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crime ne peut être caché au regard de Dieu, Il tolère que les crimes puissent même être commis).

Publié le 06/01/2014

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crime ne peut être caché au regard de Dieu, Il tolère que les crimes puissent même être commis). Pour bien des gens, il sera difficile de ne pas préférer cette ancienne lecture, parce qu'elle suggère que, rétrospectivement du moins, Caïn comprend que, aussi loin qu'il aille dans les champs apparemment lointains et dans les endroits cachés, le criminel sera toujours vu du regard de Dieu.     Une autre maison m'avait préoccupé au cours de notre voyage. Cette maison, qui est située à Striy, anciennement Stryj, la petite ville entre L'viv et Bolechow, était toujours debout. Le problème était de la trouver. Elle avait appartenu à Mme Begley, la mère de mon ami, qui ne cessait de corriger ma façon de prononcer les noms des villes polonaises. En dépit de mon mauvais accent polonais, elle avait été cependant intriguée par mon intérêt pour son monde disparu et, peu après cette première rencontre, Mme Begley m'avait invité à boire le thé dans son appartement de l'Upper East Side Au départ, elle avait paru sceptique quant à l'intensité de mon intérêt, mais rapidement elle m'a montré des choses : de vieilles photographies, le livre Yizkor de Stryj. Ce n'est pas une femme sentimentale - lorsqu'elle m'a dit de ne rien apporter, lors de cette première invitation à venir boire le thé, en janvier 2000, et que j'ai apporté un bouquet de fleurs, elle a eu l'air positivement ennuyée ; ou du moins c'est ce que j'ai cru alors, moi qui n'avais pas encore appris à lire les signaux compliqués qu'elle émettait - mais elle a pleuré, un tout petit peu, ce samedi après-midi-là chez elle, lorsqu'elle m'a montré le livre Yizkor. Dix-sept ans, a-t-elle dit, à la fois gênée et agacée par ses larmes, en me montrant une photo un peu floue d'un garçon disparu - un neveu, un cousin, je n'arrive plus à me souvenir à présent. Il avait dix-sept ans, il a failli s'en sortir. Puis elle a eu un geste d'impatience et m'a fait asseoir à la table, avec la belle nappe blanche et l'assiette de condiments, le plateau de pain noir en tranches et de saumon fumé, et le plat blanc avec l'assortiment de pâtisseries et de gâteaux secs. Sa bonne, Ella, une Polonaise blonde et affable, d'une cinquantaine d'années peut-être, s'est approchée nerveusement avec une théière à la main. Vous n'auriez pas dû vous donner tant de peine, Madame Begley ! en disant ces mots, j'ai soudain eu l'impression d'avoir douze ans et de répéter avec application les politesses apprises pendant mon enfance à Long Island. Elle m'a jeté un regard qui n'avait rien d'adorable. Que voulez-vous que je fasse ? a-t-elle dit sur un ton qui était un mélange d'irritation et d'indulgence. Je suis une vieille dame, polonaise et juive. C'est comme ça. J'ai mangé le saumon, les gâteaux secs. Et cela a duré pendant les quelques mois qui ont suivi. Il y avait quelque chose de très formel, presque rituel, dans ces visites ; récemment encore, elle refusait de m'appeler autrement que Monsieur Mendelsohn. Le téléphone sonnait et une voix disait, Monsieur Mendelsohn, pourquoi ne venez-vous pas prendre le thé la semaine prochaine, vendredi vous conviendrait, oui, vendredi, d'accord, à vendredi donc. Quand j'arrivais, elle m'attendait dans la petite entrée, bien droite et élégante dans une de ses robes d'hôtesse en velours  bleu nuit qu'elle affectionnait. Je présentais les fleurs que j'avais apportées et, les ignorant, elle préférait me serrer la main et dire, pendant qu'Ella me débarrassait des fleurs, Venez manger quelque chose. Nous traversions lentement l'entrée jusqu'à la salle à manger et là, nous mangions le saumon et les gâteaux secs, nous buvions le thé, qui était, en fonction de la saison, chaud ou glacé, et nous parlions de mes enfants ou de ses enfants et petits-enfants, et arrière-petits-enfants. Parfois, après cette collation, nous passions dans la salle de séjour avec ses douzaines de photographies encadrées de son fils et de ses enfants et petits-enfants, avec son sofa profond et ses fleurs fraîches, avec cette atmosphère légèrement confinée des pièces où il n'y a pas beaucoup de mouvement rapide, une atmosphère de contemplation plutôt que d'action, une atmosphère de musée ou de mémorial, et elle s'asseyait dans le coin dans son imposant fauteuil à grand dossier et je restais perché sur le bord du sofa, profond et mou, et nous parlions encore un peu. Puis, peu de temps après, elle prenait sa canne et, en se levant comme le font les reines ou les Premiers ministres pour indiquer gentiment mais fermement que l'audience est à présent terminée, elle disait, Hé bien, maintenant, au revoir et merci. Elle me présentait sa main noueuse, parcheminée et fraîche, comme le ferait une impératrice détrônée avec un membre de sa cour qui l'aurait connue avant la révolution, et je m'en allais. A l'époque où ces visites avaient lieu, mon grand-père, dont les histoires, les secrets et les mensonges à préserver, à découvrir et à démêler, ont occupé une bonne partie de ma vie, était mort depuis un quart de siècle, et avec lui tous les autres. Et à présent j'étais là, à prendre le thé tous les mois avec cette femme, née seulement huit ans après mon grand-père, qui était donc de sa génération et de sa culture. C'est pourquoi j'ai ressenti, lorsque j'ai commencé à rendre visite à Mme Begley, que quelque chose m'avait été rendu de façon inattendue, que j'avais un peu triché avec la mort, tout comme elle l'avait fait. L'époque où ces vieux Juifs, qui m'avaient entouré quand j'étais un petit garçon et qui savaient, semble-t-il, tant de choses que j'avais besoin de connaître aujourd'hui, étaient vivants me manquait tellement. Cette fois, je me l'étais dit dans les premiers mois de ma rencontre avec Mme Begley, au début du nouveau millénaire, je ne laisserais rien passer, je serais conscient de chaque mot prononcé, je n'oublierais rien. En la connaissant, avais-je pensé, j'opérerais une réparation pour tous les autres que j'avais ignorés, à cause de ma jeunesse et de ma stupidité, ou des deux. Et donc, juste avant mon départ pour l'Ukraine, en cet été 2001, je lui avais promis que nous irions à Striy pour retrouver sa maison. Une semaine environ avant de retrouver mes frères et ma soeur à Kennedy Airport, je suis allé la voir à son appartement. Elle voulait me dire un certain nombre de choses avant que je parte, m'avait-elle dit un jour au téléphone. Je suis donc allé chez elle un vendredi. Elle était assise, raide comme un piquet, dans son fauteuil de la salle de séjour, dans sa robe de velours, la main posée sur sa canne. Nous allions parler affaires ce jour-là : il n'y avait que du thé glacé dans la salle de séjour pendant qu'elle me dictait les noms des endroits que je devais aller voir là-bas. Morszyn, m'a-t-elle dit, prononçant le nom d'une station thermale dont elle avait encore des brochures promotionnelles, en polonais et en français, vieilles de soixante ans. Skole. Puis, d'une main tremblant imperceptiblement, elle a dessiné sur une feuille de papier une carte destinée à m'indiquer l'endroit où se trouvait la maison où elle avait vécu quand elle était petite fille à Rzsezow, une petite ville à mi-chemin entre Cracovie et L'viv (j'ai la feuille de papier dans la main à l'instant). Ensuite, elle m'a fait noter l'adresse de la maison dans laquelle elle et son mari, puis son fils, mon ami, avaient vécu autrefois à Striy. Elle était assise là, austère, antique, se réjouissant de me dicter ces informations, et faisant semblant de ne pas être excitée. Devant la maison, nous avions les plus merveilleux lilas, avait-elle dit. Les plus merveilleux, vous ne pouvez pas imaginer. J'avais remarqué qu'elle disait souvent vous ne pouvez pas imaginer lorsqu'elle voulait évoquer un souvenir positif, plaisant, de son passé, comme s'il avait été inutile d'essayer d'ajouter des adjectifs plus concrets, plus descriptifs, pour ce qui avait été bien dans le passé puisqu'il avait entièrement disparu, après tout. Quand elle avait parlé des lilas, j'avais pris en silence la résolution de lui rapporter des fleurs de la maison où elle avait vécu, il y avait si longtemps. Ces fleurs-là, je m'étais dit, elle les accepterait. Le lendemain de notre première visite à Bolechow, le jour où nous étions retournés pour voir le cimetière, j'avais dit à Andrew, à Matt, à Jennifer et à Alex que je voulais vraiment m'arrêter à Striy. Au début, tout le monde s'est félicité du défi d'avoir à retrouver la maison de Mme Begley et, naturellement, il leur était impossible de résister à l'idée de faire cette faveur à une vieille dame juive, une survivante de l'Holocauste, vivant à New York (ils ne l'avaient pas rencontrée et ça m'amusait d'imaginer ce qu'ils auraient pensé s'ils avaient été confrontés à cette vieille dame singulière, si différente des vieilles expansives et adorantes que nous avions connues pendant notre enfance). Mais la quête a vite laissé place à la frustration. Le problème de cette maison était, en un certain sens, l'inverse de celui de la maison qui s'élève aujourd'hui à la place de la maison n° 141 à Bolechow. Là-bas, nous avions trouvé l'endroit, mais la maison elle-même avait été détruite - c'était le même endroit, mais la structure était différente. Ici, on nous disait que la maison était toujours debout - une grande maison sur l'avenue principale de la ville, tout le monde la connaissait - mais nous ne pouvions pas la trouver. Numéro cinq, rue du Trois-Mai, m'avait dit Mme Begley lorsqu'elle m'avait donné la liste des choses à voir en Galicie. Mais l'histoire, je l'ai appris, a un talent pour créer le chaos dans la géographie locale, et la rue du Trois-Mai avait changé de nom tant de fois qu'il était difficile de savoir quelles rues et quelles maisons sous nos yeux correspondaient aux rues et aux maisons sur la carte de Stryj d'avantguerre que nous avions réussi à nous procurer...     ... Nous nous étions procuré la carte de la manière suivante : lorsque j'ai dit à Alex que nous voulions nous arrêter à Striy, il nous a signalé qu'il y avait là quelqu'un que nous voudrions certainement rencontrer, compte tenu de nos intérêts -- Josef Feuer, connu de partout comme le dernier Juif de Striy. Le jour où nous avons passé tant de temps à chercher la maison de Mme Begley, Alex a fini par nous emmener dans un bloc d'appartements délabré dans les faubourgs de la ville, et nous avons gravi les escaliers en béton, froids et humides, qui conduisaient à l'appartement de Feuer. Le vieil homme, voûté mais digne, avec une petite barbe blanche et un air d'érudit, nous a fait signe d'entrer dans la pièce encombrée, et tous les quatre nous sommes entrés à petits pas et assis autour d'une table en bois au milieu de la pièce. Nous avons bavardé un moment avec Josef Feuer, qui nous a raconté, dans un mélange d'allemand, de yiddish et de russe, que j'ai essayé de traduire simultanément pour ma soeur et mes frères, l'histoire de sa survie, qui était semblable à celle d'Eli Rosenberg dont j'avais entendu parler un peu plus tôt dans l'année : après s'être échappé de justesse, il avait fui vers l'est, servi dans l'armée soviétique, avant de revenir vers une ville dévastée. Tout comme Rosenberg, Feuer s'était marié et était resté dans sa ville natale, mais à la différence de Rosenberg, il avait fait autre chose. Pendant que nous étions assis là à écouter son histoire, il était difficile de ne pas regarder bêtement autour de soi, car l'appartement avait été transformé en archives privées, en musée d'une culture éteinte, où Feuer avait lui-même assemblé tous les fragments de la vie juive perdue de Striy sur lesquels il avait pu mettre la main : vieux livres de prière, cartes, documents jaunis, enquêtes municipales, photos de gens qu'il avait connus et de bien d'autres qu'il n'avait pas connus, des cartons gonflés de ses correspondances en cours avec Yad Vashem ou le gouvernement allemand. C'est de ces archives poussiéreuses qu'il avait sorti, lorsque nous
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« serrer lamain etdire, pendant qu'Ellamedébarrassait desfleurs, Venezmanger quelque chose. Nous traversions lentementl'entréejusqu'àlasalle àmanger etlà, nous mangions lesaumon et les gâteaux secs,nous buvions lethé, quiétait, enfonction delasaison, chaudouglacé, etnous parlions demes enfants oudeses enfants etpetits-enfants, etarrière-petits-enfants.

Parfois, après cettecollation, nouspassions danslasalle deséjour avecsesdouzaines dephotographies encadrées deson filsetde ses enfants etpetits-enfants, avecsonsofa profond etses fleurs fraîches, aveccette atmosphère légèrementconfinéedespièces oùiln'y apas beaucoup de mouvement rapide,uneatmosphère decontemplation plutôtqued'action, uneatmosphère de musée oudemémorial, etelle s'asseyait danslecoin dans sonimposant fauteuilàgrand dossier etjerestais perché surlebord dusofa, profond etmou, etnous parlions encoreunpeu. Puis, peudetemps après,elleprenait sacanne et,enselevant comme lefont lesreines oules Premiers ministres pourindiquer gentiment maisfermement quel'audience estàprésent terminée, elledisait, Hé bien, maintenant, aurevoir etmerci.

Elle meprésentait samain noueuse, parcheminée etfraîche, commeleferait uneimpératrice détrônéeavecunmembre de sacour quil'aurait connue avantlarévolution, etjem'en allais. A l'époque oùces visites avaient lieu,mon grand-père, dontleshistoires, lessecrets etles mensonges àpréserver, àdécouvrir etàdémêler, ontoccupé unebonne partiedema vie, était mort depuis unquart desiècle, etavec luitous lesautres.

Etàprésent j'étaislà,àprendre le thé tous lesmois aveccette femme, néeseulement huitansaprès mongrand-père, quiétait donc desagénération etde saculture.

C'estpourquoi j'airessenti, lorsquej'aicommencé à rendre visiteàMme Begley, quequelque chosem'avait étérendu defaçon inattendue, que j'avais unpeu triché aveclamort, toutcomme ellel'avait fait.L'époque oùces vieux Juifs,qui m'avaient entouréquandj'étaisunpetit garçon etqui savaient, semble-t-il, tantdechoses que j'avais besoin deconnaître aujourd'hui, étaientvivantsmemanquait tellement.

Cettefois,je me l'étais ditdans lespremiers moisdema rencontre avecMme Begley, audébut dunouveau millénaire, jene laisserais rienpasser, jeserais conscient dechaque motprononcé, je n'oublierais rien.Enlaconnaissant, avais-jepensé,j'opérerais uneréparation pourtousles autres quej'avais ignorés, àcause dema jeunesse etde ma stupidité, oudes deux. Et donc, justeavant mondépart pourl'Ukraine, encet été 2001, jelui avais promis quenous irions àStriy pour retrouver samaison.

Unesemaine environavantderetrouver mesfrères et ma sœur àKennedy Airport,jesuis allélavoir àson appartement.

Ellevoulait medire un certain nombre dechoses avantquejeparte, m'avait-elle ditunjour autéléphone.

Jesuis donc allé chez elleunvendredi.

Elleétait assise, raidecomme unpiquet, danssonfauteuil delasalle de séjour, danssarobe develours, lamain posée sursacanne.

Nousallions parleraffaires ce jour-là :il n'y avait queduthé glacé danslasalle deséjour pendant qu'ellemedictait lesnoms des endroits quejedevais allervoirlà-bas.

Morszyn, m'a-t-elle dit,prononçant lenom d'une station thermale dontelleavait encore desbrochures promotionnelles, enpolonais eten français, vieillesdesoixante ans.

Skole.

Puis, d'une maintremblant imperceptiblement, ellea dessiné surune feuille depapier unecarte destinée àm'indiquer l'endroitoùsetrouvait la maison oùelle avait vécuquand elleétait petite filleàRzsezow, unepetite villeàmi-chemin entre Cracovie etL'viv (j'ailafeuille depapier danslamain àl'instant).

Ensuite,ellem'a fait noter l'adresse delamaison danslaquelle elleetson mari, puissonfils,mon ami,avaient vécu autrefois àStriy.

Elleétait assise là,austère, antique, seréjouissant deme dicter ces informations, etfaisant semblant dene pas être excitée. Devant lamaison, nousavions lesplus merveilleux lilas,avait-elle dit.Lesplus merveilleux, vous ne pouvez pasimaginer. J’avais remarqué qu'elledisaitsouvent vous nepouvez pasimaginer lorsqu'elle voulait. »

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