, s’estcrul’Aristote d’unnouvel Alexandre leGrand.
Iln’a été que le
courtisan d’unroiautoritaire.
Aucunn’ajamais voulucomprendre qu’undespote éclairéestd’abord undespote.
Nul d’entre euxn’avraiment aimélepeuple, nicompris sesaspirations àla démocratie.
« Jenesaurais souffrir,
disait Voltaire, quemon perruquier soitlégislateur. » Enfin,enprétendant débarrasser l’hommedelatutelle
religieuse, cesiècle nousavendu unepensée religieuse elleaussi, parbien desaspects.
Songezàcette grande
invention d’AdamSmithetdes économistes d’alors,quiesttoujours undogme aujourd’hui delapensée libérale :
on peut laisser sedéfouler lesintérêts privésenlibérant totalement lemarché ducommerce etde l’industrie parce
qu’une « maininvisible » lerend vertueux parnature.
Remplacez lamain parlaProvidence, c’estduBossuet.
Que diredelanotion deprogrès, imposée parcette époque, l’idéed’uncontinuum quimène forcément
l’humanité versunmieux toujours etfinira dansl’apothéose etlebonheur éternel ? Onsecroirait danslaBible.
Le
xx e
siècle, avecsesguerres, seshorreurs, nousaappris qu’aucun progrèsn’estjamais continu, etque certains
ratés peuvent êtredesdésastres.
Revenons àce point : Volaire seraitdoncantisémite.
Qu’enest-ilexactement ? Unechose estsûre : àmaintes
reprises, Voltaireaécrit deschoses surlesJuifs quinous heurtent profondément : « lepeuple leplus abominable
de laterre » n’estpaslapire.
Onasouvent expliqué cetteanimosité tenaceparsahaine ducatholicisme : en
tapant surlepeuple del’Ancien Testament, ilfrappait àla source, enquelque sorte.Onpeut faireun
raisonnement parallèleavecsesécrits contre lesmusulmans.
Sapièce Mahomet
oulefanatisme est
insupportable aujourd’hui,àmoins qu’onneluirende sonsous-texte : l’auteurétaitd’autant plusduravec le fanatisme du
prophète del’islam qu’ilétait trèsdangereux del’être contre celuideschrétiens.
De grands voltairiens expliquent aussiqu’ilestanachronique deparler d’« antisémitisme » àpropos desLumières.
La notion estdu xixe
siècle.
Onferait mieux deparler d’« antijudaïsme », c’est-à-diredehaine d’une religion, et
non d’une communauté considéréecommeune« race », celanuance leschoses.
Peuimporte.
Entant quetelles,
d’innombrables phrasesécritesparVoltaire sontdevenues illisibles.Celaneconcerne passeulement lesJuifs.
Ona
cité seshorreurs surladémocratie.
Onpeut entrouver d’autres, plusterribles encore,surlesNoirs.
Pourcontrer,
une foisencore, lerécit biblique delaGenèse, notrephilosophe était polygéniste ,
c’est-à-dire intimement
persuadé quelesNoirs etles Blancs nedescendaient pasdumême couple etn’étaient doncpasdelamême
espèce, postulat aussifauxqu’intolérable.
Qu’est-ce quecela signifie ? Toutsimplement queVoltaire était,comme toutautre, englué danslespréjugés de
son temps.
Ilen acombattu beaucoup.
Commen’importe quelindividu vivantàn’importe quelleépoque, ilen a
conforté d’autres.
Ilfaut sesouvenir toutefois d’unechose quichange tout.Ennous montrant qu’iln’existait pas
de vérité révélée, maisquelavérité étaitunbut ultime quinepouvait sedévoiler quepeu àpeu, ilest lepremier à
nous avoir donné lesoutils intellectuels quinous permettent deremettre encause lespréjugés.
Lescatholiques de
son époque nedisaient pasmoins debêtises surlesJuifs, lesNoirs, lareligion.
S’ilsavaient triomphé etréussi à
faire taire àjamais touteparole critique, lesJuifs d’aujourd’hui vivraienttoujoursdansdesghettos, lesprotestants
continueraient deramer auxgalères, lesesclaves n’auraient toujours,pourseconsoler dufouet, quelessermons
de braves curésleurenseignant quelavraie liberté n’estpasdecemonde..
»
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